Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 24/04/2013, 354592, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision24 avril 2013
Num354592
Juridiction
Formation6ème et 1ère sous-sections réunies
RapporteurM. Didier Ribes
CommissaireMme Suzanne von Coester
AvocatsSCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 décembre 2011 et 5 mars 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentés pour M. B...A..., demeurant au ... ; M. A...demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09/00008 du 25 janvier 2011 par lequel la cour régionale des pensions de Lyon a confirmé le jugement n° 03/00004 du 11 mai 2009 du tribunal départemental des pensions de l'Ain rejetant ses demandes de contre-expertise médicale, de pension pour névrose traumatique de guerre et de pension pour troubles psychiques ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens, y compris la contribution pour l'aide juridique qu'il a acquittée en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

Vu le code de procédure civile ;

Vu le décret n° 59-327 du 20 février 1959 ;

Vu le décret du 10 janvier 1992 déterminant les règles et barèmes pour la classification et l'évaluation des troubles psychiques de guerre ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M.A...,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M. A...;



1. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que M. B...A..., qui a servi dans l'armée française de 1955 à 1975, bénéficie d'une pension militaire d'invalidité définitive ; que, par décision du 26 novembre 2001, le ministre de la défense a rejeté la demande de l'intéressé tendant à la révision de sa pension d'invalidité pour aggravation de celle-ci et à l'ouverture de droits à pension pour de nouvelles infirmités consistant en une névrose traumatique de guerre et des troubles psychiques présentant, selon l'intéressé, un lien direct et déterminant avec des faits de service datant de 1961 ; que, par arrêt du 25 janvier 2011, contre lequel M. A...se pourvoit en cassation, la cour régionale des pensions de Lyon a confirmé le jugement du 11 mai 2009 par lequel le tribunal départemental des pensions de l'Ain a rejeté les conclusions aux fins de contre-expertise médicale, de pension pour névrose traumatique de guerre et de pension pour troubles psychiques présentées par l'intéressé ;

Sur la régularité de l'arrêt attaqué :

2. Considérant que la procédure suivie devant les juridictions des pensions est régie, dans le respect des exigences de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, par les dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, celles du décret du 20 février 1959 relatif aux juridictions des pensions et celles du code de procédure civile auxquelles les dispositions de ce décret renvoient expressément ; que, dans le silence de ces textes, il appartient aux tribunaux et cours des pensions, en raison de leur caractère de juridictions administratives, de faire application des règles générales de procédure applicables à ces dernières ; que le fait pour ces juridictions de se fonder sur des dispositions du code de procédure civile autres que celles mentionnées ci-dessus n'entache pas d'irrégularité leurs décisions, dès lors que ces dispositions peuvent être regardées comme traduisant ces règles ;

3. Considérant qu'aucune des dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, du décret du 20 février 1959 ou de celles du code de procédure civile auxquelles ce décret renvoie ne précise les conditions dans lesquelles les décisions de ces juridictions sont rendues publiques ; qu'il y a lieu, en pareil cas, de faire application de la règle générale de procédure applicable aux juridictions administratives selon laquelle la décision juridictionnelle est rendue publiquement, soit par lecture publique, soit par tout moyen approprié assurant l'accès au texte de la décision, en particulier sa consultation au greffe de la juridiction qui l'a prononcée ;

4. Considérant que l'article 450 du code de procédure civile en vertu duquel, si le jugement n'est pas prononcé par la juridiction sur-le-champ ou à une date ultérieure, il fait l'objet d'une mise à disposition au greffe de la juridiction peut être regardé comme assurant la traduction de la règle générale de procédure énoncée ci-dessus ; que, par suite, la cour n'a ni commis d'erreur de droit ni entaché d'irrégularité son arrêt en mettant celui-ci à disposition des parties conformément aux dispositions de cet article ;

Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; / 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service " ; que l'article 1er du décret du 10 janvier 1992 déterminant les règles et barèmes pour la classification et l'évaluation des troubles psychiques de guerre renvoie à un document annexé intitulé " guide-barème pour la classification et l'évaluation des troubles psychiques de guerre " ; que le dernier alinéa de la section A de son chapitre 1er précise que : " la notion d'une causalité directe et déterminante avec le ou les faits de service suffit à établir l'imputabilité au service. (...) la négation d'un lien avec le service ne saurait se fonder seulement sur le délai écoulé jusqu'à l'apparition des troubles ou sur l'absence de documents médicaux contemporains des faits évoqués " ;

6. Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient le requérant, la cour ne s'est pas fondée, pour écarter l'imputabilité au service, sur le seul délai écoulé jusqu'à l'apparition des troubles et n'a, par suite, pas méconnu les dispositions qui viennent d'être rappelées ; qu'en relevant que le rapport de l'expert avait écarté tout rattachement des troubles dont se prévalait l'intéressé aux événements qui se sont déroulés à Bizerte en 1961, la cour a porté une appréciation souveraine sur les pièces du dossier, qui est exempte de dénaturation ;

7. Considérant, en second lieu, qu'en jugeant, par un arrêt qui est suffisamment motivé, que l'expert avait respecté les dispositions du décret du 10 janvier 1992 en s'en tenant aux symptômes décrits par le requérant et ses médecins traitants, et en retenant les seuls faits qui lui apparaissaient certains pour écarter l'imputabilité au service des troubles psychiques dont souffrait l'intéressé, puis en relevant qu'elle était parfaitement éclairée et que, par suite, le recours à une contre-expertise était inutile, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ; qu'elle a également suffisamment motivé son arrêt en jugeant qu'il ressortait des pièces médicales comme de l'expertise que l'état psychique de M. A...n'était pas imputable ou rattachable au service par un lien direct, causal et déterminant ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ; que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;

9. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser la contribution pour l'aide juridique à la charge de l'intéressé ;



D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. A...est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et au ministre de la défense.

ECLI:FR:CESSR:2013:354592.20130424