COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE LYON, 6ème chambre - formation à 3, 06/06/2013, 12LY03084, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision06 juin 2013
Num12LY03084
JuridictionLyon
Formation6ème chambre - formation à 3
PresidentM. CLOT
RapporteurM. Philippe SEILLET
CommissaireM. POURNY

Vu le recours, enregistré le 13 décembre 2012, présenté par le ministre de la défense, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102280 du 16 octobre 2012 du Tribunal administratif de Dijon en tant qu'il a condamné l'Etat à verser une indemnité de 101 500 euros à M. A...en réparation des préjudices résultant de déficits fonctionnels subis à la suite d'un accident de service dont il a été victime le 25 août 2005 ;

2°) de rejeter les conclusions de la demande de M. A...tendant à la réparation desdits préjudices ;

Il soutient que dans le cadre d'une responsabilité sans faute de l'Etat, le Tribunal ne pouvait condamner l'Etat à réparer les préjudices correspondant aux déficits fonctionnels temporaire et permanent de M.A..., l'intéressé percevant déjà une pension militaire d'invalidité au titre des prestations statutaires, alors, en outre, que M. A...n'a pas entendu demander la réparation de son déficit fonctionnel temporaire et de son déficit fonctionnel permanent, et qu'il n'établit ni n'allègue avoir subi des préjudices à ce titre, de sorte que le Tribunal a statué au-delà de la demande de l'intéressé ;
Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 mai 2013 :

- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;


1. Considérant que M.A..., alors brigadier sous contrat affecté au 1er régiment du train parachutiste, a été victime d'une chute, le 25 août 2005, à l'âge de 23 ans, à l'occasion d'une séance de saut, à Fonsorbes ; que cette chute a été à l'origine d'un traumatisme lombaire avec fracture de la vertèbre L 1, opérée par ostéosynthèse, responsable de paresthésies des membres inférieurs et de troubles sphinctériens, avant une aggravation de ces séquelles fin 2009 par l'effet d'une endocardite bactérienne en relation avec des infections urinaires récidivantes, ayant nécessité la mise en place d'une prothèse mécanique de valve mitrale sous circulation extracorporelle ; que M. A..., auquel a été versée une indemnité de 37 000 euros par l'Etat, en réparation de ses préjudices personnels, et auquel a été attribuée, par ailleurs, une pension militaire d'invalidité au taux de 70 % depuis le 10 octobre 2008, au titre des infirmités en relation avec les blessures liées à son accident, a sollicité la réparation intégrale de ses préjudices ; que par un jugement du 16 octobre 2012, le Tribunal administratif de Dijon, après avoir considéré que M. A..., qui n'alléguait pas que l'accident dont il avait été victime serait imputable à une faute commise par l'Etat, ne pouvait, dès lors, prétendre à la réparation de ses préjudices professionnels et financiers mais qu'il était seulement fondé à demander la réparation des préjudices personnels extrapatrimoniaux qu'il avait subis du fait de cet accident, a condamné l'Etat à lui verser une indemnité complémentaire de 101 500 euros, compte tenu de la somme de 37 000 euros déjà versée ; que le ministre de la défense fait appel dudit jugement en tant qu'il a mis à la charge de l'Etat ladite indemnité complémentaire ;


Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance, et en particulier du mémoire introductif d'instance enregistré au greffe du Tribunal administratif de Dijon le 20 octobre 2011, que M. A... a sollicité l'indemnisation, au titre de ses préjudices extrapatrimoniaux, d'un déficit fonctionnel temporaire et d'un déficit fonctionnel permanent ; que, dès lors, le ministre de la défense n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges, en mettant à la charge de l'Etat une indemnité en réparation desdits préjudices, et alors que l'indemnité totale au versement de laquelle l'Etat a été condamné par ledit jugement n'excède pas le montant chiffré par M. A..., ont statué ultra petita ;


Au fond :

3. Considérant que les dispositions qui instituent, en faveur des militaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les intéressés peuvent prétendre, au titre des conséquences patrimoniales de l'atteinte à l'intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions ; qu'elles ne font, en revanche, obstacle ni à ce que le militaire, qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des dommages ne revêtant pas un caractère patrimonial, tels que des souffrances physiques ou morales, un préjudice esthétique ou d'agrément ou des troubles dans les conditions d'existence, obtienne de l'Etat qui l'emploie, même en l'absence de faute de celui-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, distincts de l'atteinte à l'intégrité physique, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre l'Etat, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incomberait ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté par le ministre de la défense que les troubles dont souffre M. A... ont été causés par l'accident de service survenu dans l'exercice de ses fonctions ;

5. Considérant que, selon les rapports de l'expert désigné par le juge des référés du Tribunal administratif de Toulouse, l'accident dont a été victime M. A... a été à l'origine d'une incapacité temporaire totale, du 25 août 2005 au 27 septembre 2005 puis du 20 novembre 2009 au 20 janvier 2010, et d'une incapacité temporaire partielle, à hauteur de 50 %, du 28 septembre 2005 au 3 février 2006, puis, à hauteur de 75 %, du 21 janvier au 10 mars 2010 et, enfin, à hauteur de 25 %, du 11 mars au 30 avril 2010 ; que le médecin expert, qui a fixé, en dernier lieu, la date de consolidation de l'état de santé de M. A... au 30 avril 2010, à l'âge de 28 ans, a évalué à 35 % le taux du déficit fonctionnel permanent dont reste atteint l'intéressé au titre des séquelles neurologiques, et à 8 % le déficit fonctionnel permanent dont il reste atteint au titre des séquelles cardiaques ; que, contrairement à ce que soutient le ministre de la défense, M. A... est fondé à solliciter l'indemnisation, au titre de la réparation qui lui est due à titre personnel par l'Etat, même en l'absence de faute de celui-ci, des troubles subis dans ses conditions d'existence à raison de ces déficits fonctionnels, distincts de l'atteinte à l'intégrité physique ; qu'en allouant à M. A... une indemnité d'un montant total de 101 500 euros en réparation desdits préjudices, les premiers juges n'en ont pas fait une évaluation excessive, ce qui n'est au demeurant pas allégué par le ministre de la défense ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de la défense n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a condamné l'Etat à verser à M. A... une indemnité complémentaire de 101 500 euros ;














DECIDE :

Article 1er : Le recours du ministre de la défense est rejeté.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la défense, à M. B... A...et à la caisse nationale militaire de sécurité sociale.
Délibéré après l'audience du 16 mai 2013 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
M. Picard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 juin 2013.


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