Cour administrative d'appel de Nancy, 1e chambre, du 22 février 1996, 95NC00511, inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision22 février 1996
Num95NC00511
JuridictionNancy
Formation1E CHAMBRE
RapporteurM. MOUSTACHE
CommissaireM. PIETRI

(Première Chambre)
Vu la requête, enregistrée le 28 mars 1995 au greffe de la Cour présentée par le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE ;
Il demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement en date du 26 janvier 1995 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé sa décision, en date du 18 janvier 1989, refusant de prendre en compte, pour le calcul de l'ancienneté de services de M. Paul X..., la durée des services militaires accomplis par ce dernier en qualité de sous-officier de carrière ;
2°/ de rejeter la requête de M. X... devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 août 1995, présenté par Me Clamer pour M. Paul X..., domicilié ... ; il demande à la Cour de rejeter le recours et de condamner l'Etat à lui payer une somme de 10 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 24 janvier 1996, présenté par le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE qui conclut aux mêmes fins par son recours par les mêmes moyens ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires ;
Vu la loi n° 75-1000 du 30 octobre 1975 modifiant la loi du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 janvier 1996 :
- le rapport de M. MOUSTACHE conseiller-rapporteur,
- les observations de Me Clamer, avocat de M. X...,
- et les conclusions de M. PIETRI, Commissaire du Gouvernement ;

Sur la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté du recours :
Considérant qu'il est constant que la télécopie du recours formé par le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE contre le jugement attaqué du Tribunal administratif de Strasbourg, qui lui a été notifié par lettre du 27 janvier 1995, a été enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Nancy le 28 mars 1995 ; que ledit document contenait l'exposé des faits et les moyens sur lesquels le ministre entendait fonder son recours ; qu'ainsi, alors même que l'exemplaire original de celui-ci qui était nécessaire à sa régularisation n'a été enregistré que le 3 avril 1995, soit postérieurement au délai de deux mois imparti pour faire appel par l'article R.229 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté du recours ne saurait être accueillie ;
Sur la légalité de la décision du MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE en date du 18 janvier 1989 :
Considérant que l'article 97 de la loi du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires dispose que le temps passé sous les drapeaux par un engagé accédant à un emploi public régi par des dispositions réglementaires est pris en compte, dans des limites que la loi détermine, pour le décompte de l'ancienneté dans cet emploi ; que cette disposition, qui a eu pour effet d'abroger les dispositions de l'article L.435 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre qui excluaient la prise en compte des services déjà rémunérés par une pension proportionnelle ou d'ancienneté, a été étendue aux sous-officiers de carrière par l'article 47-1 introduit dans le statut général des militaires par la loi du 30 octobre 1975 ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... a servi dans l'armée en qualité de sous-officier de carrière de 1957 à 1971, année au cours de laquelle il a accédé, au titre des emplois réservés, à un emploi de secrétaire d'administration scolaire et universitaire dans lequel il a été titularisé le 13 septembre 1972 ; que par arrêté du Ministre de l'Education et du Secrétaire d'Etat aux Universités, en date du 20 août 1975, il a été titularisé dans le corps des attachés d'administration scolaire et universitaire à compter du 16 septembre 1975 ;
Considérant que l'article 47-1 de la loi n° 75-1000 du 30 octobre 1975, modifiant la loi du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires et rendant applicable les article 95, 96, et 97 de celle-ci aux sous-officiers de carrière, n'a un caractère ni interprétatif ni rétroactif ; qu'ainsi les dipositions de cet article ne sauraient trouver à s'appliquer à la situation acquise par un sous-officier du fait de sa titularisation dans un corps de fonctionnaires de l'Etat ou des collectivités locales à une date antérieure à celle de l'entrée en vigueur de ladite loi modificative qui est intervenue le 2 novembre 1975 en application des dispositions du décret du 5 novembre 1870 ; que dès lors, c'est à bon droit que pour rejeter, par sa décision du 18 janvier 1989, la demande que lui avait présentée M. X... en vue d'obtenir la prise en compte des services qu'il avait accomplis dans l'armée en qualité de sous-officier, le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé avait été titularisé dans son corps d'accueil avant le 2 novembre 1975 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort, que pour annuler la décision du MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE en date du 18 janvier 1989, le Tribunal administratif de Strasbourg s'est fondé sur le fait que les lois du 13 juillet 1972 et du 30 octobre 1975 étant d'application immédiate, leurs dispositions bénéficient à l'ensemble des agents publics répondant aux conditions qu'elles fixent, quelle que soit la date à laquelle ils ont accédé à l'emploi qu'ils détiennent ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M. X... tant devant le Tribunal administratif que devant la cour administrative d'appel ;
Considérant que si M. X... soutient que la décision lui refusant le bénéfice de la prise en compte des services qu'il a accomplis en qualité de sous-officier de carrière porte atteinte au principe d'égalité des fonctionnaires devant la loi dans la mesure où un tel avantage aurait été accordé à des sous-officiers recrutés et titularisés avant le 2 novembre 1975, un tel moyen, à supposer qu'il repose sur des faits matériellement exacts, est sans influence sur la légalité de la décision attaquée, le principe d'égalité susrappelé ne pouvant être utilement invoqué à l'appui d'une demande tendant à l'octroi d'un avantage illégal ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé sa décision du 18 janvier 1989 ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, ne saurait être condamné sur le fondement des dispositions précitées à payer à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg, en date du 26 janvier 1995, est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X... devant le Tribunal administratif de Strasbourg et les conclusions qu'il a formulées devant la Cour au titre de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE ainsi qu'à M. X....