Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 24/04/2013, 350705

Information de la jurisprudence
Date de décision24 avril 2013
Num350705
Juridiction
Formation6ème et 1ère sous-sections réunies
RapporteurM. Didier Ribes
CommissaireMme Suzanne von Coester
AvocatsSCP THOUIN-PALAT, BOUCARD

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 juillet et 10 octobre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentés pour M. C...A..., dont l'adresse postale est BP 191 RP 20000 à Saida en Algérie ; M. A...demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler l'arrêt n° 07/00011 du 11 janvier 2011 par lequel la cour régionale des pensions de Montpellier a infirmé le jugement du 17 janvier 2007 du tribunal départemental des pensions de l'Hérault et l'a débouté de sa demande de revalorisation de la pension militaire d'invalidité perçue par son père, KaddourA..., jusqu'à son décès le 10 février 1990 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros à verser à la SCP Thouin-Palat, Boucard, son avocat, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

Vu le code de procédure civile ;

Vu la loi n° 59-1454 du 26 décembre 1959 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le décret n° 59-327 du 20 février 1959 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Thouin-Palat, Boucard, avocat de M.A...,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Thouin-Palat, Boucard, avocat de M.A... ;



1. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué qu'une pension militaire d'invalidité a été accordée à M. B...A..., ressortissant algérien décédé en 1990 ; qu'en application des dispositions de l'article 71 de la loi du 26 décembre 1959 de finances pour 1960, cette pension a été remplacée à compter du 3 juillet 1962 par une indemnité annuelle dont le montant a été cristallisé ; que, par une décision implicite, le ministre de la défense a refusé de faire droit à la demande de décristallisation présentée par M. C...A..., qui est le fils de M. B...A...et vient aux droits de ce dernier ; que, par un jugement du 17 janvier 2007, le tribunal départemental des pensions de l'Hérault a fait droit à la demande de l'intéressé ; que, par un arrêt du 11 janvier 2011, contre lequel M. A...se pourvoit en cassation, la cour régionale des pensions de Montpellier a infirmé le jugement du tribunal départemental des pensions de l'Hérault et rejeté sa demande ;

Sur la régularité de l'arrêt attaqué :

2. Considérant que la procédure devant les juridictions des pensions est régie, dans le respect des exigences de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, par les dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, celles du décret du 20 février 1959 relatif aux juridictions des pensions et celles du code de procédure civile auxquelles les dispositions de ce décret renvoient expressément ; que, dans le silence de ces textes, il appartient aux tribunaux et cours des pensions, en raison de leur caractère de juridictions administratives, de faire application des règles générales de procédure applicables à ces dernières ; que le fait pour ces juridictions de se fonder sur des dispositions du code de procédure civile autres que celles mentionnées ci-dessus n'entache pas d'irrégularité leurs décisions, dès lors que ces dispositions peuvent être regardées comme traduisant ces règles ;

3. Considérant qu'aucune des dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, du décret du 20 février 1959 ou de celles du code de procédure civile auxquelles renvoie ce décret ne précise les conditions dans lesquelles les décisions de ces juridictions sont rendues publiques ; qu'il y a lieu, en pareil cas, de faire application de la règle générale de procédure applicable aux juridictions administratives, qui ne méconnaît pas les exigences de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, selon laquelle la décision juridictionnelle est rendue publiquement, soit par lecture publique, soit par tout moyen approprié assurant l'accès au texte de la décision, en particulier sa consultation au greffe de la juridiction qui l'a prononcée ;

4. Considérant que l'article 450 du code de procédure civile en vertu duquel le jugement, s'il n'est pas prononcé par la juridiction sur-le-champ ou à une date ultérieure, fait l'objet d'une mise à disposition au greffe de la juridiction peut être regardé comme assurant la traduction de la règle générale de procédure énoncée ci-dessus ; que, par suite, la cour n'a pas entaché d'irrégularité son arrêt en mettant celui-ci à disposition des parties sur le fondement de cet article ;

Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 108 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Lorsque, par suite du fait personnel du pensionné, la demande de liquidation ou de révision de la pension est déposée postérieurement à l'expiration de la troisième année qui suit celle de l'entrée en jouissance normale de la pension, le titulaire ne peut prétendre qu'aux arrérages afférents à l'année au cours de laquelle la demande a été déposée et aux trois années antérieures " ; qu'une demande tendant à la revalorisation d'une pension militaire d'invalidité cristallisée en vertu des dispositions de l'article 71 de la loi du 26 décembre 1959 pour mettre fin aux effets de cette cristallisation et obtenir le versement d'arrérages doit être regardée comme une demande de liquidation d'une pension, au sens de ces dispositions ; que la prescription prévue par cet article a été édictée dans un but d'intérêt général en vue notamment de garantir la sécurité juridique des collectivités publiques en fixant un terme aux actions, sans préjudice des droits qu'il est loisible aux créanciers de faire valoir dans les conditions et délais fixés par ce texte ; que, par suite, les dispositions de l'article 71 de la loi du 26 décembre 1959 ne peuvent être regardées comme contraires aux stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de son premier protocole additionnel qui garantissent le droit à un recours effectif et à un procès équitable et l'absence de discrimination ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ; que, par suite, les conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 par la SCP Thouin-Palat, Boucard, avocat de M. A... ne peuvent qu'être rejetées ;



D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. A...est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. C...A...et au ministre de la défense.

ECLI:FR:CESSR:2013:350705.20130424