Conseil d'Etat, 9ème et 10ème sous-sections réunies, du 7 juillet 2004, 246148, mentionné aux tables du recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision07 juillet 2004
Num246148
Juridiction
Formation9EME ET 10EME SOUS-SECTIONS REUNIES
PresidentM. Stirn
RapporteurMme Julie Burguburu
CommissaireM. Vallée

Vu le recours du MINISTRE DE LA DEFENSE, enregistré le 10 avril 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DE LA DEFENSE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 18 décembre 2000 par lequel la cour régionale des pensions de Bastia, confirmant le jugement du 6 mars 2000 rendu par le tribunal départemental des pensions de Haute-Corse, a reconnu à M. Félix X un droit à pension au taux de 20 % à compter du 10 mai 1994 ;

2°) de régler l'affaire au fond ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Julie Burguburu, Auditeur,

- les conclusions de M. Laurent Vallée, Commissaire du gouvernement ;



Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. X, qui a servi en Algérie entre le 4 mai 1961 et le 18 octobre 1962, a été hospitalisé du 31 janvier au 22 février 1962 pour asthénie physique ; que sa demande, enregistrée le 10 mai 1994, sollicitant l'octroi d'une pension militaire d'invalidité pour syndrome anxio-asthénique chronique imputable au service a été refusée par décision du 19 août 1997 ; que, par un arrêt du 18 décembre 2000, la cour régionale des pensions de Bastia, confirmant un jugement du tribunal départemental de Haute-Corse en date du 6 mars 2000, lui a accordé, par présomption d'imputabilité au service, un droit à pension au taux de 20 % au titre du syndrome anxio-asthénique allégué ; que le MINISTRE DE LA DEFENSE demande l'annulation de l'arrêt de la cour ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : Lorsqu'il n'est possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2 ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : ... 3° en tout état de cause que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet du constat et l'infirmité invoquée ;

Considérant que la cour a commis une erreur de droit en faisant jouer la présomption d'imputabilité au service alors que M. X ne produisait aucun document médical contemporain des soins qui lui auraient été prodigués ; que, par suite, le MINISTRE DE LA DEFENSE est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Considérant que, en application des dispositions de l'article L. 3 précité, la présomption d'imputabilité peut bénéficier à l'intéressé à condition que la preuve d'une filiation médicale soit apportée ; que cette filiation médicale, qui suppose une identité de nature entre l'infirmité pensionnée et l'infirmité invoquée, peut être établie soit par la preuve de la réalité des soins reçus de façon continue pour l'affection pensionnée soit par l'étiologie même de l'infirmité en cause ;

Considérant que, d'une part, M. X, qui ne produit aucun document médical contemporain des soins invoqués, n'apporte pas, ainsi qu'il a été dit, la preuve d'une continuité de soins au titre de l'infirmité pensionnée ; que, d'autre part, l'étiologie de l'infirmité anxio-asthénique alléguée par M. X ne permet pas de conclure à une filiation médicale nécessaire avec l'asthénie physique constatée pendant la durée de son service ; que M. X ne peut, dès lors, être regardé comme établissant la preuve qui lui incombe d'un droit au bénéfice d'une pension ; qu'ainsi, c'est à tort que le tribunal départemental des pensions de Haute-Corse a fait droit à sa demande ;



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour régionale des pensions de Bastia en date du 18 décembre 2000 et le jugement du tribunal départemental des pensions de Haute-Corse en date du 6 mars 2000 sont annulés.
Article 2 : La demande de pension pour anxio-asthénie présentée par M. X devant le tribunal départemental des pension de Haute-Corse est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE LA DEFENSE et à M. Félix X.