Conseil d'État, 4ème sous-section jugeant seule, 17/04/2013, 341931, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision17 avril 2013
Num341931
Juridiction
Formation 4ème sous-section jugeant seule
RapporteurM. Bruno Bachini
AvocatsSCP LE BRET-DESACHE



Vu le pourvoi, enregistré le 27 juillet 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de la défense et des anciens combattants ; le ministre de la défense et des anciens combattants demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09/00054 du 29 avril 2010 par lequel la cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence a confirmé le jugement du 12 mars 2009 par lequel le tribunal départemental des pensions du Var a accordé à M. B...A...la revalorisation de sa pension militaire d'invalidité, calculée au taux du grade de major de l'armée de terre, sur la base de l'indice du grade équivalent dans la marine nationale ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le décret n° 56-913 du 5 septembre 1956 ;

Vu le décret n° 59-327 du 20 février 1959 ;

Vu le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bruno Bachini, Maître des Requêtes,

- Les observations de la SCP Le Bret-Desache, avocat de M.A...,

- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;

- La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Le Bret-Desache, avocat de M. A... ;



1. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 11 du décret du 20 février 1959 relatif aux juridictions des pensions : " Les décisions du tribunal des pensions sont susceptibles d'appel devant la cour régionale des pensions (...) / L'appel est introduit par lettre recommandée adressée au greffier de la cour dans les deux mois de la notification de la décision (...) " ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire ni aucune règle générale de procédure ne proroge le délai d'appel contre une décision avant-dire-droit d'un tribunal des pensions jusqu'à l'expiration du délai d'appel contre la décision de ce tribunal réglant le fond du litige ;

2. Considérant que par un jugement avant-dire-droit du 11 septembre 2008, le tribunal départemental des pensions du Var a jugé recevable la demande de M. A...tendant à la revalorisation de sa pension militaire d'invalidité ; que la cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence, qui n'a été saisie dans le délai d'appel de deux mois que du jugement réglant le fond du litige et qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que cette décision avant-dire-droit était devenue définitive, faute d'avoir été contestée dans le délai d'appel ;

3. Considérant, en second lieu, que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu qu'au regard des motifs susceptibles de la justifier dans l'un comme dans l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée ; que ces modalités de mise en oeuvre du principe d'égalité sont applicables à l'édiction de normes régissant la situation des militaires qui, en raison de leur contenu, ne sont pas limitées à un même corps ;

4. Considérant que le décret du 5 septembre 1956 relatif à la détermination des indices des pensions et accessoires de pensions alloués aux invalides au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa rédaction applicable au litige, fixait les indices de pension d'invalidité afférents aux grades des sous-officiers de l'armée de terre, de l'armée de l'air et de la gendarmerie à un niveau inférieur aux indices attachés aux grades équivalents dans la marine nationale ; que le ministre de la défense et des anciens combattants n'invoque pas de considérations d'intérêt général de nature à justifier que le montant de la pension militaire d'invalidité concédée diffère, à grades équivalents, selon les corps des bénéficiaires des pensions ; que, par suite, en estimant que le décret du 5 septembre 1956 était contraire, sur ce point, au principe d'égalité, la cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence n'a pas commis d'erreur de droit ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de la défense et des anciens combattants n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

6. Considérant que M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Le Bret-Desaché, son avocat, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de ce dernier la somme de 2 000 euros à verser à cette société ;



D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du ministre de la défense et des anciens combattants est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la SCP Le Bret-Desaché, avocat de M.A..., une somme de 2 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de la défense et à M. B... A....

ECLI:FR:CESJS:2013:341931.20130417