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CAA de PARIS, 8ème chambre, 07/08/2024, 23PA02178, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 7 juillet 2021 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a refusé de lui octroyer une pension de victime civile de la guerre d'Algérie. Par un jugement n° 2212026/5-3 du 15 mars 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 16 mai 2023, M. A..., représenté par Me Francos, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 15 mars 2023 du tribunal administratif de Paris ; 2°) d'annuler la décision du 7 juillet 2021 de la commission de recours de l'invalidité ; 3°) d'enjoindre au ministre des armées de lui octroyer une pension de victime civile de la guerre d'Algérie à compter de la date de présentation de sa demande ; à défaut, d'enjoindre au ministre des armées de réexaminer sa situation ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement attaqué est insuffisamment motivé, faute de préciser en quoi les particularités de la situation des victimes civiles de la guerre d'Algérie justifiaient un traitement différent de celui réservé aux victimes civiles d'autres conflits ; - l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre institue une différence de traitement discriminatoire injustifiée qui porte atteinte aux exigences résultant des stipulations combinées des articles 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er de son premier protocole additionnel ; cet article porte atteinte au principe de sécurité juridique ; - la décision contestée méconnaît les stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention dont il résulte que le droit patrimonial à pension, en qualité de victime civile de guerre, ne peut, en tant que tel, être organisé de manière discriminatoire ; - elle porte atteinte au principe de sécurité juridique. Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 16 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 décembre 2023 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - la décision n° 2017-690 QPC du 8 février 2018 du conseil constitutionnel ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Jayer, - et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., né le 8 septembre 1955, est de nationalité algérienne. Blessé le 24 juillet 1962 à la suite de l'explosion d'un engin, il a sollicité, le 13 novembre 2019, l'octroi d'une pension en qualité de victime civile de la guerre d'Algérie. La ministre des armées a rejeté cette demande par une décision du 30 octobre 2020 au motif que les demandes de pensions déposées après le 14 juillet 2018 étaient irrecevables. M. A... a formé un recours administratif préalable obligatoire contre cette décision devant la commission de recours de l'invalidité qui a rejeté sa demande par la décision attaquée du 7 juillet 2021. Il relève appel du jugement du 15 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. D'une part, aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ". Une atteinte au droit au respect des biens doit ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la collectivité et celles de la protection des droits fondamentaux de l'individu. Par ailleurs, le titulaire d'une créance qui démontre que celle-ci a une base suffisante en droit interne peut se prévaloir d'une espérance légitime correspondant à une valeur patrimoniale appelant la protection de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 3. D'autre part, aux termes de l'article L. 151-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, applicable aux victimes civiles de guerre en vertu de l'article L. 152-1 de ce code : " Les demandes de pensions sont recevables sans condition de délai. ". 4. Par sa décision n° 2017-690 QPC du 8 février 2018, prenant effet à compter du 9 février 2018, le Conseil constitutionnel a jugé contraire au principe constitutionnel d'égalité la condition de nationalité française mise au bénéfice du régime d'indemnisation des victimes civiles de la guerre d'Algérie par les dispositions antérieures, issues de la loi du 31 juillet 1963 de finances rectificative pour 1963. A compter de cette date, les personnes remplissant les conditions leur permettant de prétendre au bénéfice du régime d'indemnisation, à l'exception de la condition de nationalité, pouvaient se prévaloir d'une espérance légitime liée à cette créance, constituant un bien au sens de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En vertu des dispositions citées au point 3, la demande qu'ils pouvaient présenter en ce sens était recevable sans condition de délai. 5. La décision n° 2017-690 du Conseil constitutionnel est toutefois restée sans effet juridique direct sur les dispositions de l'article L. 113-6 du code de pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre qui réservaient le bénéfice des pensions de victimes civiles de guerre aux personnes de nationalité française au 4 août 1963. Ce n'est que depuis sa rédaction issue de l'article 49 de la loi du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense que l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dispose, dans son premier alinéa, que : " Les personnes ayant subi en Algérie entre le 31 octobre 1954 et le 29 septembre 1962 des dommages physiques, du fait d'attentats ou de tout autre acte de violence en relation avec la guerre d'Algérie, bénéficient des pensions de victimes civiles de guerre ". Jusqu'à l'adoption de l'article 49 de la loi du 13 juillet 2018, le régime d'indemnisation prévu en faveur des victimes civiles de la guerre d'Algérie qui n'étaient pas de nationalité française leur était donc fermé par la loi, ce qui faisait, de fait, obstacle au dépôt utile d'une demande en ce sens. Si la décision n° 2017-690 du Conseil constitutionnel a pu toutefois donner naissance, dans le chef de ces derniers, à une espérance légitime liée à cette créance, elle ne leur permettait pas de déposer utilement une demande de pension, sauf, pour ces personnes étrangères qui n'avaient pas vocation à bénéficier de l'aide juridictionnelle faute de résider en France, à passer par la voie contentieuse en mobilisant l'outil juridique de la question prioritaire de constitutionnalité. L'article L. 151-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, levant toute condition de délai, permettait à ces dernières d'attendre, pour faire valoir leur créance sans être contraintes d'engager une instance contentieuse, que la loi soit mise en conformité avec la Constitution, ce que le législateur a fait par l'article 49 de la loi du 13 juillet 2018. 6. Toutefois, le dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans sa rédaction résultant du même article 49 de la loi du 13 juillet 2018, dispose que : " Par dérogation à l'article L. 152-1, les demandes tendant à l'attribution d'une pension au titre du présent article ne sont plus recevables à compter de la publication de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense ". Le droit à l'attribution d'une pension s'appréciant, en vertu de l'article L. 151-1 du même code, à la date du dépôt de la demande, ces dispositions ont ainsi eu pour effet de mettre un terme pour l'avenir, à compter de la publication de la loi du 13 juillet 2018, c'est-à-dire dès le 14 juillet 2018, à l'application du régime d'indemnisation des victimes civiles de la guerre d'Algérie. Le législateur a, ainsi, simultanément supprimé la condition de nationalité qui figurait dans le texte antérieur, conformément à la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-690 QPC du 8 février 2018, et mis un terme pour l'avenir, à ce régime d'indemnisation. Il a, ce faisant, privé sans préavis et du jour au lendemain les victimes civiles de la guerre d'Algérie qui n'étaient pas de nationalité française, alors qu'elles étaient titulaires d'une espérance légitime de se voir reconnaître le bénéfice d'une pension de victime civile de cette guerre, de toute possibilité de percevoir une telle pension, entraînant une ingérence dans l'exercice des droits que ces victimes pouvaient, jusqu'alors, escompter faire valoir en vertu de l'article L. 151-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et, partant, dans leur droit au respect de leurs biens. 7. Pour justifier cette atteinte, le ministre des armées soutient que la différence de traitement entre les victimes de la guerre d'Algérie, selon qu'elles ont déposé leur demande de pension, avant ou après le 14 juillet 2018, n'est que la conséquence de la succession de deux régimes juridiques dans le temps et n'est pas, par elle-même, contraire au principe d'égalité ni source de discrimination, qu'il résulte des travaux parlementaires que le gouvernement a entendu tenir compte de la nature particulière du conflit en cause et du territoire concerné et a entendu tirer toutes les conséquences de la censure du Conseil constitutionnel tout en recherchant un juste point d'équilibre entre les exigences constitutionnelles, la soutenabilité du dispositif et la nécessité de regarder résolument vers l'avenir pour donner un nouvel élan à la relation franco-algérienne et que les conséquences de la loi sont ainsi totalement proportionnées au regard des buts poursuivis. Pour autant, il ne se prévaut d'aucun intérêt financier et n'apporte aucune donnée sur ce point. Postérieurement, le législateur a d'ailleurs, par l'article 15 de la loi du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense, remédié à la brutalité de ce changement en levant, pour les seuls pupilles de la Nation, la forclusion ainsi opposable depuis 2018 à toute demande de pension en raison d'actes de violence subis lors du conflit algérien en leur rouvrant, pour une durée de six mois, la possibilité de prétendre à une pension de victime civile de guerre. Cet article est issu d'un amendement gouvernemental indiquant qu'il vise à rétablir ces orphelins dans leurs droits, en leur permettant de prétendre à une pension civile de guerre lorsqu'ils ont eux-mêmes été victimes du conflit algérien. Au vu de ces éléments, les seules considérations tenant à l'écoulement du temps, aux difficultés de la preuve et à la recherche d'un apaisement politique et social, si elles pouvaient légitimer une mise en extinction, fût-ce à brève échéance, du régime en cause, ne pouvaient justifier sa disparition le jour-même où il était ouvert aux personnes remplissant les conditions leur permettant de prétendre au bénéfice du régime d'indemnisation, à l'exception de la condition de nationalité, leur faisant ainsi supporter une charge spéciale et exorbitante. Cette atteinte aux droits des intéressés a rompu le juste équilibre devant régner entre, d'une part, les exigences de l'intérêt général et, d'autre part, la sauvegarde du droit au respect des biens. M. A... est dès lors fondé à se prévaloir de l'inconventionnalité des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans sa rédaction résultant du même article 49 de la loi du 13 juillet 2018, au regard des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel. 8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement et sur les autres moyens de la requête, et dès lors que l'effet dévolutif de l'appel n'appelle pas l'examen d'autres moyens soulevés par les parties, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par conséquent, ce jugement doit être annulé ainsi que la décision du 7 juillet 2021 de la commission de recours de l'invalidité. Sur les conclusions à fin d'injonction : 9. Eu égard à ses motifs, tenant à ce qu'une forclusion a été opposée à tort à M. A... et sans examen sur le fond de sa demande, l'exécution du présent arrêt implique seulement qu'en application des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, il soit enjoint au ministre des armées de procéder à un nouvel examen de la demande de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Sur les frais liés à l'instance : 10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à M. A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D É C I D E : Article 1er : Le jugement du 15 mars 2023 du tribunal administratif de Paris et la décision du 7 juillet 2021 de la commission de recours de l'invalidité sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au ministre des armées de réexaminer la demande de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à M. A... en application des dispositions l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 4 juillet 2024, à laquelle siégeaient : - Mme Anne Menasseyre, présidente, - Mme Cécile Vrignon-Villalba, présidente assesseure, - Mme Jayer, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 août 2024. La rapporteure, M-B...La présidente, A. Menasseyre Le greffier, P. Tisserand La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23PA02178
Cours administrative d'appel
Paris
Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 24/07/2024, 468256, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : M. B... A... a demandé au tribunal des pensions de Chambéry d'annuler la décision du 16 juillet 2012, par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité. Par jugement n° 1907203 du 30 mars 2020, le tribunal administratif de Grenoble, auquel a été transmis la demande de M. A... en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018, a rejeté cette demande. Par un arrêt n° 20LY01899 du 31 mars 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. A... contre ce jugement. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 14 octobre 2022 et 11 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Marc Levis, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Laëtitia Malleret, maîtresse des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de M. Frédéric Puigserver, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lévis, avocat de M. A... ;Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A... était caporal-chef sous contrat dans l'armée de terre jusqu'à sa radiation des contrôles en 1997. Il a sollicité le 13 octobre 2010 une pension pour l'infirmité résultant d'une hépatite C chronique, dont il attribue l'origine aux conditions sanitaires dans lesquelles il a servi, du 4 décembre 1992 au 12 juin 1993, au Cambodge, dans le cadre de la mission Autorité provisoire des Nations Unies au Cambodge (APRONUC). Par une décision du 16 juillet 2012, le ministre de la défense a rejeté cette demande de pension. Sur transmission du tribunal des pensions de Chambéry, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de M. A... contestant cette décision. M. A... se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon qui a rejeté l'appel qu'il avait formé contre ce jugement. 2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, en vigueur à la date d'ouverture du droit à pension allégué par le requérant : " Ouvrent droit à pension : (...) 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ". Aux termes de l'article L. 3 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : (...) 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le trentième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ". 3. Il résulte de ces dispositions que, si les conditions sont réunies pour que l'intéressé puisse bénéficier du régime de présomption légale d'imputabilité, cette présomption ne peut être écartée que lorsque l'administration apporte une preuve contraire établissant qu'une cause étrangère au service est à l'origine de façon directe et certaine de l'infirmité invoquée ou de son aggravation. Une telle preuve contraire ne saurait résulter d'une simple hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle. 4. Pour dénier à M. A... un droit à pension pour l'infirmité en cause, la cour administrative d'appel, après avoir retenu qu'il remplissait les conditions pour bénéficier de la présomption légale d'imputabilité édictée à l'article L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et avoir relevé qu'il avait présenté des sérologies négatives aux hépatites virales avant son départ en mission et avait été testé positif au virus de l'hépatite C à son retour de mission au Cambodge en 1993, s'est fondée sur la circonstance que le comportement personnel de l'intéressé avant son incorporation et jusqu'à son départ en mission l'avait exposé à des risques de contamination par ce virus et que son profil cicatriciel correspondait à un profil d'usager de drogues statistiquement associé à de telles contaminations. En se fondant sur ces éléments pour juger que la preuve contraire était rapportée par l'administration, la cour a commis une erreur de droit. Par suite, son arrêt doit être annulé. 5. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Marc Levis, son avocat, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 3 000 euros à verser cette société au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.D E C I D E : -------------- Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 31 mars 2022 est annulé. Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Lyon. Article 3 : L'Etat versera à la SCP Marc Levis une somme de 3 000 euros au titre en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré à l'issue de la séance du 28 juin 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, M. Alain Seban, Mme Fabienne Lambolez, M. Cyril Roger-Lacan, M. Stéphane Hoynck, conseillers d'Etat et Mme Laëtitia Malleret, maîtresse des requêtes en service extraordinaire-rapporteure. Rendu le 24 juillet 2024. Le président : Signé : M. Jacques-Henri Stahl La rapporteure : Signé : Mme Laëtitia Malleret La secrétaire : Signé : Mme Marie-Adeline AllainECLI:FR:CECHR:2024:468256.20240724
Conseil d'Etat
Conseil d'État, 8ème chambre, 23/07/2024, 488880, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : M. B... A... a demandé au tribunal des pensions militaires de Bordeaux d'annuler la décision du 3 juillet 2017 par laquelle la ministre des armées a rejeté la demande de révision de sa pension qu'il a présentée au motif de l'aggravation de ses infirmités et de la prise en compte de trois nouvelles infirmités. Par un jugement n° 1700030 du 6 juin 2019, le tribunal des pensions militaires de Bordeaux a, en premier lieu, annulé la décision du 3 juillet 2017 de la ministre des armées en tant qu'elle a refusé la révision de la pension de M. A... pour une " névralgie sciatique dans le territoire du L5 droit ", une " impuissance érectile totale ", un " reflux gastro-oesophagien " et une " névralgie cervico-brachiale sur une hernie cervicale C6-C7 ", en deuxième lieu, reconnu le droit de l'intéressé à la majoration prévue au deuxième alinéa de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, en troisième lieu, rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par un arrêt n° 19BX04045 du 13 juillet 2021, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel de la ministre des armées, d'une part, annulé ce jugement en tant qu'il a reconnu comme indemnisables les infirmités " impuissance érectile totale " et " névralgie cervico-brachiale sur hernie cervicale C6-C7 ", d'autre part, rejeté la demande présentée par M. A... devant le tribunal des pensions militaires de Bordeaux en ce qu'elle concerne ces infirmités ainsi que le surplus des conclusions des parties. Par un arrêt n° 21BX02813 du 5 mai 2022, la cour administrative d'appel de Bordeaux, saisie par M. A... sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, a enjoint à la ministre des armées d'octroyer à M. A..., à titre définitif, l'allocation prévue au deuxième alinéa de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et de procéder, dans un délai d'un mois à compter de la notification de cet arrêt, aux versements correspondants, et a assorti cette injonction d'une astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de l'expiration de ce délai. Par une décision n° 465594 du 20 juillet 2023, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur le pourvoi du ministre des armées a, après avoir annulé l'arrêt du 5 mai 2022 en tant qu'il a enjoint au ministre des armées de lui verser une allocation pour tierce personne pour la période postérieure au 18 mars 2018, en exécution de l'arrêt du 13 juillet 2021, rejeté les conclusions de M. A... présentées à cette fin. Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 16 octobre 2023 et 16 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'État : 1°) de réviser cette décision ; 2°) de rejeter le pourvoi du ministre des armées ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Poupet - Kacenelenbogen, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Sébastien Ferrari, maître des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Poupet et Kacenelenbogen, avocat de M. A... ; Considérant ce qui suit : 1. M. A... forme un recours, qu'il qualifie de recours en révision, contre la décision n° 465594 du 20 juillet 2023, par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur le pourvoi du ministre des armées a, après avoir annulé l'arrêt du 5 mai 2022 en tant qu'il a enjoint au ministre des armées de lui verser une allocation pour tierce personne pour la période postérieure au 18 mars 2018, en exécution de l'arrêt du 13 juillet 2021, rejeté les conclusions de M. A... présentées à cette fin. 2. Aux termes de l'article R. 834-1 du code de justice administrative : " Le recours en révision contre une décision contradictoire du Conseil d'Etat ne peut être présenté que dans trois cas : 1° Si elle a été rendue sur pièces fausses (...) / 3° Si la décision est intervenue sans qu'aient été observées les dispositions du présent code relatives à la composition de la formation de jugement, à la tenue des audiences ainsi qu'à la forme et au prononcé de la décision ". Aux termes de l'article R. 831-1 du même code : " Toute personne qui, mise en cause par le Conseil d'Etat, n'a pas produit de défense en forme régulière est admise à former opposition à la décision rendue par défaut, sauf si celle-ci a été rendue contradictoirement avec une partie qui a le même intérêt que la partie défaillante ". 3. Si, ainsi qu'il ressort des visas de la décision du 20 juillet 2023, M. A... a été avisé qu'un pourvoi avait été formé par le ministre des armées contre l'arrêt du 5 mai 2022 rendu au bénéfice du premier par la cour administrative d'appel de Bordeaux, celui-ci n'a pas produit dans l'instance. Dans ces conditions, le recours introduit par M. A... doit être regardé comme formant opposition à cette décision, rendue par défaut, sur la base des seules écritures du ministre des armées, et non comme un recours en révision de cette décision laquelle, dans les circonstances de l'instance, est intervenue de façon non contradictoire. L'opposition ainsi formée étant recevable, il y a lieu, par conséquent, de statuer à nouveau sur le pourvoi du ministre des armées. 4. En se bornant à relever que l'arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Bordeaux le 13 juillet 2021 ne comportait aucune indication dans son dispositif sur le caractère définitif ou au contraire temporaire de son incapacité à se mouvoir, à se conduire ou à accomplir les actes essentiels à la vie, M. A... n'apporte aucun élément susceptible de remettre en cause le motif par lequel le Conseil d'Etat a jugé que, par cet arrêt, la cour devait être regardée comme ayant prescrit à compter du 19 mars 2015 l'attribution d'une allocation pour tierce personne révisable au terme d'un délai de trois ans et a annulé, en tant qu'il avait statué sur la période postérieure au 18 mars 2018, l'arrêt du 5 mai 2022 par lequel cette même cour, saisie en exécution de son précédent arrêt, a jugé que ce dernier impliquait l'octroi à M. A..., à titre définitif, d'une telle allocation, ni le motif similaire par lequel le Conseil d'Etat, réglant l'affaire au fond, a jugé que la demande de M. A... tendant au versement de cette allocation pour la période postérieure au 18 mars 2018 soulevait un litige distinct de celui pour lequel l'intervention du juge de l'exécution avait été sollicitée et ne pouvait ainsi qu'être rejetée. 5. Il résulte de toute ce qui précède que la requête de M. A... ne peut être accueillie. 6. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. D E C I D E : -------------- Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre des armées.ECLI:FR:CECHS:2024:488880.20240723
Conseil d'Etat
CAA de NANTES, 6ème chambre, 16/07/2024, 22NT02040, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par un arrêt du 23 janvier 2024, la cour a ordonné avant dire droit une expertise médicale contradictoire afin qu'elle lui permette de se prononcer en toute connaissance sur les infirmités pour lesquelles M. B... a sollicité une nouvelle pension militaire d'invalidité. Par une ordonnance du 31 janvier 2024, le président de la cour a désigné le docteur A..., neurologue, en qualité d'expert. Le rapport d'expertise, reçu le 13 mai 2024, a été communiqué aux parties. Par un mémoire enregistré le 30 mai 2024, M. B..., représenté par Me Uzan-Kauffman, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement attaqué du tribunal administratif de Rennes ; 2°) constater qu'il souffre d'un syndrome subjectif des traumatisés crâniens dont le taux doit être fixé à 40 % ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - les symptômes qu'il a présentés dans les suites immédiates du blast dont il a été victime ne peuvent être attribués exclusivement au stress post-traumatique déjà pensionné au seul motif hypothétique que le choc n'aurait pas été violent ; les troubles cognitifs, visuels et de l'équilibre constatés par l'expert n'ont pas été retenus au titre de cette précédente infirmité ; - s'agissant de l'insuffisance hypophysaire, l'expert s'est borné à constater que l'expertise endocrinologique du 14 septembre 2017 n'avait pas permis de confirmer cette pathologie ; le taux d'invalidité de cette infirmité ne saurait être inférieur à 30 %. Par un mémoire enregistré le 30 mai 2024, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. Le mémoire, enregistré le 12 juin 2024, présenté par le ministre des armées n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Gélard, - et les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B... a été victime, le 17 janvier 2015, de blessures à la suite de l'explosion d'un véhicule " suicide " alors qu'il se trouvait en opération extérieure au Mali. Il perçoit une pension militaire d'invalidité pour un " état de stress post-traumatique " et des " acouphènes permanents avec hypoacousie et difficultés d'endormissement ". Le 12 avril 2017, l'intéressé a présenté une demande de pension militaire d'invalidité pour deux nouvelles infirmités : " insuffisance hypophysaire " et " syndrome subjectif post-traumatique dans un contexte de blast ". Par une décision du 15 mars 2019, sa demande a été rejetée. M. B..., relève appel du jugement du 16 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Sur l'infirmité " syndrome subjectif post-traumatique dans un contexte de blast " : 2. Aux termes de l'article L. 125-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Le taux d'invalidité reconnu à chaque infirmité examinée couvre l'ensemble des troubles fonctionnels et l'atteinte à l'état général. ". Aux termes du guide barème annexé au code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Le syndrome subjectif post traumatique proprement dit [se caractérise par des] céphalées ou sensations céphaliques très variées - étourdissements et impression d'instabilité, parfois de caractère vertigineux - troubles visuels et auditifs. Il s'y rattache souvent des symptômes évoquant plus précisément un pôle psychologique tels que : asthénie physique et psychique, troubles sexuels, insomnie, troubles de la concentration intellectuelle, aspects dépressifs souvent marqués, plaintes hypocondriaques, modifications du caractère (irritabilité, agressivité), labilité émotionnelle, éléments de dépersonnalisation avec angoisse. ". 3. L'expert commis par l'arrêt avant dire droit visé ci-dessus a indiqué, dans son rapport qu'un traumatisme crânien " léger " se caractérise par une perte de connaissance inférieure à 30 minutes, une amnésie post-traumatique inférieure à 24 heures et l'absence de trouble de la conscience prolongée. Il souligne que, selon le rapport militaire d'opérations du 24 novembre 2015, en dépit de ses blessures, M. B... a continué à transmettre des comptes rendus de qualité à son chef de détachement et a ensuite participé à l'analyse de la zone d'explosion. L'expert en déduit que l'intéressé ne peut, en conséquence, être regardé comme ayant subi un traumatisme crânien même léger mais qu'il a présenté plus vraisemblablement, compte tenu des symptômes décrits et des circonstances de l'accident, une simple commotion cérébrale susceptible de n'entraîner que des conséquences mineures sur le fonctionnement cérébral. L'expert précise en revanche que certains signes et symptômes du syndrome post-commotionnel et du syndrome post-traumatique sont identiques et que les troubles cognitifs, du comportement, somatiques et de l'équilibre que décrit M. B... se rattachent à l'état de stress post-traumatique sévère qu'il présente, lequel est déjà pensionné. Compte tenu de ces éléments nouveaux, qu'il y a lieu pour la cour d'adopter, le requérant n'est pas fondé à solliciter l'annulation de la décision du 15 mars 2019 refusant de lui attribuer une nouvelle pension militaire d'invalidité au titre de cette infirmité. Sur l'infirmité " insuffisance hypophysaire " : 4. Aux termes du guide barème annexé au code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, l'insuffisance surrénale sans mélanodermie " se caractérise par l'asthénie, la fatigabilité musculaire, l'hypotension artérielle susceptible d'augmentation par la moindre toxi-infection. Elle diminue considérablement la résistance du malade et doit entraîner une invalidité par palier ". Il est également indiqué que cette insuffisance peut justifier une pension calculée sur la base d'un taux d'invalidité compris entre 20 et 100 %. 5. L'expert a rappelé, dans son rapport, que l'expertise endocrinologique du 14 septembre 2017 ne permettait pas de confirmer une insuffisance antéhypophysaire ou somatotrophe. Il a ajouté que si M. B... présentait un micro adénome hypophysaire, cette pathologie ne constituait en aucun cas une lésion post-traumatique. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, M. B... n'est pas fondé à solliciter l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il se prononce sur cette infirmité. 6. Il résulte de tout ce qui précède, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Sur les frais d'expertise, 7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à la charge définitive de M. B... les frais de l'expertise ordonnée par l'arrêt avant dire droit. Sur les frais liés au litige : 8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. B... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête présentée par M. B... est rejetée. Article 2 : Les frais de l'expertise confiée au docteur A... sont laissés à la charge définitive de M. B.... Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 28 juin 2024, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 juillet 2024. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, C. VILLEROT La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT02040
Cours administrative d'appel
Nantes
Conseil d'État, 9ème chambre, 16/07/2024, 489701, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler le titre de pension émis par arrêté du 18 octobre 2021 en tant qu'il ne lui accorde pas une pension d'invalidité et ne fait pas droit à sa demande d'allocation pour tierce personne. Par un jugement n° 2119346 du 29 septembre 2023, ce tribunal a annulé cet arrêté en tant qu'il ne fait pas droit à sa demande d'allocation pour tierce personne et rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par une requête, enregistrée le 28 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande au Conseil d'Etat d'ordonner le sursis à exécution de ce jugement. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Bastien Lignereux, maître des requêtes, - les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ; La requête a été communiquée à Mme A..., qui n'a pas produit de mémoire.Considérant ce qui suit : 1. La société Orange ne justifie pas d'un intérêt suffisant à l'annulation du jugement attaqué. Ainsi, son intervention n'est pas recevable. 2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 821-5 du code de justice administrative : " La formation de jugement peut, à la demande de l'auteur du pourvoi, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution d'une décision juridictionnelle rendue en dernier ressort si cette décision risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens invoqués paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation de la décision juridictionnelle rendue en dernier ressort, l'infirmation de la solution retenue par les juges du fond ". 3. À l'appui de sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du 29 septembre 2023 du tribunal administratif de Paris, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique se borne à faire valoir que son exécution risquerait d'entraîner des conséquences difficilement réparables dans la mesure où le service des retraites de l'Etat pourrait être dans l'impossibilité, en cas d'annulation de ce jugement, de récupérer les arrérages qu'il aurait versés à Mme A.... Ce faisant, il n'établit pas que l'exécution de ce jugement est susceptible d'entraîner des conséquences difficilement réparables. Par suite, l'une des conditions posées par l'article R. 821-5 du code de justice administrative n'est pas remplie. 4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre condition prévue à l'article R. 821-5 du code de justice administrative, que les conclusions de la requête tendant à ce qu'il soit sursis à exécution du jugement du 29 septembre 2023 du tribunal administratif de Paris doivent être rejetées.D E C I D E : -------------- Article 1er : L'intervention de la société Orange n'est pas admise. Article 2 : La requête du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est rejetée. Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, à Mme B... A... et à la société Orange. Délibéré à l'issue de la séance du 20 juin 2024 où siégeaient : Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Vincent Daumas, conseiller d'Etat et M. Bastien Lignereux, maître des requêtes-rapporteur. Rendu le 16 juillet 2024. La présidente : Signé : Mme Anne Egerszegi Le rapporteur : Signé : M. Bastien Lignereux Le secrétaire : Signé : M. Brian Bouquet La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :ECLI:FR:CECHS:2024:489701.20240716
Conseil d'Etat
CAA de NANTES, 6ème chambre, 16/07/2024, 23NT02714, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par un jugement du 11 avril 1995 le tribunal départemental des pensions de l'Eure a accordé à M. B... une pension militaire d'invalidité calculée sur la base du taux de 30 % pour l'infirmité " hypoacousie " et de 10 % pour l'infirmité " acouphènes ". Ce jugement a été confirmé par un arrêt du 7 juin 1999 de la cour régionale des pensions de Caen. Procédure devant la cour : Par un courrier enregistré le 5 juin 2023, M. B... a saisi le président de la présente cour, devenue compétente par détermination de la loi, d'une demande d'exécution du jugement du 11 avril 1995 et de l'arrêt du 7 juin 1999. Par une ordonnance n° 23NT02714 du 20 septembre 2023, le président de la cour a décidé d'ouvrir la phase juridictionnelle d'exécution de ce jugement. Par sa requête enregistrée le 5 juin 2023, M. B... demande à la cour : 1°) d'enjoindre, sous astreinte, au ministre des armées de procéder au versement des arrérages de sa pension militaire d'invalidité calculée sur la base d'un taux de 40 % à compter du 19 novembre 1991 ; 2°) de réparer le " pretium doloris " qu'il subit depuis cette date. Il soutient que : - la cour d'appel régionale des pensions de Caen lui a attribué un taux d'invalidité de 40 % pour le calcul de sa pension militaire d'invalidité alors que selon l'arrêté n° A 599 du 6 septembre 1999 celle-ci est calculée sur la base d'un taux de 30 %. Par un mémoire enregistré le 28 juillet 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la demande d'exécution présentée par M. B.... Il précise que : - ni le jugement du 11 avril 1995 du tribunal départemental des pensions de l'Eure, ni l'arrêt du 7 juin 1999 de la cour régionale des pensions de Caen, ne se sont prononcés sur le caractère incurable de l'hypoacousie dont souffre M. B..., - les taux retenus dans ces décisions ne concernent que la période temporaire de trois ans prenant effet à compter de sa demande présentée le 19 novembre 1991, - un arrêté du 6 septembre 1999 a entièrement exécuté ces décisions juridictionnelles, - un second arrêté a été pris pour la période postérieure au 18 novembre 1994, sur la base d'une nouvelle expertise médicale. Par un mémoire enregistré le 23 août 2023, M. B... persiste dans ses conclusions. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Gélard, - et les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Par une demande présentée le 5 juin 2023, M. B..., ancien militaire né en 1943, a saisi la cour d'une demande d'exécution de l'arrêt rendu le 7 juin 1999 par la cour d'appel régionale des pensions de Caen. La phase juridictionnelle de cette demande a été ouverte par une ordonnance du président de la cour du 20 septembre 2023. 2. Aux termes de l'article L. 7 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dans sa rédaction en vigueur à la date de la demande de pension militaire d'invalidité présentée par M. B... : " Il y a droit à pension définitive quand l'infirmité causée par la blessure ou la maladie est reconnue incurable. Il y a droit à pension temporaire si elle n'est pas reconnue incurable / En cas de pluralité d'infirmités dont l'une ouvre droit à pension temporaire, le militaire ou marin est admis à pension temporaire pour l'ensemble de ses infirmités. ". Aux termes de l'article 8 de ce code : " La pension temporaire est concédée pour trois années. Elle est renouvelable par périodes triennales après examens médicaux. / Au cas où la ou les infirmités résultent uniquement de blessures, la situation du pensionné doit, dans un délai de trois ans, à compter du point de départ légal défini à l'article L. 6, être définitivement fixée soit par la conversion à un taux supérieur, égal ou inférieur au taux primitif, de la pension temporaire en pension définitive, sous réserve toutefois de l'application de l'article L. 29, soit, si l'invalidité a disparu ou est devenue inférieure au degré indemnisable par la suppression de toute pension. ". Aux termes de l'article L. 14 du même code : " Dans le cas d'infirmités multiples dont aucune n'entraîne l'invalidité absolue, le taux d'invalidité est considéré intégralement pour l'infirmité la plus grave et pour chacune des infirmités supplémentaires, proportionnellement à la validité restante./ A cet effet, les infirmités sont classées par ordre décroissant de taux d'invalidité. / Toutefois, quand l'infirmité principale est considérée comme entraînant une invalidité d'au moins 20 %, les degrés d'invalidité de chacune des infirmités supplémentaires sont élevés d'une, de deux ou de trois catégories, soit de 5, 10, 15 %, et ainsi de suite, suivant qu'elles occupent les deuxième, troisième, quatrième rangs dans la série décroissante de leur gravité. (...) ". 3. Il n'est pas contesté que, par un arrêt du 7 juin 1999, la cour d'appel régionale des pensions de Caen a rejeté le recours du ministre des armées tendant à l'annulation du jugement du 11 avril 1995 du tribunal départemental des pensions de l'Eure reconnaissant à M. B... le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité calculée sur la base d'une première infirmité, " hyperacousie ", dont le taux d'invalidité a été fixé à 30 % et d'une seconde infirmité, " acouphènes ", dont ce même taux a été évalué à " 10 % +5 ". Par un arrêté du 6 septembre 1999, une pension militaire d'invalidité a été attribuée à l'intéressé au taux arrondi à 45 % pour la période allant du 19 novembre 1991, date de sa demande, au 18 novembre 1994, dans les conditions prévues par les dispositions précitées de l'article 14 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Contrairement à ce que soutient le requérant, l'arrêt dont il sollicite l'exécution, pas plus que le jugement de première instance confirmé en appel, n'ont jugé que les infirmités litigieuses étaient " incurables " au sens des dispositions précitées de l'article L. 7 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et que ce taux de 45 % lui était attribué de manière définitive. En application des dispositions de l'article 8 du même code, il appartenait en conséquence aux services des pensions militaires d'invalidité de réexaminer les droits de M. B... à l'issue de cette première période de trois ans. Il a alors été tenu compte d'une expertise réalisée le 24 juillet 1997 par le docteur C..., qui a constaté une amélioration de l'hypoacousie dont souffre l'intéressé puis proposé de ramener le taux d'invalidité de cette infirmité à 15 % mais a retenu une aggravation de ses acouphènes, pour lesquels il a suggéré de porter le taux d'invalidité à 15 %. A compter du 19 novembre 1994, en application d'un second arrêté pris le 6 septembre 1999, la pension militaire d'invalidité que perçoit M. B... a ainsi été calculée sur la base d'un taux d'invalidité globale de 30 %, la règle de calcul issue des dispositions précitées de l'article L. 14 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ne trouvant plus à s'appliquer, aucune des deux infirmités n'atteignant le taux de 20 %. Dans ces conditions, M. B..., qui n'a pas contesté cette décision dans les délais qui lui étaient impartis, n'est pas fondé à soutenir que le jugement du 11 avril 1995 du tribunal départemental des pensions de l'Eure, et l'arrêt du 7 juin 1999 de la cour régionale des pensions de Caen n'auraient pas été entièrement exécutés et que sa pension militaire d'invalidité serait calculée depuis le 19 novembre 1994 en méconnaissance de l'autorité de la chose jugée qui s'attache à ces décisions. 4. Il résulte de tout ce qui précède, que la demande d'exécution présentée par M. B... se trouve privée d'objet. Pour le même motif, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que ses conclusions " indemnitaires ", doivent être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la demande d'exécution présentée par M. B.... Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 28 juin 2024, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 juillet 2024. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, C. VILLEROT La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23NT02714
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de NANTES, 3ème chambre, 12/07/2024, 23NT00941, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Mme D... B... a demandé au tribunal de Nantes de condamner le centre hospitalier régional universitaire (CHU) de Nantes à lui verser une indemnité de 100 000 euros en réparation des préjudices ayant résulté de ses accidents professionnels. Par un jugement n° 1903079 du 1er février 2023, le tribunal administratif de Nantes a condamné le CHU de Nantes à verser à Mme B... une indemnité de 29 000 euros. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires enregistrés les 3 avril 2023 et 4 janvier 2024, Mme D... B..., représentée par Me Diversay, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a omis de statuer sur l'accident du 21 janvier 2016 et sa rechute, qu'il n'a indemnisé qu'un seul des deux accidents de 2007 et 2013, et, enfin, qu'il a rejeté la demande indemnitaire liée à son préjudice d'agrément ; 2°) d'annuler la décision du 18 janvier 2019 par laquelle le centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes a refusé de prendre en charge sa demande indemnitaire ; 3°) de condamner le CHU de Nantes à lui verser une indemnité de 103 000 euros en réparation des préjudices ayant résulté de ses accidents professionnels ; 4°) de mettre à la charge du CHU de Nantes la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : ; - en ne statuant pas sur sa demande tendant à l'indemnisation de son accident du 21 janvier 2016, le tribunal a entaché son jugement d'un défaut de motivation ; - le tribunal a méconnu son office en considérant, sans faire usage de ses pouvoirs d'instruction, qu'il ne disposait pas de suffisamment d'éléments permettant d'indemniser les conséquences de son accident du 21 janvier 2016 ; - la jurisprudence encadrant le principe de l'indemnisation des conséquences dommageables d'un accident de service ne conditionne pas les demandes indemnitaires à l'exigence d'une consolidation préalable ; l'indemnisation de préjudices temporaires est possible ; c'est donc à tort que les premiers juges n'ont pas indemnisé les troubles dans les conditions d'existence dont elle a fait état dans sa requête ; - le tribunal a fait une évaluation insuffisante des préjudices qu'il a indemnisés ; les préjudices causés par les accidents de service des 17 décembre 2007, 2 septembre 2013 et 21 janvier 2016 et par sa rechute du 2 janvier 2018 peuvent être évalués à 8 000 euros au titre des souffrances endurées, 80 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence et 15 000 euros au titre du préjudice d'agrément. Par un mémoire en défense enregistré le 12 décembre 2023, le CHRU de Nantes, représenté par la SELARL Houdart et associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme B... la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - c'est à bon droit que le tribunal administratif a considéré que les conclusions indemnitaires de la requérante ne se fondaient pas sur l'accident du 21 janvier 2016 ; - c'est sans erreur de droit que le tribunal a rejeté les conclusions indemnitaires concernant les conséquences de l'accident de service du 21 janvier 2016, en l'absence de consolidation de l'état de santé de l'intéressée consécutif à cet accident, dès lors que l'évaluation des préjudices dont était demandée l'indemnisation nécessitait la prise en compte de son état de santé consolidé ; - l'existence d'un préjudice d'agrément consistant dans la nécessité d'abandonner la pratique régulière de la voile n'est pas établie ; - les préjudices de Mme B... n'ont pas été évalués de manière insuffisante par le tribunal. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la santé publique ; - le code de la sécurité sociale ; - le décret n° 2001-99 du 31 janvier 2001. - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Vergne, - les conclusions de M. Berthon, - et les observations de Me Larre, représentant Mme B.... Une note en délibéré, présentée pour Mme B..., a été enregistrée le 8 juillet 2024. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., employée en qualité d'aide-soignante par le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Nantes depuis l'année 2000, a été victime le 17 décembre 2007 d'une chute en sortant du tramway pour se rendre à l'hôpital, qui lui a causé à l'épaule gauche un traumatisme à l'origine de la décompensation d'une tendinopathie calcifiante avec rupture partielle de la coiffe des rotateurs. Son état de santé consécutif à cet accident a été considéré comme consolidé au 1er septembre 2009, l'intéressée restant atteinte d'un taux d'invalidité permanente partielle estimé à 17% à cette date, révisé à 12% par la commission de réforme le 23 novembre 2017. Cette aide-soignante a été victime le 2 septembre 2013 d'un deuxième accident également reconnu imputable au service : la manipulation d'un patient lui a causé une vive douleur avec craquement à l'épaule droite, également affectée d'une tendinopathie chronique, et son état de santé, à la suite de cet accident, a été considéré comme consolidé à la date du 23 février 2015 avec un taux d'invalidité permanente partielle fixé à 20%. Enfin, le 21 janvier 2016, elle a subi un troisième accident, une chute sur le bassin du côté droit, entraînant une tendinite du moyen fessier, reconnue imputable au service, et considérée comme consolidée au 29 novembre 2016 avant que l'intéressée ne fasse, le 2 janvier 2018, une rechute attribuée à ce même accident. Par un courrier du 17 décembre 2018, notifié le 24 décembre 2018, la requérante, à qui a été accordé le versement d'une allocation temporaire d'invalidité (ATI) à raison des conséquences de chacun de ces trois accidents, a saisi le CHU de Nantes d'une réclamation tendant à l'indemnisation de ses préjudices non couverts par ces allocations. Par une décision du 18 janvier 2019, le centre hospitalier a accepté le principe d'une indemnisation, mais non l'évaluation par Mme B... de ses préjudices. Mme B..., qui a obtenu du tribunal administratif de Nantes, dans un jugement du 1er février 2023, la condamnation du CHRU de Nantes à lui verser une somme de 29 000 euros, relève appel de ce jugement, en tant qu'il n'a fait droit que partiellement à sa demande. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. La décision du 18 janvier 2019 rejetant la demande indemnitaire préalable présentée par Mme B... a eu pour seul effet de lier le contentieux à l'égard de l'objet de la demande de la requérante qui, en formulant les conclusions analysées ci-dessus, a donné à l'ensemble de sa requête le caractère d'un recours de plein contentieux. Au regard de l'objet d'une telle demande, qui conduit le juge à se prononcer sur le droit de l'intéressée à percevoir la somme qu'elle réclame, les vices propres dont serait, le cas échéant, entachée cette décision qui a ainsi lié le contentieux est sans incidence sur la solution du litige. Par suite, le tribunal n'a pas commis d'irrégularité en jugeant qu'il n'y avait pas lieu d'examiner de tels moyens, ni de statuer sur les conclusions d'annulation de cette décision. 3. En revanche, il ressort clairement des écritures de première instance de Mme B... que celle-ci a demandé au tribunal administratif de Nantes d'indemniser non seulement les conséquences dommageables des accidents de service des 17 décembre 2007 et 2 septembre 2013, mais également celles de l'accident de service survenu en dernier lieu le 21 janvier 2016 et celles d'une rechute de celui-ci survenue en 2018. Les premiers juges, en s'abstenant de se prononcer sur la demande d'indemnisation de la requérante relative aux préjudices ayant résulté de ce troisième accident de service, et en estimant, à tort et contrairement d'ailleurs aux visas de leur jugement, qu'il " ressort[ait] des dernières écritures de Mme B... que les conclusions indemnitaires de la requérante ne se fondent pas sur l'accident du 21 janvier 2016 ", se sont mépris sur la portée de la demande dont ils étaient saisis et ont entaché leur jugement d'une omission à statuer. Compte tenu de cette irrégularité, Mme B... est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a omis de statuer sur ces conclusions. 4. Il y a lieu pour la cour, dans cette mesure, de statuer immédiatement par voie d'évocation sur ces conclusions et de se prononcer, par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, sur le surplus des conclusions présentées par Mme B.... Sur les conclusions à fin d'indemnisation : 5. Compte tenu des conditions posées à leur octroi et de leur mode de calcul, la rente viagère d'invalidité et l'allocation temporaire d'invalidité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions qui instituent ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font, en revanche, obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait. En ce qui concerne les conséquences de l'accident du 17 décembre 2007 et l'exception de prescription quadriennale : 6. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 modifiée : " Sont prescrites, au profit de l'État, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : / (...) / Toute communication écrite d'une administration intéressée, même si cette communication n'a pas été faite directement au créancier qui s'en prévaut, dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...) ". Pour l'application de ces dispositions en ce qui concerne une créance indemnitaire détenue sur une collectivité publique au titre d'un dommage corporel engageant sa responsabilité, le point de départ du délai de la prescription quadriennale est le premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les infirmités liées à ce dommage ont été consolidées. Il en est ainsi pour tous les postes de préjudice, aussi bien temporaires que permanents, qu'ils soient demeurés à la charge de la victime ou aient été réparés par un tiers, tel qu'un organisme de sécurité sociale, qui se trouve subrogé dans les droits de la victime. 7. S'agissant de la créance dont se prévaut la requérante au titre du dommage corporel ayant résulté de son accident de trajet du 17 décembre 2007, dont la date de consolidation a été fixée au 1er septembre 2009, le délai de prescription a commencé à courir le 1er janvier 2010 et s'achevait, en principe, le 31 décembre 2013. S'il résulte de l'instruction que Mme B... a obtenu, en raison dudit accident, une rente temporaire d'invalidité qui lui a été attribuée par une décision de la Caisse des dépôts et consignations du 30 octobre 2014, révisée à la fin de l'année 2017, cette requérante, n'invoque aucun événement interruptif de prescription qui serait intervenu avant le 1er janvier 2014. Ainsi, à la date du 24 décembre 2018 à laquelle elle a communiqué au CHU de Nantes une réclamation préalable tendant à l'indemnisation des préjudices causés par sa maladie professionnelle, la créance détenue par la requérante au titre des conséquences de son accident de trajet du 17 décembre 2007 était prescrite. Par suite, l'exception de prescription opposée à la demande de Mme B... tendant à la réparation des préjudices ayant résulté cet accident doit être accueillie et la demande présentée par l'intéressée à ce titre doit être rejetée. En ce qui concerne les conséquences des accidents de service des 2 septembre 2013 et 21 janvier 2016 : 8. D'une part, le respect du caractère contradictoire de la procédure d'expertise implique que les parties soient mises à même de discuter devant l'expert des éléments de nature à exercer une influence sur la réponse aux questions posées par la juridiction saisie du litige. Lorsqu'une expertise est entachée d'une méconnaissance de ce principe ou lorsqu'elle a été ordonnée dans le cadre d'un litige distinct, ses éléments peuvent néanmoins, s'ils sont soumis au débat contradictoire en cours d'instance, être régulièrement pris en compte par le juge, soit lorsqu'ils ont le caractère d'éléments de pur fait non contestés par les parties, soit à titre d'éléments d'information dès lors qu'ils sont corroborés par d'autres éléments du dossier. En l'espèce, le rapport d'expertise demandé par Mme B... au docteur A..., expert en réparation du préjudice corporel près la cour d'appel d'Angers, n'a pas été établi au contradictoire du CHU de Nantes, qui demande pour ce motif qu'il soit écarté. Si ce rapport conclut à un taux d'incapacité permanente partielle de 25% imputable à l'accident de service du 2 septembre 2013, ce taux est contesté par le CHU, lequel propose une évaluation du déficit fonctionnel permanent à un taux de 20% et une consolidation à la date du 23 février 2015 en se prévalant de l'évaluation faite à sa demande, le 29 mai 2017, par le docteur C.... 9. D'autre part, s'agissant de l'accident de service du 21 janvier 2016 et de la rechute, constatée au 2 janvier 2018, des conséquences de cet accident, aucune évaluation par un expert ne permet d'évaluer les taux des déficits fonctionnels subis par Mme B..., à titre temporaire pour la période au cours de laquelle la consolidation n'était pas encore acquise, ou à titre permanent si son état de santé est désormais consolidé. 10. Ensuite, si la cour a pu obtenir, par mesure d'instruction, les conclusions de plusieurs expertises médicales concernant Mme B..., il ressort des pièces produites que ces expertises avaient pour objet la fixation et la révision des taux d'invalidité permettant le calcul de l'allocation temporaire d'invalidité servie à Mme B..., et donc l'évaluation des seules conséquences professionnelles de son invalidité par application du décret du 31 janvier 2001 portant modification du décret n° 68-756 du 13 août 1968 pris pour l'application de l'article L. 28 (3e alinéa) du code des pensions civiles et militaires de retraite. 11. Enfin, s'il n'est pas contesté que le CHU de Nantes a reconnu l'imputabilité au service de la maladie professionnelle et des arrêts de travail de Mme B... consécutifs à la manipulation douloureuse d'un patient par cette aide-soignante le 2 septembre 2013, cet établissement public fait valoir, pour contester les taux d'incapacité et les niveaux de souffrances endurées invoqués par la requérante qu'à proportion de la moitié, elles sont l'expression d'un état antérieur ou d'une pathologie préexistante du fait que les accidents sont survenus, ainsi que le docteur A... l'a constaté lui-même, " sur une tendinopathie calcifiante et acromion agressif préexistants ", qualifié de " facteur minorant de responsabilité " par l'hôpital. Celui-ci demande donc à la cour de prendre en considération la " tendinite calcifiante de la coiffe des rotateurs [qui] est une maladie d'origine métabolique " et donc de " tenir compte des antécédents de calcification de l'agent ". 12. Il résulte de ce qui précède que l'état du dossier ne permet pas de statuer en connaissance de cause sur les prétentions indemnitaires de la requérante, et, notamment, sur les niveaux de déficit fonctionnel temporaire et de souffrances strictement imputables aux deux accidents de service des 2 septembre 2013 et 21 janvier 2016 ainsi qu'à la rechute du second. Il y a lieu, dans ces conditions, d'ordonner avant-dire droit une expertise aux fins précisées ci-après à l'article 3 du dispositif du présent arrêt et de réserver jusqu'en fin d'instance les droits et moyens sur lesquels il n'est pas expressément statué par celui-ci, incluant les conclusions présentées par les parties sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 21 juillet 2023 est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions indemnitaires fondées sur l'accident survenu le 21 janvier 2016. Article 2 : Les conclusions de Mme B... tendant à l'indemnisation des conséquences de l'accident de service du 17 décembre 2007 sont rejetées. Article 3 : Il sera, avant de statuer sur le surplus des conclusions de la requête de Mme B... tendant à l'indemnisation des préjudices de celle-ci imputables aux accidents de service des 2 septembre 2013 et 21 janvier 2016 ainsi qu'à la rechute du second de ces accidents, procédé par un expert nommé par le président de la cour à une expertise avec mission pour l'expert de : 1°) se faire communiquer tous documents relatifs à l'état de santé de Mme B... ; convoquer et entendre les parties ainsi que tout sachant ; procéder à l'étude de l'entier dossier médical de Mme B... et à son examen clinique ; 2°) décrire l'état de santé de Mme B... avant le 2 septembre 2013 et le 21 janvier 2016, dates de ses accidents reconnus imputables au service, en précisant, le cas échéant les pathologies dont elle était atteinte auparavant ou les traitements dont elle faisait l'objet ; dire plus précisément si elle était déjà atteinte, avant la reconnaissance de ses maladies professionnelles, de troubles physiques ; 3°) décrire l'état de santé de Mme B... postérieurement aux accidents de service du 2 septembre 2013 et du 21 janvier 2016, à la rechute du second accident, survenue en 2018, et actuellement ; décrire notamment ses lésions, affections et troubles, ainsi que les traitements qui y sont associés ; déterminer dans quelle mesure les troubles dont a souffert et dont souffre actuellement Mme B... sont liés à ses maladies professionnelles, en excluant la part des séquelles à mettre en relation avec des pathologies antérieures dont elle serait atteinte, leur évolution ou toute autre cause extérieure ; 4°) déterminer la date de consolidation de l'état de santé de Mme B... pour chacune des pathologies affectant son épaule droite et son fessier droit et fixer les taux des déficits fonctionnels temporaire et permanent correspondant à ces pathologies, en indiquant le cas échéant la part imputable aux accidents de service ou à l'exercice de la profession d'aide-soignante de l'intéressée ; 5°) donner son avis sur l'existence éventuelle des préjudices extrapatrimoniaux temporaires et permanents dont se prévaut Mme B..., à savoir des souffrances endurées, un déficit fonctionnel temporaire, un déficit fonctionnel permanent, un préjudice d'agrément et des troubles dans les conditions d'existence, et, le cas échéant, en évaluer l'importance, en distinguant la part imputable aux accidents dont elle a été victime de celle ayant pour origine toute autre cause ou pathologie ou qui relèverait d'un état antérieur ou postérieur ; 6°) d'une manière générale, fournir à la cour tout renseignement utile à la détermination, au vu de l'état de santé actuel présenté par la requérante, de l'entier préjudice qu'elle subit. Article 4 : L'expert accomplira la mission définie à l'article 2 dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative et dans un délai de 4 mois suivant la notification du présent arrêt. Il pourra, au besoin, se faire assister par un sapiteur préalablement désigné par le président de la cour. Article 5 : Les frais et honoraires dus à l'expert seront taxés ultérieurement par le président de la cour conformément aux dispositions de l'article R. 621-13 du code de justice administrative. Article 6 : L'expert déposera son rapport au greffe en deux exemplaires, accompagné de l'état de ses vacations, frais et débours. Il en notifiera copie aux personnes intéressées, notification qui pourra s'opérer sous forme électronique avec l'accord desdites parties, à laquelle il joindra copie de l'état de ses vacations, frais et débours. Article 7 : Le présent jugement sera notifié à Mme D... B... et au centre hospitalier régional universitaire de Nantes. Délibéré après l'audience du 4 juillet 2024, à laquelle siégeaient : - Mme Brisson, présidente, - M. Vergne, président-assesseur, - Mme Lellouch, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juillet 2024. Le rapporteur, G.-V. VERGNE La présidente, C. BRISSON Le greffier, R. MAGEAU La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23NT00941
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 11/07/2024, 22BX02460, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... C... veuve E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 1er juillet 2020 par laquelle la commission de recours de l'invalidité (CRI) a rejeté une demande de pension militaire d'invalidité présentée par M. E.... Par un jugement n° 2003930 du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 14 septembre 2022, 13 avril 2023 et 13 juin 2023, Mme C..., représentée par Me Geny, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler la décision de la ministre des armées du 6 janvier 2020 refusant le bénéfice de la pension militaire d'invalidité à M. E..., ensemble la décision de rejet du 1er juillet 2020 rejetant son recours administratif préalable obligatoire auprès de la CRI ; 3°) d'enjoindre à la ministre des armées d'octroyer la pension militaire d'invalidité à M. E..., avec versement des arrérages à compter du rejet de sa demande, et les intérêts moratoires et capitalisés à compter du 1er juillet 2020 ; 4°) de mettre solidairement à la charge de la ministre des armées et du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - sa requête est recevable, le délai d'appel étant augmenté de deux mois pour les personnes demeurant à l'étranger ; le lien marital est établi avec M. E... ; - M. E... a souffert de plusieurs pathologies cardiaques, pulmonaires, rhumatismales et neurologiques imputables à l'exécution de ses services en Indochine ; - les premiers juges, ainsi que la ministre des armées, ont commis une erreur de droit en rejetant la demande de pension militaire d'invalidité de M. E... au seul motif qu'il est décédé avant d'avoir pu être examiné par le médecin expert, conformément aux dispositions de l'article R. 151-9 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, sans avoir procédé à l'examen des pièces d'ordre médical versées à l'appui de sa demande ; - les premiers juges, ainsi que la ministre des armées, ont commis une erreur d'appréciation en déniant tout lien de causalité entre les pathologies dont souffrait M. E... et ses services en Indochine, alors que les certificats médicaux versés au dossier démontrent l'imputabilité au service des pathologies dont il souffrait ; les pièces médicales fournies par M. E... mettent en évidence une blessure par des plaies balistiques au niveau de la cuisse droite subie dans le cadre de son service, cette blessure a conduit à sa paraplégie ; avant son service en Indochine, il souffrait d'une pathologie physique qui s'est aggravée en raison de blessures notamment par balles survenues à l'occasion de ses fonctions ; - dans l'hypothèse où la cour aurait des doutes sur l'imputabilité au service des pathologies de M. E..., il y a lieu d'ordonner une expertise sur pièces permettant d'établir cette imputabilité ; - le moyen tiré par le ministre de ce que le lien marital entre Mme C... et M. E... n'est pas établi avec certitude présente un caractère diffamant et il y a lieu pour la cour d'apprécier l'opportunité d'enjoindre au ministre de l'économie et des finances de le retirer de ses écritures. Par un mémoire en défense enregistré 11 mai 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - à titre principal, la requête d'appel de Mme C... a été déposée le 13 avril 2023, après l'expiration du délai de recours de deux mois prévu par l'article R. 811-2 du code de justice administrative, délai qui lui est applicable dès lors qu'elle a élu domicile à Bordeaux au cabinet de son avocat, Me Geny ; elle est ainsi irrecevable ; - Mme C... ne justifie pas d'un intérêt à agir contre la décision de rejet de la demande de pension militaire de M. E... du 1er juillet, dès lors que son lien marital avec M. E... n'est pas établi avec certitude ; la date de naissance mentionnée sur l'acte recognitif de mariage produit par la requérante mentionne que M. E... est né en 1929 alors que sur tous les autres documents d'identité et administratif, il est fait mention d'une naissance en 1928 ; - à titre subsidiaire, les premiers juges ainsi que l'administration n'ont pas fondé leurs appréciations sur la seule circonstance que M. E... est décédé avant que l'expertise médicale soit réalisée ; au contraire, ils se sont fondés sur l'ensemble des documents médicaux figurant au dossier pour juger que le lien entre les pathologies dont souffrait M. E... et l'exercice de ses fonctions militaires en Indochine ne pouvait être regardé comme établi ; - les premiers juges, ainsi que l'administration, n'ont pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en rejetant la demande de pension militaire de M. E..., dès lors que les documents médicaux produits par Mme C... sont insuffisants pour établir la réalité du lien entre les pathologies pour lesquelles M. E... a demandé une pension et son service militaire ; - à titre infiniment subsidiaire, Mme C... ne remplit pas les conditions prévues par l'article L. 141-2 du code lui permettant de bénéficier d'une pension de réversion, dès lors que M. E... n'a jamais été titulaire d'une pension militaire d'invalidité et qu'il n'est pas établi de façon certaine que les pathologies dont il se prévalait avant son décès étaient liées à l'exercice de ses fonctions militaires en Indochine ; en outre, il y a aurait lieu de limiter les arrérages aux trois années précédant la demande, en application de l'article L. 151-3. Par des mémoires en défense enregistrés les 12 mai 2023 et 30 août 2023, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que : - la commission de recours de l'invalidité (CRI) et les premiers juges n'ont pas rejeté la demande au seul motif que M. E... est décédé avant d'avoir pu être examiné par le médecin expert mais également parce qu'il résultait de l'instruction que Mme C... n'avait produit, à l'appui de ses demandes, aucun document d'ordre médical ou administratif, de nature à établir que les pathologies dont il était atteint étaient liées à son service ; - s'agissant du lien entre la pathologie constatée au livret médical en 1960 et la paralysie de M. E..., d'une part, M. E... a été hospitalisé du 2 avril 1960 au 5 mai 1960 pour un volumineux abcès profond de la cuisse droite, et il n'est pas fait mention d'une quelconque blessure par balle, et d'autre part la paralysie dont a souffert M. E... trouve son origine dans un hématome sous dural chronique pariétal gauche médicalement constaté le 12 juillet 2012, la littérature médicale indiquant que l'hématome sous-dural est la plus fréquente des hémorragies intracrâniennes survenant après un traumatisme " et qu'il intervient le plus souvent " dans les suites d'un choc au crâne ayant entraîné une lésion d'une veine " ; - l'ensemble des certificats médicaux produits par Mme C... sont insuffisants pour établir la preuve d'une relation entre la paraplégie dont était atteint M. E... avant son décès en 2018 et une blessure survenue pendant son service ; - si M. E... a évoqué, à l'appui de sa demande de pension militaire d'invalidité, des problèmes cardiaques, de l'asthme et des rhumatismes, il n'existe aucun constat médical contemporain de son service relatif à ces pathologies ; de même, aucun élément médical ne permet de relier les pathologies dont il souffrait en 2018 à un fait précis qui serait survenu pendant son service ; - une mesure d'expertise médicale sur pièces n'est pas nécessaire dès lors que les documents présents au dossier de M. E... sont suffisants pour rejeter l'imputabilité au service des infirmités pour lesquelles il a formulé une demande de pension militaire d'invalidité. Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 novembre 2022, modifiée le 8 décembre 2022 pour changement d'avocat. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Catherine Girault, - les conclusions de Mme Charlotte Isoard, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A... F..., né en 1928 au Maroc et décédé le 14 octobre 2018, a servi au sein de l'armée de terre française par contrats d'engagement successifs du 10 novembre 1947 au 10 novembre 1951, puis du 8 avril 1954 au 8 avril 1964, périodes au cours desquelles il a effectué plusieurs séjours en Indochine, avant d'être radié des contrôles le 8 avril 1964. Par un courrier du 1er février 2018 complété le 4 mai 2018, il a sollicité auprès du ministère des armées le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité au titre de plusieurs pathologies qu'il estimait imputables à son service en Indochine. Postérieurement à son décès le 14 octobre 2018, par une décision du 6 janvier 2020, le ministère des armées a refusé de lui attribuer le bénéfice de cette pension. Sa veuve, Mme B... C..., a formé un recours administratif préalable obligatoire, en application des dispositions de l'article R. 711-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, auprès de la commission de recours de l'invalidité (CRI) enregistré le 12 mars 2020. Par une décision du 1er juillet 2020, la CRI a rejeté son recours. Par un jugement du 28 juin 2022, dont Mme C... relève appel, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 1er juillet 2020. 2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, applicable à la date de la demande de pension : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service (...) ". Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Est présumée imputable au service : 1° Toute blessure constatée par suite d'un accident, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service ; (...) / 3° Toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1, L. 461-2 et L. 461-3 du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le militaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ces tableaux ; (...) ". Selon l'article L.121-2 (...) " Dans tous les cas, la filiation médicale doit être établie entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée ". Le demandeur d'une pension, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité au service, doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle, ni des conditions générales de service partagées par l'ensemble des militaires servant dans la même unité et soumis de ce fait à des contraintes et des sujétions identiques. 3. En premier lieu, il n'est pas contesté par l'appelante que la paralysie pour laquelle M. E... a demandé une pension militaire d'invalidité a été diagnostiquée en 2009, soit bien longtemps après l'exercice de ses fonctions, qui se sont achevées en 1964. Par suite, il y avait lieu d'examiner si la filiation médicale pouvait être retenue entre les pathologies survenues pendant le service et l'état de M. E... avant son décès, survenu par arrêt cardiaque à l'âge de 90 ans. 4. En deuxième lieu, M. E..., avait demandé l'octroi d'une première pension militaire d'invalidité en raison, notamment, d'une paralysie qui a été diagnostiquée en 2009 qu'il imputait à des blessures par balles dont il aurait été victime au cours de ses services en Indochine entre les années 1954 et 1964. Il résulte de l'instruction que l'intéressé a été examiné, avant son décès, par plusieurs médecins au cours de l'année 2018. Leurs certificats concluent unanimement au constat que l'intéressé souffrait d'une paralysie du membre inférieur droit depuis 2009. Si ces médecins indiquent, en reprenant ses dires, que cette infirmité résulterait de " plaies balistiques " survenues lors de ses services en Indochine, il résulte pourtant de l'instruction, et notamment de son livret médical, qui ne mentionne par ailleurs qu'une dysenterie amibienne et une entorse tibio-tarsienne, que M. E... a été hospitalisé le 2 avril 1960 pour drainage chirurgical d'un " volumineux abcès profond de la cuisse droite ", sans qu'il ne soit fait mention de blessures par balles. Au demeurant, si cette hospitalisation est intervenue au cours de son engagement en Indochine, Mme C... ne produit aucun document relatant un fait précis ou des circonstances particulières de service à l'origine des affections que son époux invoquait. En tout état de cause, il ressort d'un compte rendu de radiologie du 18 février 2009 établi par le Dr D... que M. E... présentait des signes évocateurs d'un hématome sous-dural chronique pariétal gauche, pathologie susceptible d'entraîner une paralysie. Le certificat médical d'aptitude physique établi le 12 juillet 2012 corrobore à cet égard ce lien de causalité. Par ailleurs, M. E... a été opéré d'une fracture de la hanche droite en 2010, sans qu'aucun lien ait été fait avec l'abcès à la cuisse qui l'avait affecté 50 ans auparavant. Enfin, M. E... a également fondé sa demande de pension militaire sur des pathologies cardiaque, neurologique, d'asthme et de rhumatismes. Toutefois, l'appelante n'apporte aucun élément de nature à suspecter que ces infirmités seraient en lien avec les services de son époux en Indochine. Par suite, l'ensemble des éléments médicaux fournis par Mme C... apparaissent insuffisants pour qu'elle soit regardée comme établissant, ainsi qu'il lui incombe, que les pathologies dont souffrait son époux présentaient un lien direct et certain avec son activité militaire, et aucune expertise sur pièces ne serait utile en l'espèce. 5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonctions et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 2 juillet 2024 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente assesseure, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 juillet 2024. La présidente-assesseure, Anne Meyer La présidente, Catherine Girault La greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22BX02460
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de PARIS, 9ème chambre, 05/07/2024, 23PA02723, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 27 janvier 2021 par lequel la présidente du conseil régional d'Ile-de-France a prononcé son licenciement pour inaptitude physique à compter du 1er février 2021. Par un jugement n° 2106804 du 20 avril 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 19 juin 2023, Mme A..., représentée par la SELAFA Cabinet Cassel, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 20 avril 2023 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 27 janvier 2021 par lequel la présidente du conseil régional d'Ile-de-France a prononcé son licenciement pour inaptitude physique à compter du 1er février 2021 ; 3°) d'enjoindre à la présidente du conseil régional d'Ile-de-France de la réintégrer avec effet rétroactif, de saisir la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales et de prononcer sa mise à la retraite dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de la région Ile-de-France la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - les juges de première instance ont entaché leur jugement d'une erreur d'appréciation et d'une dénaturation des pièces du dossier ; - l'arrêté attaqué est entaché d'erreur de fait et d'erreur de droit ; d'une part, elle disposait d'un droit à pension en application des dispositions combinées des articles 19 et 26 du décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 et de l'article 7 du décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ; d'autre part et conformément aux dispositions du 4° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, elle justifie de quinze ans de service lui ouvrant droit à la liquidation immédiate de sa pension compte tenu des treize ans et huit mois de service accomplis auxquels doivent s'ajouter deux ans de bonification comme parent de deux enfants en application de l'article 11 du décret du 26 décembre 2003 ; - la liquidation de la pension pouvait être immédiate, sauf à interpréter les dispositions en vigueur du code des pensions civiles et militaires de retraite comme contraires au principe d'égalité et à l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen en instaurant une discrimination infondée entre agents placés dans une situation identique en fonction de la date de naissance de leurs enfants. Par un mémoire en défense, enregistré le 9 avril 2024, la région Ile-de-France, représentée, par Me Pichon, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme A... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que les moyens soulevés par Mme A..., qui ne critiquent pas le jugement attaqué, ne sont pas fondés. Par un mémoire distinct, enregistré le 12 mars 2024, Mme A... demande à la Cour, en application de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit, de l'article L. 9 du code des pensions civiles et militaires de retraite et de l'article 11 du décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003. Elle soutient que : - les critères de transmission au Conseil d'Etat de la question prioritaire de constitutionalité sont réunis ; - ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité entre les agents placés dans une situation identique et méconnaissent l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen en instaurant une discrimination infondée en fonction de la date de naissance de leurs enfants. Par un mémoire enregistré le 9 avril 2024, la région Ile-de-France soutient que les conditions posées par l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ne sont pas remplies, et, en particulier que si le Conseil Constitutionnel ne s'est pas déjà prononcé sur la constitutionnalité de l'article L. 9 du code des pensions civiles et militaires de retraite, il a admis, par une décision n° 2003-483 DC du 14 août 2003, celle de l'article L. 12 de ce code dans sa rédaction issue de l'article 48 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites en renvoyant dans son analyse à l'article 44 de cette loi insérant à l'article L. 9 du même code les dispositions objets de la question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme A.... Les motifs et le dispositif de cette décision font échec à la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme A.... Vu : - les autres pièces du dossier. Vu : - la Constitution ; - la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; - la décision du Conseil Constitutionnel n° 2003-483 DC du 14 août 2003 ; - le code de la fonction publique ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites ; - le décret n°86-68 du 13 janvier 1986 ; - le décret n°2003-1306 du 26 décembre 2003 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Lorin, - et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., rédactrice territoriale au sein de la région Ile-de-France, a été placée successivement en congé parental à compter du 3 juillet 2001, puis en disponibilité pour élever un enfant à compter du 16 janvier 2004 et en disponibilité pour convenance personnelle à compter du 16 janvier 2009. Le 18 décembre 2015, dans le cadre d'un entretien professionnel organisé à la suite de sa demande de réintégration, elle a été victime d'une hémorragie cérébrale. Par un arrêté du 24 février 2016, elle a été maintenue à sa demande en disponibilité pour convenance personnelle à compter du 15 mars 2016. Après avoir sollicité le réexamen de sa situation administrative, Mme A... a été convoquée à une expertise médicale réalisée le 22 février 2017. Aux termes de son rapport, l'expert a conclu à l'inaptitude de Mme A... à ses fonctions et à toutes fonctions de façon totale et définitive et a retenu un taux d'incapacité permanente partielle de 35%. Par un courrier du 20 juin 2017, elle a sollicité sa mise à la retraire pour invalidité et a été placée, dans l'attente des séances du comité médical et de la commission de réforme, en disponibilité d'office pour raison de santé au cours de la période du 15 septembre 2017 au 14 juin 2018 par un arrêté du 21 septembre 2017, prolongée jusqu'au 31 juillet 2018 par arrêté du 27 juin 2018. Le comité médical s'est prononcé, le 17 octobre 2017, en faveur de l'inaptitude absolue et définitive à toutes fonctions de Mme A... et à sa mise en disponibilité d'office jusqu'à son admission à la retraite pour invalidité. La commission de réforme a émis, le 21 novembre 2017, un avis défavorable à sa mise à la retraite pour invalidité et à la liquidation immédiate de sa pension de retraite. Par un arrêté du 12 juillet 2018, la présidente du conseil régional d'Ile-de-France a procédé au licenciement pour inaptitude physique de Mme A.... Par un jugement du 9 juillet 2020, le tribunal administratif de Paris a annulé cette décision. Dans le cadre de l'exécution de ce jugement, Mme A... a été réintégrée juridiquement dans les effectifs de la région Ile-de-France et maintenue en disponibilité d'office pour raison de santé par deux arrêtés du 3 septembre 2020. A la suite d'un entretien préalable qui s'est tenu le 5 octobre 2020, la présidente du conseil régional d'Ile-de-France a procédé à son licenciement pour inaptitude physique par un arrêté du 27 janvier 2021. Par la présente requête, Mme A... relève régulièrement appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur les conclusions à fin d'annulation : En ce qui concerne la question prioritaire de constitutionnalité : 2. Aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article ". 3. Aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, modifiée par la loi organique du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'État (...), le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d'appel. Il ne peut être relevé d'office ". Aux termes de l'article 23-2 de la même ordonnance : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : / 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; / 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; / 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux ". 4. Aux termes de l'article L. 9 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa rédaction issue de l'article 44 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites : " Le temps passé dans une position statutaire ne comportant pas l'accomplissement de services effectifs au sens de l'article L. 5 ne peut entrer en compte dans la constitution du droit à pension, sauf : / 1° Dans la limite de trois ans par enfant légitime, naturel ou adoptif, né ou adopté à partir du 1er janvier 2004, sous réserve que le titulaire de la pension ait bénéficié : / a) D'un temps partiel de droit pour élever un enfant ; / b) D'un congé parental ; / c) D'un congé de présence parentale ; / d) Ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans (...) ". Aux termes de l'article 11 du décret du 26 décembre 2003 dans sa version applicable au litige : " Le temps passé dans une position statutaire ne comportant pas l'accomplissement de services effectifs au sens de l'article 8 ne peut entrer en compte dans la constitution du droit à pension, sauf dans les cas suivants : / 1° Dans la limite de trois ans par enfant légitime, naturel ou adoptif, né ou adopté à partir du 1er janvier 2004, sous réserve que le titulaire de la pension ait bénéficié en application des dispositions des articles 60 bis, 75 et 75 bis de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, du b de l'article 24 du décret du 13 janvier 1986 susvisé, du 11° de l'article 41 et des articles 46-1 et 64 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée et du b de l'article 34 du décret du 13 octobre 1988 susvisé : / a) D'un temps partiel de droit pour élever un enfant ; / b) D'un congé parental ; / c) D'un congé de présence parentale ; / d) Ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans. / Les modalités de prise en compte de ces périodes d'interruption ou de réduction d'activité sont réglées conformément aux dispositions applicables aux fonctionnaires de l'Etat relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite. / 2° Dans les cas exceptionnels prévus par la loi ou un décret en Conseil d'Etat. Hormis pour les positions prévues à l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, aux articles 57 et 64 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée et aux articles 41 et 51 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée, le temps passé dans une position ne comportant pas l'accomplissement de services effectifs n'est compté comme service effectif que dans la limite de cinq années et sous réserve que les bénéficiaires fassent l'objet pendant ce temps, sur la base de leur dernier traitement d'activité, des retenues prescrites par le présent décret. " 5. Mme A... soutient que ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité entre agents placés dans une situation identique et méconnaissent l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen en instaurant une discrimination infondée en fonction de la date de naissance de leurs enfants. 6. D'une part, l'article 11 du décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003, s'il a été pris pour l'application de l'article L. 9 du code des pensions civiles et militaires de retraite, est par lui-même réglementaire. Il n'est donc pas au nombre des dispositions dont le Conseil constitutionnel peut contrôler la conformité à la Constitution en application de l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958. D'autre part, si l'arrêté attaqué du 27 janvier 2021 par lequel la présidente du conseil régional d'Ile-de-France a prononcé le licenciement de Mme A... pour inaptitude physique à compter du 1er février 2021, n'a pas été pris sur le fondement des dispositions de l'article L. 9 du code des pensions civiles et militaires de retraite dont la conformité à la Constitution est contestée, elles ne sont toutefois pas dépourvues de lien avec les termes du litige dans la mesure où l'intéressée en revendique le bénéfice dans la constitution de son droit à pension en faisant valoir les années au titre desquelles elle a été placée en congé parental et en disponibilité pour élever un enfant et la rupture d'égalité entre agents qui serait constituée par la prise en compte à ce titre de l'année de naissance de leurs enfants. Toutefois, par la décision n° 2003-483 DC du 14 août 2003, visée ci-dessus, le Conseil Constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les dispositions de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa rédaction issue de l'article 48 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites. Ces dispositions reprennent, au titre de la liquidation de la pension, des dispositions relatives aux bonifications s'ajoutant aux années de services effectifs, au titre desquelles figure celle de l'interruption de l'activité professionnelle d'un agent pour élever ses enfants nés antérieurement au 1er janvier 2004. Le Conseil renvoie dans son analyse à l'article 44 de la loi du 21 août 2003 insérant à l'article L. 9 du même code les dispositions objets de la question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme A.... Il ressort du considérant 33 de cette décision que le Conseil Constitutionnel a retenu, s'agissant de la différence de traitement entre les fonctionnaires selon que leurs enfants sont nés ou adoptés avant ou après le 1er janvier 2004, que les dates prévues par le législateur reposent sur des critères objectifs et rationnels et qu'au demeurant, les différences de traitement dénoncées, de caractère provisoire et inhérentes à la succession de régimes juridiques dans le temps, ne sont pas contraires au principe d'égalité. Il résulte ainsi de ce qui vient d'être exposé, qu'en l'absence de circonstance de droit nouvelle, la question prioritaire de constitutionnalité invoquée par Mme A... est dépourvue de caractère sérieux. Il n'y a pas lieu, par suite, de la transmettre au Conseil d'Etat. En ce qui concerne les autres moyens de la requête : 7. En premier lieu, hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, Mme A... ne peut utilement soutenir que les juges de première instance auraient entaché leur jugement d'une erreur d'appréciation et d'une dénaturation des pièces du dossier. 8. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article 19 du décret du 13 janvier 1986 : " La mise en disponibilité peut être prononcée d'office à l'expiration des droits statutaires à congés de maladie prévus au premier alinéa du 2°, au premier alinéa du 3° et au 4° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 et s'il ne peut, dans l'immédiat, être procédé au reclassement du fonctionnaire dans les conditions prévues aux articles 81 à 86 de la loi du 26 janvier 1984. / La durée de la disponibilité prononcée en vertu du premier alinéa du présent article ne peut excéder une année. Elle peut être renouvelée deux fois pour une durée égale. Si le fonctionnaire n'a pu, durant cette période, bénéficier d'un reclassement, il est, à l'expiration de cette durée, soit réintégré dans son administration s'il est physiquement apte à reprendre ses fonctions dans les conditions prévues à l'article 26, soit, en cas d'inaptitude définitive à l'exercice des fonctions, admis à la retraite ou, s'il n'a pas droit à pension, licencié. (...) ". Aux termes de l'article 26 de ce décret dans sa version applicable au litige : " (...) Le fonctionnaire qui, à l'issue de sa disponibilité ou avant cette date, s'il sollicite sa réintégration anticipée, ne peut être réintégré pour cause d'inaptitude physique est soit reclassé dans les conditions prévues par la réglementation en vigueur, soit mis en disponibilité d'office dans les conditions prévues à l'article 19, soit, en cas d'inaptitude physique à l'exercice des fonctions, admis à la retraite ou, s'il n'a pas droit à pension, licencié ". 9. D'autre part, aux termes de l'article 7 du décret n°2003-1306 du 26 décembre 2003 : " Le droit à pension est acquis : / (...) / 2° Sans condition de durée de services aux fonctionnaires rayés des cadres pour invalidité résultant ou non de l'exercice des fonctions. ". Aux termes de l'article 30 de ce décret : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dûment établie peut être admis à la retraite soit d'office, soit sur demande ". Aux termes de l'article 39 du même décret : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service peut être mis à la retraite par anticipation soit sur demande, soit d'office dans les délais prévus au troisième alinéa de l'article 30. L'intéressé a droit à la pension rémunérant les services prévus au 2° de l'article 7 et au 2° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite sous réserve que ses blessures ou maladies aient été contractées ou aggravées au cours d'une période durant laquelle il acquérait des droits à pension ". 10. Il résulte des dispositions citées au point précédent que le droit à pension acquis par des fonctionnaires relevant du régime de retraite anticipé prévu à l'article 39 précité du décret du 26 décembre 2003 est réservé aux situations dans lesquelles les blessures ou maladies ont été contractées ou aggravées au cours d'une période durant laquelle l'agent a acquis des droits à pension. En l'espèce, il est constant que l'accident à l'origine de l'inaptitude totale et définitive de Mme A... à l'exercice de toutes fonctions est intervenu le 18 décembre 2015 au cours d'une période de disponibilité pour convenance personnelle qui lui avait été accordée à sa demande. Or, aux termes de l'article 72 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984, " la disponibilité est la position du fonctionnaire qui, placé hors de son administration ou service d'origine, cesse de bénéficier, dans cette position, de ses droits à l'avancement et à la retraite ". Par suite et alors qu'il n'est pas établi, ni même allégué par l'intéressée que son état de santé à l'origine de son inaptitude résulte d'une blessure ou maladie contractée au cours d'une période durant laquelle elle acquérait des droits à pension susceptibles de lui ouvrir droit au bénéfice d'une retraite anticipée pour invalidité, les moyens tirés de l'erreur de fait ou de droit au regard des dispositions des articles 19 et 26 du décret n°86-68 du 13 janvier 1986 et de l'article 7 du décret n°2003-1306 du 26 décembre 2003, doivent être écartés. 11. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 5 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Les services pris en compte dans la constitution du droit à pension sont : / 1° Les services accomplis par les fonctionnaires titulaires et stagiaires mentionnés à l'article 2 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée (...) ". Aux termes de l'article L. 9 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Le temps passé dans une position statutaire ne comportant pas l'accomplissement de services effectifs au sens de l'article L. 5 ne peut entrer en compte dans la constitution du droit à pension, sauf : / 1° Dans la limite de trois ans par enfant né ou adopté à partir du 1er janvier 2004, sous réserve que le titulaire de la pension ait bénéficié : / (...) / b) D'un congé parental ; / (...) / d) D'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans ou d'un congé pour convenances personnelles pour élever un enfant de moins de huit ans ". Aux termes de l'article L. 11 du même code : " Les services pris en compte dans la liquidation de la pension sont : / 1° Pour les fonctionnaires civils, les services énumérés à l'article L. 5 (...) ". Aux termes de l'article L. 12 du même code : " Aux services effectifs s'ajoutent, dans les conditions déterminées par un décret en Conseil d'Etat, les bonifications ci-après : (...) / b) Pour chacun de leurs enfants légitimes et de leurs enfants naturels nés antérieurement au 1er janvier 2004, pour chacun de leurs enfants dont l'adoption est antérieure au 1er janvier 2004 et, sous réserve qu'ils aient été élevés pendant neuf ans au moins avant leur vingt et unième anniversaire, pour chacun des autres enfants énumérés au II de l'article L. 18 dont la prise en charge a débuté antérieurement au 1er janvier 2004, les fonctionnaires et militaires bénéficient d'une bonification fixée à un an, qui s'ajoute aux services effectifs, à condition qu'ils aient interrompu ou réduit leur activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. " Aux termes de l'article L. 24 du même code : " I. - La liquidation de la pension intervient : (...) 4° Lorsque le fonctionnaire ou son conjoint est atteint d'une infirmité ou d'une maladie incurable le plaçant dans l'impossibilité d'exercer une quelconque profession, dans les conditions prévues à l'article L. 31 et sous réserve que le fonctionnaire ait accompli au moins quinze ans de services ; ". 12. Contrairement à ce que soutient Mme A..., les bonifications auxquelles les fonctionnaires peuvent, le cas échéant, prétendre au titre de la liquidation de leur pension lorsqu'elle intervient dans les conditions prévues aux dispositions du 4° du I de l'article 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, s'ajoutent aux années de services effectifs qu'ils ont accomplis ainsi qu'il résulte des termes mêmes de l'article L. 12 de ce code mais ne substituent pas à elles. A ce titre, la bonification d'un an par enfant, accordée aux femmes ayant interrompu leur activité, a uniquement pour effet d'apporter une compensation partielle et forfaitaire des retards et préjudices de carrière manifestes qui les ont pénalisés en majorant la liquidation de leur pension. Si cette bonification peut ainsi être assimilée à une rémunération différée, elle n'entre pas, en revanche, en considération dans la constitution du droit à pension, laquelle suppose la réalisation de services effectifs dans les conditions prévues à l'article L. 9 précité de ce code. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que les années au cours desquelles elle a été placée en congé parental ou en disponibilité pour élever un enfant devait en l'espèce entrer dans la constitution de ses droits à pension et qu'en conséquence, la décision en litige serait entachée d'une erreur de fait ou de droit. 13. En dernier lieu, si Mme A... soutient que les dispositions législatives précitées du code des pensions civiles et militaires de retraite introduisent une discrimination contraire au principe d'égalité, il résulte du point 6 du présent arrêt, d'une part, que la question prioritaire de constitutionnalité présentée par un mémoire distinct a fait l'objet d'un refus de transmission et, d'autre part, que le Conseil Constitutionnel s'est prononcé, par la décision n° 2003-483 DC du 14 août 2003, sur la conformité à la Constitution des dispositions de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 en retenant que le principe d'égalité n'était en l'espèce pas méconnu. Il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer, dans un cadre autre que celui d'une question prioritaire de constitutionnalité, sur la conformité d'une disposition législative à une norme à valeur constitutionnelle. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté. 14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement contesté, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle la présidente du conseil régional d'Ile-de-France a prononcé son licenciement pour inaptitude physique à compter du 1er février 2021. Par voie de conséquence, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tenant aux frais liés à l'instance. Par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, il n'y pas lieu de faire droit à la demande présentée par la région Ile-de-France sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionalité soulevée par Mme A.... Article 2 : La requête de Mme A... est rejetée. Article 3 : Les conclusions présentées par la région Ile-de-France sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la présidente du conseil régional d'Ile-de-France. Délibéré après l'audience du 21 juin 2024, à laquelle siégeaient : - M. Carrère, président, - M. Soyez, président assesseur, - Mme Lorin, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 5 juillet 2024. La rapporteure, C. LORIN Le président, S. CARRERE La greffière, E. LUCE La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23PA02723
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de LYON, 5ème chambre, 04/07/2024, 22LY02319, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 8 janvier 2020 prise par le directeur de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) " Les Papillons d'Or " en tant que cette décision fixe son taux d'incapacité permanente partielle (IPP) à 8 % et lui refuse le bénéfice de l'allocation temporaire d'invalidité. Par un jugement n° 2000433 du 30 juin 2022, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par une requête, enregistrée le 28 juillet 2022, Mme A..., représentée par Me Benages, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 30 juin 2022 ainsi que la décision susvisée ; 2°) d'ordonner une expertise médicale ; 3°) de condamner l'EHPAD " Les Papillons d'Or " à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - l'avis de la commission de réforme du 6 septembre 2019 a été rendu sans qu'elle ait pu présenter des observations écrites, fournir de certificat médical ou bien comparaître devant cette commission ; - l'expertise du 23 mai 2018 est entachée d'irrégularité, faute pour l'expert d'avoir procédé à une comparaison entre son épaule gauche et son épaule droite ; - l'expertise du 23 mai 2018 est entachée d'une erreur de fait s'agissant de la date de consolidation de son état de santé et ne pouvait donc pas permettre à la commission de réforme de rendre un avis ni au directeur de l'EHPAD d'édicter la décision en litige ; - le directeur de l'EHPAD s'est estimé à tort lié par l'avis de la commission de réforme pour prendre sa décision ; - la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; - elle est fondée à solliciter une nouvelle expertise médicale. Par un mémoire en défense, enregistré le 29 août 2023, l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) " Les Papillons d'Or ", représenté par Me Ribet-Mariller, demande, à titre principal, le renvoi de l'affaire au Conseil d'Etat, et, à titre subsidiaire, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'appelante la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - la requête d'appel de Mme A... est irrecevable ; l'affaire doit être transmise au Conseil d'Etat ; - la demande est irrecevable dès lors que la décision contestée par l'intéressée ne lui fait pas grief ; - les moyens soulevés à l'encontre de la décision du 8 janvier 2020 doivent être écartés ; - la demande d'expertise sollicitée n'est pas utile. Une ordonnance du 30 octobre 2023 a fixé la clôture de l'instruction au 1er décembre 2023. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ; - le décret n°68-756 du 13 août 1968 pris en application de l'article L. 28 (3e alinéa) de la loi n° 64-1339 du 26 décembre 1964 portant réforme du code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le décret n°2005-442 du 2 mai 2005 relatif à l'attribution de l'allocation temporaire d'invalidité aux fonctionnaires relevant de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère, - et les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique ; Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., agent titulaire de la fonction publique hospitalière et alors employée en qualité d'aide-soignante au sein de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) " Les Papillons d'Or " à Courpière (Puy-de-Dôme), a été victime d'un accident de service le 11 mai 2013 endommageant son épaule gauche. Le 23 mai 2018, une expertise médicale a estimé que la date de consolidation de son état de santé consécutif à cet accident devait être fixée au 15 février 2018 et que son taux d'incapacité permanente partielle (IPP) devait être évalué à hauteur de 8 %. Mme A..., radiée des cadres à compter du 24 juin 2018 pour mise à la retraite d'office, a sollicité une nouvelle expertise le 18 septembre 2018 à laquelle il n'a pas été donné suite. Par un courrier du 11 février 2019, l'intéressée a de nouveau sollicité l'organisation d'une nouvelle expertise. Par ce même courrier, elle a sollicité la saisine de la commission de réforme pour la fixation de son taux d'IPP mais également le bénéfice de l'allocation temporaire d'invalidité (ATI). La commission de réforme a rendu, le 6 septembre 2019, un avis indiquant une date de consolidation de l'état de santé de Mme A... au 15 février 2018 et un taux d'IPP arrêté à 8 %. Par une décision du 8 janvier 2020, le directeur de l'EHPAD " Les Papillons d'Or " a considéré que la consolidation de l'état de santé de Mme A... devait être fixée au 15 février 2018 avec un taux d'IPP de 8 % et a, en conséquence, refusé de lui accorder le bénéfice de l'ATI. Mme A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Sur la recevabilité de la requête d'appel : 2. D'une part, aux termes des dispositions de l'article R. 811-1 du code de justice administrative dans leur rédaction applicable à la présente instance : " (...) le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : (...) 7° Sur les litiges en matière de pensions de retraite des agents publics ". 3. D'autre part, aux termes de l'article 80 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Les établissements mentionnés à l'article 2 ci-dessus sont tenus d'allouer aux fonctionnaires qui ont été atteints d'une invalidité résultant d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 10 p. 100 ou d'une maladie professionnelle, une allocation temporaire d'invalidité cumulable avec leur traitement dans les mêmes conditions que les fonctionnaires de l'Etat. " Aux termes de l'article 8 du décret du 2 mai 2005 relatif à l'attribution de l'allocation temporaire d'invalidité aux fonctionnaires relevant de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " L'allocation, concédée par le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations au vu de la décision prévue au second alinéa de l'article 6, est versée dans les conditions prévues par le régime de retraite des agents affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. Elle est soumise en matière de contentieux aux règles applicables aux pensions servies par cette caisse. Sous réserve des modalités de révision prévues ci-après, les dispositions de l'article 62 du décret du 26 décembre 2003 susvisé sont applicables au fonctionnaire ". 4. La demande de Mme A... présentée devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand était relative à une décision portant refus de faire droit à sa demande d'allocation temporaire d'invalidité, en qualité de fonctionnaire titulaire hospitalier. Une telle demande relève des règles contentieuses applicables en matière de pension de retraite. Il résulte des dispositions précitées du 7° de l'article R. 811-1 du code de justice administrative que le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort sur un tel litige. Par suite, en l'absence d'irrecevabilité manifeste entachant la demande de première instance et les conclusions devant la cour, il y a lieu de transmettre au Conseil d'Etat le dossier de la requête de Mme A.... DECIDE : Article 1er : La requête de Mme A... est transmise au Conseil d'Etat. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " Les Papillons d'Or ". Délibéré après l'audience du 20 juin 2024 à laquelle siégeaient : Mme Dèche, présidente, M. Gros, premier conseiller, Mme Rémy-Néris, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 juillet 2024. La rapporteure, V. Rémy-NérisLa présidente, P. Dèche Le greffier en chef, C. Gomez La République mande et ordonne au ministre de la transformation et la fonction publiques en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 22LY02319 ar
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Lyon