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CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 27/06/2025, 22MA02052, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner la commune de Valbonne à lui payer la somme de 856 943,69 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'accident dont il a été victime, le 21 août 2010, à la suite de la chute de la porte du funérarium communal. Le centre hospitalier universitaire (CHU) de Nice, par des conclusions reconventionnelles, a demandé au tribunal de condamner la commune de Valbonne à lui payer la somme de 182 342,64 euros en remboursement du versement de cette somme à M. D..., augmentée des intérêts et de leur capitalisation. La commune de Valbonne, par des conclusions reconventionnelles, a demandé au tribunal d'engager la responsabilité solidaire des sociétés Atelier Barani et Montanoa au titre de la garantie décennale. Par un jugement n° 1905067 du 24 mai 2022, le tribunal administratif de Nice a condamné la commune de Valbonne à payer la somme de 188 970,44 euros à M. D..., après déduction des provisions déjà versées, et celle de 182 342,64 euros au CHU de Nice, après déduction des provisions déjà versées, assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2020 et de leur capitalisation à compter du 27 janvier 2021 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date jusqu'au paiement de la somme due. Le tribunal a condamné les sociétés Atelier Barani et Montanoa à garantir, à parts égales, la commune de Valbonne à hauteur de 70 % des condamnations prononcées à son encontre. Le tribunal a mis les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 3 210 euros à la charge de la commune de Valbonne. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 juillet 2022 et le 27 mai 2024, M. D..., représenté par la SELARL cabinet Chas, agissant par Me Chas, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler le jugement du 24 mai 2022 du tribunal administratif de Nice en tant qu'il a fixé le montant de l'indemnisation des préjudices subis ; 2°) de condamner la commune de Valbonne à lui payer la somme de 656 457,74 euros, après déduction des provisions déjà versées d'un montant de 72 000 euros, en indemnisation de ses préjudices, évalués comme suit : - 160 euros au titre des dépenses de santé actuelles et frais divers ; - 88 945,04 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels ; - 22 250 euros au titre de l'assistance par tierce personne temporaire ; - 17 568 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ; - 10 000 euros au titre des souffrances endurées ; - 4 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ; - 15 115 euros au titre des dépenses de santé futures ; - 418 146,76 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs ; - 60 000 euros au titre de l'incidence professionnelle ; - 34 400 euros au titre de l'atteinte à l'intégrité physique et psychique ; - 20 000 euros au titre du préjudice d'agrément ; - 4 000 euros au titre du préjudice sexuel ; - 33 872,94 euros au titre des frais divers. 3°) de mettre à la charge de la commune de Valbonne la somme de 12 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; 4°) de condamner la commune de Valbonne aux entiers dépens et notamment aux frais d'expertise d'un montant de 4 010 euros. Il soutient que : - la responsabilité de la commune de Valbonne est engagée pour défaut d'entretien normal de la porte du funérarium communal ; - il a droit à l'indemnisation de ses préjudices comme détaillés ci-dessus. Par un mémoire, enregistré le 30 août 2022, la caisse primaire d'assurance maladie du Var informe la cour de ce qu'elle n'entend pas intervenir dans l'instance. Par des mémoires, enregistrés le 11 octobre 2023, le 30 avril 2024 et le 10 mars 2025, le centre hospitalier universitaire (CHU) de Nice, représenté Me Broc, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures : A titre principal : 1°) de faire droit à la demande d'infirmation du jugement formulée par M. D... concernant sa perte de revenus du fait du passage à demi-traitement à compter du 1er février 2020 ; 2°) de confirmer le jugement du tribunal administratif de Nice en ses autres dispositions ; 3°) de condamner la commune de Valbonne à lui payer la somme de 182 342,64 euros, après déduction des provisions déjà versées, selon décompte arrêté au 31 décembre 2019, assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2020 et de leur capitalisation à compter du 27 janvier 2021 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date jusqu'au paiement de la somme due ; 4°) de condamner la commune de Valbonne à lui payer la somme de 226 468,74 euros, selon décompte du 1er janvier 2020 au 28 février 2025, assortie des intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement de son premier mémoire pour la somme de 123 538,06 euros et à compter de l'enregistrement de ses deux autres mémoires pour le surplus et de leur capitalisation ; A titre subsidiaire : 5°) de condamner solidairement les sociétés Montanoa et Atelier Barani à lui payer la somme de 758 811,38 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation jusqu'au paiement de la somme due ; 6°) de mettre à la charge de la commune de Valbonne, de la société Montanoa et de la société Atelier Barani la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - les blessures de M. D... n'ayant pas été contractées en service, il ne pouvait pas le maintenir à plein traitement ; - M. D... était en mission lors de l'accident et a, dès lors, été pris en charge au titre de l'accident du travail ; - sa créance doit être actualisée postérieurement au 31 décembre 2019, jusqu'au 28 février 2025. Par un mémoire, enregistré le 27 mars 2024, la société Montanoa, représentée par Me Debette, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice en tant qu'il l'a condamnée à relever et garantir, avec la société Atelier Barani à proportion égales à hauteur de 70 % des condamnations prononcées, la commune de Valbonne ; 2°) de condamner la commune de Valbonne à lui rembourser les sommes déjà payées en vertu des décisions rendues ; 3°) subsidiairement, à l'infirmation du jugement du tribunal administratif de Nice en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à être relevée et garantie par la société Atelier Barani, concepteur de l'ouvrage litigieux et de condamner celle-ci à lui rembourser les sommes payées ; 4°) encore subsidiairement, si la cour confirmait le jugement en tant qu'il a retenu sa responsabilité : - de confirmer ce jugement en tant qu'il alloue à M. D... les sommes dues au titre des frais divers et dépenses de santé restés à charge, de l'assistance par une tierce personne, du déficit fonctionnel temporaire et de l'incidence professionnelle, du déficit fonctionnel permanent, et du préjudice sexuel et en tant qu'il rejette les demandes M. D... au titre des dépenses de santé futures, du préjudice d'agrément ; - d'infirmer ce jugement en tant qu'il a alloué à M. D... la somme de 82 003 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels, celle de 10 000 euros au titre des souffrances endurées, cette dernière devant être ramenée à 8 000 euros, celle de 3 500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, celle de 91 144,44 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs ; - d'infirmer ce jugement en tant qu'il l'a condamnée à payer la somme de 182 342,64 euros dont 35 % à sa charge après déduction des provisions versées ; - de rejeter la demande du CHU de Nice au titre du solde à recevoir chiffrée à la somme de 123 538,06 euros, des frais médicaux et pharmaceutiques ; - de condamner le CHU de Nice, en l'état des provisions trop versées, à lui rembourser la somme de 18 633,48 euros ; 5°) de rejeter les demandes de la commune de Valbonne et du CHU de Nice au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des dépens. Elle fait valoir que : Sur la responsabilité de la commune de Valbonne : - le défaut d'entretien normal de l'ouvrage incombant à la commune de Valbonne est à l'origine du préjudice subi par M. D... ; - la porte qui est un élément d'équipement, relève de la responsabilité biennale ; - l'appel en garantie de la commune de Valbonne n'est recevable qu'à l'égard de la société Atelier Barani qui a conçu l'ouvrage à l'origine de l'accident ; Sur les préjudices de M. D... : - le préjudice subi par M. D... n'a pas de lien direct avec les désordres relevés par l'expert ; - il n'est pas établi que les factures produites par M. D..., relatives aux dépenses de santé et frais divers, soient restées à sa charge ; - la perte de gains professionnels actuels n'est pas établie ; - le tribunal administratif de Nice a fait une exacte appréciation du montant alloué au titre de l'assistance par une tierce personne ; - il a fait une exacte appréciation du préjudice tiré du déficit fonctionnel temporaire ; - le montant alloué au titre des souffrances endurées ne saurait excéder 8 000 euros ; - le montant alloué au titre du préjudice esthétique temporaire est disproportionné ; - il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande de dépenses de santé future au titre des cures thermales ; - la perte de revenus alléguée au titre de la perte de gains professionnels futurs est sans lien directe avec l'accident survenu ; - M. D... ne fait état d'aucun élément concret et objectif sur une perte de gains professionnels postérieure à sa consolidation ; - il ne fait état d'aucun élément de nature à démontrer un préjudice tiré de la perte de vacations au titre de ses fonctions de pompier volontaire ; - les arrêts de travails postérieurs à la consolidation de l'état de santé de M. D... sont sans lien avec l'accident ; - le tribunal administratif de Nice a fait une exacte appréciation du montant alloué au titre de l'incidence professionnelle ; - il a fait une juste appréciation du montant alloué au titre du déficit fonctionnel permanent ; - il a fait une juste appréciation du montant alloué au titre du préjudice d'agrément ; - il a fait une juste appréciation du montant alloué au titre du préjudice sexuel ; - il a fait une juste appréciation du montant alloué au titre des frais divers ; Sur les demandes du CHU de Nice : - le CHU de Nice ne fait état d'aucun élément justifiant les frais médicaux et pharmaceutiques qu'il allègue avoir exposés. Par un mémoire, enregistré le 15 avril 2024, la commune de Valbonne, représentée par la SELURL Phelip, agissant par Me Phelip, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice ; 2°) de rejeter les demandes de M. D... et du CHU de Nice ; 3°) de condamner solidairement les sociétés Atelier Barani et Montanoa à la garantir de l'intégralité des condamnations qui seraient prononcées à son encontre ; 4°) à titre subsidiaire, de ramener le montant des condamnations à de plus justes proportions ; 5°) en tout état de cause, de condamner le CHU de Nice à lui rembourser la somme de 43 344,57 euros correspondant à un trop perçu ; 6°) de mettre à la charge solidaire des sociétés Atelier Barani et Montanoa la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : Sur sa responsabilité : - la chute de la porte a pour origine exclusive le défaut intrinsèque de celle-ci dont seuls les constructeurs devraient avoir à répondre ; - la société Montanoa reste exclusivement responsable, vis-à-vis de la commune de Valbonne, des prestations défectueuses accomplies au titre du marché ; Sur les préjudices de M. D... : - M. D... a certainement été indemnisé de l'ensemble de ses préjudices par ses employeurs ; - il n'établit pas qu'il n'aurait pas obtenu de remboursement de ses séances de rééducation, ni qu'il y a un lien entre celles-ci et l'accident ; - il n'établit pas qu'il ne peut plus réaliser l'entretien de son jardin, qui sont sans relation avec l'accident ; - il ne démontre pas que la franchise de sécurité sociale n'aurait pas été prise en charge par sa mutuelle ; - il ne démontre pas avoir réglé à son employeur les frais de reprographie ; - il ne produit aucune pièce établissant la réalité de l'assistance par une tierce personne qui lui aurait été fournie sur la période contestée ; - les pertes de gains professionnels ne sont pas justifiées dans leur principe et leur quantum ; - la somme allouée au titre des préjudices patrimoniaux permanents est excessive ; - la somme attribuée au titre des préjudices extrapatrimoniaux temporaires est totalement exorbitante ; - la somme allouée au titre du déficit fonctionnel permanent ne saurait excéder 25 000 euros ; - M. D... ne justifie pas de son préjudice d'agrément, la somme réclamée étant en tout état de cause exorbitante ; - il ne démontre pas avoir subi un préjudice sexuel ; Sur les demandes du CHU de Nice : - le CHU de Nice est irrecevable, en appel, à demander le paiement des sommes correspondant aux dépenses relatives aux années 2020 et 2021 dont le montant total s'élève à 50 675,03 euros ; - il n'existe pas de lien de causalité entre les salaires et charges réglées à compter du 1er février 2017 et l'accident subi par M. D... ; - les frais médicaux ne sauraient être considérés comme justifiés pour la somme de 91 099,26 euros. Par une lettre du 4 avril 2025, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour est susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions d'appel provoqué présentées par le centre hospitalier universitaire de Nice dont la situation n'est pas aggravée par l'issue réservée à l'appel principal. Par un mémoire, enregistré le 8 avril 2025, le centre hospitalier universitaire (CHU) de Nice, représenté Me Broc, a présenté ses observations en réponse au moyen d'ordre public. Il fait valoir que : - son appel provoqué est recevable à l'instar de celui des caisses de sécurité sociale sur le fondement de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ; - il doit pouvoir former appel à tout moment en reprenant sa demande de première instance, augmentée le cas échéant pour tenir compte des prestations nouvelles versées et des charges supportées depuis l'intervention du jugement. Par un mémoire, enregistré le 16 avril 2025, la société Montanoa, représentée par Me Debette, a présenté ses observations en réponse au moyen d'ordre public. Elle fait valoir que : - l'appel provoqué du CHU de Nice est irrecevable ; - les conclusions présentées par M. D... n'aggravent pas la situation du CHU de Nice. Par un mémoire, enregistré le 1er mai 2025, la société Atelier Barani, représentée par Me Dersy, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 24 mai 2022 en tant qu'il l'a condamnée à garantir, à part égale avec la société Montanoa, la commune de Valbonne à hauteur de 70 % des condamnations prononcées à son encontre ; 2°) de rejeter les conclusions formées par le CHU de Nice, la commune de Valbonne et toutes autres parties à son encontre ; 3°) subsidiairement, de ramener le montant des sommes allouées à M. D... à de plus justes proportions ; 4°) encore subsidiairement, de condamner solidairement la commune de Valbonne et la société Montanoa à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ; 5°) de mettre à la charge solidaire de tout succombant la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens. Elle fait valoir que : - les conclusions formées par le CHU de Nice à son encontre sont irrecevables car elles sont présentées pour la première fois en appel ; - ces conclusions sont prescrites car présentées pour la première fois au-delà du délai de prescription quadriennale ; - la responsabilité de la commune de Valbonne doit être engagée à l'encontre de M. D..., en sa qualité de propriétaire et donc de gardienne de l'ouvrage litigieux ainsi que du fait du manquement à ses obligations d'entretien de ce dernier ; - sa responsabilité, en sa qualité d'architecte, ne peut être engagée ; - subsidiairement, les préjudices dont M. D... demande l'indemnisation n'ont pas de lien direct et certain avec l'accident ; - encore subsidiairement, les conclusions présentées par le CHU de Nice à son encontre ne sont pas détaillées. Vu : - les autres pièces du dossier ; - l'ordonnance n° 1300796 du 26 juillet 2013 par laquelle le juge des référés du tribunal de Nice a condamné la commune de Valbonne à verser à M. D... la somme de 25 000 euros à titre de provision ; - l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille n° 13MA03303 du 19 juin 2014 condamnant la commune de Valbonne à verser au CHU de Nice la somme de 200 000 euros à titre de provision ; - l'ordonnance n° 1501456 du 12 novembre 2015 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nice a condamné la commune de Valbonne à verser à M. D... une provision complémentaire de 15 000 euros et au CHU de Nice une provision complémentaire de 80 000 euros ; - l'ordonnance n° 1801151 du 18 septembre 2018 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nice a condamné la commune de Valbonne à verser à M. D... une provision complémentaire de 32 000 euros et au CHU de Nice une provision complémentaire de 70 000 euros. Vu : - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - la loi n° 91-1389 du 31 décembre 1991 ; - la loi n° 96-370 du 3 mai 1996 ; - l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 ; - l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ; - le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le président de la cour a désigné Mme Rigaud, présidente assesseure de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222 26 du code de justice administrative, la formation de jugement. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Rigaud ; - les conclusions de M. Gautron, rapporteur public ; - les observations de Me Fernez, représentant M. D..., celles de Me Gillet, représentant le centre hospitalier universitaire de Nice, et celles de Me Bisson, substituant Me Dersy, représentant la société Atelier Barani. Considérant ce qui suit : 1. M. D..., alors qu'il était en mission dans le cadre de ses activités de sapeur-pompier volontaire avec son groupe d'intervention, parallèlement à ses fonctions d'infirmier au centre hospitalier universitaire (CHU) de Nice, a été victime de la chute du portail du funérarium municipal mis à leur disposition par la commune de Valbonne. En tentant de ralentir la chute du portail qui était en train de se dégonder et ne parvenant pas à le retenir, il a été écrasé sous le poids de ce portail coulissant de 700 kg. M. D... a été transporté au service des urgences du CHU de Nice où lui ont été diagnostiquées de multiples fractures au niveau du bassin. Après avoir été pris en charge par les services de réanimation puis de traumatologie du CHU de Nice, M. D... a été admis, du 6 septembre 2010 au 22 septembre 2010 au centre de rééducation spécialisé Hélio marin de Vallauris. Il relève appel du jugement du 24 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Nice a condamné la commune de Valbonne à lui payer la somme de 188 970,44 euros. Sur le bien-fondé du jugement : Sur la responsabilité de la commune de Valbonne : 2. Aux termes de l'article 1-5 de la loi du 3 mai 1996 relative au développement du volontariat dans les corps de sapeurs-pompiers : " Une protection sociale particulière est garantie au sapeur-pompier volontaire par la loi n° 91-1389 du 31 décembre 1991 relative à la protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires en cas d'accident survenu ou de maladie contractée en service. ". Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1991 relative à la protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires : " Le sapeur-pompier volontaire victime d'un accident survenu ou atteint d'une maladie contractée en service ou à l'occasion du service a droit, dans les conditions prévues par la présente loi : / 1° Sa vie durant, à la gratuité des frais médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques et accessoires ainsi que des frais de transport, d'hospitalisation et d'appareillage et, d'une façon générale, des frais de traitement, de réadaptation fonctionnelle et de rééducation professionnelle directement entraînés par cet accident ou cette maladie ; / 2° A une indemnité journalière compensant la perte de revenus qu'il subit pendant la période d'incapacité temporaire de travail ; / 3° A une allocation ou une rente en cas d'invalidité permanente. (...) ". Aux termes de l'article 19 de la même loi : " Les sapeurs-pompiers volontaires qui sont fonctionnaires, titulaires ou stagiaires, ou militaires bénéficient, en cas d'accident survenu ou de maladie contractée en service ou à l'occasion du service, du régime d'indemnisation fixé par les dispositions statutaires qui les régissent. / Les intéressés peuvent toutefois demander, dans un délai déterminé à compter de la date de l'accident ou de la première constatation médicale de la maladie, le bénéfice du régime d'indemnisation institué par la présente loi s'ils y ont intérêt. (...). ". L'article 20 de la même loi dispose que : " Aucun avantage supplémentaire ne peut être accordé par les collectivités locales et leurs établissements publics pour l'indemnisation des risques couverts par la présente loi. La présente loi s'applique à tous les sapeurs-pompiers volontaires, quel que soit le service dont ils dépendent ". 3. Ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les sapeurs-pompiers volontaires victimes d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle peuvent prétendre, au titre des préjudices liés aux pertes de revenus et à l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par cet accident ou cette maladie. Les dispositions du c de l'article 20 de la loi du 31 décembre 1991, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 31 juillet 1962 de finances rectificative pour 1962, desquelles elles sont issues, se bornent à exclure l'attribution d'avantages supplémentaires par les collectivités locales et leurs établissements publics au titre de cette réparation forfaitaire. Elles ne font, en revanche, pas obstacle à ce que le sapeur-pompier volontaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels obtienne de la personne publique auprès de laquelle il est engagé, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait. 4. En l'espèce, il résulte de l'instruction que M. D... n'a pas opté pour le régime d'indemnisation institué par la loi du 31 décembre 1991 relative à la protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires, comme le permet l'article 19 de cette loi. N'ayant pas opté pour ce régime d'indemnisation, il peut rechercher la responsabilité de la personne publique qu'il estime responsable de ses préjudices sur le fondement du défaut d'entretien normal en qualité d'usager de l'ouvrage public. 5. Il résulte de l'instruction que la commune de Valbonne a mis à la disposition du service départemental d'incendie et de secours, le local du funérarium municipal afin que les sapeurs-pompiers puissent s'y reposer et éventuellement y déjeuner. Dans ces conditions, M. D..., sapeur-pompier volontaire et agent du CHU de Nice, avait la qualité d'usager de l'ouvrage public dont le portail qui s'est effondré sur lui constitue un accessoire indispensable dès lors que son défaut rend impropre à sa destination ledit local. 6. Il appartient à l'usager d'un ouvrage public qui demande réparation d'un préjudice qu'il estime imputable à cet ouvrage de rapporter la preuve de l'existence d'un lien de causalité entre celui-ci et le préjudice invoqué. La collectivité en charge de l'ouvrage public ne peut être exonérée de l'obligation d'indemniser la victime qu'en rapportant, à son tour, la preuve soit que cet ouvrage faisait l'objet d'un entretien normal, soit que le dommage est imputable à une faute de la victime ou à un cas de force majeure. 7. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de M. A..., expert judiciaire nommé dans le cadre de la procédure pénale à laquelle a donné lieu l'accident survenu à M. D..., que la chute du portail est consécutive à la rupture des pièces métalliques de fixation et de roulement situées en partie haute et reliant l'ossature métallique du portail au rail horizontal. La commune de Valbonne fait valoir que l'origine de la chute du portail réside exclusivement dans des vices de conception et de pose de ce portail et que l'entretien de ce dernier était impossible. Selon l'expert judiciaire, la faiblesse initiale de la conception du portail est la cause première des ruptures ayant entraîné la chute du portail. Toutefois, la commune de Valbonne n'établit pas l'impossibilité qu'elle allègue d'avoir procédé à l'entretien de l'installation, conformément à la notice d'entretien dont elle a été destinataire après réception de l'ouvrage. L'expert précise qu'un entretien et des visites annuelles de routine auraient permis de déceler les anomalies et en particulier la rupture prématurée de l'axe du chariot central. La commune n'établit ainsi pas, comme il lui incombe pourtant, un entretien normal de l'ouvrage. C'est ainsi à bon droit que le tribunal administratif a retenu la responsabilité de la commune de Valbonne et l'obligation pour cette dernière de réparer les dommages affectant M. D.... Sur les préjudices : 8. Il résulte du rapport d'expertise du 3 juin 2019 que l'état de santé de M. D... peut être regardé comme consolidé le 21 août 2016. En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux temporaires : S'agissant des dépenses de santé actuelles : 9. M. D... demande le remboursement de séances d'actes de manipulations ostéopathiques à hauteur de 160 euros. Il résulte de l'instruction que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, le requérant justifie, en versant les factures correspondantes, s'être acquitté de frais, en lien avec son accident, d'un montant de 30 euros le 10 juin 2014 et le 23 février 2015, de 25 euros le 18 juin 2014, le 22 juillet 2014, le 2 septembre 2014 et le 1er décembre 2014. Il y a donc lieu de condamner la commune de Valbonne à verser au requérant la somme de 160 euros au titre des dépenses de santé actuelles restées à charge. S'agissant des frais divers : 10. M. D... demande le paiement des honoraires du médecin-conseil, des franchises de sécurité sociale restées à sa charge et des frais de dossier médical. Il résulte de l'instruction que le requérant justifie avoir exposé de frais d'honoraires du médecin-conseil pour un montant de 1 000 euros. Il produit également la facture consécutive à la demande de dossier médical qu'il a déposée préalablement au déroulement de l'expertise médicale de première instance. Il s'est acquitté de la somme de 72,94 euros de frais de reproduction et d'envoi postal des documents médicaux. Il convient ainsi de condamner la commune de Valbonne à verser la somme de 1 072,94 euros au requérant. S'agissant de l'assistance par une tierce personne : 11. Il résulte du rapport d'expertise que M. D... a eu besoin de l'assistance par une tierce personne à hauteur de 3 heures par jour sur la période du 23 septembre 2010 au 30 novembre 2010, puis de 2 heures par jour sur la période du 1er décembre 2010 au 1er juin 2011, et enfin d'1 heure par jour sur la période du 2 juin 2011 au 21 mars 2013. Il ne résulte pas de l'instruction que M. D... aurait perçu, au cours de la période, l'allocation personnalisée d'autonomie, la prestation de compensation de handicap ni même le crédit d'impôt prévu à l'article 199 sexdecies du code général des impôts. Sur la base d'un taux horaire moyen évalué à partir du salaire minimum interprofessionnel de croissance augmenté des charges sociales, qui s'établissait alors à 13 euros, et d'une année de 412 jours comprenant les congés payés et jours fériés, les frais au titre de l'aide d'une tierce personne sur cette période s'élèvent ainsi, comme l'ont justement retenu les premiers juges, à la somme de 18 078 euros. S'agissant de la perte de gains professionnels actuels : 12. Il résulte de l'instruction qu'entre la date de l'accident, le 21 août 2010, et celle de la consolidation de son état de santé, le 21 août 2016, M. D... a subi une perte de ses vacations de sapeur-pompier volontaire d'un montant mensuel de 755 euros. Ainsi, les premiers juges ont fait une exacte appréciation de ce chef de préjudice en allouant à M. D... la somme de 54 360 euros. 13. M. D..., titulaire du diplôme d'Etat d'infirmier depuis le 30 novembre 2009, était, depuis le 1er décembre 2009 et à la date de l'accident, détaché dans le grade d'infirmier de classe normale de catégorie B stagiaire au sein du CHU de Nice. Il résulte de l'instruction que le requérant n'a pu être titularisé dans son emploi, à l'issue de l'année de stage, qu'en raison de son état de santé résultant de l'accident survenu le 21 août 2010 et a ainsi perdu une chance sérieuse d'occuper l'emploi d'infirmier titulaire à compter du 1er décembre 2010. 14. Il résulte de l'instruction que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, M. D... a subi une perte de revenus, liée à l'absence de primes de service d'un montant total de 12 177,70 euros, et à l'absence des indemnités pour les dimanches, jours fériés et travail de nuit d'un montant de 18 387 euros. 15. Le requérant demande également l'indemnisation de la perte de revenus liée à l'absence d'évolution et de passage d'échelon. Il résulte de l'attestation produite par le CHU de Nice qu'en l'absence de l'accident du 21 août 2010, M. D... aurait été titularisé dans le grade d'infirmier catégorie B, au 7e échelon, le 1er décembre 2010. Il en résulte qu'il aurait dû être promu au 8e échelon à compter du 1er décembre 2013 et que cette promotion n'est pas intervenue. En conséquence, il a effectivement subi une perte de revenus liée à l'absence de passage d'échelon du fait de l'accident. Néanmoins, M. D... n'aurait pu prétendre qu'au passage au 8e échelon et non au grade supérieur, l'avancement de grade n'étant pas un droit pour l'agent public, tandis que le 9e échelon de son grade a été supprimé par arrêté du 19 mai 2016 relatif à l'échelonnement indiciaire applicable aux corps régis par le décret n° 88-1077 du 30 novembre 1988, applicable au 1er janvier 2017, soit avant une potentielle acquisition du 9e échelon par le requérant. Cette perte de revenus s'élève ainsi à la somme de 4 993,09 euros. 16. Par suite, il sera fait une exacte évaluation des pertes de gains professionnels actuels en évaluant ce préjudice à la somme totale de 89 917,79 euros. En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux permanents : S'agissant des dépenses de santé futures : 17. M. D... demande l'indemnisation des frais de cures thermales annuelles nécessaires au regard de son état de santé consécutif à l'accident du 21 août 2010 et pour un montant total de 15 000 euros. Il résulte du rapport d'expertise que le requérant peut être admis à la prise en charge d'une cure thermale dans un cadre rhumatologique sans qu'il ne soit établi de date à partir de laquelle il n'en aurait plus le besoin. A défaut, la demande de M. D..., limitée à dix ans de cure, est justifiée par les pièces médicales versées. Le forfait thermal dans le cadre d'un traitement rhumatologique est établi à 641,90 euros par avenant à la convention nationale organisant les rapports entre les caisses d'assurance maladie et les établissements thermaux. Il résulte également du rapport d'expertise que l'état de santé du requérant nécessite 40 séances de rééducation fonctionnelle annuelles pour une durée de trois ans, postérieurement à la consolidation. Une séance de kinésithérapie, en tarif conventionné de secteur 1, coûte 16,13 euros. Par conséquent, il sera fait une exacte appréciation de ce chef de préjudice en allouant à M. D... la somme de 8 354,60 euros. 18. Le rapport d'expertise du 3 juin 2019 prévoit des frais annexes au titre de l'achat d'un siège de bain et d'un réhausseur de WC au titre des préjudices patrimoniaux temporaires avant consolidation. M. D... ne produit cependant aucun élément de nature à justifier de l'achat d'un tel matériel. Par suite, il n'est pas fondé à demande une indemnisation à ce titre. S'agissant des frais d'entretien du jardin : 19. M. D... demande l'indemnisation des frais d'entretien du jardin de sa propriété pour un montant total de 32 400 euros. Il établit d'une part qu'il effectuait lui-même les travaux d'entretien de son jardin, et notamment d'élagage de la végétation, avant l'accident dont il a été victime en 2010, et d'autre part que ces travaux sont imposés par la copropriété dont relève son habitation afin que ses arbres n'empiètent pas sur les parties communes. Il résulte également de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise que l'état séquellaire de M. D... l'empêche désormais de réaliser lui-même ces travaux et que cet entretien nécessite l'intervention annuelle d'une société de jardinage pour procéder à l'élagage de ses arbres. M. D... établit, par les factures qu'il produit, s'être acquitté de la somme de 3 600 euros, au paiement de laquelle il convient de condamner la commune de Valbonne. Ce préjudice ne présente toutefois, pour l'avenir, pas de caractère certain de sorte que M. D... n'est pas fondé à en demander l'indemnisation. S'agissant de la perte de gains professionnels futurs : 20. M. D... évalue sa perte de gains professionnels futurs à 479 244,14 euros. Il résulte de l'instruction que M. D..., âgé de 55 ans à la date de la consolidation de son état de santé, pouvait exercer son activité de sapeur-pompier volontaire jusqu'à l'âge de 60 ans à partir duquel l'engagement de sapeur-pompier volontaire prend fin de plein droit. Les premiers juges ont retenu à bon droit la somme de 72 480 euros au titre de la perte des vacations de sapeur-pompier volontaire au motif qu'il a été déclaré définitivement inapte à toutes fonctions au sein des sapeurs-pompiers. 21. M. D... demande l'indemnisation d'une perte de pension au titre de son activité de sapeur-pompier. Si, à la lecture combinée des articles 5 et 11 du décret n°2017-912 du 9 mai 2017 relatif aux différentes prestations de fin de service allouées aux sapeurs-pompiers volontaires, il aurait pu prétendre au bénéfice d'une prestation de fidélisation et de reconnaissance, il est patent que celle-ci n'est toutefois ouverte qu'à partir d'au moins quinze ans d'ancienneté. Au moment de l'accident, le requérant, qui a commencé cette activité en 1997, n'avait que treize ans d'ancienneté. L'indemnisation de ce préjudice, qui ne revêt qu'un caractère hypothétique, sera, par suite rejetée. 22. M. D... présente également une demande d'indemnisation au titre des revenus qui lui seront versés à l'occasion de la liquidation de sa pension de retraite d'infirmier. Il résulte de l'instruction que l'intéressé n'a pas encore été admis à faire valoir ses droits à la retraite. Par suite, le préjudice allégué présente un caractère seulement éventuel et ne saurait donc donner lieu à réparation. 23. Le requérant se prévaut d'un préjudice lié à une perte de revenus résultant d'un passage à mi-traitement à compter du 1er février 2020. Aux termes des dispositions de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ". Les dispositions de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires s'applique au : " fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes ". Ainsi, M. D... ne pouvait prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 et conserver son plein traitement à la suite de l'accident du 21 août 2010. 24. Il résulte de l'instruction que M. D... a été détaché sur le poste d'infirmier de catégorie B le 1er décembre 2009 au 7e échelon. Il résulte de ce qui a été exposé aux points 13 et 15 que M. D... a perdu une chance sérieuse de passer au 8e échelon le 1er décembre 2013. En raison de l'accident du 21 août 2010, le requérant n'est passé au 8e échelon qu'au 1er janvier 2021. Le requérant peut ainsi obtenir la réparation du préjudice tiré du retard d'évolution et de passage d'échelon. Il résulte de la grille indiciaire du grade d'infirmier catégorie B que ce préjudice peut être évalué à la somme de 8 000,08 euros. En revanche, il n'est pas fondé à se prévaloir d'un préjudice résultant de l'absence de passage au grade supérieur, l'avancement de grade n'étant pas un droit pour l'agent public. Il résulte de ce qui précède que M. D... est fondé à demander la condamnation de la commune de Valbonne à lui verser la somme de 8 000,08 euros au titre de ce chef de préjudice. 25. Il résulte de l'instruction que le requérant a perçu, lors de son passage à demi-traitement à compter du 1er février 2020, un complément de revenu par le comité de gestion des œuvres sociales (CGOS). Contrairement à ce qu'il soutient, M. D... ne produit aucun élément de nature à établir qu'il n'a bénéficié de cette compensation que cinq mois par an. Par conséquent, il ne peut obtenir l'indemnisation que de la différence entre son salaire initial et les revenus qu'il percevait durant son congé longue maladie de la part du CHU de Nice et du CGOS entre le 1er mai 2020 et le 6 octobre 2022, date de début du congé pour invalidité temporaire imputable au service à partir duquel il a recommencé à bénéficier de son plein traitement. Par suite, le montant de ce chef de préjudice s'élève à 1 852,50 euros. 26. M. D... demande l'indemnisation de la perte de prime de service pour la période de 2017 jusqu'à l'âge de la retraite pour un montant total de 21 260,54 euros. Il résulte de l'instruction, notamment des attestations délivrées par le CHU de Nice au requérant qu'il n'a pu bénéficier de ses primes de services durant la période de 2011 à 2021 inclus du fait de l'arrêt de travail du 1er octobre 2010, lequel est en lien avec l'accident du 21 août 2010. Ainsi, M. D... est fondé à demander la réparation de la perte des primes pour la période de 2017 à 2021 inclus. Par suite, le montant total de ce chef de préjudice s'élève à 10 382,34 euros. 27. Il résulte de l'instruction que M. D... bénéficiait d'indemnités mensuelles au titre des services accomplis les dimanches, jours fériés et services de nuit s'élevant à 299,49 euros par mois pour la période du 21 août 2010 au 31 décembre 2014, de 301,41 euros par mois pour la période du 1er janvier 2015 au 30 juillet 2018 et la période du 1er août 2018 au 30 avril 2020. Par suite, le montant d'indemnisation de ce chef de préjudice s'élève à 34 962,02 euros. 28. Par suite, il sera fait une exacte évaluation des pertes de gains professionnels futurs en évaluant ce préjudice à la somme totale de 127 676,94 euros. En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux temporaires : S'agissant du déficit fonctionnel temporaire : 29. Il ressort du rapport d'expertise définitif que M. D... a présenté un déficit fonctionnel total du 21 août 2010 au 22 septembre 2010, de 75 % du 23 septembre 2010 au 30 novembre 2010, de 50 % du 1er décembre 2010 au 1er juin 2011, de 33 % du 2 juin 2011 au 21 mars 2013 et de 25 % du 22 mars 2013 au 20 août 2016, date de consolidation. Il sera fait une plus juste appréciation de ce chef de préjudice en allouant la somme de 11 600,90 euros. S'agissant des souffrances endurées : 30. Les souffrances endurées par M. D... ont été évaluées par l'expert à 4,5/7. En fixant l'indemnisation de ce préjudice à 10 000 euros, les premiers juges en ont fait une évaluation qui n'est ni insuffisante, ni excessive. S'agissant du préjudice esthétique temporaire : 31. Le préjudice esthétique temporaire a été évalué par l'expert à 3/7. Les premiers juges en ont fait une juste appréciation en allouant à M. D... la somme de 3 500 euros. En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux permanents : S'agissant du déficit fonctionnel permanent : 32. Les premiers juges ont fait une juste appréciation du montant de l'indemnisation du préjudice tiré du déficit fonctionnel permanent dont souffre M. D... depuis la consolidation de son état de santé, évalué à 20 %, en lui attribuant la somme de 30 000 euros. S'agissant de l'incidence professionnelle : 33. Il ressort du rapport d'expertise définitif déposé le 3 juin 2019 que M. D... est définitivement inapte à la pratique de la profession d'infirmier, ainsi qu'à l'activité de sapeur-pompier volontaire. Il demeure inapte à assumer toutes professions imposant la station debout et la marche prolongées et le port de charges lourdes. Par suite, les premiers juges ont fait une juste évaluation de ce préjudice en allouant la somme de 10 000 euros. S'agissant du préjudice d'agrément : 34. Il résulte de l'instruction que M. D... subit un préjudice d'agrément définitif concernant la pratique du canyoning, la conduite des véhicules tout terrain, motocross et bateaux, les randonnées en montagne et le jardinage. Il en sera fait une juste appréciation en lui allouant à ce titre la somme de 3 000 euros. S'agissant du préjudice sexuel : 35. Il résulte du rapport d'expertise médicale que M. D... souffre d'une gêne persistante lors des rapports sexuels, ainsi qu'une baisse de libido en rapport avec les troubles psychologiques présentés et traitement psychotrope y afférent. Ces troubles, consécutifs à l'accident du 21 août 2010, sont en lien direct avec celui-ci. Les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en allouant à M. D... la somme de 4 000 euros. 36. Il résulte de ce qui précède que la somme de 188 970,44 euros que la commune de Valbonne a été condamnée à payer à M. D... doit être portée à 320 961,17 euros. Sur les conclusions de la commune de Valbonne à l'encontre du CHU de Nice : 37. La commune de Valbonne demande la condamnation du CHU de Nice à lui payer la somme de 43 344,57 euros en remboursement d'un trop perçu en exécution du jugement attaqué. Il résulte toutefois de l'instruction que le congé de longue maladie et le congé de longue durée dont a bénéficié M. D... sont en lien direct avec l'accident dont il a été victime le 21 août 2010. Les conclusions de la commune de Valbonne doivent donc, en tout état de cause, être rejetées. Sur l'appel provoqué du CHU de Nice : 38. Un appel provoqué est recevable dès lors que l'appel principal est accueilli, que les conclusions ne soulèvent pas un litige distinct et que la décision rendue sur l'appel principal est susceptible d'aggraver la situation de l'auteur de l'appel provoqué. 39. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le présent arrêt, statuant sur l'appel principal de M. D..., dirigé contre l'article 1er du jugement attaqué en ce qu'il fixe le montant que la commune de Valbonne est condamnée à lui payer en réparation de ses préjudices, n'aggrave pas la situation du CHU de Nice, lequel n'est en outre pas fondé à se prévaloir du régime prévu par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale. Ses conclusions d'appel provoqué tendant à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il condamne la commune de Valbonne à lui payer les sommes correspondant aux salaires et charges patronales versés à M. D..., présentées après l'expiration du délai d'appel, sont donc irrecevables et doivent être rejetées. 40. Les conclusions du CHU de Nice dirigées contre les sociétés Montanoa et Atelier Barani, qui n'ont pas été soumises aux premiers juges, ont le caractère de conclusions nouvelles en appel et sont, par suite, irrecevables. Sur l'appel provoqué de la société Montanoa et de la société Atelier Barani : 41. Les sociétés Montanoa et Atelier Barani demandent que la responsabilité de la commune de Valbonne soit pleine et entière, d'infirmer le jugement rendu en ce qu'il les a condamnées à la relever et garantir à proportions égales à hauteur de 70 % des condamnations prononcées. Ces conclusions, présentées après l'expiration du délai d'appel ont le caractère d'appel provoqué. 42. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables. Il incombe au juge administratif, lorsqu'est recherchée devant lui la responsabilité décennale des constructeurs, d'apprécier, au vu de l'argumentation que lui soumettent les parties sur ce point, si les conditions d'engagement de cette responsabilité sont ou non réunies et d'en tirer les conséquences, le cas échéant d'office, pour l'ensemble des constructeurs. 43. Par ailleurs, la fin des rapports contractuels entre le maître d'ouvrage et l'entrepreneur, consécutive à la réception sans réserve d'un marché de travaux publics, fait obstacle à ce que, sauf clause contractuelle contraire, l'entrepreneur soit ultérieurement appelé en garantie par le maître d'ouvrage pour des dommages dont un tiers demande réparation à ce dernier, alors même que ces dommages n'étaient ni apparents ni connus à la date de la réception. Il n'en irait autrement que dans le cas où la réception n'aurait été acquise à l'entrepreneur qu'à la suite de manœuvres frauduleuses ou dolosives de sa part. Toutefois, si le dommage subi par le tiers trouve directement son origine dans des désordres affectant l'ouvrage objet du marché, la responsabilité de l'entrepreneur envers le maître d'ouvrage peut être recherchée sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs. 44. Il ressort du rapport de l'expert judicaire désigné dans le cadre de la procédure pénale que la principale cause de rupture des trois poulies, ayant entrainé la chute du portail, est due à la légèreté du système de fixation installé en partie haute, accentuée par l'utilisation de pièces métalliques facilement oxydables et par des sections insuffisantes au regard du poids et de la dimension du portail. Le métal constitutif des chariots ne présentait donc pas une résistance mécanique suffisante. Ce défaut de conception et de réalisation, auquel s'est ajouté un défaut d'entretien normal du système de coulissement, a rendu l'ouvrage impropre à sa destination. Dans ces conditions, la commune de Valbonne est fondée à appeler en garantie les sociétés Atelier Barani et Montanoa, chargées respectivement de la conception et de la réalisation du portail. 45. Dans ces conditions, et compte tenu de la part prise par les sociétés Montanoa et Atelier Barani dans la réalisation de l'ouvrage, le partage des responsabilités retenu par les premiers juges n'a pas lieu d'être modifié. Il y a donc lieu de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a condamné les sociétés Barani et Montanoa à garantir à parts égales la commune de Valbonne à hauteur de 70 % de la condamnation prononcée à l'encontre de cette dernière. L'appel en garantie formé par la société Montanoa à l'égard de la société Atelier Barani et celui formé par cette dernière contre la société Montanoa doivent donc être rejetés. Sur la déclaration d'arrêt commun : 46. La caisse primaire d'assurance maladie du Var a fait valoir devant la cour qu'elle n'entendait pas intervenir dans l'instance. La caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes, appelée à la cause, n'a formulé aucune prétention. Par suite, il y a lieu de leur déclarer le présent arrêt commun. Sur les conclusions de M. D... aux fins d'opposabilité du jugement : 47. Il résulte de l'instruction que la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes a été régulièrement appelée à présenter ses observations dans le cadre du présent litige. Par suite, le présent arrêt lui est opposable de ce seul fait. Sur la charge des frais d'expertise : 48. Dans les circonstances de l'espèce, les frais et honoraires d'expertise, liquidés et taxés à la somme totale de 3 210 euros sont laissés à la charge définitive de la commune de Valbonne. Sur les frais liés au litige : 49. Il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la commune de Valbonne la somme de 2 000 euros à payer à M. D... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce et en application des mêmes dispositions, il y a lieu de laisser à chacune des autres parties la charge des frais exposés et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : La somme de 188 970,44 euros que la commune de Valbonne a été condamnée à payer à M. D... par l'article 1er du jugement du 24 mai 2022 du tribunal administratif de Nice est portée à 320 961,17 euros, sous déduction des provisions déjà versées et détaillées dans les visas. Article 2 : Le présent arrêt est déclaré commun à la caisse primaire d'assurance maladie du Var et à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes. Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 24 mai 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 4 : La commune de Valbonne versera à M. D... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés totale de 3 210 euros sont laissés à la charge définitive de la commune de Valbonne. Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D..., au CHU de Nice, à la commune de Valbonne, au service départemental d'incendie et de secours des Alpes-Maritimes, à la société Atelier Barani, à la société Montanoa, à la caisse primaire d'assurance maladie du Var et à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes. Copie en sera adressée au Dr B... C..., expert. Délibéré après l'audience du 12 juin 2025 à laquelle siégeaient : - Mme Rigaud, présidente assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222 26 du code de justice administrative ; - M. Mahmouti, premier conseiller ; - M. Danveau, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 juin 2025. 2 N° 22MA02052
Cours administrative d'appel
Marseille
Conseil d'État, 2ème chambre, 26/06/2025, 489882, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : M. B... A... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris puis au tribunal administratif de Paris auquel a été transféré son recours d'annuler la décision du 19 novembre 2018 par laquelle le directeur de la caisse nationale militaire de sécurité sociale a refusé de prendre en charge sa demande d'appareillage auditif au titre de l'article L. 212-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et de la décision du 24 avril 2019 en tant que lui a été refusée la prise en charge de l'intégralité du coût de ses prothèses auditives. Par un jugement n° 1923752/5-3 du 15 décembre 2021, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 19 novembre 2018 et la décision du 24 avril 2019 et a condamné la caisse nationale militaire de sécurité sociale à lui rembourser les sommes qu'il a dû verser, sous déduction de celles déjà prises en charge le cas échéant par des organismes de sécurité sociale et de protection sociale complémentaire, avec intérêt au taux légal à compter du 19 novembre 2018 et capitalisation des intérêts à compter du 19 novembre 2019 puis à échéance annuelle. Par un arrêt n° 22PA00725 du 2 octobre 2023, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel formé par la caisse nationale militaire de sécurité sociale, annulé ce jugement et rejeté les conclusions de M. A.... Par un pourvoi enregistré le 4 décembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseillère d'Etat, - les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public, Vu la note en délibéré, enregistrée le 10 juin 2025, présentée par M. A... ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A..., titulaire d'une pension militaire d'invalidité, a sollicité la prise en charge de prothèses auditives sur le fondement de l'article L. 213-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Par une décision du 19 novembre 2018, le directeur de la caisse nationale militaire de sécurité sociale a refusé de faire droit à cette demande. Le 24 avril 2019, la caisse a informé M. A... qu'elle acceptait de prendre en charge partiellement le coût de ces prothèses. M. A... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 2 octobre 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de la caisse nationale militaire de sécurité sociale, annulé le jugement du 15 décembre 2021 du tribunal administratif de Paris qui avait annulé ces deux décisions. 2. L'article L. 212-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre dispose que : " Les invalides pensionnés au titre du présent code ont droit aux prestations médicales, paramédicales, chirurgicales et pharmaceutiques nécessitées par les infirmités qui donnent lieu à pension, en ce qui concerne exclusivement l'ensemble des séquelles résultant de la blessure ou de la maladie pensionnée (...) ". Aux termes de l'article L. 213-1 de code : " Les invalides pensionnés au titre du présent code ont droit aux appareils, produits et prestations nécessités par les infirmités qui ont motivé leur pension. Les appareils sont fournis, réparés et remplacés aux frais de l'Etat dans les conditions prévues par le présent code, tant que l'infirmité en cause nécessite l'appareillage (...) ". 3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A... a été pensionné par arrêté du 12 octobre 1998 à hauteur de 10 % pour " séquelles de traumatisme sonore avec perte de sélectivité. Hypoacousie bilatérale ", sa pension prenant en compte d'autres infirmités et ayant fait l'objet de révisions. Eu égard à l'hypoacousie dont souffre M. A..., en estimant que la pension accordée en 1998 à l'intéressé au titre de cette infirmité ne l'avait été que pour perte de sélectivité et non pour cette hypoacousie et en ne prenant pas en considération la mention du taux de " 10%+15 " dans le constat provisoire des droits à pension du 3 mars 2016 pour cette infirmité, lequel n'avait pas d'autre objet que l'application à cette troisième infirmité de la règle fixée à l'article L. 125-8 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre en cas d'infirmité multiples, la cour administrative d'appel n'a pas méconnu la portée des actes et documents du dossier. Par suite, elle n'a pas non plus commis d'erreur de droit en jugeant que M. A... n'avait pas droit à la prise en charge des frais de ces prothèses auditives sur le fondement des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 213-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. 4. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du tribunal administratif de Paris du 15 décembre 2021. D E C I D E : -------------- Article 1er : Le pourvoi de M. A... est rejeté. Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et à la caisse nationale militaire de sécurité sociale. Délibéré à l'issue de la séance du 5 juin 2025 où siégeaient : M. Nicolas Boulouis, président de chambre, présidant ; M. Jean-Yves Ollier, conseiller d'Etat et Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseillère d'Etat-rapporteure. Rendu le 26 juin 2025. Le président : Signé : M. Nicolas Boulouis La rapporteure : Signé : Mme Sophie-Caroline de Margerie La secrétaire : Signé : Mme Sandrine MendyECLI:FR:CECHS:2025:489882.20250626
Conseil d'Etat
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 25/06/2025, 24DA00614, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen, en premier lieu, de condamner le Nouvel Hôpital de Navarre à lui verser la somme de 33 552,58 euros en réparation des préjudices résultant de la faute tenant à l'illégalité entachant la décision de ne pas lui verser son plein traitement à compter du 13 mars 2018 jusqu'au 31 janvier 2022, en deuxième lieu, de condamner le Nouvel Hôpital de Navarre à lui verser la somme de 20 848 euros en réparation des préjudices résultant de l'accident de service dont elle a été victime le 27 novembre 2017, en troisième lieu, d'annuler le courrier du 23 février 2022 par lequel le Nouvel Hôpital de Navarre l'a informée de son intention de lui réclamer le remboursement d'un indu de rémunération de 7 383,79 euros et, en quatrième lieu, de prononcer la décharge de cette somme de 7 383,79 euros lui ayant été finalement réclamée par un titre exécutoire émis le 14 avril 2022. Par un jugement n° 2201198-2203296 du 20 février 2024, le tribunal administratif de Rouen a condamné le Nouvel Hôpital de Navarre à verser à Mme A... la somme de 15 160 euros en réparation de ses préjudices résultant de l'accident de service du 27 novembre 2017, a déchargé Mme A... du paiement de la somme de 7 383,79 euros lui étant réclamée par le Nouvel Hôpital de Navarre par un titre exécutoire émis le 14 avril 2022, a mis les frais et honoraires de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Rouen préalablement à l'introduction des demandes de Mme A..., taxés et liquidés à la somme de 1 200 euros, à la charge du Nouvel Hôpital de Navarre et a rejeté le surplus des conclusions de Mme A.... Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 mars 2024 et 7 novembre 2024, Mme A..., représentée par Me Gruau, demande à la cour : 1°) de porter la somme de 15 160 euros que le Nouvel Hôpital de Navarre a été condamné à lui verser en réparation de ses préjudices résultant de l'accident de service du 27 novembre 2017 à 20 848 euros ; 2°) de condamner en outre le Nouvel Hôpital de Navarre à lui verser la somme de 33 552,58 euros en réparation des préjudices résultant de l'illégalité fautive de la décision de ne pas lui verser son plein traitement à compter du 13 mars 2018 jusqu'au 31 janvier 2022 ; 3°) d'assortir ces condamnations des intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2021 ; 4°) de mettre à la charge du Nouvel Hôpital de Navarre une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la responsabilité du Nouvel Hôpital de Navarre est engagée à raison de la faute tenant à l'illégalité de sa décision de ne pas reconnaître l'imputabilité de ses arrêts de travail postérieurs au 13 mars 2018 à l'accident de service du 27 novembre 2017 et, par suite, de ne pas la maintenir à plein traitement ; - elle est fondée, en réparation des préjudices résultant de cette faute, à solliciter les indemnités suivantes : 32 052,58 euros au titre du préjudice financier qu'elle a subi, correspondant au montant des rémunérations dont elle a été indûment privée, et 1 500 euros au titre des troubles dans ses conditions d'existence ; - la responsabilité sans faute du Nouvel Hôpital de Navarre est engagée à raison de l'accident dont elle a été victime sur son lieu de travail le 27 novembre 2017 et qui a été reconnu imputable au service ; - elle est fondée, en réparation des préjudices personnels qu'elle a subis et qui n'ont pas été réparés dans le cadre du régime des accidents de service, à solliciter les indemnités suivantes : 1 248 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 15 600 euros au titre du déficit fonctionnel permanent et 4 000 euros au titre des souffrances endurées. Par des mémoires en défense, enregistrés les 7 octobre 2024 et 18 décembre 2024, le Nouvel Hôpital de Navarre, représenté par Me Abecassis, conclut : 1°) au rejet de la requête de Mme A... ; 2°) par la voie de l'appel incident, à ce que la somme de 15 160 euros qu'il a été condamné à verser à Mme A... en réparation de ses préjudices résultant de l'accident de service du 27 novembre 2017 soit ramenée à un maximum de 14 624 euros ; 3°) à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - les arrêts de travail de Mme A... postérieurs au 13 mars 2018 et son inaptitude définitive à tout poste de travail sont imputables à des pathologies préexistantes qui se sont aggravées et à de nouvelles affections ; il s'ensuit que c'est à bon droit qu'il a refusé de les reconnaître comme imputables au service et qu'il n'a pas maintenu le plein traitement de Mme A... ; sa responsabilité pour faute n'est, dès lors, pas engagée ; - à titre subsidiaire, l'indemnité à allouer à Mme A... au titre de ses pertes de revenus devrait être calculée sur le fondement de ses rémunérations mensuelles nettes et non brutes et en tenant compte de son admission à la retraite à compter du 19 mai 2021, soit un montant maximum de 20 243,20 euros ; en outre, Mme A... n'établit ni la réalité des troubles dans les conditions d'existence dont elle demande l'indemnisation, ni leur lien avec le fait dommageable dont elle se prévaut ; - les indemnités allouées au titre de sa responsabilité sans faute à raison de l'accident de service du 27 novembre 2017 et de la réparation des préjudices extrapatrimoniaux en découlant doivent être ramenées à de plus justes proportions, soit les sommes maximales de 624 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 12 500 euros au titre du déficit fonctionnel permanent et 1 500 euros au titre des souffrances endurées. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code civil ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Toutias, premier conseiller, - les conclusions de Mme Regnier, rapporteure publique, - et les observations de Me Abecassis, représentant le Nouvel Hôpital de Navarre. Considérant ce qui suit : 1. Mme B... A..., née le 26 mars 1967, est agente des services hospitaliers et titulaire de la fonction publique hospitalière. Elle a été recrutée par le Nouvel Hôpital de Navarre à Evreux en 2000. Le 27 novembre 2017, elle a été victime d'un accident durant son service. Cet accident a été reconnu comme imputable au service et ses arrêts de travail ont été pris en charge à ce titre jusqu'au 13 mars 2018. A compter de cette date, elle a été placée en congé de longue maladie puis en disponibilité d'office à compter du 14 mars 2021. Par une décision du 11 février 2022, elle a été admise à la retraite pour invalidité avec effet rétroactif au 19 mai 2021. Estimant que ses arrêts de travail postérieurs au 13 mars 2018 auraient dû être reconnus imputables à l'accident de service du 27 novembre 2017, Mme A... a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Rouen à fin d'ordonner une expertise médicale à ce sujet. Il a été fait droit à sa demande par une ordonnance n° 2004961 en date du 26 août 2021. Le rapport d'expertise médicale a été établi le 1er décembre 2021. Sur le fondement de celui-ci, Mme A... a saisi le Nouvelle Hôpital de Navarre, par un courrier daté du 30 décembre 2021, réceptionné le lendemain par les services de l'établissement, d'une demande préalable d'indemnisation au terme de laquelle elle a sollicité le versement d'une somme de 20 848 euros au titre de la réparation du dommage corporel résultant de l'accident de service du 27 novembre 2017 et une somme de 32 052,58 euros au titre de la réparation de la faute commise par l'établissement en refusant de reconnaître ses arrêts de travail postérieurs au 13 mars 2018 comme imputables au service. Cette demande n'ayant donné lieu à aucune réponse, elle a saisi le tribunal administratif de Rouen d'une requête indemnitaire aux mêmes fins, le 23 mars 2022, en portant seulement le montant de l'indemnisation sollicitée sur le fondement de la responsabilité fautive de l'établissement à 33 552,58 euros. Par le jugement du 20 février 2024, le tribunal administratif de Rouen a partiellement fait droit à sa demande indemnitaire sur le fondement de la responsabilité sans faute en condamnant le Nouvel Hôpital de Navarre à lui verser une somme de 15 160 euros mais il a rejeté sa demande indemnitaire sur le fondement de la responsabilité pour faute. Mme A... relève appel de ce jugement en tant qu'il lui est défavorable et réitère les demandes indemnitaires qu'elle avait présentées en première instance. Le Nouvel Hôpital de Navarre conclut au rejet de la requête d'appel de Mme A... et, par la voie de l'appel incident, demande que la somme de 15 160 euros qu'il a été condamné à verser à Mme A... soit ramenée à de plus justes proportions. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne le cadre juridique applicable : 2. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévus en application de l'article 42. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. / (...) / 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaires un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. L'intéressé conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / (...) / Les dispositions des deuxième, troisième et quatrième alinéas du 2° du présent article sont applicables aux congés de longue maladie ; (...) ". 3. D'une part, les dispositions et principes généraux, relatifs à l'obligation qui incombe aux employeurs publics de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions, ne font obstacle ni à ce que l'agent public qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de son employeur, même en l'absence de faute de celui-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre l'employeur, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait. 4. D'autre part, le droit, prévu par les dispositions précitées, d'un fonctionnaire hospitalier en congé de maladie à conserver l'intégralité de son traitement en cas de maladie provenant d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions est soumis à la condition que la maladie mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'accomplir son service soit en lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions. En ce qui concerne la responsabilité sans faute du Nouvel Hôpital de Navarre : S'agissant du principe de la responsabilité : 5. Il résulte de l'instruction que, le 27 novembre 2017, Mme A... a ressenti de vives douleurs dans le dos alors qu'elle tentait de maîtriser un patient agité. Elle a été placée en arrêt de travail en raison d'un " lumbago post-effort " et a bénéficié d'une prise en charge médicale associant traitement médicamenteux et kinésithérapie. Il est constant que cet accident a été reconnu comme un accident de service par décision du Nouvel Hôpital de Navarre et que les arrêts de travail ont tous été reconnus comme imputables au service jusqu'au 13 mars 2018. Il s'ensuit qu'en application des principes rappelés au point 3, Mme A... est fondée à rechercher la responsabilité sans faute du Nouvel Hôpital de Navarre à raison du dommage corporel résultant de cet accident de service. S'agissant de la réparation des préjudices de Mme A... : Quant au déficit fonctionnel temporaire : 6. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise médicale du 1er décembre 2021, que Mme A..., du fait du lumbago post-effort dont elle a souffert à la suite de l'accident du 27 novembre 2017, a subi un déficit fonctionnel temporaire coté par l'expert à 40 %, entre la date de l'accident, le 27 novembre 2017, et la date de consolidation de l'état de santé en résultant, fixée au 13 mars 2018, soit pendant 106 jours. Si Mme A... soutient que les séquelles qu'elle a conservées de l'accident sont également à l'origine de ses arrêts de travail postérieurs au 13 mars 2018 ainsi que de son inaptitude définitive à l'exercice de toute fonction, en revanche elle ne conteste pas l'appréciation de l'expert s'agissant de la date de consolidation de son état de santé résultant de l'accident. Le Nouvel Hôpital de Navarre, de son côté, ne conteste le déficit fonctionnel temporaire évalué par l'expert ni dans son principe, ni dans sa cotation. Il en résulte qu'en se fondant sur la période et la cotation retenues par l'expert et sur un montant de 15 euros par jour pour un déficit fonctionnel temporaire total, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par Mme A... en lui allouant une indemnité de 636 euros. Quant aux souffrances endurées : 7. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise médicale du 1er décembre 2021, que l'accident a causé à Mme A... un lumbago post-effort. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, elle a subi jusqu'à la consolidation de son état de santé, le 13 mars 2018, une limitation de ses capacités physiques de 40 %. Pendant cette période, elle n'a pas pu exercer ses activités professionnelles et a été astreinte au suivi d'un traitement médicamenteux et à des séances de kinésithérapie. Les souffrances ainsi endurées par Mme A... ont été qualifiées de légères par l'expert et évaluées à 2 sur une échelle de 1 à 7. Ni Mme A... ni le Nouvel Hôpital de Navarre ne contestent cette qualification et cette cotation. Dans ces conditions, et compte tenu en particulier de la période relativement brève séparant la date de l'accident de la date de la consolidation, il sera fait une juste appréciation des souffrances endurées par Mme A... en lui allouant une indemnité de 1 800 euros. Quant au déficit fonctionnel permanent : 8. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise médicale du 1er décembre 2021, que Mme A..., qui était âgée de 50 ans à la date de consolidation de son état de santé résultant de l'accident du 27 novembre 2017, a conservé un syndrome lombaire moyen. Il en résulte un déficit fonctionnel permanent, évalué par l'expert à 10 %, que Mme A... et le Nouvel Hôpital de Navarre ne contestent ni dans son principe ni dans sa cotation. Dans ces conditions, en tenant compte de la nature et du degré de gravité de ce déficit fonctionnel permanent ainsi que de l'âge qu'avait Mme A... à la date de la consolidation, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en lui allouant une indemnité de 13 300 euros. En ce qui concerne la responsabilité pour faute du Nouvel Hôpital de Navarre : 9. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, Mme A... a été victime sur son lieu de travail, le 27 novembre 2017, d'un accident à l'origine d'un lumbago post-effort, ayant notamment justifié un arrêt de travail. Toutefois, l'expert a retenu que l'état de santé de Mme A... résultant de cet accident devait être regardé comme consolidé à la date du 13 mars 2018, date à partir de laquelle son état lombaire a été stable et a été pris en charge par un traitement ne connaissant plus d'évolution particulière. Si l'expert retient que Mme A... a conservé de l'accident un syndrome lombaire moyen à l'origine d'un déficit fonctionnel permanent, celui-ci est coté à seulement 10 %. En outre, il résulte de l'instruction que Mme A... présentait, avant la survenue de l'accident, un lourd état antérieur de discopathies lombaires, qui avait déjà motivé un congé de longue maladie du 19 avril 2014 au 2 mars 2016, et qu'elle n'avait, depuis cette dernière date, pas pu reprendre ses activités professionnelles, de manière pérenne, à temps plein. Il résulte également de l'instruction qu'à compter de 2018, Mme A... a développé des pathologies nouvelles, telles qu'une fibromyalgie et une névralgie cervico-brachiale gauche, à l'origine de déficits fonctionnels permanents qu'un précédent expert avait, dans un rapport daté du 3 septembre 2020, coté à 10 % chacun. Il ne résulte pas de l'instruction, notamment du rapport d'expertise médicale du 1er décembre 2021, que l'accident du 27 novembre 2017 et les séquelles en résultant aient eu pour effet d'aggraver les pathologies préexistantes de Mme A... ou d'en modifier sensiblement le cours et l'évolution ou qu'ils puissent être à l'origine ou avoir favorisé l'apparition des nouvelles pathologies qu'elle a développées à compter de 2018. Enfin, il est constant qu'à compter du 13 mars 2018, les arrêts de travail présentés par Mme A... ne font plus mention de l'accident du 27 novembre 2017 et de ses suites. Dans ces conditions, il résulte de l'instruction que, même si l'accident du 27 novembre 2017 n'était pas survenu, l'évolution des pathologies préexistantes de Mme A... et l'apparition de ses nouvelles pathologies en 2018, les unes et les autres étant sans lien avec le service, l'auraient obligée à interrompre ses activités professionnelles et l'auraient rendue à elles-seules définitivement inapte à toute fonction. Il s'ensuit que c'est à raison que le Nouvel Hôpital de Navarre a considéré que les arrêts de travail de Mme A... postérieurs au 13 mars 2018 n'avaient pas de lien direct, même partiellement, avec l'accident du 27 novembre 2017 et qu'il a refusé de reconnaître leur imputabilité au service. C'est donc sans commettre de faute qu'il a pu placer Mme A... en congé de longue maladie à compter du 13 mars 2018 et qu'il l'a rémunérée à demi-traitement une fois que ses droits au maintien à plein traitement ont été épuisés. Mme A... n'est, dès lors, pas fondée à rechercher la responsabilité fautive du Nouvel Hôpital de Navarre. 10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est seulement fondée à rechercher la responsabilité sans faute du Nouvel Hôpital de Navarre à raison du dommage corporel résultant de l'accident de service dont elle a été victime le 27 novembre 2017 et que cet établissement doit, à ce titre, être condamné à lui verser une somme de 15 736 euros. Il s'ensuit qu'en appel, Mme A... est seulement fondée à demander la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a limité l'indemnisation mise à ce titre à la charge du Nouvel Hôpital de Navarre à la somme de 15 160 euros et à ce que celle-ci soit portée à la somme précitée. Ses conclusions d'appel doivent, dès lors, être accueillies dans cette seule mesure. Les conclusions d'appel incident du Nouvel Hôpital de Navarre, tendant à la minoration de la même somme, doivent, quant à elles, être rejetées. Sur les intérêts au taux légal : 11. Mme A... a droit aux intérêts au taux légal correspondant à l'indemnité de 15 736 euros à compter du 31 décembre 2021, date de réception de sa demande par le Nouvel Hôpital de Navarre. Sur les frais liés au litige : 12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le Nouvel Hôpital de Navarre demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de celui-ci une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La somme de 15 160 euros que le Nouvel Hôpital de Navarre a été condamné à verser à Mme A..., en réparation du dommage corporel résultant de l'accident de service dont elle a été victime le 27 novembre 2017, est portée à 15 736 euros (quinze-mille-sept-cent-trente-six euros) avec intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2021. Article 2 : Le jugement n° 2201198-2203296 du 20 février 2024 du tribunal administratif de Rouen est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : Le Nouvel Hôpital de Navarre versera à Mme A... une somme de 1 500 euros (mille-cinq-cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Les conclusions d'appel incident du Nouvel Hôpital de Navarre et celles qu'il présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au Nouvel Hôpital de Navarre. Délibéré après l'audience publique du 10 juin 2025 à laquelle siégeaient : - M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre, - M. Laurent Delahaye, président-assesseur, - M. Guillaume Toutias, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juin 2025. Le rapporteur, Signé : G. ToutiasLe président de chambre, Signé : B. Chevaldonnet La greffière, Signé : A.-S. Villette La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, Pour la greffière en chef, par délégation, La greffière 2 N°24DA00614
Cours administrative d'appel
Douai
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 25/06/2025, 24DA00306, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner le centre hospitalier isarien de Clermont de l'Oise à lui verser la somme de 11 900 euros en réparation des préjudices qu'il a subis à raison de l'accident de service dont il a été victime le 8 septembre 2011. Par un jugement n° 2200199 du 18 décembre 2023, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 février 2024 et 17 décembre 2024, M. A..., représenté par Me Rebourcet, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de condamner le centre hospitalier isarien de Clermont de l'Oise à lui verser la somme de 11 900 euros en réparation de ses préjudices ; 3°) de mettre à la charge du centre hospitalier isarien de Clermont de l'Oise une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - en opposant la prescription quadriennale à l'ensemble de ses demandes alors que le centre hospitalier isarien de Clermont de l'Oise ne l'avait invoquée qu'à l'encontre de sa demande portant sur les frais de suivi psychologique, les premiers juges ont soulevé d'office un moyen qui n'était pas d'ordre public et ont, ce faisant, entaché leur jugement d'irrégularité ; - ses créances ne sont en tout état de cause pas prescrites dès lors que son état de santé n'est consolidé que depuis le 31 juillet 2019 et que sa demande préalable d'indemnisation a été formée par un courrier du 19 octobre 2021 ; en outre, la prescription a été interrompue par la précédente procédure contentieuse qu'il avait engagée contre la décision du 31 août 2016 le plaçant en congé de maladie ordinaire à compter du 19 octobre 2015 ; - la responsabilité sans faute du centre hospitalier isarien de Clermont de l'Oise est engagée à raison des conséquences dommageables de l'accident de service dont il a été victime le 8 septembre 2011 ; - à titre subsidiaire, sa responsabilité est également engagée à raison de la faute qu'il a commise en s'abstenant de rechercher un reclassement conforme à l'inaptitude retenue par la commission de réforme et en le maintenant dans une position précaire ; - il est fondé à solliciter une indemnité de 8 000 euros au titre du préjudice moral qu'il a subi ainsi qu'une indemnité de 3 900 euros au titre des frais de suivi psychologique qu'il a engagés. Par des mémoires en défense, enregistrés les 7 novembre 2024 et 16 janvier 2025, le centre hospitalier isarien de Clermont de l'Oise, représenté par Me Lesné, conclut au rejet de la requête de M. A... et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à sa charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - dès lors qu'il avait explicitement invoqué le bénéfice de la prescription quadriennale, fût-ce uniquement au stade de l'examen du préjudice relatif aux frais de suivi psychologique, c'est sans entacher leur jugement d'irrégularité que les premiers juges ont pu opposer la prescription à M. A... pour l'intégralité de ses demandes ; - les créances dont se prévaut M. A... sont prescrites dès lors que la date de consolidation de son état de santé a été fixée au 19 octobre 2015 par la commission de réforme ; la circonstance que les dernières séquelles auraient été définitivement guéries le 31 juillet 2019 ne remet pas en cause cette date ; M. A... ne justifie pas d'une aggravation ultérieure de son état de santé ; la procédure juridictionnelle engagée en 2016 n'a pu interrompre la prescription dès lors qu'elle ne portait pas sur le fait générateur, l'existence ou le montant de la créance ; - s'il ne s'oppose pas à la mise en jeu de sa responsabilité sans faute au titre de l'accident de service dont M. A... a été victime le 8 septembre 2011, en revanche sa responsabilité fautive ne saurait être engagée ; en effet, il n'était pas tenu de rechercher le reclassement de M. A... dans un autre établissement ; il a fait tout son possible pour favoriser son retour en activité ; - le préjudice financier invoqué par M. A..., constitué par les frais de suivi psychologique, ne présente pas de caractère certain dès lors que M. A... ne justifie pas s'être effectivement acquitté des factures qu'il produit et que les frais sont restés définitivement à sa charge ; - le préjudice moral invoqué n'est ni établi ni en lien avec les faits dommageables sur lesquels la demande indemnitaire est fondée. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - le décret n° 89-376 du 8 juin 1989 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Toutias, premier conseiller, - et les conclusions de Mme Regnier, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., né le 14 août 1983, a été recruté par le centre hospitalier isarien de Clermont de l'Oise le 5 mars 2007. Le 8 mars 2008, il a été titularisé dans le corps des ouvriers professionnels qualifiés de la fonction publique hospitalière et affecté à l'atelier plomberie-couverture de l'établissement. Le 8 septembre 2011, il a été victime, sur son lieu de travail, d'une agression par un collègue, reconnue comme accident de service par une décision du directeur de l'établissement en date du 9 septembre 2011. Ses arrêts de travail motivés par le syndrome anxieux-dépressif réactionnel qu'il a développé ont été reconnus imputables au service jusqu'au 1er aout 2019, date à compter de laquelle il a été nommé par voie d'intégration directe au grade d'adjoint technique principal de 2ème classe de la fonction publique territoriale et affecté dans les services de la commune de Verneuil-en-Halatte. M. A... a demandé au centre hospitalier isarien de Clermont de l'Oise de l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis à raison de l'accident de service du 8 septembre 2011 par un courrier du 19 octobre 2021, réceptionné le lendemain par les services de l'établissement mais resté sans réponse. M. A... relève appel du jugement du 18 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier isarien de Clermont de l'Oise à lui verser une somme de 11 900 euros. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne l'exception de prescription quadriennale : 2. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : / (...) / Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ;Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. / (...) / Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée ". 3. En l'espèce, la requête présentée par M. A... tend au recouvrement de la créance indemnitaire qu'il estime détenir sur le centre hospitalier isarien de Clermont de l'Oise à raison du dommage corporel qu'il a subi du fait de l'accident de service dont il a été victime le 8 septembre 2011. Dans le cas d'une créance de cette nature, et pour l'application des dispositions citées au point précédent, le point de départ du délai de la prescription quadriennale est le premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les infirmités liées au dommage corporel en litige ont été consolidées. Il en est ainsi pour tous les postes de préjudice, aussi bien temporaires que permanents, qu'ils soient demeurés à la charge de la victime ou aient été réparés par un tiers, tel qu'un organisme de sécurité sociale, qui se trouve subrogé dans les droits de la victime. 4. Il résulte, tout d'abord, de l'instruction que, par un avis du 20 janvier 2016, la commission de réforme a considéré que les séquelles résultant de l'accident de service de M. A... devaient être regardées comme consolidées à la date du 19 octobre 2015 et comme étant à l'origine d'une incapacité permanente partielle de 15 %. La seule circonstance tirée de ce que l'arrêt de travail de M. A... a été prolongé jusqu'au 31 juillet 2019 ne suffit pas à remettre en cause la date de consolidation ainsi retenue. Notamment, les éléments médicaux qu'il apporte ne rendent pas compte d'une aggravation ou d'une évolution de son état de santé postérieurement à cette date. Au contraire, ils mentionnent que son suivi psychologique a pu être interrompu dès le mois de septembre 2016 et, à compter de cette même période, ils présentent même son état dépressif comme résultant davantage de son ressenti négatif par rapport à sa situation administrative que de l'agression initiale. Il s'ensuit que l'état de santé de M. A... résultant de l'accident de service du 8 septembre 2011 doit, pour l'appréciation de la prescription quadriennale selon les principes rappelés au point 3, être regardé comme consolidé à la date du 19 octobre 2015. 5. Toutefois, il résulte également de l'instruction que le 28 octobre 2016, avant que la prescription quadriennale ne soit acquise, M. A... a saisi le tribunal administratif d'Amiens d'une requête tendant à l'annulation de la décision du 31 août 2016 par laquelle le directeur du centre hospitalier isarien de Clermont de l'Oise avait interrompu la prise en charge de ses arrêts de travail au titre du régime de l'accident de service à compter du 19 octobre 2015 et l'avait placé en congé de maladie ordinaire. Un tel recours porte sur l'existence de la créance née dans le chef de l'établissement du fait du dommage corporel résultant de l'agression du 8 septembre 2011 imputable au service, pour l'ensemble des préjudices, y compris ceux que la prise en charge des arrêts de travail au titre du régime de l'accident de service n'a pas pour objet de réparer. Par application de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968 cité au point 2 du présent arrêt, l'exercice de ce recours a interrompu le cours de la prescription. Dès lors que la cour a rendu une décision définitive dans cette affaire par un arrêt n° 18DA02485 du 26 mai 2020, un nouveau délai a recommencé à courir le 1er janvier 2021. 6. Il résulte de ce qui précède qu'à la date du 19 octobre 2021 à laquelle M. A... a formé sa demande indemnitaire préalable auprès du centre hospitalier isarien de Clermont de l'Oise, la créance indemnitaire dont il poursuit le recouvrement n'était pas prescrite. L'exception de prescription quadriennale opposée en défense par le centre hospitalier isarien de Clermont de l'Oise doit, dès lors, être écartée. En ce qui concerne la responsabilité du centre hospitalier isarien de Clermont de l'Oise : 7. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) / 2° A des congés de maladie (...). / (...), si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. / (...) ". 8. Les dispositions et principes généraux, relatifs à l'obligation qui incombe aux employeurs publics de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions, ne font obstacle ni à ce que l'agent public qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de son employeur, même en l'absence de faute de celui-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre l'employeur, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait. 9. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, le 8 septembre 2011, M. A... a été victime, sur son lieu de travail, d'une agression par un collègue. Il a présenté des contusions au niveau du dos et du cou et a développé un syndrome anxio-dépressif réactionnel. Il a bénéficié d'arrêts de travail jusqu'au 1er août 2019. Il est constant que l'agression a été reconnue comme un accident de service par une décision du directeur de l'établissement en date du 9 septembre 2011 et que les arrêts de travail ont, en dernier lieu, tous été reconnus comme imputables au service. Il s'ensuit que M. A... est fondé à rechercher la responsabilité sans faute du centre hospitalier isarien de Clermont de l'Oise à raison du dommage corporel résultant de l'accident de service dont il a été victime le 8 septembre 2011. 10. En second lieu, il résulte de l'instruction, notamment des avis rendus par la commission de réforme et par le conseil médical départemental, que l'état de santé de M. A..., résultant de l'accident et des séquelles qu'il en a conservées, l'a seulement rendu inapte au poste qu'il occupait précédemment compte tenu des contacts qu'il implique avec son agresseur. En revanche, M. A... n'a été reconnu inapte ni aux fonctions qu'il occupait sur son précédent poste ni à celles que son corps et son grade lui confèrent une vocation à occuper. Le centre hospitalier isarien de Clermont de l'Oise a proposé deux postes à M. A..., les 17 avril 2015 et 31 octobre 2017, qui, contrairement à ce que soutient le requérant, tiennent compte de la nature de l'inaptitude reconnue dès lors qu'ils étaient localisés dans d'autres structures relevant de l'établissement et n'impliquaient pas des contacts quotidiens et permanents avec son agresseur. En outre, M. A... n'établit pas que les fonctions ainsi proposées n'étaient pas au nombre de celles que son statut d'ouvrier professionnel qualifié lui donne vocation à occuper. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que l'établissement se soit opposé ou ait fait obstacle à ses recherches de poste dans d'autres établissements. Il s'ensuit que M. A... n'est pas fondé à soutenir que le centre hospitalier isarien de Clermont de l'Oise aurait commis une faute dans le traitement de sa situation administrative en s'abstenant de lui proposer un reclassement et en le maintenant délibérément dans une situation de précarité et, par suite, à rechercher la responsabilité de l'établissement sur ce fondement. En ce qui concerne la réparation : S'agissant du préjudice moral : 11. Il résulte de l'instruction que M. A... a développé, dans les suites de l'accident de service du 8 septembre 2011, un syndrome anxio-dépressif réactionnel à l'origine d'une incapacité permanente partielle évaluée à 15 % par la commission de réforme dans un avis du 20 janvier 2016 ainsi que d'une interruption de ses activités professionnelles jusqu'au 31 juillet 2019. Dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par M. A... à raison de l'accident de service du 8 septembre 2011 en lui allouant une indemnité de 2 000 euros. S'agissant des frais de suivi psychologique : 12. Il résulte de l'instruction, notamment des rapports d'expertise médicale établis en marge des consultations de la commission de réforme et du comité médical départemental, que la prise en charge du syndrome anxio-dépressif réactionnel développé par M. A... à la suite de l'accident de service du 8 septembre 2011 a nécessité des consultations avec une psychologue jusqu'en septembre 2016. Il ne résulte pas de l'instruction que M. A... consultait un tel praticien avant la date du dommage. Dans le cadre de la présente instance, M. A... justifie, par les factures qu'il produit et les attestations de paiement établies par sa thérapeute, notamment celle du 2 avril 2016, des dates des séances ainsi que d'un coût global de 3 900 euros. Il ne résulte pas de l'instruction que M. A... aurait bénéficié d'une prise en charge par les organismes de sécurité sociale ou par sa complémentaire santé. Il s'ensuit qu'il sera fait une exacte évaluation du préjudice financier qu'il a subi en lui allouant une indemnité de 3 900 euros. 13. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier isarien de Clermont de l'Oise doit être condamné à verser à M. A..., au titre de la réparation du dommage corporel qu'il a subi à raison de l'accident de service du 8 septembre 2011, une somme totale de 5 900 euros. Il s'ensuit que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande et que, sans qu'il soit même besoin de statuer sur la régularité de ce jugement, il est fondé à en demander l'annulation ainsi que la condamnation du centre hospitalier isarien de Clermont de l'Oise à lui verser la somme précitée. Sur les frais liés au litige : 14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le centre hospitalier isarien de Clermont de l'Oise demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de celui-ci la somme de 2 000 euros que M. A... demande au même titre. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2200199 du 18 décembre 2023 du tribunal administratif d'Amiens est annulé. Article 2 : Le centre hospitalier isarien de Clermont de l'Oise est condamné à verser à M. A... la somme de 5 900 euros (cinq-mille-neuf-cents euros). Article 3 : Le centre hospitalier isarien de Clermont de l'Oise versera à M. A... une somme de 2 000 euros (deux-mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Les conclusions du centre hospitalier isarien de Clermont de l'Oise présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au centre hospitalier isarien de Clermont de l'Oise. Délibéré après l'audience publique du 10 juin 2025 à laquelle siégeaient : - M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre, - M. Laurent Delahaye, président-assesseur, - M. Guillaume Toutias, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juin 2025. Le rapporteur, Signé : G. ToutiasLe président de chambre, Signé : B. Chevaldonnet La greffière, Signé : A-S. Villette La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, Pour la greffière en chef, par délégation, La greffière 2 N°24DA00306
Cours administrative d'appel
Douai
CAA de MARSEILLE, 5ème chambre, 23/06/2025, 24MA02017, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 6 mai 2021 par laquelle la ministre des armées a rejeté le recours préalable obligatoire qu'il a formé le 3 décembre 2020 contre la décision du 2 octobre 2020 en tant qu'elle refuse de reconnaître l'imputabilité de sa pathologie au service, d'enjoindre à la ministre des armées de reconnaître le lien au service de l'affection dont il souffre et de prendre une décision d'attribution d'un congé de longue durée pour maladie en lien avec le service, dans un délai d'un mois et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, d'annuler l'arrêté du 30 mars 2021 portant radiation des contrôles d'office pour réforme définitive à compter du 2 avril 2021, d'enjoindre à la ministre des armées de procéder à la reconstitution de sa carrière et de mettre à la charge de l'État une somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 2105450 du 7 juin 2024, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête de M. D.... Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 29 juillet 2024 et 27 février 2025, ce mémoire n'ayant pas été communiqué, M. C... D..., représenté par Me Maumont, doit être regardé comme demandant à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il a rejeté ses conclusions afférentes à la décision du ministre des armées du 6 mai 2021 portant rejet de son recours administratif préalable obligatoire contre une décision du 2 octobre 2020, en ce qu'elle refuse de reconnaître le caractère imputable au service de sa maladie ; 2°) d'annuler ladite décision du 6 mai 2021 ; 3°) d'enjoindre au ministre des armées de reconnaître le lien avec le service de son affection, de prendre une décision d'attribution de congé de longue durée pour maladie en lien avec le service et de régulariser l'ensemble de sa situation ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 4 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision du 6 mai 2021 est insuffisamment motivée ; - l'administration s'est crue à tort liée par les avis de l'inspecteur du service de santé des armées et du comité supérieur médical ; - sa maladie est imputable au service ; il n'a commis aucune faute qui serait de nature à détacher la survenance de la maladie du service. Par un mémoire en défense enregistré le 12 février 2025, le ministre des armées conclut au rejet de la requête de M. D.... Il soutient que les moyens de la requête sont infondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la défense ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Vincent, - les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public, - et les observations de M. D.... Considérant ce qui suit : 1. M. D..., entré dans l'armée de terre à compter du 23 août 1995 et promu au grade d'adjudant-chef le 1er juillet 2013, a été affecté, à compter du 1er août 2016, au détachement de la légion étrangère de Mayotte en qualité de directeur délégué de la succursale de Dzaoudzi. Tandis que cette affectation était prévue pour une durée initiale de 3 ans, M. D... a été muté, à compter du 1er septembre 2017, au 1er régiment étranger à Aubagne. En raison d'un burn-out et de troubles dépressifs, M. D... a été placé en congé de maladie à compter du 4 octobre 2017 puis en congé de longue durée par périodes successives de 6 mois du 2 avril 2018 au 1er avril 2021, pour une affection considérée comme étant sans lien avec le service. M. D... a exercé, à l'encontre de la décision du 2 octobre 2020 constituant la 6ème prolongation dudit congé de longue durée, en tant que celle-ci ne reconnaissait pas l'imputabilité de sa maladie au service, un recours administratif préalable obligatoire enregistré le 3 décembre 2020 par la commission des recours des militaires. Par une décision du 6 mai 2021, le ministre des armées a rejeté ledit recours. Par ailleurs, l'intéressé a été radié des contrôles d'office pour réforme définitive à compter du 2 avril 2021 par un arrêté du 30 mars 2021. Par un jugement du 7 juin 2024, le tribunal administratif de Marseille a, d'une part, rejeté comme étant irrecevables les conclusions dirigées contre l'arrêté du 30 mars 2021 portant radiation des contrôles dès lors que celles-ci n'avaient pas été précédées du recours administratif préalable obligatoire devant la commission des recours des militaires et, d'autre part, rejeté comme infondées les conclusions dirigées contre la décision du 6 mai 2021. M. D... interjette appel de ce jugement en tant qu'il est afférent à la décision du 6 mai 2021 en ce qu'elle refuse de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L. 4138-12 du code de la défense dans sa rédaction alors applicable : " Le congé de longue durée pour maladie est attribué, après épuisement des droits de congé de maladie ou des droits du congé du blessé prévus aux articles L. 4138-3 et L. 4138-3-1, pour les affections dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat. / Lorsque l'affection survient du fait ou à l'occasion de l'exercice des fonctions ou à la suite de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, ce congé est d'une durée maximale de huit ans. Le militaire perçoit, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, sa rémunération pendant cinq ans, puis une rémunération réduite de moitié les trois années qui suivent. / Dans les autres cas, ce congé est d'une durée maximale de cinq ans et le militaire de carrière perçoit, dans les conditions définies par décret en Conseil d'Etat, sa rémunération pendant trois ans, puis une rémunération réduite de moitié les deux années qui suivent. Le militaire servant en vertu d'un contrat réunissant au moins trois ans de services militaires bénéficie de ce congé, pour lequel il perçoit sa rémunération pendant un an, puis une rémunération réduite de moitié les deux années qui suivent. Celui réunissant moins de trois ans de services militaires bénéficie de ce congé, non rémunéré, pendant une durée maximale d'un an (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 4138-47 du même code : " Le congé de longue durée pour maladie est la situation du militaire, qui est placé, au terme de ses droits à congé de maladie ou de ses droits à congé du blessé, dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions pour l'une des affections suivantes : 1° Affections cancéreuses ; 2° Déficit immunitaire grave et acquis ; 3° Troubles mentaux et du comportement présentant une évolution prolongée et dont le retentissement professionnel ou le traitement sont incompatibles avec le service ". 3. Une maladie contractée par un militaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel du militaire ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 4. En premier lieu, d'une part, il ressort des pièces du dossier que, dans le cadre de ses fonctions de directeur délégué de la succursale de Dzaoudzi, M. D..., tandis qu'il avait, dès sa prise de fonctions en août 2016, alerté sa hiérarchie sur l'existence de pratiques douteuses de la part du comptable de la succursale, a lui-même été suspecté de détournements de fonds publics et de faux en écritures comptables à compter du mois d'avril 2017 à la suite d'une visite d'assistance technique pour la migration d'un logiciel SIGMESS 2.0. Ces suspicions ont donné lieu, d'une part, à une enquête administrative et, d'autre part, à une enquête pénale avec garde à vue de l'intéressé en juin 2024, audition de sa compagne alors enceinte ainsi qu'à une perquisition de son bureau et de son domicile. Ces circonstances établissent que le contexte professionnel au détachement de la légion étrangère à Mayotte au cours des années 2016/2017 était particulièrement tendu et pathogène. Il ressort, d'autre part, des pièces du dossier et notamment des différents certificats établis par le Dr A..., psychiatre qui a suivi le requérant à compter d'octobre 2017 lors de son retour anticipé en métropole au terme d'une seule année au lieu des trois années initialement prévues, que M. D..., qui n'avait aucun antécédent d'ordre psychique ni aucun trouble de la personnalité, a présenté des troubles constitutifs d'un burn-out, d'un choc post-traumatique et, ensuite, d'une dépression, décrits comme étant consécutifs à des difficultés relationnelles au travail faisant suite à des accusations, ayant conduit à un épuisement considérable et à un état de détresse psychologique profonde. Il ressort également d'un rapport d'expertise établi par le Dr B..., psychiatre, dans le cadre d'une demande de pension d'invalidité présentée par M. D..., qui est certes postérieur à la décision attaquée mais qui fait état de faits antérieurs à celle-ci et peut donc être pris en compte à titre informatif, qu'il existe un faisceau d'arguments en faveur de l'imputabilité au service. Ledit rapport a d'ailleurs retenu un taux d'invalidité de 50 % entièrement imputable au service. Au regard de l'ensemble des éléments précités et en dépit de la circonstance que, par un avis en date du 21 octobre 2020, l'inspecteur du service de santé des armées et par un avis du 11 décembre 2019, le comité supérieur médical aient estimé que la maladie de l'intéressé ne présentait pas de lien avec le service, M. D... est fondé à soutenir, comme l'ont à juste titre relevé à cet égard les premiers juges, que sa maladie doit être regardée comme présentant un lien direct avec ses conditions de travail. 5. Toutefois, le ministre des armées fait valoir que M. D... aurait commis une faute consistant en des détournements de fonds et faux en écritures, qui serait la cause déterminante de la dégradation de ses conditions de travail. S'il résulte d'un rapport d'enquête administrative que M. D..., qui ne conteste pas ces faits précis qui ont donné lieu à la sanction disciplinaire de la rétrogradation le 9 mai 2019, aurait bénéficié de pratiques tarifaires afférentes à la vente de cigarette particulièrement avantageuses, il en résulte également que l'auteur des faits de détournements de fonds et faux en écritures est le comptable de la succursale et non M. D.... D'ailleurs, il ressort également des pièces du dossier que les plaintes déposées à l'encontre de ce dernier devant le parquet militaire du tribunal judiciaire de Paris et devant le tribunal judiciaire de Mamoudzou ont, toutes deux, été classées sans suite les 29 janvier 2019 et 19 novembre 2019 pour absence d'infraction. La seule circonstance que le requérant, qui a toujours au demeurant été excellement noté par sa hiérarchie et décrit comme un agent remarquable, loyal, franc et digne de la plus grande confiance, ait bénéficié de tarifs de vente de cigarettes avantageux, pour regrettable qu'elle soit et bien que constitutive d'une faute, ne saurait être toutefois regardée comme la cause déterminante de la dégradation de ses conditions de travail et, par suite, de sa pathologie. Il suit de là que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a estimé que ces agissements devaient conduire à détacher la survenance de la maladie du service. 6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, qu'il y a lieu d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 7 juin 2024 en tant qu'il est afférent à la décision du 6 mai 2021, ainsi que ladite décision en ce qu'elle refuse de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de M. D.... Sur les conclusions aux fins d'injonction : 7. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le ministre des armées reconnaisse l'imputabilité de l'affection présentée par M. D... au service et régularise sa situation administrative. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au ministre des armées de procéder à une telle reconnaissance et régularisation, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Sur les frais d'instance : 8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 2 000 euros qui sera versée à M. D... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D É C I D E : Article 1er : Le jugement n° 2105450 du tribunal administratif de Marseille du 7 juin 2024 est annulé en tant qu'il est afférent à la décision du 6 mai 2021. Article 2 : La décision du ministre des armées du 6 mai 2021 est annulée en tant qu'elle refuse de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de M. D.... Article 3 : Il est enjoint au ministre des armées de reconnaître l'imputabilité de l'affection de M. D... au service et de régulariser sa situation administrative dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 4 : L'Etat versera à M. D... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 4 juin 2025, où siégeaient : - M. Duchon-Doris, président de la Cour, - Mme Vincent, présidente assesseure, - Mme Poullain, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 juin 2025. N° 24MA02017 2 bb
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de LYON, 7ème chambre, 19/06/2025, 24LY02021, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner l'État à lui payer une indemnité d'un montant total de 43 614,24 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison d'un harcèlement moral. Par un jugement n° 2103563 du 13 juin 2024, le tribunal a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 juillet 2024 et 3 mars 2025, ce dernier n'ayant pas été communiqué, Mme B..., représentée par Me Yver, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de condamner l'État à lui verser la somme de 43 614,24 euros au titre de ses préjudices imputables à la situation de harcèlement dont elle a été victime par son supérieur hiérarchique entre 2012 et 2018 ; 3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 300 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - sa requête, suffisamment motivée, est recevable ; - elle a été victime de harcèlement moral ; en effet, elle a été l'objet de faits récurrents d'acharnement et de dénigrement de la part de son supérieur hiérarchique ; le tribunal a retenu l'annulation d'une visite médicale sans l'en informer, ainsi qu'une situation de dénigrement lors d'une réunion d'une quarantaine de personnes sur la conduite et le handicap, avec usage de termes inadaptés et vexatoires ; c'est à tort que le tribunal a écarté les autres agissements comme non constitutifs de faits de harcèlement, soit des manœuvres visant à minimiser les possibilités d'un avancement, une tentative de modification du compte-rendu de l'entretien professionnel au titre de l'année 2011, un refus de prise en compte d'une mission dont elle avait été chargée en mars 2012, le report du bilan de compétence prévu le 8 octobre 2013, le refus de lui octroyer quatre jours de repos compensateur par an, le refus d'autorisation de participer à des actions de formation, un tri effectué dans son bureau en son absence en 2015, un retard de 18 mois dans la mise à disposition du logiciel de pointage mis en place en juillet 2015, la mise à l'écart du service, notamment des réunions de travail, l'absence d'information sur le suivi des dossiers, une tentative pour modifier les dates d'un séjour en cure ; - ces faits ont été à l'origine de la dégradation de son état de santé, et notamment d'arrêts de travail continus pour syndrome anxiodépressif à compter du 10 décembre 2018 ; les différents experts médicaux ont reconnu un lien " direct unique et certain " avec son activité professionnelle, qu'il s'agisse de la pathologie initiale ou de la rechute survenue le 27 décembre 2021 ; elle ne présentait aucun antécédent ; les différentes pièces médicales produites au dossier démontrent cette dégradation ; le caractère professionnel de la pathologie a été reconnu ; - l'obligation de l'État employeur d'assurer la sécurité physique et mentale de ses agents a été méconnue ; une enquête administrative a été diligentée un an après son placement en arrêt de travail mais cette démarche a posteriori ne permet pas de considérer que tout a été mis en œuvre pour prévenir la réalisation du risque, alors que l'administration a été alertée par le médecin de prévention ; à tout le moins une responsabilité sans faute de l'État doit être retenue ; - à la date de l'introduction de sa demande indemnitaire préalable, et avant la rechute dont elle a été victime, son état de santé avait été déclaré consolidé ; sa demande n'était pas prématurée ; - elle a perdu le poste qu'elle exerçait ; elle a perdu le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) depuis le mois de février 2020, ainsi que 69,36 euros de NBI au titre de l'année 2019, soit un total de 1 264,29 euros à la date d'enregistrement de sa demande devant le tribunal ; elle a également perdu le bénéfice de l'indemnité de fonctions, sujétions et d'expertise (IFSE) depuis le mois de mars 2019 ; cette perte a été régularisée pour partie par le versement d'un montant de 10 814,69 euros, mais cette régularisation aurait dû atteindre 13 991,32 euros et elle est fondée à demander le solde de 3 176,63 euros ; - elle aurait dû être promue au grade de délégué depuis 2016 ; sa perte de chance d'être rémunérée à l'indice 642 depuis 2016 sera exactement réparée par le versement d'un montant de 22 173,32 euros nets ; - elle a été privée de la possibilité de passer le concours interne de délégué du permis de conduire et à la sécurité routière pour 2020, préjudice qui sera justement réparé par un montant de 2 000 euros ; - son préjudice moral sera justement réparé par un montant de 15 000 euros. Par un mémoire en défense enregistré le 14 février 2025, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - la requérante ne peut utilement soutenir que le tribunal aurait commis une erreur d'appréciation et d'interprétation des pièces et une erreur de droit pour contester le bien-fondé du jugement attaqué ; - il renvoie à ses écritures de première instance concernant les agissements de harcèlement moral que Mme B... indique avoir subis et la méconnaissance par l'administration de son obligation de sécurité physique et mentale ; au regard de ces éléments, aucune responsabilité pour faute ne pouvant être retenue, les demandes indemnitaires doivent être rejetées ; - s'agissant de la réparation de ses préjudices résultant de la maladie professionnelle qu'elle a présentée, en l'absence de faute, sa demande est prématurée dès lors que son état de santé n'est pas consolidé. Par une ordonnance du 14 février 2025, l'instruction a été close au 14 mars 2025. Par un courrier du 26 mai 2025, la cour a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, qu'elle est susceptible de faire application d'office de la jurisprudence du Conseil d'État Mme D... du 4 juillet 2004, n° 211106, laquelle prévoit qu'un fonctionnaire victime d'un accident de service ou atteint d'une maladie professionnelle à l'origine de dommages ne revêtant pas un caractère patrimonial, peut obtenir de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice. Mme B... a présenté des observations, enregistrées le 28 mai 2025, sur le moyen d'ordre public. Le ministre de l'intérieur a également présenté des observations, enregistrées le 3 juin 2025, sur le moyen d'ordre public. Il soutient que les préjudices extra patrimoniaux dont se prévaut Mme B..., en lien avec sa pathologie dont l'origine professionnelle a été reconnue, ne sont pas établis. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code général de la fonction publique ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - le décret n° 82-453 du 28 mai 1982 modifié relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique ; - le décret n° 2007-1470 du 15 octobre 2007 relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie des fonctionnaires ; - le décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 relatif aux conditions générales de l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l'État ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Boffy, première conseillère ; - les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ; - et les observations de Me Yver, pour Mme B... ; Considérant ce qui suit : 1. Mme C... B..., inspectrice des permis de conduire et de la sécurité routière, a été affectée à la direction départementale des territoires de l'Isère depuis le 2 janvier 2002 sur un poste d'adjointe au délégué à l'éducation routière. Du 10 décembre 2018 au 9 juin 2021, elle a été placée en congé de maladie en raison d'un syndrome anxiodépressif. Par un arrêté du 15 décembre 2020, son affection a été reconnue maladie professionnelle, avec comme date retenue de première constatation de la maladie le 15 novembre 2017. Ses arrêts de travail successifs ont été requalifiés en congé longue durée imputable au service du 10 décembre 2018 au 9 décembre 2019, puis en congé pour invalidité temporaire imputable au service du 10 décembre 2019 au 9 juin 2021. Après qu'elle a présenté une demande de mobilité en ce sens, elle a fait l'objet d'une mise à disposition à la préfecture de l'Isère à compter du 10 juin 2021 avant d'y être nommée chargée de la politique locale de sécurité routière à compter du 1er septembre 2021. Par une lettre du 15 février 2021, elle a demandé au ministre de l'intérieur le versement d'une indemnité en raison du harcèlement moral qu'elle estime avoir subi depuis l'arrivée d'un nouveau chef de service entre 2012 et 2018. Elle a demandé au tribunal administratif de Grenoble la condamnation de l'État à lui verser une indemnité d'un montant total de 43 614,24 euros en réparation de ses préjudices imputables à la situation de harcèlement qu'elle allègue. Par un jugement du 13 juin 2024 dont Mme B... relève appel, le tribunal a rejeté sa demande. Sur la régularité du jugement : 2. Eu égard à l'office du juge d'appel, qui est appelé à statuer, d'une part, sur la régularité de la décision des premiers juges et, d'autre part, sur le litige qui a été porté devant eux, les moyens tirés de ce que le tribunal administratif aurait commis une erreur d'appréciation et d'interprétation des pièces du dossier sont inopérants. Sur la responsabilité : En ce qui concerne le harcèlement moral : 3. Aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dans sa rédaction applicable au litige, devenu l'article L. 133-2 du code général de la fonction publique : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ". 4. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. 5. Enfin, pour être qualifiés de harcèlement moral, de tels faits répétés doivent excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors que la répétition de faits n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral. 6. En premier lieu, Mme B... se prévaut de manœuvres de la part de son supérieur direct en vue de limiter sa progression de carrière. Si elle indique que son supérieur hiérarchique direct, qui venait de prendre son poste de chef du bureau éducation routière en février 2012, a souhaité modifier la partie " bilan " du compte-rendu d'évaluation professionnelle (CREP) pour 2011, établie par son prédécesseur, d'une part, les pièces produites par l'intéressée ne permettent pas d'établir les points qui auraient été concernés, d'autre part, il apparaît que ce compte-rendu, au demeurant élogieux, n'a finalement pas été modifié. Le délai de transmission de ce CREP, certes de plusieurs mois, n'est ici pas de nature à révéler une volonté de nuire à l'agent. Par ailleurs, il n'est pas davantage établi que le délai pour lui proposer un bilan de compétence, initialement prévu le 8 octobre 2013 et qu'elle avait sollicité le 19 décembre 2012, résulterait d'un manque de diligence de la part de son supérieur ou d'une rétention de sa demande, le report de ce bilan au 27 novembre suivant résultant d'ailleurs d'une demande de Mme B..., qui " après concertation " avec son supérieur, souhaitait mieux s'y préparer. Si la requérante indique avoir dû intervenir directement auprès du directeur de la direction des territoires de l'Isère afin d'accéder à la première classe de son grade, aucun élément du dossier ne permet là encore d'établir que son supérieur aurait mis des freins à cette promotion d'une quelconque façon, alors d'ailleurs que le CREP pour 2012 mentionne ce souhait de l'agent et précise que l'intéressée a les compétences pour accéder à un poste supérieur. Le passage en première classe a d'ailleurs été obtenu le 1er janvier 2013. Mme B... indique enfin que son supérieur hiérarchique a systématiquement " omis " de remplir la partie concernant les aptitudes au management. S'il est vrai que cette partie des CREP pour les années 2012 à 2015 est vierge d'évaluation, toutefois, d'une part, la fiche de poste adjoint au délégué précise une " participation " à l'encadrement des agents et un encadrement des inspecteurs du permis de conduire et de la sécurité routière et agents " pour le compte " du délégué, d'autre part, les CREP sur ces années, tous élogieux, rappellent que Mme B... a effectué les missions de déléguée par intérim et qu'elle avait les capacités pour évoluer sur un poste supérieur et prendre davantage de responsabilités. Il ressort d'ailleurs des pièces du dossier que Mme B... a été proposée à la liste d'aptitude pour devenir déléguée au permis de conduire et à la sécurité routière (DPCSR), tous les ans de 2016 à 2020. Les CREP produits au dossier, que l'intéressée n'a jamais contestés et sur lesquelles elle n'a pas présenté d'observations, paraissent complets et précis et il ne peut être conclu que sa progression de carrière aurait été compromise par la manière dont son supérieur hiérarchique direct les aurait renseignés. Mme B... n'est par suite pas fondée à se prévaloir de manœuvres et agissements de son supérieur hiérarchique direct en vue de nuire à la progression de sa carrière. 7. En deuxième lieu, Mme B... soutient que son supérieur hiérarchique aurait refusé qu'elle participe à des formations, sans que ces refus répondent à des nécessités de service. Elle reconnaît cependant avoir bénéficié de seize jours de formation en six ans, soit entre deux à trois jours par an, le ministre, aux termes de ses écritures devant le tribunal, décomptant vingt jours de formation entre 2011 et 2017. En toute hypothèse, le rapport d'enquête administrative du 25 février 2020 indique que Mme B... a dans l'ensemble bénéficié de davantage de formations que la moyenne des agents de sa catégorie. Plus précisément, Mme B... se prévaut d'un refus pour une formation le 3 octobre 2013 sur la sensibilisation des risques routiers, opposé par un mail il est vrai très succinct : " il ne semble pas souhaitable que tu participes ". Un autre refus lui a été opposé pour une formation intitulée " apprendre à gérer son sommeil ", le 25 mars 2014, de 14 h à 16 h 30, le mail indiquant seulement : " je ne suis pas favorable à ta participation à cette conférence ". Au terme de ce dernier courriel cependant, il était demandé à l'intéressée d'effectuer un remplacement pour un examen ce même après-midi, ce qui pouvait relever d'une nécessité de service. S'il a également été refusé à Mme B... d'effectuer un stage " adjoint au délégué au permis de conduire et à la sécurité routière " du 29 janvier au 8 février 2018, ce refus émanait de l'adjoint au chef de la sécurité et risques, au motif que ce stage était réservé aux agents prenant leur poste, et en raison du caractère prioritaire d'une autre formation (gestion des publics difficiles et des incivilités). Ainsi, alors qu'il n'existe pas de droit acquis à effectuer telle ou telle formation, on ne décompte qu'un refus de formation, non justifié par l'intérêt du service, en six ans. Mme B... n'est pas fondée à soutenir que son supérieur hiérarchique aurait fait obstacle à ce qu'elle puisse poursuivre des formations au long des années. 8. En troisième lieu, Mme B... soutient que son supérieur direct l'aurait empêché d'assurer certaines missions et notamment l'aurait systématiquement évincée de son rôle d'adjointe. Elle indique ainsi qu'il n'aurait jamais reconnu la place de la mission " deux roues " qui lui avait été dévolue par lettre de mission en mars 2012, sur une quotité de travail de 20 %, ce qui aurait été à l'origine de sa renonciation à l'effectuer. Toutefois, elle n'apporte aucun élément de nature à établir qu'elle aurait démissionné de cette fonction, ainsi qu'il apparait aux termes du CREP pour 2013, du fait d'agissements de son supérieur. Par ailleurs, cette quotité de travail était bien renseignée aux termes de son CREP pour 2012. Elle se prévaut également de défauts de transmission d'informations concernant des dossiers à la charge de son supérieur. Toutefois, elle ne produit pour en justifier que deux mails, l'un du 9 juillet 2014, qui indique : " n'ayant pas d'information concernant les accords pris avec M. A... ", relativement à la situation de deux personnes roumaines évoquée par le GRETA, et un mail du 6 juillet 2017 aux termes duquel elle indique laisser " le soin à JL A... de traiter les dossiers en cours dont je ne dispose pas d'information ", éléments insuffisants pour établir une situation effective de rétention d'information. Si elle se plaint, au titre de l'éviction dont elle aurait fait l'objet, de n'avoir rencontré la secrétaire générale de la direction des territoires de l'Isère qu'en 2018, il ressort des échanges de mails produits en défense que cette rencontre devait survenir alors qu'il était proposé par M. A... le 5 janvier 2018 que Mme B... le remplace à l'occasion d'une réunion. Si Mme B... produit par ailleurs six comptes-rendus de réunions ne comportant pas son nom, pour soutenir qu'elle pouvait être évincée de certaines réunions notamment quand elles portaient sur des dossiers suivis par son supérieur alors qu'elle pouvait être amenée à le remplacer, toutefois, cette production ne suffit pas à l'établir, alors qu'il n'est pas précisé, pour les réunions en cause, en quelle mesure sa présence aurait été nécessaire ni en quelle mesure son absence aurait nui à son travail. Elle produit toutefois plusieurs attestations aux termes desquelles des agents s'étonnent de ne plus l'avoir vue aussi fréquemment en réunion à compter de 2012, année qui correspond il est vrai à l'arrivée de son supérieur hiérarchique, mais également à la fin de son intérim au poste de déléguée. Si deux autres attestations soulignent que son supérieur aurait relégué Mme B... à des taches et actions de moins en moins valorisantes, et qu'il aurait refusé de la considérer comme son adjointe, un agent indiquant son étonnement d'avoir été reçue seule sans Mme B... concernant la revalorisation du poste au centre des examens du permis de conduire, toutefois ces témoignages sont dépourvus d'éléments concrets et circonstanciés et ne permettent pas, à eux seuls, de caractériser une mise à l'écart du service. L'enquête administrative diligentée en 2019 auprès des personnes du bureau n'a pas retrouvé d'élément probant d'une telle éviction. Les pièces versées au dossier laissent apparaitre la volonté de son supérieur hiérarchique de l'impliquer dans le fonctionnement du service en lui proposant d'animer une formation, de l'accompagner dans des réunions, de le suppléer à une réunion ou de lui déléguer certaines missions. Par suite, il n'apparait pas que Mme B... ait été empêchée d'assurer ses fonctions par des agissements de son supérieur. 9. En quatrième lieu, la requérante se prévaut d'agissements de nature à la déstabiliser. Un tri a ainsi été effectué au début du mois de juillet 2015 dans son bureau par son supérieur hiérarchique, alors qu'elle devait partir en mutation le 1er septembre, à laquelle elle a finalement renoncé. Si elle indique que ce " tri " aurait consisté à mettre les dossiers au sol, les photographies produites au dossier ne l'illustrent pas. Son supérieur lui avait indiqué par mail : " j'avais commencé à faire du tri dans ton placard... du coup j'arrête, je te laisserai finir à ton retour. Pour ta mutation c'est dommage pour toi ". Un tel échange ne permet ainsi pas de conclure à une intrusion excédant les limites du pouvoir hiérarchique. Par ailleurs, alors qu'elle a pu bénéficier d'un congé maladie pour suivre une cure du 1er au 21 octobre 2018, Mme B... indique que le 26 septembre 2018, soit cinq jours auparavant, son supérieur aurait voulu changer les dates de ses congés. Selon la requérante ce fait s'inscrirait dans une attitude globale de son supérieur pour " la mettre en difficulté ". Il résulte surtout de l'échange de mails produit que son supérieur n'avait pas assez anticipé les dates de son départ, et ne souhaitait pas que les vacances de Toussaint soient concernées. Il apparaît qu'il était en demande de précisions. Pour inconfortable qu'ait pu être cet échange tardif, il n'a pas eu de conséquence, Mme B... ayant été en mesure de partir en cure. 10. En cinquième lieu, Mme B... se prévaut de diverses manœuvres de son supérieur en vue de la priver du bénéfice de jours de repos. Il lui aurait ainsi par principe opposé un refus, au motif qu'elle était adjointe au délégué et qu'elle ne réalisait pas d'examen du permis de conduire, quant au bénéfice de quatre jours de repos compensateurs instauré par une note du 29 janvier 2013, accordés aux inspecteurs du permis de conduire et de la sécurité routière (IPCSR) au titre des années 2010 à 2012. Elle a dû se tourner vers le chef du bureau de l'animation de la politique éducative et des ressources, qui a lui a confirmé le 8 mars 2013 qu'elle avait bien droit à en bénéficier. Cependant, Mme B... ne produit qu'un mail de sa main, du 21 février 2013 avec copie à son supérieur hiérarchique, qui indique seulement que ce dernier pensait que la note n'était pas applicable à son cas précis, sans qu'il soit établi, en dehors de cette question d'appréciation de la portée de la note, que son supérieur aurait fait obstacle en une quelconque manière à ce que lui soit appliqué ce dispositif. Par ailleurs, un logiciel de pointage des horaires de travail avait été mis en place en juillet 2015. Mme B... soutient que son supérieur n'aurait accepté qu'elle en bénéficie que le 3 février 2017, avec pour conséquence de l'empêcher de se voir créditer d'un jour mensuel de récupération au titre des heures effectuées au-delà de ses horaires. Elle indique un retard de dix-huit mois dans cette mise en place. Mais il n'est produit aucun élément de nature à établir que ce retard serait imputable à des agissements de son supérieur. Il résulte d'un mail versé au dossier que ce dernier indique simplement que sa supérieure a validé le principe de l'utilisation de ce logiciel par Mme B..., et qu'il convient de voir avec l'intéressée pour les modalités pratiques de mise en œuvre. 11. En sixième lieu, Mme B... fait valoir qu'elle aurait été victime de dénigrement systématique de la part de son supérieur. Aux termes d'une attestation, une agente rapporte ainsi que son supérieur " n'a pas manqué de la dénigrer " auprès d'elle. Une autre attestation évoque une réunion organisée sur la conduite et le handicap le 15 décembre 2017, rassemblant une quarantaine de personnes, au cours de laquelle son supérieur aurait tenu à son encontre des propos " inadaptés et vexatoires ", l'aurait contredite, et aurait nomment prononcé la phrase : " je ne peux pas laisser dire ça... ". Toutefois, outre que cette seule phrase n'est pas en elle-même dénigrante, il n'est pas précisé le contenu des échanges lors de cette réunion. Par ailleurs, il apparaît également que M. A... pouvait valoriser son adjointe, ainsi qu'il ressort du compte-rendu d'une réunion du 18 janvier 2017 durant laquelle il a souligné, en sa présence, son " fort investissement " dans le domaine de la conduite et du handicap. En outre, il n'est retrouvé au dossier aucun échange qui n'aurait pas été respectueux ou qui aurait outrepassé les limites du pouvoir hiérarchique. Lors de l'enquête administrative, les personnes interrogées ont souligné pour leur part la bonne ambiance régnant dans le service. Si un agent a fait part de tensions entre Mme B... et son supérieur, il en ignorait la cause et il estimait qu'elles ne nuisaient pas à l'ambiance général de travail. Mme B... a indiqué aux enquêteurs, outre les faits recensés aux termes de sa requête, une absence de perspectives professionnelles, l'obligation de rendre des comptes lors des sorties du département, " un manque de complicité, de confiance et d'échanges d'informations avec sa hiérarchie ". Ces points dépassaient la seule relation à son supérieur hiérarchique. Les enquêteurs avaient conclu à une gestion normale du service par le supérieur hiérarchique de Mme B..., et tiré la seule conclusion que " les personnalités de ces deux agents sont très différentes et sans doute difficilement compatibles ". 12. En dernier lieu, si Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que son supérieur s'est immiscé dans sa relation avec le médecin de prévention, en décidant de manière unilatérale d'annuler la visite médicale qu'elle avait obtenue le 8 janvier 2019, qui ne correspondait pas à une visite annuelle de contrôle médical mais faisait suite à une demande personnelle de la requérante pour rencontrer le médecin de prévention à la suite de ses difficultés dans le service, cet agissement, qui outrepasse le pouvoir de l'autorité hiérarchique, apparaît cependant isolé. 13. Il résulte de ce qui précède que les actes invoqués, qu'ils soient considérés isolément ou dans leur ensemble, ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral à l'encontre de Mme B..., dès lors qu'ils ne sont soit pas matériellement établis, soit ponctuels ou justifiés par l'intérêt du service ou encore, à l'exception de l'annulation du rendez-vous auprès du médecin de prévention cité au point précédent, qu'ils n'excèdent pas l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. En ce qui concerne les obligations de l'autorité administrative de garantir la sécurité et la protection de la santé de ses agents : 14. Aux termes de l'article 2-1 du décret n° 82-453 du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique : " Les chefs de service sont chargés, dans la limite de leurs attributions et dans le cadre des délégations qui leur sont consenties, de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité. ". Il incombe à l'autorité administrative de prendre les mesures nécessaires pour assurer la bonne exécution de ces dispositions afin de protéger l'agent concerné, sous peine d'engager sa responsabilité au titre d'une faute de service et ce même en l'absence d'une situation de harcèlement moral caractérisée. 15. En l'espèce, Mme B... ne produit aucun élément de nature à établir qu'elle aurait alerté son employeur avant l'année 2018. Elle a saisi le médecin de prévention par courrier du 10 octobre 2018. Ce dernier, après l'avoir reçue en consultation, a alerté sa hiérarchie le 13 novembre 2018. Mme B... a ensuite été reçue par la responsable du service sécurité et risques le 28 novembre 2018. Il résulte du rapport d'enquête administrative que lors de cet entretien, elle " a ressenti avoir été jugée sans possibilité pour elle de s'exprimer sur les problèmes relationnels avec M. A... ". Cependant, la responsable du service sécurité et risques, qui soutient avoir été à l'écoute, précise qu'elle a proposé à l'intéressée un temps d'échange avec son supérieur hiérarchique, cette dernière, elle-même et son adjoint, mais que Mme B... a perçu cette proposition comme " une invitation à se trouver mise en cause par ses trois supérieurs hiérarchiques réunis ". En toute hypothèse, et même à admettre que cet entretien avec la responsable du service sécurité et risques n'ait pas permis à Mme B... de s'exprimer comme elle le souhaitait, à la suite de ces alertes, il a été décidé par la secrétaire générale de la direction des territoires de l'Isère de diligenter une enquête administrative, qui s'est déroulée en 2019 et a conclu à l'absence de harcèlement. Néanmoins, il a été proposé à Mme B..., qui était alors en arrêt de travail, un changement d'affectation, à compter du 1er septembre 2021, afin d'effectuer les missions de chargée de la politique locale de sécurité routière à la préfecture de l'Isère, avec une mise à disposition dès le 1er juillet 2021 pour faciliter sa prise de poste. Si l'intéressé a ensuite présenté une rechute et a été de nouveau arrêtée à compter du 27 décembre 2021, après avoir appris qu'elle allait de nouveau être amenée à travailler avec son ancien supérieur hiérarchique sur une mission, et pour malheureuse qu'ait été cette circonstance, toutefois non fautive, compte tenu notamment des fonctions spécifiques que Mme B... exerce et des difficultés à lui trouver un emploi n'impliquant aucun contact avec son ancien supérieur hiérarchique, aucun manquement à l'obligation de garantir la santé et la sécurité au travail de Mme B... ne peut être retenu. En ce qui concerne la maladie professionnelle : 16. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions instituant ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité. 17. La pathologie présentée par Mme B..., déclarée le 15 novembre 2017, a été reconnue imputable au service par une décision du 15 décembre 2020, à la suite d'un avis favorable de la commission de réforme départementale du 24 septembre 2020. Par un arrêté du 8 avril 2021, Mme B... a de nouveau été placée en congé de longue durée pour invalidité temporaire imputable au service du 10 décembre 2020 au 9 juin 2021 inclus, à la suite d'un avis favorable de la commission de réforme départementale du 25 février 2021. Enfin, après une rechute déclarée en décembre 2021, Mme B... a été placée en congé pour invalidité temporaire imputable au service à titre provisoire à compter du 27 décembre 2021, son état de santé n'étant pas consolidé depuis. 18. Mme B..., qui ne conteste pas avoir perçu une indemnité au titre de l'obligation de l'État de garantie contre les risques encourus dans l'exercice de ses fonctions, n'est pas fondée à obtenir réparation de ses pertes de primes de NBI et d'IFSE, ni de pertes de chance d'être promue au grade de délégué depuis 2016 et de pouvoir passer le concours interne de délégué du permis de conduire et à la sécurité routière pour 2020, dès lors que ces préjudices, relevant de pertes de revenus et de l'incidence professionnelle, sont réputés avoir été réparés par le versement de cette indemnité. 19. En revanche, les certificats médicaux qu'elle a produits font apparaître que Mme B... a subi des souffrances psychiques et morales, qui persistent actuellement, qui sont en lien direct avec sa maladie professionnelle. Elle est donc fondée à en obtenir réparation, sans que ne fasse obstacle à cette indemnisation l'absence de consolidation de sa rechute. Il sera fait une juste réparation de ce préjudice en lui allouant, compte tenu des souffrances endurées, une somme de 3 000 euros. 20. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à l'indemnisation de son préjudice moral. Il y a lieu de réformer en ce sens le jugement du 13 juin 2024 du tribunal administratif de Grenoble et de condamner l'État à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de son préjudice moral. Sur les frais liés au litige : 21. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : L'État versera à Mme B... la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral consécutif à sa pathologie reconnue imputable au service. Article 2 : Le jugement du 13 juin 2024 du tribunal administratif de Grenoble est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur. Délibéré après l'audience du 5 juin 2025 à laquelle siégeaient : Mme Duguit-Larcher, présidente de la formation de jugement ; M. Chassagne, premier conseiller ; Mme Boffy, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 juin 2025. La rapporteure, I. BoffyLa présidente, A. Duguit-Larcher La greffière, A. Le Colleter La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, 2 N° 24LY02021 kc
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 18/06/2025, 23DA01162, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le centre communal d'action sociale de Roubaix à lui verser la somme de 12 926 euros en réparation des préjudices financier et moral qu'elle estime avoir subis du fait de son admission tardive à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité. Par un jugement n° 2007199 du 11 mai 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 21 juin 2023, Mme A... B..., représentée par la Selafa Cassel, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 11 mai 2023 ; 2°) d'annuler la décision implicite rejetant sa demande indemnitaire ; 3°) de condamner le centre communal d'action sociale de Roubaix à lui verser la somme de 12 926 euros en réparation de ses préjudices ; 4°) de mettre à la charge du centre communal d'action sociale de Roubaix une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le centre communal d'action sociale a commis une faute en tardant à instruire sa demande et en la mettant à la retraite pour invalidité à compter du 25 mai 2019 alors que son congé de longue durée expirait le 1er mars 2018 et qu'elle avait été déclarée définitivement inapte à toutes fonctions au mois de mars 2018 ; - la circonstance que ce retard serait imputable à la commission de réforme n'a pas pour effet de dégager le centre communal d'action sociale de sa responsabilité ; - au demeurant, l'administration l'a admise à la retraite par une décision du 3 octobre 2019 alors que la commission de réforme s'est prononcée le 24 mai précédent ; - l'administration ne saurait utilement se prévaloir de la circonstance qu'elle ne pouvait bénéficier d'une pension de retraite avant que la commission de réforme se prononce ; - la négligence de l'administration est à l'origine d'un préjudice financier correspondant à la différence entre le mi-traitement qui lui a été versé de mars 2018 à mai 2019 et la pension qu'elle aurait dû percevoir, pour un montant de 2 926 euros ; - elle a également subi un préjudice moral évalué à la somme de 10 000 euros. Par un mémoire en défense, enregistré le 14 juin 2024, le centre communal d'action sociale de Roubaix, représenté par Me Guilmain, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraites ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ; - le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ; - l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur, - les conclusions de M. Malfoy, rapporteur public, - et les observations de Me Guilmain, représentant le centre communal d'action sociale de Roubaix. Considérant ce qui suit : 1. Mme A... B..., née le 27 septembre 1957, exerçait une activité professionnelle, en qualité d'adjointe administrative, au sein du centre communal d'action sociale (CCAS) de Roubaix, avant d'être placée en congé de maladie à compter du 26 février 2013 pour un syndrome anxio-dépressif. Placée en dernier lieu en congé de longue durée et arrivant au terme de ses droits le 25 février 2018, elle a été placée, par un arrêté du 27 novembre 2017, en disponibilité d'office pour raisons de santé du 26 au 28 février 2018. Le 15 mars 2018, elle a sollicité son admission à la retraite pour invalidité à compter du 1er mars 2018. Par un premier arrêté du 31 mai 2019, le CCAS de Roubaix a admis Mme A... B... à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité à compter du 1er mars 2018. Toutefois, par un arrêté du 2 octobre 2019, le CCAS de Roubaix a prolongé sa disponibilité d'office pour raisons de santé du 1er mars 2018 au 24 mai 2019, et, par un arrêté du 3 octobre 2019, a admis l'intéressée à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité à compter du 25 mai 2019. Mme A... B..., qui n'a perçu qu'un demi-traitement jusqu'au 24 mai 2019, a saisi le tribunal administratif de Lille de conclusions indemnitaires tendant à la réparation du préjudice financier et du préjudice moral résultant selon elle d'un retard fautif de l'administration dans l'instruction de son dossier de mise à la retraite. Elle relève appel du jugement du 11 mai 2023 rejetant sa demande. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite (...) ". Les 3° et 4° du même article prévoient respectivement des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans quand la maladie rend nécessaires un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée et des congés de longue durée d'une durée maximale de cinq ans si le fonctionnaire est atteint de certaines affections, notamment la maladie mentale. 3. Aux termes de l'article 17 du décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " (...) Lorsque le fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical. En cas d'avis défavorable, s'il ne bénéficie pas de la période de préparation au reclassement prévue par le décret du 30 septembre 1985 susvisé, il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme. Le paiement du demi-traitement est maintenu, le cas échéant, jusqu'à la date de la décision de reprise de service, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite (...) ". Aux termes de l'article 37 du même décret : " Le fonctionnaire ne pouvant, à l'expiration de la dernière période de congé de (...) longue durée, reprendre son service est soit reclassé dans un autre emploi, (...) soit mis en disponibilité, soit admis à la retraite après avis de la commission de réforme prévue par le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. / Pendant toute la durée de la procédure requérant soit l'avis du comité médical, soit l'avis de la commission de réforme, soit l'avis de ces deux instances, le paiement du demi-traitement est maintenu jusqu'à la date de la décision de reprise de service ou de réintégration, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite ". 4. Aux termes de l'article 30 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales : " (...) La mise en retraite d'office pour inaptitude définitive à l'exercice de l'emploi ne peut être prononcée qu'à l'expiration des congés de maladie, des congés de longue maladie et des congés de longue durée dont le fonctionnaire bénéficie en vertu des dispositions statutaires qui lui sont applicables (...) ". Aux termes de l'article 31 du même décret : " Une commission de réforme est constituée dans chaque département pour apprécier la réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, les conséquences et le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions (...) / Le pouvoir de décision appartient dans tous les cas à l'autorité qui a qualité pour procéder à la nomination, sous réserve de l'avis conforme de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. / Les énonciations de cette décision ne peuvent préjuger ni de la reconnaissance effective du droit, ni des modalités de liquidation de la pension, ces dernières n'étant déterminées que par l'arrêté de concession. / La Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales peut, à tout moment, obtenir la communication du dossier complet de l'intéressé, y compris les pièces médicales. Tous renseignements médicaux ou pièces médicales dont la production est indispensable pour l'examen des droits définis au présent titre pourront être communiqués, sur leur demande, aux services administratifs dépendant de l'autorité à laquelle appartient le pouvoir de décision ainsi qu'à ceux de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (...) ". En application des articles 34 et 39 du même décret, le fonctionnaire mis à la retraite en raison d'une invalidité non imputable au service a droit à une pension déterminée en fonction des services qu'il a accomplis et de son taux d'invalidité. Il résulte des dispositions de l'article 59 de ce décret qu'il appartient au fonctionnaire de manifester son intention de faire valoir ses droits à la retraite six mois au moins avant la date souhaitée pour son départ, alors que l'employeur doit transmettre à la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) un dossier complet trois mois avant cette même date. 5. Les dispositions de l'article 13 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière prévoient que la demande d'inscription à l'ordre du jour de la commission de réforme est adressée par l'employeur au secrétariat de la commission et que celle-ci doit statuer dans un délai d'un mois, porté à deux mois lorsqu'elle fait procéder à une mesure d'instruction. Aux termes du quatrième alinéa de cet article : " Le traitement auquel l'agent avait droit, avant épuisement des délais en cours à la date de saisie de la commission de réforme lui est maintenu durant les délais mentionnés et en tout état de cause jusqu'à l'issue de la procédure justifiant la saisie de la commission de réforme ". 6. Il résulte des dispositions précitées que lorsqu'un fonctionnaire territorial ayant épuisé ses droits aux congés de maladie, de longue maladie et de longue durée se trouve définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, il est admis à la retraite après avis de la commission de réforme. Cette commission est saisie par l'employeur et se prononce dans un délai d'un mois, porté à deux mois si elle fait procéder à une mesure d'instruction. L'employeur doit, préalablement à la mise à la retraite, obtenir un avis conforme de la CNRACL et accomplir des formalités en vue de la liquidation de la pension. Jusqu'à la décision de mise à la retraite, le fonctionnaire bénéficie d'un plein traitement ou d'un demi-traitement selon que sa maladie est ou non imputable au service. 7. Si Mme A... B... reproche au CCAS de Roubaix un retard à instruire sa demande de mise en retraite pour invalidité alors que son congé de longue durée expirait le 1er mars 2018, il résulte de l'instruction qu'elle a initialement demandé à bénéficier d'une mise à la retraite pour carrière longue, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 25 bis et D. 16-1 à D. 16-3 du code des pensions civiles et militaires de retraite et de l'article 26-1 du décret du 26 décembre 2003 précité, qui n'a pu aboutir en l'absence notamment de transmission à la CNRACL d'une situation de carrière retraçant les services accomplis par la requérante à l'Office public de l'habitat de Lille. La requérante, qui n'invoque aucune faute du CCAS de Roubaix dans la gestion de ce premier dossier, a sollicité sa mise à la retraite pour invalidité à compter du 1er mars 2018 par un courrier daté du 15 mars 2018, et n'a donc pas respecté le délai de six mois prévu par l'article 59 du décret précité du 26 décembre 2003. Il n'est pas contesté qu'en application des dispositions citées au point 3, le CCAS de Roubaix était tenu, avant de se prononcer sur cette demande, de saisir le comité médical sur l'aptitude de Mme A... B... à la reprise de ses fonctions au terme de son congé de longue durée intervenant le 25 février 2018, ainsi que la commission de réforme appelée à se prononcer sur l'incapacité totale et définitive de l'intéressée à toutes fonctions et sur sa mise à la retraite pour invalidité. Si la requérante a été examinée dès le 22 avril 2018 par un psychiatre agréé, qui a conclu que le syndrome anxio-dépressif, non imputable au service, avait pour conséquence l'inaptitude totale et définitive de la requérante à toutes fonctions, avec un taux d'incapacité permanente partielle de 30 %, il s'est avéré nécessaire de procéder à un nouvel examen médical au début de l'année 2019 afin de déterminer le taux d'incapacité résultant des autres pathologies de l'intéressée, permettant ainsi au comité médical de rendre son avis le 26 avril 2019 et à la commission de réforme de rendre le sien le 24 mai suivant. A cet égard, le brevet de pension délivré à la requérante par la CNRACL le 17 octobre 2019 retient d'ailleurs un pourcentage d'invalidité de 98 % pour le calcul de cette pension. Il n'est pas allégué que l'employeur aurait manqué à ses obligations, au regard des dispositions de l'article 13 de l'arrêté précité du 4 août 2004, en omettant de saisir en temps utile la commission de réforme, alors que le CCAS de Roubaix produit à l'instance un courriel du 8 janvier 2019 insistant auprès du centre départemental de gestion pour que le dossier de la requérante soit examiné en priorité. Par ailleurs, Mme A... B... ne conteste pas que le CCAS de Roubaix ne pouvait se prononcer sur sa demande avant le 24 mai 2019, date à laquelle la commission de réforme a rendu son avis. Il résulte encore de l'instruction que le CCAS de Roubaix a dû procéder, en lien avec la CNRACL, à la régularisation des services accomplis par Mme A... B... en 1986 et 1987 au sein de l'Office public de l'habitat de Lille, au vu d'un état des services et d'un devis que la CNRACL ne lui a transmis que le 30 septembre 2019. Dans ces conditions, il n'est pas établi qu'un retard fautif serait imputable au CCAS de Roubaix dans la gestion du dossier de retraite pour invalidité de Mme A... B..., alors qu'il en a été tardivement saisi par l'intéressée, que deux expertises médicales ont été nécessaires afin de permettre à la commission de réforme de rendre son avis et que des mesures de régularisation ont été réalisées auprès d'un ancien employeur de l'intéressée. 8. Mme A... B... reproche encore à l'administration de l'avoir admise à la retraite par une décision du 3 octobre 2019 alors que la commission de réforme s'est prononcée le 24 mai précédent. Toutefois, à la supposer fautive, l'édiction tardive de cette décision, qui retient le 25 mai 2019 comme date d'admission à la retraite, ne présente pas de lien de causalité avec le préjudice invoqué qui se rapporte à la pension dont la requérante estime avoir été illégalement privée du 1er mars 2018 au 24 mai 2019. 9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CCAS de Roubaix, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont Mme A... B... demande le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... B... une somme de 500 euros, à verser au CCAS de Roubaix au titre des mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme A... B... est rejetée. Article 2 : Mme A... B... versera une somme de 500 euros au CCAS de Roubaix au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... épouse B... et au centre communal d'action sociale de Roubaix. Délibéré après l'audience publique du 3 juin 2025, à laquelle siégeaient : - Mme Geneviève Verley-Cheynel, présidente de la cour, - Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, - M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 juin 2025. Le président-rapporteur, Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de la cour, Signé : G. Verley-CheynelLa greffière, Signé : C. Huls-Carlier La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, Pour la greffière en chef, Par délégation, La greffière C. Huls-Carlier 2 N° 23DA01162
Cours administrative d'appel
Douai
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 18/06/2025, 23DA01334, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille, à titre principal, d'ordonner une expertise afin de déterminer la date de consolidation de son état de santé, les préjudices qu'elle a subis et leur imputabilité aux agissements reprochés au département du Nord, et, à titre subsidiaire, de condamner le département du Nord à lui verser une somme de 100 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 décembre 2019 et de leur capitalisation. Par un jugement n° 2003038 du 11 mai 2023, le tribunal administratif de Lille a condamné le département du Nord à verser la somme de 2 000 euros à Mme B..., cette somme étant assortie des intérêts et de leur capitalisation. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés le 10 juillet 2023, le 1er septembre 2024 et le 18 octobre 2024, Mme B..., représentée par Me Stienne-Duwez, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler ce jugement du 11 mai 2023 ; 2°) à titre principal, d'ordonner une expertise afin de déterminer l'étendue de ses préjudices ; 3°) à titre subsidiaire, de condamner le département du Nord à lui verser la somme de 152 800 euros en réparation de ses préjudices, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 décembre 2019 et de la capitalisation de ces intérêts à compter du 26 décembre 2020 ; 4°) de mettre à la charge du département du Nord une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que : - la responsabilité sans faute du département du Nord est engagée en raison du syndrome anxio-dépressif et de la fibromyalgie dont l'imputabilité au service a été reconnue ; - le département du Nord a également engagé sa responsabilité pour faute dès lors qu'il a manqué à son obligation de veiller à la sécurité et à la santé au travail de ses agents entre 2012 et 2014 ; - la responsabilité pour faute de l'administration est encore engagée en raison d'agissements constitutifs de harcèlement moral à compter de 2011 se rapportant au refus de reconnaître son statut de directrice adjointe, à sa surcharge de travail, à l'absence d'affectation en dépit d'un avis favorable de la commission de réforme, à son affectation comme conseiller de territoire qui ne tient compte ni de ses candidatures, ni de son état de santé, ni encore de son statut, et à la dégradation de ses conditions de travail ; - ces agissements ont porté atteinte à sa santé physique et mentale et ont compromis son avenir professionnel ; - il est nécessaire de diligenter une expertise afin d'évaluer la part de son déficit fonctionnel permanent imputable aux agissements de l'administration, ainsi que le montant de ses préjudices ; - les souffrances endurées doivent être évaluées à la somme de 70 000 euros ; - elle subit un préjudice d'agrément évalué à 10 000 euros ; - elle subit un préjudice de carrière, résultant notamment d'une absence de promotion au grade supérieur, évalué à 25 000 euros ; - elle justifie d'un déficit fonctionnel permanent de 30 % qui doit être réparé par l'octroi d'une somme de 52 800 euros. Par des mémoires en défense, enregistrés le 5 juillet 2024 et le 24 septembre 2024, le département du Nord, représenté par Me Fillieux, conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - la demande d'indemnisation du déficit fonctionnel permanent est nouvelle en appel et par suite irrecevable ; - la requérante ne peut obtenir que l'indemnisation de ses préjudices temporaires sur le fondement de la responsabilité sans faute dès lors que son état n'est pas consolidé ; - les manquements reprochés à l'administration dans l'obligation de veiller à la sécurité et à la santé au travail de ses agents ne sont pas établis ; - les agissements dénoncés par la requérante ne sont pas de nature à révéler une situation de harcèlement moral ; - la mesure d'expertise demandée ne revêt aucun caractère d'utilité dès lors que la requérante n'apporte aucun élément permettant d'en justifier l'existence, hormis les préjudices pour lesquels elle propose un chiffrage ; - les souffrances endurées ne sauraient être évaluées à un montant supérieur à 2 000 euros ; - le préjudice d'agrément et le préjudice de carrière ne sont pas établis ; - le déficit fonctionnel permanent évalué à 30 % par le médecin agréé n'est pas imputable en totalité à la maladie professionnelle. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général de la fonction publique ; - le code des pensions civiles et militaires de retraites ; - le code civil ; - le code du travail ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 85-603 du 10 juin 1985 ; - le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ; - le décret n° 2005-442 du 2 mai 2005 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur, - les conclusions de M. Malfoy, rapporteur public, - et les observations de Me Dantec, représentant le département du Nord. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., ingénieure territoriale principale du département du Nord, a été nommée le 21 mars 2007 en qualité de directrice adjointe à la direction de l'administration générale, puis, en mars 2011, comme chargée de mission à la direction du développement des ressources humaines et, à compter du 1er février 2012, en qualité de chef de projet à la direction des services au personnel au sein de la direction générale des ressources. Elle a été victime d'une chute sur son lieu de travail en octobre 2012, nécessitant un arrêt de travail du 30 octobre 2012 au 31 janvier 2013. Mme B..., qui a présenté le 19 mai 2014 un malaise à l'annonce de la suppression de son poste par la directrice générale adjointe des ressources, a alors été placée en congé de maladie pour dépression. Sur avis favorable de la commission de réforme du 29 mai 2015, le département du Nord a pris un arrêté le 3 juillet 2015 reconnaissant l'imputabilité au service du syndrome anxio-dépressif de Mme B..., permettant de la placer rétroactivement en congé de maladie imputable au service à compter du 20 mai 2014. Elle n'a pas retrouvé son poste alors que la commission de réforme avait rendu le 18 décembre 2015 un avis favorable à une reprise à temps partiel thérapeutique. Par un courrier du 26 décembre 2019, Mme B... a saisi le département du Nord d'une demande indemnitaire tendant à la réparation des préjudices qu'elle impute à sa maladie professionnelle, aux manquements reprochés à l'administration dans son obligation d'assurer la santé et la sécurité au travail de ses agents, et aux faits de harcèlement moral dont elle estime avoir été victime. En l'absence de réponse du département, elle a porté le litige devant le tribunal administratif de Lille en sollicitant, à titre principal, une mesure d'expertise appelée à se prononcer sur la date de sa consolidation et l'étendue de ses préjudices, et, à titre subsidiaire, la condamnation du département du Nord à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation de ses souffrances endurées, de son préjudice d'agrément et de son préjudice de carrière. Par un jugement du 11 mai 2023, le tribunal administratif de Lille, après avoir estimé qu'une expertise ne revêtait aucun caractère d'utilité, a condamné le département du Nord à verser la somme de 2 000 euros à Mme B... en réparation des souffrances endurées à titre temporaire et a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires. Mme B... relève appel de ce jugement en réitérant devant la cour, à titre principal, une mesure d'expertise, et en demandant, à titre subsidiaire, la condamnation du département à lui verser la somme de 152 800 euros en réparation de ses préjudices. Sur la responsabilité du département du Nord : En ce qui concerne l'action en responsabilité pour faute : S'agissant de la méconnaissance par l'administration de son obligation de veiller à la sécurité et à la santé des agents : 2. Aux termes de l'article 2-1 du décret du 10 juin 1985, relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale : " Les autorités territoriales sont chargées de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité ". Il résulte du premier alinéa de l'article 3 du même décret que : " les règles applicables en matière de santé et de sécurité sont, sous réserve des dispositions du présent décret, celles définies aux livres Ier à V de la quatrième partie du code du travail et par les décrets pris pour leur application (...) ". Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au présent litige : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. / Ces mesures comprennent : / 1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ; / 2° Des actions d'information et de formation ; / 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. / L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ". 3. Mme B... soutient avoir informé le département du Nord à de nombreuses reprises de la surcharge de travail à laquelle elle devait faire face depuis 2011 et de l'impact de cette situation sur son état de santé. Toutefois, si elle s'est plainte dans des courriels des 6 septembre 2012 et 26 mars 2013 d'une charge de travail trop importante en raison selon elle d'une situation de sous-effectif, il résulte de l'instruction, notamment de son courriel du 28 mai 2013 et du courriel d'un collègue daté du 29 janvier 2013, que l'administration n'a été alertée des difficultés professionnelles éprouvées par la requérante qu'à l'issue de son congé de maladie du 30 octobre 2012 au 3 janvier 2013, rendu nécessaire par une fracture du coccyx. A cet égard, Mme B... a continué à travailler à distance au cours des mois d'octobre et novembre 2012, durant son congé de maladie, sans que cela lui soit demandé par sa hiérarchie. Le département du Nord soutient, sans être sérieusement contredit, que l'intéressée n'a pas présenté de demande de reprise dans le cadre d'un temps partiel thérapeutique, comme l'y avait pourtant invité son employeur par un courriel du 23 janvier 2013, et qu'elle a repris ses fonctions contre l'avis de son médecin, après avoir refusé la prolongation de son arrêt de travail. Il résulte encore de l'instruction, notamment du courriel adressé par Mme B... à sa supérieure hiérarchique le 4 juin 2013 qu'étant en principe en arrêt de travail pour maladie jusqu'au 7 juin suivant, elle a elle-même souhaité " reprendre la main sur le dossier PSC " et participer à une réunion, alors même que son supérieur hiérarchique avait demandé qu'elle en soit déchargée compte tenu de cet arrêt de travail et avait demandé à une collègue de la remplacer à la réunion. S'il lui a été demandé le 1er mai 2013, pendant un jour férié, de modifier un document afin de le transmettre en urgence à l'autorité destinataire, il ne ressort pas des courriels des 3 septembre 2012, 12 janvier 2013, 27 août 2013 et 25 janvier 2014 que ses supérieurs hiérarchiques auraient eu pour habitude d'exiger d'elle la réalisation de tâches professionnelles au cours de jours de repos ou de ses congés annuels. Il résulte au contraire de l'instruction que la requérante prenait l'initiative de répondre aux courriels pendant ses jours de repos sans y être sollicitée. Alors que, par un courriel du 9 septembre 2013, le directeur général chargé des ressources a donné pour instruction de ne pas confier le dossier relatif à l'ouverture d'un site de covoiturage à Mme B..., déjà mobilisée par le dossier sur la protection sociale complémentaire, l'intéressée a réagi en indiquant sa volonté de conserver la main sur l'ensemble de ses missions. Afin de tenir compte de la charge de travail de Mme B..., sa supérieure hiérarchique l'a déchargée le 25 mars 2014 du dossier se rapportant au " plan départemental d'administration ", à la suite de quoi, selon les termes de son courriel du même jour, elle a " craqué " et a été placée en congé de maladie du 25 mars au 3 avril 2014. Les craintes pour sa santé, dont Mme B... a fait état auprès de son employeur, sont ainsi contredites par le comportement qu'elle a adopté par ailleurs, se montrant disponible pendant ses jours de repos et ses périodes d'arrêt pour maladie et refusant d'être dessaisie de ses dossiers. Par suite, dans les circonstances particulières de l'espèce, elle n'est pas fondée à soutenir que le département du Nord aurait méconnu l'obligation de veiller à sa sécurité et à sa santé au travail. S'agissant de l'existence d'un harcèlement moral : 4. Aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, repris depuis à l'article L. 133-2 du code général de la fonction publique : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ". En application du second alinéa de l'article 6 quinquies, dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 135-6 A du code général de la fonction publique, aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'appréciation de la valeur professionnelle, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération le fait qu'il ait témoigné d'agissements constitutifs de harcèlement moral ou qu'il les ait relatés. 5. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. 6. En premier lieu, Mme B... soutient avoir accepté, en 2012, une nomination à la direction des services au personnel sous réserve de son maintien dans l'emploi de directrice adjointe qui était le sien dans ses précédentes fonctions. Si elle reproche à l'employeur d'avoir méconnu sa promesse, il résulte de l'instruction, notamment de son courriel du 12 juin 2012, que l'administration a maintenu l'ensemble des avantages dont elle bénéficiait dans l'emploi de directrice adjointe, notamment son niveau de rémunération. Par ailleurs, il ressort des courriels échangés sur ce point que le directeur général chargé des ressources a souhaité attendre qu'une décision soit prise sur l'évolution envisagée de la direction des services au personnel, dans le cadre de la réorganisation des services alors envisagée et qui conduira d'ailleurs à la suppression de cette direction en 2014. Si Mme B... soutient n'avoir jamais été officiellement nommée par voie d'arrêté, elle reconnaît elle-même dans son courriel du 17 septembre 2014 que les cadres du département du Nord sont désignés par notes de service. Mme B... soutient avoir appris la suppression de son poste de manière soudaine et brutale le 19 mai 2014. Toutefois, il ressort des éléments qu'elle produit sur ce point, corroborés par l'argumentation de l'administration, qu'elle a alors été informée de la suppression de la direction des services au personnel, laquelle n'a été mise en œuvre que six mois plus tard dans le cadre d'une réorganisation des services. La demande faite à Mme B... en octobre 2014 de restituer son véhicule de service est justifiée par son absence prolongée du service, consécutive à son congé de maladie depuis le mois de mai 2014, et par la nécessité de réaffecter ce véhicule à d'autres agents du département. Cette demande, qui vise à répondre aux besoins du service, est conforme aux instructions appliquées par le département du Nord à l'ensemble des utilisateurs. Dans ces conditions, les éléments avancés par Mme B... se rapportant au refus de reconnaître son statut, de l'affecter officiellement sur l'emploi de directrice adjointe et de la priver de son véhicule de service ne sont pas de nature à faire présumer un harcèlement moral. 7. En deuxième lieu, Mme B... soutient avoir dû faire face à une surcharge de travail à compter de l'année 2011 sans aucun soutien de sa hiérarchie qui la sollicitait pendant ses jours de repos et ses congés de maladie. Toutefois, les éléments qu'elle produit sur ce point ne font état de difficultés rencontrées dans l'exercice de ses fonctions qu'à partir de son affectation à la direction des services au personnel, au cours de l'année 2012. Ainsi qu'il a été dit plus haut, il ressort des courriels produits par la requérante qu'elle a continué à travailler durant son congé de maladie à la fin de l'année 2012 sans que cela lui soit demandé, qu'elle a refusé la prolongation de son arrêt de travail au début de l'année 2013 et a repris ses fonctions contre l'avis de son médecin sans y être obligée par l'employeur. Sa hiérarchie a désigné en juin 2013 un agent afin de remplacer Mme B... à une réunion de travail, ce à quoi elle s'est opposée en indiquant " reprendre la main sur le dossier PSC ". Tenant compte de la surcharge de travail de Mme B... et de son état de santé, le directeur général chargé des ressources a décidé en septembre 2013 de ne pas lui confier le dossier relatif à l'ouverture d'un site de covoiturage, tandis que la directrice générale adjointe lui a retiré en mars 2014 le dossier correspondant au " plan départemental d'administration ". Mme B..., qui s'est opposée à ces mesures, prenait l'initiative, sans que cela lui soit demandé, de répondre aux courriels professionnels adressés pendant ses congés de maladie, à titre d'information. Les circonstances que sa hiérarchie l'ait sollicitée le 1er mai 2013, qui est un jour férié, et n'a pas pu apporter de réponse à ses demandes de renfort en effectifs n'impliquent pas une volonté délibérée de l'administration de la mettre en difficulté. Par suite, eu égard en outre à ce qui a été dit au point 3, les arguments de Mme B... se rapportant à sa surcharge de travail ne font pas présumer une situation de harcèlement moral. 8. En troisième lieu, Mme B... soutient n'avoir reçu aucune affectation correspondant à son grade en dépit d'un avis de la commission de réforme du 18 décembre 2015 favorable à une reprise d'activité dans le cadre d'un temps partiel thérapeutique. Toutefois, le département du Nord produit à l'instance un courrier du directeur adjoint des ressources humaines du 14 janvier 2016 qui, prenant acte de l'avis précité, invite Mme B... à contacter la direction d'appui ainsi que la médecine de prévention en vue de sa reprise. L'administration précise que, conformément à ce courrier, le médecin du travail a examiné la requérante le 23 février 2016 et a préconisé une reprise à temps partiel sur un poste correspondant à ses compétences et lui permettant de reprendre le travail en confiance. Mme B... a été reçue le lendemain à la direction des ressources humaines qui l'a accompagnée dans sa recherche de poste. Si la requérante indique avoir postulé à six reprises sur des postes de direction au cours de l'année 2016, sans être retenue à l'issue des entretiens de recrutement, l'administration précise, sans être contredite, qu'elle a été affectée sur un emploi de chargée de projet à la direction de l'organisation et du management du changement, dont il n'est pas allégué qu'il n'aurait pas correspondu aux qualifications de l'intéressée. Il ressort du courrier du 20 février 2019, produit en défense, que le poste de Mme B... a été reconfiguré dans le cadre d'une nouvelle réorganisation, et que l'administration lui a alors proposé un poste de conseiller de territoire au sein de la direction adjointe sports et culture pour une durée provisoire de six mois, afin de l'accompagner dans sa réorientation professionnelle. Si la requérante soutient que le département du Nord l'a laissée sans emploi, en dépit des démarches d'accompagnement précitées, et que le poste de conseiller de territoire est provisoire et ne correspond pas à ses précédentes fonctions de directrice adjointe, il ressort des conclusions de l'expertise médicale du 14 mai 2019 que les pathologies dont elle est atteinte ne lui permettaient pas de toute façon de reprendre son activité professionnelle, même partiellement, à la date du 23 février 2016 et qu'une reprise d'activité professionnelle n'est pas envisageable même à la date de l'expertise. Dans ces conditions, alors que le département du Nord a reconnu l'imputabilité au service du syndrome dépressif de Mme B..., permettant sa prise en charge jusqu'à son départ à la retraite pour invalidité, il ne résulte pas de l'instruction que les manquements reprochés dans une éventuelle reprise d'activité révèleraient un harcèlement moral. 9. En quatrième lieu, Mme B... soutient que ses conditions de travail difficiles sont à l'origine d'une dégradation de son état de santé. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction, eu égard à ce qui a été dit aux points 3 et 7, que ses difficultés professionnelles, consécutives à une situation de sous-effectif, résulteraient d'agissements constitutifs de harcèlement moral. La circonstance que le syndrome dépressif dont est atteinte la requérante a été reconnu imputable au service n'implique pas non plus l'existence d'une telle situation de harcèlement. Au demeurant, la dégradation de l'état de santé de Mme B... résulte pour partie de sa fibromyalgie, qui n'est pas liée à son activité professionnelle. 10. En dernier lieu, Mme B... ne produit aucun élément laissant présumer l'existence de mesures ou d'agissements mis en œuvre par l'administration pour compromettre son avenir professionnel. 11. Il résulte de ce qui précède que les éléments dont fait état Mme B..., pris isolément ou dans leur ensemble, ne permettent ni de faire présumer l'existence d'agissements répétés constitutifs d'un harcèlement moral ni d'établir, compte tenu des éléments apportés en défense, une telle situation de harcèlement. En ce qui concerne l'action en responsabilité sans faute : 12. Les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou atteints de maladies professionnelles, une rente d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les intéressés peuvent prétendre, au titre des conséquences patrimoniales de l'atteinte à l'intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. L'allocation temporaire d'invalidité et la rente viagère d'invalidité doivent ainsi être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Ces dispositions ne font cependant pas obstacle à ce que le fonctionnaire qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, tels que des souffrances physiques ou morales, un préjudice esthétique ou un préjudice d'agrément, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, distincts de l'atteinte à l'intégrité physique. Elles ne font pas non plus obstacle à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité. 13. Il résulte de l'instruction, notamment des conclusions de l'expertise du 18 mars 2015, que Mme B... a présenté à compter de mai 2014 un stress aigu avec décompensation anxio-dépressive réactionnelle à des difficultés professionnelles, que le médecin a regardé comme directement imputable à ces difficultés en l'absence notamment d'état antérieur. S'appuyant sur cette expertise, la commission de réforme a rendu un avis favorable le 29 mai 2015 à l'imputabilité au service de la maladie dépressive de Mme B.... Le département du Nord, qui a pourtant reconnu le caractère professionnel de la pathologie de la requérante par un arrêté du 3 juillet 2015, soutient en appel que cette maladie serait en rapport avec un trouble préexistant de la personnalité et du comportement, sans lien avec ses fonctions professionnelles. Il se réfère sur ce point à une expertise réalisée par un médecin généraliste le 26 janvier 2021 qui, si elle fait état d'un trouble de l'humeur récurrent et persistant " possiblement en rapport avec un trouble de la personnalité et du comportement ", précise que cette affection psychiatrique existe depuis 2014, sans remettre en cause les constatations faites par le médecin psychiatre lors de l'expertise précitée du 18 mars 2015, dont il résulte que la dépression de la requérante est imputable au service. En revanche, il ressort du certificat établi le 14 janvier 2015 par un praticien du centre hospitalier régional universitaire de Lille que le syndrome polyalgique dont souffre la requérante a fait son apparition en 2011, sous la forme de douleurs diffuses, pour s'aggraver au fil du temps. Si certains médecins consultés par Mme B..., s'en tenant aux propos de l'intéressée, ont indiqué que ce syndrome, diagnostiqué comme une fibromyalgie, présente un lien avec les conditions de travail, l'expert chargé de se prononcer le 11 septembre 2023 sur l'inaptitude définitive de l'intéressée et l'imputabilité au service de ses pathologies, n'a retenu à ce dernier titre que la névrose à composante dépressive réactionnelle, excluant explicitement la fibromyalgie. Dans son avis du 24 novembre 2023, le comité médical s'est d'ailleurs prononcé en faveur d'une inaptitude définitive en retenant la seule dépression comme imputable au service. Si Mme B... indique encore présenter un kyste pancréatique, il n'est pas établi que cette pathologie, diagnostiquée en 2018 comme un cystadénome mucineux, présenterait un lien avec le service, ce que l'expert consulté le 11 septembre 2023 a également exclu. 14. Par suite, Mme B... ne peut prétendre, dans le cadre de l'obligation qui incombe à l'administration de garantir ses agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions, qu'à l'indemnisation des préjudices résultant de sa pathologie dépressive. 15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est seulement fondée à demander la réparation de ses préjudices résultant de cette pathologie dépressive, seule reconnue comme maladie professionnelle. Sur les préjudices : En ce qui concerne la demande d'expertise : 16. Aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision (...) ". 17. Pour solliciter une mesure d'expertise à titre principal, Mme B... soutient dans le dernier état de ses écritures que l'état de l'instruction ne permet pas de se prononcer sur ses préjudices et sur le taux de son incapacité permanente imputable au service. 18. Toutefois, si la requérante recommande de confier à l'expert désigné la mission d'évaluer différents chefs de préjudice, qu'elle énumère dans ses écritures, elle n'expose aucun élément de nature à laisser supposer l'existence de la plupart de ces préjudices, tels les frais de logement adapté, les frais de véhicule adapté, une assistance par une tierce personne, un préjudice scolaire ou universitaire, un préjudice esthétique, un préjudice sexuel ou encore un préjudice d'établissement. Si la liste proposée par Mme B... comporte également les dépenses de santé et les pertes de gains professionnels, elle n'allègue pas même avoir supporté des frais médicaux ou des pertes de revenus en dépit de la prise en charge de sa maladie professionnelle par le département du Nord. En outre, il appartient à l'intéressée d'apporter les éléments justifiant du préjudice d'agrément et du préjudice de carrière dont elle sollicite la réparation, sans qu'il soit besoin d'une expertise médicale sur ce point. Les éléments produits au dossier, notamment les nombreuses expertises médicales réalisées depuis 2015, sont suffisants pour se prononcer sur l'existence et l'évaluation des souffrances qu'elle a endurées. Enfin, la requérante produit en appel le procès-verbal du conseil médical du 24 novembre 2023 qui, reprenant les conclusions d'une expertise médicale du 11 septembre précédent, mentionne qu'elle reste atteinte d'une incapacité permanente partielle de 30 % en raison de son seul syndrome dépressif, reconnu imputable au service. Elle se prévaut également du rapport d'expertise du 12 mars 2024 qui, rappelant ce taux d'incapacité de 30 %, retient une consolidation de son état de santé à la date du 31 juillet 2024. Dans ces conditions, une mesure d'expertise judiciaire n'est pas utile avant que le juge se prononce sur l'étendue de cette incapacité et son imputabilité. En ce qui concerne l'évaluation des préjudices : 19. En premier lieu, les premiers juges ont évalué, à la date de leur décision rendue avant consolidation, les souffrances endurées subies par Mme B... à la somme de 2 000 euros en retenant comme imputables au service sa pathologie dépressive et la fibromyalgie dont elle est également atteinte. Toutefois, il résulte de l'instruction, notamment de l'avis de la commission de réforme du 29 mai 2015 et de l'avis du comité médical du 24 novembre 2023 que seul le syndrome dépressif est imputable au service, à l'exclusion notamment de la fibromyalgie. Pour autant, les nombreuses expertises médicales produites à l'instance font état du sentiment d'inutilité, de dévalorisation et de solitude éprouvé par l'intéressée, de sa culpabilité pathologique, et de sa profonde souffrance morale en lien avec son incapacité à reprendre une activité professionnelle, qui ont perduré jusqu'au 31 juillet 2024, date de sa consolidation, pendant plus d'un an après l'évaluation faite par les premiers juges. Dans ces conditions, il sera fait une juste évaluation des souffrances endurées subies par Mme B... en raison de sa maladie professionnelle jusqu'au 31 juillet 2024, date de sa consolidation, en l'évaluant à la somme de 2 000 euros. 20. En deuxième lieu, la personne qui a demandé en première instance la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une administration est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, dès lors que ces chefs de préjudice se rattachent au même fait générateur. Cette personne n'est toutefois recevable à majorer ses prétentions en appel que si le dommage s'est aggravé ou s'est révélé dans toute son ampleur postérieurement au jugement qu'elle attaque. Il suit de là qu'il appartient au juge d'appel d'évaluer, à la date à laquelle il se prononce, les préjudices invoqués, qu'ils l'aient été dès la première instance ou pour la première fois en appel, et de les réparer dans la limite du montant total demandé devant les premiers juges. Il ne peut mettre à la charge du responsable une indemnité excédant ce montant que si le dommage s'est aggravé ou révélé dans toute son ampleur postérieurement au jugement attaqué. 21. D'une part, si Mme B... n'avait demandé devant le tribunal administratif de Lille que l'indemnisation des souffrances qu'elle a endurées, de son préjudice d'agrément et de son préjudice de carrière, pour un montant total de 100 000 euros, elle n'était pas en mesure de chiffrer le préjudice résultant d'un déficit fonctionnel permanent en l'absence de consolidation de son état de santé à la date du jugement attaqué. La requérante, qui fait état des résultats d'une expertise médicale réalisée le 12 mars 2024 retenant le 31 juillet 2024 comme date de consolidation de son état de santé, est donc recevable à augmenter en appel le montant de ses prétentions au titre de son déficit fonctionnel permanent. 22. D'autre part, ainsi qu'il a déjà été dit, il résulte d'une expertise du 11 septembre 2023 dont les conclusions ont été reprises dans l'avis du comité médical du 24 novembre suivant, que Mme B... reste atteinte d'un déficit fonctionnel permanent de 30 % en raison de son seul syndrome dépressif, reconnu imputable au service. Contrairement à ce que soutient le département du Nord, il ne ressort pas de l'expertise réalisée par un médecin généraliste le 26 janvier 2021 que cette affection psychiatrique résulterait en partie d'un état antérieur impliquant une réduction de ce taux d'incapacité. Compte tenu de l'âge de l'intéressée, née le 7 août 1958, à la date de sa consolidation, et du déficit fonctionnel permanent de 30 % dont elle est atteinte, il sera fait une juste appréciation du préjudice résultant pour elle de son incapacité définitive en lui allouant la somme de 50 000 euros. 23. En troisième lieu, Mme B... ne produit pas plus en appel qu'en première instance de pièce justifiant d'une activité culturelle, sportive, associative ou autre qu'elle aurait pratiquée avant le début de sa pathologie dépressive et dont elle aurait été privée en raison de cette maladie. La demande présentée sur ce point ne peut qu'être rejetée. 24. En dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 12 qu'une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite ou une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. En outre, la circonstance que le fonctionnaire victime d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle ne remplit pas les conditions pour l'obtention de cette rente ou de cette allocation fait obstacle à ce qu'il prétende, au titre de l'obligation de la collectivité qui l'emploie de le garantir contre les risques encourus dans l'exercice de ses fonctions, à une indemnité réparant des pertes de revenus ou une incidence professionnelle. Dans ces conditions, les conclusions de Mme B... tendant à l'indemnisation du préjudice de carrière résultant selon elle de l'absence de promotion au grade supérieur, lequel relève de l'incidence professionnelle, ne peuvent qu'être rejetées. Sur les intérêts et leur capitalisation : 25. Aux termes du premier alinéa de l'article 1231-6 du code civil : " Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure ". Aux termes de l'article 1343-2 du même code : " Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise ". 26. Ainsi qu'elle le demande, Mme B... a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 52 000 euros à compter du 27 décembre 2019, date de réception de sa demande indemnitaire par le département du Nord, et à la capitalisation de ces intérêts à compter du 27 décembre 2020, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date. 27. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a limité le montant des réparations à la somme de 2 000 euros, qu'il y a lieu de porter à 52 000 euros, cette somme étant assortie des intérêts et de leur capitalisation dans les conditions précisées au point précédent. Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 28. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département du Nord une somme de 2 000 euros, à verser à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La somme que le département du Nord a été condamné à verser à Mme B... en réparation de ses préjudices par le jugement du tribunal administratif de Lille n° 2003038 du 11 mai 2023 est portée à 52 000 euros, cette somme étant assortie des intérêts à compter du 27 décembre 2019 et de la capitalisation de ces intérêts à compter du 27 décembre 2020, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date. Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lille n° 2003038 du 11 mai 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : Le département du Nord versera une somme de 2 000 euros à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus de la requête est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au département du Nord. Délibéré après l'audience publique du 3 juin 2025, à laquelle siégeaient : - Mme Geneviève Verley-Cheynel, présidente de la cour, - Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, - M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 juin 2025. Le président-rapporteur, Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de la cour, Signé : G. Verley-CheynelLa greffière, Signé : C. Huls-Carlier La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, Pour la greffière en chef, Par délégation, La greffière C. Huls-Carlier 2 N° 23DA01334
Cours administrative d'appel
Douai
CAA de NANCY, 3ème chambre, 12/06/2025, 22NC02274, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédures contentieuses antérieures : Par un jugement n° 1507211, 1507211, 163205, 163484, 171606, 172812 du 17 avril 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 22 juin 2015 par lequel le recteur de l'académie de Strasbourg a placé M. A... B... en disponibilité d'office, ainsi que les arrêtés des 21 mars 2016, 15 septembre 2016 et 30 mars 2017, par lesquels le recteur l'a maintenu en disponibilité d'office, a enjoint au recteur de réexaminer sa situation dans un délai de 6 mois à compter de la notification du jugement, a réduit le montant du titre exécutoire du 3 août 2015 des sommes récupérées par l'administration au titre de son placement en disponibilité d'office du 7 avril 2015 au 6 octobre 2017 et a rejeté les autres conclusions de M. B.... Par un jugement n° 2000149 du 30 juillet 2020, le tribunal administratif de Strasbourg, constatant l'inexécution du jugement précité, a enjoint au recteur de réexaminer la situation de M. B... et de réduire le montant du titre exécutoire du 3 août 2015 dans un délai de 4 mois à compter de la notification de cette décision sous astreinte de 100 euros par semaine de retard. M. B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg : 1°) de procéder à la liquidation de cette astreinte pour la période de 118 semaines du 3 décembre 2020 au 10 mars 2022, soit 11 800 euros ; 2°) d'enjoindre à l'Etat de le placer sous le régime des accidents de service pour la période de disponibilité d'office sur laquelle portaient les arrêtés annulés par le jugement du tribunal administratif du 17 avril 2018, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter du 14 mars 2022 ; 3°) d'enjoindre à l'Etat de reconstituer sa carrière, y compris ses droits à la retraite, en conservant son affectation auprès du collège Twinger avec l'avancement dont il devait bénéficier, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ; 4°) d'ordonner à l'Etat de communiquer au greffe du tribunal copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter la décision du 17 avril 2018 ; 5°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 2201675 du 30 juin 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 30 août 2022, M. B..., représenté par Me Rauch, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 30 juin 2022 du tribunal administratif de Strasbourg ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 11 800 euros au titre de la liquidation de l'astreinte prononcée par le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 30 juillet 2020 ; 3°) d'enjoindre à l'Etat de le placer sous le régime des accidents de service pour la période de disponibilité d'office sur laquelle portaient les arrêtés annulés par le jugement du tribunal administratif du 17 avril 2018, subsidiairement de réexaminer sa situation, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter du 14 mars 2022 ; 4°) d'enjoindre à l'Etat de reconstituer sa carrière, y compris ses droits à la retraite, en conservant son affectation auprès du collège Twinger avec l'avancement dont il devait bénéficier, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ; 5°) d'ordonner à l'Etat de communiquer au greffe de la cour copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter la décision du 17 avril 2018 ; 6°) de condamner l'Etat à lui verser, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros pour la procédure de première instance et de 3 000 euros pour la procédure en appel. Il soutient que : - à la suite du jugement du tribunal du 30 avril 2020, aucune mesure d'exécution n'a été prise par le rectorat ; ce n'est qu'à la suite du troisième rappel adressé par le tribunal le 3 novembre 2021 que le rectorat lui a transmis une convocation à se présenter le 17 novembre 2021 devant le comité médical pour un nouvel examen, sans que la désignation du médecin expert ne soit indiquée ; par ailleurs, compte-tenu du faible délai séparant la convocation de la date de la séance, il n'a pas été en mesure de se présenter ni de se faire assister par son médecin conseil ; - le jugement d'exécution du tribunal du 30 juillet 2020 enjoignait à l'administration de réexaminer sa situation pour la période d'avril 2015 à septembre 2017, date de sa mise à la retraite pour invalidité, et a rappelé expressément que l'exécution du jugement initial du 17 avril 2018 n'impliquait pas une telle mesure d'expertise médicale ; - il doit être placé sous le régime des accidents de service pour la période d'avril 2015 à septembre 2017 ; le litige ne relève pas d'une analyse médicale mais uniquement administrative ; l'administration dispose déjà de tous les rapports médicaux par les experts qu'elle a elle-même mandatés et qui ont analysé son état de santé ; - il n'a pas été destinataire d'un avis de convocation à se présenter devant le comité médical, ni du compte-rendu de ce comité qui aurait décidé de procéder à une nouvelle expertise médicale ; c'est par ailleurs la commission de réforme qui doit statuer sur sa situation et non le comité médical. Par un mémoire en défense enregistré le 14 novembre 2024, le recteur de l'académie de Strasbourg conclut au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à ce que le montant octroyé en application de l'article L. 761-1 soit ramené à de plus justes proportions. Il soutient que : - les difficultés administratives tout au long de l'instruction du dossier de M. B... lui sont entièrement imputables par son refus obstiné et répété de se soumettre aux expertises et contrôles médicaux diligentés par l'administration, ou de s'y présenter hors délais ; - en application du jugement du 17 avril 2018, l'administration ne pouvait statuer que sur avis médical ; après avoir saisi le comité médical le 27 février 2020, elle a diligenté une expertise, le 17 novembre 2021, à laquelle le requérant a été invité à se présenter, ce qu'il n'a pas fait, en méconnaissance des dispositions de l'article 47-13 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986. Vu le jugement n° 1507211 du 17 avril 2018 du tribunal administratif de Strasbourg ; Vu le jugement n° 2000149 du 30 juillet 2020 du tribunal administratif de Strasbourg ; Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n°86-442 du 14 mars 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Bauer, - et les conclusions de M. Meisse, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., professeur de sciences physiques, a été victime, en 2006, d'un accident de la circulation, à la suite duquel il a été placé en congé de maladie imputable au service. Par un arrêté du 22 juin 2014, le recteur de l'académie de Strasbourg a placé M. B... en congé de maladie ordinaire à compter du 7 avril 2014 au motif que celui-ci ne s'était pas rendu à des visites médicales obligatoires. Par un arrêté du 22 juin 2015, le droit de M. B... à bénéficier d'un congé de maladie ordinaire étant épuisé, le recteur de l'académie de Strasbourg l'a placé en disponibilité d'office à compter du 7 avril 2015. Par un jugement du 17 avril 2018, le tribunal a annulé l'arrêté du 22 juin 2015 de placement en disponibilité d'office, ainsi que les arrêtés ultérieurs renouvelant ce placement et a enjoint au recteur de l'académie de Strasbourg de réexaminer la situation de M. B.... Constatant l'inexécution du jugement précité, par un jugement n° 2000149 du 30 juillet 2020, le tribunal a enjoint au recteur de l'académie de Strasbourg de procéder à cette exécution en réexaminant la situation de M. B... et en réduisant le montant du titre exécutoire du 3 août 2015 dans un délai de 4 mois à compter de la notification de la décision, sous astreinte de 100 euros par semaine de retard. Compte-tenu de l'inexécution persistante du jugement du 17 avril 2018, M. B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de procéder à la liquidation de cette astreinte pour la période du 3 décembre 2020 au 10 mars 2022, pour un montant de 11 800 euros, d'enjoindre à l'administration de le placer sous le régime des accidents de service pour la période de disponibilité d'office sur laquelle portaient les arrêtés annulés, sous astreinte de 300 euros par jour de retard, et, enfin, de lui enjoindre de reconstituer sa carrière, y compris ses droits à la retraite, en conservant son affectation au collège Twinger et l'avancement dont il devait bénéficier, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Par la présente requête, M. B... demande à la cour d'annuler le jugement du 30 juin 2022 par lequel le tribunal a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin de liquidation d'astreinte : 2. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. ". L'article L. 911-7 du code de justice administrative dispose que : " En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée. / Sauf s'il est établi que l'inexécution de la décision provient d'un cas fortuit ou de force majeure, la juridiction ne peut modifier le taux de l'astreinte définitive lors de sa liquidation. / Elle peut modérer ou supprimer l'astreinte provisoire, même en cas d'inexécution constatée. ". Le juge dispose ainsi de la faculté de moduler le montant de l'astreinte, lorsque celle-ci n'a pas été prononcée à titre définitif, en fonction de critères tenant notamment à la célérité et aux diligences de l'administration, tant lors de la fixation de l'astreinte que lors de sa liquidation et, le cas échéant, de la fixation d'une nouvelle astreinte pour la période ultérieure. 3. Aux termes de l'article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction alors applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. (...) ". L'article 35 de cette loi dispose que : " Des décrets en Conseil d'Etat : 1° Fixent les modalités des différents régimes de congé, déterminent leurs effets sur la situation administrative du fonctionnaire et prévoient les obligations auxquelles le fonctionnaire demandant le bénéfice ou bénéficiant des congés prévus aux 2°, 3° et 4° de l'article 34 est tenu de se soumettre en vue de l'octroi ou du maintien de ces congés, sous peine de voir réduire ou supprimer le traitement qui lui avait été conservé ; (...) ". Aux termes de l'article 19-1 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " Lorsque l'administration est amenée à se prononcer sur l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident au titre desquels est demandé un congé de maladie, de longue maladie ou de longue durée, elle peut, en tant que de besoin, consulter un médecin expert agréé. ". Il résulte de ces dispositions que lorsque l'administration entend contrôler le caractère imputable au service du congé de maladie dont bénéficie l'agent, celui-ci est tenu sans délai d'accepter ce contrôle et de se soumettre aux expertises diligentées à cet effet, sous peine de voir son traitement réduit ou supprimé. 4. En l'espèce, M. B... soutient que le recteur de l'académie de Strasbourg n'a pas exécuté le jugement du 17 avril 2018 par lequel le tribunal, après avoir annulé le placement en disponibilité d'office et les renouvellements de ce placement aux motifs que le comité médical n'avait pas été saisi du cas de l'intéressé pour se prononcer sur sa capacité à exercer un autre emploi et que l'administration ne l'avait pas mis en mesure de présenter une demande de reclassement, a enjoint à l'administration de procéder au réexamen de sa situation. 5. Contrairement à ce que soutient le requérant, ce motif d'annulation n'impliquait pas le placement en congé de maladie imputable au service, mais seulement un réexamen de la décision de placement en disponibilité d'office pour raisons de santé, lequel nécessitait la saisine du comité médical. Or, il ressort des pièces du dossier que le recteur a saisi le comité médical de la situation de M. B... et que l'intéressé a refusé de se présenter à l'expertise fixée le 17 novembre 2021, le comité médical ayant considéré qu'il n'était, en conséquence, pas en mesure d'instruire son dossier. Alors qu'aux termes des dispositions précitées, M. B... est dans l'obligation de se soumettre aux expertises diligentées par l'administration, le recteur doit ainsi être regardé comme ayant exécuté le jugement du tribunal du 17 avril 2018, l'absence effective de réexamen de la situation de l'intéressé n'étant due qu'à son obstruction. Il s'ensuit que les conclusions à fin de liquidation de l'astreinte doivent être rejetées, tout comme les conclusions tendant à la fixation d'une nouvelle astreinte. Sur les conclusions à fin d'injonction : 6. Il résulte des dispositions de l'article L. 911-4 du code de justice administrative que, d'une part, le juge administratif ne peut, sur le fondement de ces dispositions, prescrire que les mesures tendant à l'exécution d'une décision de la juridiction administrative et, d'autre part, qu'il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 d'apprécier l'opportunité de compléter les mesures déjà prescrites ou qu'il prescrit lui-même par la fixation d'un délai d'exécution et le prononcé d'une astreinte suivi, le cas échéant, de la liquidation de celle-ci, en tenant compte tant des circonstances de droit et de fait existant à la date de sa décision que des diligences déjà accomplies par les parties tenues de procéder à l'exécution de la chose jugée ainsi que de celles qui sont encore susceptibles de l'être. 7. En premier lieu, ainsi qu'il a été indiqué au point 4, dans son jugement du 17 avril 2018, le tribunal s'est limité à enjoindre au recteur de l'académie de Strasbourg de réexaminer la situation de M. B... au regard de la décision annulée de placement en disponibilité, sans lui enjoindre de prendre une décision dans un sens déterminé. Par suite, les conclusions de M. B... tendant à ce qu'il soit enjoint au recteur de l'académie de Strasbourg de le faire bénéficier du régime des accidents de service à compter de son placement en disponibilité d'office, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter du 14 mars 2022, et de reconstituer sa carrière y compris ses droits à la retraite, en lui conservant son affectation au collège Twinger, avec l'avancement auquel il devait bénéficier, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, ne peuvent qu'être rejetées. 8. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 5 qu'il n'y a pas lieu d'enjoindre au recteur de l'académie de Strasbourg d'adresser au greffe de la cour une copie des actes pris pour l'exécution du jugement du 17 avril 2018. Sur les conclusions présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens, tant en première instance qu'en appel. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Strasbourg. Délibéré après l'audience du 22 mai 2025, à laquelle siégeaient : - M. Wurtz, président, - Mme Bauer, présidente-assesseure, - M. Berthou, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juin 2025. La rapporteure, Signé : S. BAUER Le président, Signé : Ch. WURTZ Le greffier, Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier, F. LORRAIN N° 22NC02274 2
Cours administrative d'appel
Nancy
Conseil d'État, 9ème chambre, 11/06/2025, 470095, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 29 avril 2019 par laquelle la rectrice de l'académie de Reims l'a informé qu'une radiation des cadres à la date du 1er novembre 2017 interviendrait sans liquidation anticipée de son droit à pension de retraite, et d'enjoindre à cette autorité administrative de liquider et de mettre en paiement sa pension. Par un jugement n° 1901578 du 6 octobre 2020, ce tribunal a rejeté sa demande. Par un arrêt n° 20NC03409 du 29 décembre 2022, la cour administrative d'appel de Nancy a transmis au Conseil d'Etat le pourvoi formé par M. A... contre ce jugement, enregistré au greffe de cette cour le 24 novembre 2020. Par ce pourvoi ainsi que par un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés le 9 mars 2023 et le 12 mai 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de l'éducation ; - le code de la fonction publique ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 ; - le décret n° 2010-1741 du 30 décembre 2010 ; - le décret n° 2013-39 du 10 janvier 2013 ; - l'arrêté du 26 juillet 2019 fixant la date d'effet de la nouvelle procédure d'admission à la retraite à l'égard des fonctionnaires civils et des militaires relevant de l'administration centrale des ministères de l'éducation nationale et de la jeunesse et de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, de certaines académies et de certains établissements d'enseignement supérieur ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Benoît Chatard, auditeur, - les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Richard, avocat de M. A... ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. A..., alors professeur d'enseignement général des collèges, a demandé son admission anticipée à la retraite avec jouissance à effet immédiat de sa pension à compter du 1er novembre 2017, en qualité de parent de trois enfants ayant, pour chacun d'eux, réduit ou interrompu son activité. Par un arrêté du 28 novembre 2016, la rectrice de l'académie de Reims a fait droit à sa demande. Toutefois, par un arrêté du 12 septembre 2017, elle a rapporté cette décision au motif que les autorisations successives données à M. A... de travailler à temps partiel ne précisaient pas qu'elles étaient accordées de plein droit à l'occasion de la naissance d'un enfant. Par un premier jugement du 2 avril 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, sur demande de M. A..., annulé l'arrêté du 12 septembre 2017 au motif qu'il ne pouvait retirer l'arrêté du 28 novembre 2016 plus de quatre mois après son édiction. Par une lettre du 29 avril 2019, répondant à la demande de M. A... tendant à ce que soient tirées toutes les conséquences de ce jugement, la rectrice de l'académie de Reims l'a informé qu'il en résultait seulement que l'arrêté de radiation des cadres du 28 novembre 2016 était rétabli, sans qu'il y ait lieu de liquider sa pension à compter du 1er novembre 2017 et que, dès lors, s'il devait être radié des cadres à cette date, sa pension ne pourrait être liquidée avant qu'il atteigne l'âge de soixante-deux ans, soit le 7 août 2023. Par un jugement du 6 octobre 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision du 29 avril 2019. M. A... se pourvoit en cassation contre ce jugement. Sur la portée du litige : 2. Aux termes de l'article D.1 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction antérieure au décret du 10 janvier 2013 relatif à l'admission à la retraite des fonctionnaires de l'Etat, des magistrats et des militaires, applicable aux fonctionnaires relevant de l'académie de Reims jusqu'au 31 août 2019 conformément aux dispositions de l'arrêté du 26 juillet 2019 du ministre de l'action et des comptes publics, du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et de la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, pris pour l'application de l'article 3 de ce décret et qui a fixé au 1er septembre 2019 la date d'effet des modifications apportées à ces dispositions à l'égard de ces fonctionnaires : " Pour obtenir la concession et la liquidation de sa pension à la date à laquelle il souhaite cesser son activité, le fonctionnaire, le magistrat ou le militaire doit déposer sa demande d'admission à la retraite, par la voie hiérarchique, six mois avant cette date, auprès du service gestionnaire dont il relève. / La décision de radiation des cadres prononcée pour un motif autre que l'invalidité doit être prise dans les deux mois qui suivent le dépôt de la demande d'admission à la retraite et, en tout état de cause, quatre mois au moins avant la date à laquelle elle prend effet. / (...) / La concession de la pension doit intervenir au plus tard un mois avant la date d'effet de la radiation des cadres ". Aux termes de l'article R. 65 du même code : " (...) la pension de l'intéressé ou celle de ses ayants cause ou, le cas échéant, la rente viagère d'invalidité est liquidée et concédée par arrêté du ministre chargé du budget ". 3. Il résulte de ces dispositions, qui étaient applicables à M. A... à la date à laquelle il a demandé pour la première fois son admission anticipée à la retraite avec jouissance à effet immédiat de sa pension comme à la date à laquelle il a demandé à la rectrice de l'académie de Reims de tirer toutes les conséquences du premier jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, qu'il appartenait au service gestionnaire dont il relevait, après qu'il eut été admis à la retraite et radié des cadres, de transmettre cette décision au ministre chargé du budget en vue de la liquidation et de la concession, par ce dernier, d'une pension. 4. Par suite, la rectrice de l'académie de Reims devait s'estimer saisie d'une nouvelle demande de concession de sa pension, présentée par M. A... à la suite du premier jugement, et sa réponse du 29 avril 2019 doit être regardée comme un refus de transmission de cette demande au ministre chargé des pensions, dont il n'a pu que résulter une décision implicite de ce ministre refusant à M. A... le bénéfice de la liquidation anticipée de ses droits à pension. Dès lors, la demande présentée par M. A... au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne doit être regardée comme dirigée contre cette dernière décision. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 5. Aux termes de l'article R.* 4 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " L'acte de radiation des cadres spécifie les circonstances susceptibles d'ouvrir droit à pension et vise les dispositions légales invoquées à l'appui de cette décision. / Les énonciations de cet acte ne peuvent préjuger ni la reconnaissance effective du droit, ni les modalités de liquidation de la pension, ces dernières n'étant déterminées que par l'arrêté de concession ". 6. S'il résulte de ces dispositions que M. A... ne pouvait utilement invoquer, à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation du refus de liquider et de lui concéder une pension de retraite, les énonciations de l'arrêté l'admettant à la retraite relatives à ses droits à la jouissance d'une pension de retraite à effet immédiat, il n'en allait pas de même des dispositions législatives et réglementaires déterminant les conditions dans lesquelles il pouvait avoir droit à la liquidation anticipée de la pension. Il s'ensuit que le tribunal administratif, qui s'est, d'ailleurs, mépris sur la portée du litige et s'est estimé à tort saisi d'un recours en excès de pouvoir alors qu'il lui appartenait de se prononcer en tant que juge de plein contentieux, a commis une erreur de droit en écartant comme inopérants les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article 44 de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites et de l'article R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Par suite, M. A... est fondé, sans qu'il y ait besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi, à demander l'annulation du jugement qu'il attaque. 7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative. Sur les conclusions de M. A... à fin d'annulation et d'injonction : 8. Le contentieux des pensions civiles et militaires de retraite étant un contentieux de pleine juridiction, il appartient, dès lors, au juge saisi de se prononcer lui-même sur les droits de l'intéressé, sauf à renvoyer à l'administration compétente, et sous son autorité, le règlement de tel aspect du litige dans des conditions précises qu'il lui appartient de fixer. 9. Aux termes du III de l'article 44 de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites : " Par dérogation à l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, le fonctionnaire civil et le militaire ayant accompli quinze années de services civils ou militaires effectifs avant le 1er janvier 2012 et parent à cette date de trois enfants vivants (...) conserve la possibilité de liquider sa pension par anticipation à condition d'avoir, pour chaque enfant, interrompu ou réduit son activité dans des conditions fixées par un décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article 2 du décret du 30 décembre 2010 portant application aux fonctionnaires, aux militaires et aux ouvriers des établissements industriels de l'Etat des articles 44 et 52 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites : " Les dispositions de l'article R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite sont applicables, pour chaque enfant, aux fonctionnaires et militaires mentionnés au III de l'article 44 de la loi du 9 novembre 2010 susvisée ". Aux termes du II bis de l'article R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite, la réduction d'activité ouvrant droit à liquider sa pension par anticipation " est constituée d'une période de service à temps partiel d'une durée continue d'au moins quatre mois pour une quotité de temps de travail de 50 % de la durée du service que les agents à temps plein exerçant les mêmes fonctions doivent effectuer, d'au moins cinq mois pour une quotité de 60 % et d'au moins sept mois pour une quotité de 70 %. / Sont prises en compte pour le calcul de la durée mentionnée au premier alinéa les périodes correspondant à un service à temps partiel pris en application des dispositions du premier alinéa de l'article 37 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 37 bis de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, désormais codifié à l'article L. 612-3 du code général de la fonction publique : " L'autorisation d'accomplir un travail à temps partiel, selon les quotités de 50 %, 60 %, 70 % et 80 % est accordée de plein droit aux fonctionnaires à l'occasion de chaque naissance jusqu'au troisième anniversaire de l'enfant (...) ". Enfin, l'article R. 911-9 du code de l'éducation, reprenant les dispositions de l'article 1-5 du décret du 20 juillet 1982 fixant les modalités d'application pour les fonctionnaires de l'ordonnance n° 82-696 du 31 mars 1982 relative à l'exercice des fonctions à temps partiel, précise les conditions dans lesquelles l'exercice d'un service à temps partiel accordé de droit est aménagé pour les personnels relevant d'un régime d'obligations de service. Aux termes du 1° de cet article : " Pour les personnels des établissements d'enseignement du second degré relevant d'un régime d'obligations de service défini en heures hebdomadaires, bénéficiant d'un temps partiel de droit, la durée du service est aménagée de façon à obtenir un nombre entier d'heures correspondant à la quotité de temps de travail choisie (...) ". 10. Il résulte de ces dispositions que les périodes de réduction d'activité pouvant ouvrir droit au bénéfice de la liquidation anticipée de la pension prévue au III de l'article 44 de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites doivent, d'une part, satisfaire à la condition de durée minimale prévue au II bis de l'article R. 37 du même code et, d'autre part, être accordées, conformément aux dispositions limitativement énumérées à ce même II bis, dans un délai de trois ans, à l'occasion de la naissance ou de l'adoption d'un enfant, selon la quotité de 50 %, 60 % ou 70 % aménagée, le cas échéant, dans les conditions et selon les modalités prévues par l'article R. 911-9 du code de l'éducation pour les professeurs relevant d'un régime d'obligation de service. 11. Il résulte de l'instruction, en premier lieu, qu'il est constant que M. A..., professeur titulaire depuis 1987, remplissait, à la date du 1er novembre 2017 à laquelle l'arrêté du 12 septembre 2017 l'a admis à la retraite, la condition d'avoir accompli quinze années de services civils avant le 1er janvier 2012 ainsi que la condition d'avoir été, à cette date, parent de trois enfants vivants, nés respectivement les 10 juillet 1994, 26 juin 1997 et 1er juillet 2000. Il en résulte, en second lieu, qu'il a exercé ses fonctions à temps partiel à compter du 1er septembre 1996, après la naissance et avant le troisième anniversaire de son premier enfant et jusqu'au 31 août 2006, postérieurement au troisième anniversaire de son troisième enfant, selon une quotité de 12/18èmes, soit 66,67%. Par suite, M. A... est fondé à soutenir qu'il était en droit de bénéficier de la liquidation anticipée de sa pension dès la date du 1er novembre 2017 à laquelle il avait été admis à la retraite et à demander l'annulation de la décision implicite de rejet qu'il attaque. 12. Le jugement du 2 avril 2019 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ayant eu pour effet de rétablir l'arrêté du 28 novembre 2016 admettant M. A... à la retraite à compter du 1er novembre 2017, il résulte de ce qui vient d'être dit au point 11 que celui-ci avait droit, au titre de la période allant de cette date à celle à laquelle il a effectivement quitté ses fonctions, au versement de son traitement avec retenues pour pension ainsi qu'à un supplément de liquidation pour la pension versée à compter du jour de la cessation de ses fonctions, dans la limite du nombre de trimestres nécessaires pour obtenir le pourcentage maximum de celle-ci. Il y a lieu, dès lors, de prescrire au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique de concéder à M. A..., à compter de la date de la cessation effective de ses fonctions, la pension de retraite ainsi liquidée, par un arrêté pris dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette prescription d'une astreinte comme le demande l'intéressé. 13. Il y a en outre lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.D E C I D E : -------------- Article 1er : Le jugement du 6 octobre 2020 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé. Article 2 : La décision implicite du ministre chargé du budget rejetant la demande de M. A... tendant à la liquidation de sa pension est annulée. Article 3 : Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique concèdera, dans le délai de deux mois suivant la notification de la présente décision, la pension de retraite due à M. A... dans les conditions précisées par les motifs de la présente décision. Article 4 : L'Etat versera à M. A... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B... A..., au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Délibéré à l'issue de la séance du 15 mai 2025 où siégeaient : Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Vincent Daumas, conseiller d'Etat et M. Benoît Chatard, auditeur-rapporteur. Rendu le 11 juin 2025. La présidente : Signé : Mme Anne Egerszegi Le rapporteur : Signé : M. Benoît Chatard Le secrétaire : Signé : M. Gilles Ho La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chacun en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :ECLI:FR:CECHS:2025:470095.20250611
Conseil d'Etat