Conseil d'Etat, 3 SS, du 29 janvier 1996, 153984, inédit au recueil Lebon
Vu le recours du MINISTRE DES ANCIENS COMBATTANTS ET VICTIMES DE GUERRE enregistré le 1er décembre 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, MINISTRE DES ANCIENS COMBATTANTS ET VICTIMES DE GUERRE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 8 octobre 1993 par lequel le tribunal administratif de Bastia a annulé, à la demande de M. X..., la décision du secrétaire d'Etat aux anciens combattants et victimes de guerre, en date du 11 mai 1992, lui refusant le titre de combattant volontaire de la résistance ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Bastia ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
Vu la loi n° 89-295 du 10 mai 1989 et le décret n° 89-771 du 19 octobre 1989 ;
Vu le décret du 20 septembre 1944 relatif au statut des forces françaises de l'intérieur ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Courson, Auditeur,
- les conclusions de M. Toutée, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article R.254 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : "La qualité de combattant volontaire de la résistance est reconnue ( ...) : 4° A toute personne qui, ayant appartenu pendant trois mois au moins, avant le 6 juin 1944, au FFC, aux forces françaises intérieures ou à la RIF dans une zone occupée par l'ennemi, a en outre obtenu l'homologation régulière de ses services par l'autorité militaire" dans les conditions fixées par le décret du 25 juillet 1942 (FFC), le décret du 20 septembre 1944 (FFI) ou le décret du 9 septembre 1947 (RIF)" ;
Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret du 20 septembre 1944 : "Le fait d'appartenir aux forces françaises de l'intérieur est constaté par l'autorité militaire désignée par le ministre de la guerre dans des conditions fixées par arrêté ministériel. Le certificat délivré à l'intéressé énoncera la date d'entrée en service dans les forces françaises de l'intérieur ainsi que les actions auxquelles l'intéressé a pris part" ; que, selon l'article 8 de l'instruction du 5 novembre 1953 portant codification des dispositions concernant l'application des décrets des 19 et 20 septembre 1944 relatifs aux forces françaises de l'intérieur, "la constatation de services militaires accomplis dans les forces françaises de l'intérieur est effectuée à l'aide de certificats du modèle national" ;
Considérant qu'à l'appui de sa demande du titre de combattant volontaire de la résistance, M. X... a produit copie d'un document intitulé "certificat d'appartenance aux forces françaises de l'intérieur" établi le 15 juin 1947 par la commission départementale de la subdivision de Corse ; que ce certificat qui n'est pas du modèle national se borne à indiquer que M. X... a servi dans les forces françaises de l'intérieur d'avril à octobre 1943 sans préciser au titre de quelles formations ont été accomplis ces services ; qu'un tel certificat ne constitue pas une homologation des services par l'autorité militaire permettant à M. X... de se voir reconnaître la qualité de combattant volontaire de la résistance en application de l'article R. 254-4° précité du code ; que, devant le tribunal administratif, l'administration a contesté la valeur du certificat fourni par M. X... notamment en produisant un exemplaire du "certificat modèle national" ainsi qu'une attestation établie par le ministère de la défense faisant savoir que M. X... ne figurait pas parmi les membres homologués des forces françaises de l'intérieur ; que, par suite, c'est à tort que, pour annuler la décision du 11 mai 1992 refusant à M. X... le titre de combattant volontaire de la résistance, le tribunal administratif de Bastia s'est fondé sur ce que, en l'absence de contestation par l'administration, les services de M. X... dans les forces françaises de l'intérieur devaient être regardés comme homologués, et lui ouvrant droit autitre demandé ;
Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M. X... devant le tribunal administratif de Bastia ;
Considérant qu'aux termes de l'article R.255 du code : "La qualité de combattant volontaire de la résistance peut être reconnue à titre exceptionnel et sur avis favorable de la commission nationale prévue à l'article R.260 à toute personne n'entrant pas dans l'une des catégories prévues au 1°, 2°, 3° et 4° de l'article R.254, qui justifie dans les conditions fixées à l'article R.266 (5°) avoir accompli habituellement après le 16 juin 1940 et pendant trois mois au moins avant le 6 juin 1944 des actes caractérisés de résistance définis à l'article R.287" ;
Considérant qu'à l'appui de sa demande, M. X... a produit, d'une part, deux témoignages datant de 1958 et faisant état de façon très générale de son appartenance à une organisation de résistance, d'autre part deux témoignages établis en 1990, rédigés en termes identiques et relatant de façon également peu précise sa participation à l'attaque d'un poste allemand en septembre ou octobre 1943 ; que ces documents ne sauraient être regardés comme établissant l'accomplissement habituel par M. X... pendant trois mois au moins d'actes caractérisés de résistance ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DES ANCIENS COMBATTANTS ET VICTIMES DE GUERRE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé sa décision refusant à M. X... le titre de combattant volontaire de la résistance ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bastia en date du 8 octobre 1993 est annulé.
Article 2 : La demande présentée au tribunal administratif de Bastia par M. X... est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre délégué aux anciens combattants et victimes de guerre et à M. Alexandre X....