Cour administrative d'appel de Lyon, 2e chambre, du 17 novembre 1994, 93LY00704, inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision17 novembre 1994
Num93LY00704
JuridictionLyon
Formation2E CHAMBRE
RapporteurMme HAELVOET
CommissaireM. COURTIAL

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 10 mai 1993, présentée pour Mme X..., demeurant ..., par Me Y..., avocat ;
Mme X... demande à la cour :
1°) de réformer le jugement en date du 2 mars 1993 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de la décision du 3 mai 1988 par laquelle l'inspecteur d'Académie, directeur des services départementaux de l'Education Nationale des Bouches-du-Rhône, a maintenu l'ordre de reversement des traitements perçus durant la période comprise entre le 8 mai 1982 et le 11 décembre 1986 et, d'autre part, de la décision du 18 octobre 1988 par laquelle le ministre de l'Education Nationale a rejeté son recours hiérarchique contre ladite décision du 3 mai 1988 ;
2°) d'annuler les décisions susvisées du 3 mai 1988 et du 18 octobre 1988 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 59-244 du 4 février 1959 portant statut général des fonctionnaires ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 novembre 1994 :
- le rapport de Mme HAELVOET, conseiller ;
- et les conclusions de M. COURTIAL, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise médicale ordonnée par l'administration, que l'accident dont Mme X... a été victime, à l'occasion de ses fonctions, l'a rendue définitivement inapte à la reprise de son poste d'institutrice à compter du 8 mai 1982, date de consolidation de son état ; qu'après confirmation de cette inaptitude par le Comité médical départemental des Bouches-du-Rhône, la Commission de réforme entendit les observations de Mme X... lors d'une séance tenue le 1er décembre 1982 ; que, quatre années plus tard, et alors, d'une part, que ladite Commission ne s'était pas prononcée sur le cas qui lui avait été ainsi soumis et, d'autre part, que la requérante continuait à percevoir l'intégralité de ses traitements, l'administration sollicita une nouvelle expertise et saisit à nouveau la Commission de réforme, avant de reconnaître à l'intéressée, par arrêté du 11 décembre 1986, le droit à une pension de retraite pour invalidité avec effet au 8 mai 1982 ; qu'à la suite du recours formé contre cette dernière décision, le recteur de l'Académie d'Aix-Marseille a, aux termes d'un nouvel arrêté du 19 novembre 1987 annulant le précédent, admis d'office Mme X... à faire valoir ses droits à une pension de retraite pour invalidité résultant de l'exercice de ses fonctions, à compter du 11 décembre 1986 ; que, par décision du 3 mai 1988, l'inspecteur d'Académie, directeur des services départementaux de l'Education Nationale des Bouches-du-Rhône, a confirmé l'ordre de reversement des traitements perçus par la requérante entre le 8 mai 1982 et le 11 décembre 1986 pour service non fait ;
Sur les conclusions de l'appel de Mme X... :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L.27 du code des pensions civiles et militaires de retraite : "Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées, soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public ... peut être radié des cadres par anticipation, soit sur sa demande, soit d'office à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé ..." ; que selon les dispositions de l'article 36-2 de l'ordonnance 59-244 du 4 février 1959, reprises par l'article 34-2 de la loi 84-16 du 11 janvier 1984 : "Le fonctionnaire en activité a droit : 1° A un congé annuel avec traitement dont la durée est fixée par décret en Conseil d'Etat ; 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite ..." ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'un fonctionnaire atteint d'une inaptitude permanente à reprendre ses fonctions à la suite d'une incapacité résultant du service a droit au maintien intégral de ses rémunérations jusqu'à sa mise à la retraite, sans qu'il puisse lui y être opposée la règle de l'absence de service fait, à laquelle dérogent justement les dispositions susvisées de l'article 36-2 de l'ordonnance de 1959 et de l'article 34-2 de la loi de 1984 ; qu'ainsi, Mme X..., atteinte d'une invalidité liée au service depuis le 8 mai 1982 et admise, pour ce motif, à faire valoir ses droits à une pension de retraite à compter du 11 décembre 1986, comme il a été dit ci-dessus, pouvait prétendre au versement de la totalité de ses émoluments durant cette période ; que, par suite, la décision du 3 mai 1988 confirmant l'ordre de reversement des rémunérations perçues pour absence de service fait et la décision du 18 octobre 1988, rejetant le recours hiérarchique contre ladite décision du 3 mai 1988, sont illégales et doivent être annulées ; qu'il en résulte que Mme X... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a écarté ses conclusions en annulation desdites décisions ;
Considérant, en second lieu, que, dans sa requête, Mme X... se bornait à solliciter l'annulation des décisions susvisées ; que, dès lors, ses conclusions tendant au versement d'une indemnité de 20 000 francs à titre de dommages-intérêts, présentées après l'expiration du délai d'appel, constituent une demande nouvelle, irrecevable pour ce motif ;
Sur les conclusions de l'appel du ministre de l'Education Nationale :
Considérant, d'une part, qu'il ne résulte d'aucune pièce du dossier que Mme X... ait subi un quelconque préjudice moral du fait de la situation dans laquelle elle s'est trouvée durant les années en cause ou des agissements de l'Administration ; qu'ainsi, le ministre de l'Education Nationale, par son appel, regardé comme présenté à titre principal, est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a condamné l'Etat à verser, pour ce motif, une somme de 10 000 francs ;
Considérant, d'autre part, que les premiers juges n'ont pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel en condamnant l'Etat à verser à Mme X... une somme de 3 000 francs au titre des frais non compris dans les dépens ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, de condamner l'Etat à payer à Mme X... la somme de 5 000 francs ;
Article 1er : L'article 1 du jugement n° 88-2969 et 88-5278 en date du 2 mars 1993 du tribunal administratif de Marseille est annulé.
Article 2 : Les décisions du 3 mai 1988 de l'inspecteur d'Académie des Bouches-du-Rhône et du 18 octobre 1988 du ministre de l'Education Nationale sont annulées.
Article 3 : L'article 3 du jugement du 2 mars 1993 du tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 ci-dessus.
Article 4 : L'Etat versera à Mme X... une somme de 5 000 francs au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X... et du recours du ministre de l'Education Nationale est rejeté.