Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 05/06/2012, 10PA05440, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision05 juin 2012
Num10PA05440
JuridictionParis
Formation4ème chambre
PresidentM. PERRIER
RapporteurM. Ermès DELLEVEDOVE
CommissaireM. ROUSSET
AvocatsTAULET

Vu, enregistrée le 17 novembre 2010, l'ordonnance n° 328132, en date du 5 novembre 2010, par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a renvoyé le jugement de la requête de M. Boufedja A à la Cour administrative d'appel de Paris ;

Vu la requête sommaire, enregistrée le 17 juin 2009 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'État, et les mémoires complémentaires, enregistrés les 17 novembre 2010, 10 novembre 2011 et 4 janvier 2012 au greffe de la Cour, présentés pour M. Boufedja A, demeurant ..., par Me Taulet ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 080192/12 en date du 20 avril 2009 par laquelle le vice-président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 14 mai 2007 par laquelle le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, lui a refusé l'attribution de la carte du combattant ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;

2°) d'enjoindre à l'État de lui délivrer la carte du combattant ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1200 euros, à verser à son avocat en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment ses articles 61-1 et 62 ;

Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;

Vu la décision n° 2010-18 QPC du 23 juillet 2010 du Conseil constitutionnel ;

Vu la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 mai 2012 :

- le rapport de M. Dellevedove, rapporteur,

- et les conclusions de M. Rousset, rapporteur public ;

Considérant que M. A, ressortissant algérien, fait appel de l'ordonnance en date du 20 avril 2009 par laquelle le vice-président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 14 mai 2007 par laquelle le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris lui a refusé l'attribution de la carte du combattant ;

Sur les conclusions à fin d'annulation, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 253 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Il est créé une carte de combattant qui est attribuée dans les conditions fixées aux articles R. 223 à R. 235. " ; qu'aux termes de l'article L. 253 bis du même code dans sa rédaction alors en vigueur : " Ont vocation à la qualité de combattant et à l'attribution de la carte du combattant, selon les principes retenus pour l'application du présent titre et des textes réglementaires qui le complètent, sous la seule réserve des adaptations qui pourraient être rendues nécessaires par le caractère spécifique de la guerre d'Algérie ou des combats en Tunisie et au Maroc entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 : /Les militaires des armées françaises, / Les membres des forces supplétives françaises possédant la nationalité française à la date de la présentation de leur demande ou domiciliés en France à la même date ,/ Les personnes civiles possédant la nationalité française à la date de la présentation de leur demande qui ont pris part à des actions de feu ou de combat au cours de ces opérations. / Une commission d'experts, comportant notamment des représentants des intéressés, est chargée de déterminer les modalités selon lesquelles la qualité de combattant peut, en outre, être reconnue, par dérogation aux principes visés à l'alinéa précédent, aux personnes ayant pris part à cinq actions de feu ou de combat ou dont l'unité aura connu, pendant leur temps de présence, neuf actions de feu ou de combat. Les adaptations visées au premier alinéa ci-dessus ainsi que les modalités d'application du présent article, et notamment les périodes à prendre en considération pour les différents théâtres d'opérations, seront fixées par décret en Conseil d'Etat ; un arrêté interministériel énumérera les catégories de formations constituant les forces supplétives françaises. /Une durée des services d'au moins quatre mois dans l'un ou l'autre ou dans plusieurs des pays mentionnés au premier alinéa est reconnue équivalente à la participation aux actions de feu ou de combat exigée au cinquième alinéa. " ; qu'aux termes de l'article R. 223 du même code : " La carte du combattant prévue à l'article L. 253 est attribuée à toutes les personnes qui justifient de la qualité de combattant dans les conditions déterminées par les articles R. 224 à R. 229. " ; qu'aux termes de l'article R. 224 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : " Sont considérés comme combattants : (...) / D - Pour les opérations effectuées en Afrique du Nord entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 inclus : (...) / c) En Algérie, à compter du 31 octobre 1954. / I. - Sont considérés comme des combattants les militaires des armées françaises et les membres des forces supplétives françaises :1° Qui ont appartenu pendant trois mois, consécutifs ou non, à une unité combattante ou à une formation entrant dans l'une des catégories énumérées par l'arrêté interministériel prévu au troisième alinéa de l'article L. 253 bis et assimilée à une unité combattante ; /Pour le calcul de la durée d'appartenance, les services accomplis au titre d'opérations antérieures se cumulent entre eux et avec ceux des opérations d'Afrique du Nord ; /Des bonifications afférentes à des situations personnelles résultant du contrat d'engagement sont accordées pour une durée ne pouvant excéder dix jours, suivant les modalités d'application fixées par arrêtés des ministres intéressés ; /2° Qui ont appartenu à une unité ayant connu, pendant leur temps de présence, neuf actions de feu ou de combat ; /3° Qui ont pris part à cinq actions de feu ou de combat ; /4° Qui ont été évacués pour blessure reçue ou maladie contractée en service, alors qu'ils appartenaient à une unité combattante ou à une formation assimilée sans condition de durée de séjour dans cette unité ou formation ;/ 5° Qui ont reçu une blessure assimilée à une blessure de guerre quelle que soit l'unité ou la formation à laquelle ils ont appartenu, sans condition de durée de séjour dans cette unité ou formation ; /6° Qui ont été détenus par l'adversaire et privés de la protection des conventions de Genève. (...) " ; que l'arrêté inter ministériel du 11 février 1975 susvisé qui énumère les formations constituant les forces supplétives françaises qui ont participé aux opérations effectuées en Afrique du Nord entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 mentionne notamment " 1. Les formations de harkis (...) " ;

Considérant que, par la décision susvisée en date du 23 juillet 2010, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution les mots du troisième alinéa de l'article L. 253 bis, " possédant la nationalité française à la date de la présentation de leur demande ou domicilié en France à la même date ", au motif que le législateur ne pouvait établir, au regard de l'objet de la loi et pour l'attribution de la carte du combattant, une différence de traitement selon la nationalité ou le domicile entre les membres de forces supplétives et que l'exigence d'une telle condition de nationalité et de domiciliation est contraire au principe d'égalité ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'" extrait des services " établi par les services du ministère de la défense le 9 octobre 2003, et qu'il n'est pas contesté que l'intéressé, qui a servi en qualité de harki, soit au sein des forces supplétives françaises, du 1er octobre 1955 au 4 avril 1959, remplissait les conditions de services prévues par les dispositions précitées du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et, en particulier, la condition de durée prévue au dernier alinéa de l'article L. 253 bis dudit code ; que, dès lors, M. A, qui invoque expressément le moyen tiré de la discrimination qui lui a été opposée en raison de sa nationalité et de son domicile, est fondé à soutenir que le ministre, pour ce motif, a entaché sa décision d'illégalité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le vice-président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 14 mai 2007 par laquelle le ministre de la défense lui a refusé l'attribution de la carte du combattant ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, qui annule la décision par laquelle le ministre de la défense lui a refusé l'attribution de la carte du combattant, implique nécessairement la délivrance à M. A de la carte sollicitée ; qu'il y a lieu de prescrire la délivrance à l'intéressé de la carte du combattant dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que M. A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Taulet renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros, à ce titre ;
D E C I D E :
Article 1er : L'ordonnance susvisée du vice-président du Tribunal administratif de Paris en date du 20 avril 2009 et la décision du ministre de la défense en date du 14 mai 2007 sont annulées.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, de faire délivrer à M. A, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, la carte du combattant.
Article 3 : L'Etat versera à Me Taulet la somme de 1 000 euros, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
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