Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 09/10/2013, 363382

Information de la jurisprudence
Date de décision09 octobre 2013
Num363382
Juridiction
Formation7ème et 2ème sous-sections réunies
RapporteurM. Vincent Montrieux
CommissaireM. Bertrand Dacosta
AvocatsSCP GADIOU, CHEVALLIER

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 octobre 2012 et 15 janvier 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme B...A..., demeurant... ; Mme A... demande au Conseil d'Etat d'annuler l'ordonnance n° 1102119 du 22 juin 2012 par laquelle le président du tribunal administratif de Poitiers a décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande de Mme A...tendant à la décristallisation de sa pension militaire de réversion avec effet au 1er janvier 2011 ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 ;

Vu le décret n° 2010-1691 du 30 décembre 2010 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Montrieux, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de Mme A...;



1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par des courriers des 2 septembre 2010 et 8 février 2011, Mme B...A..., de nationalité marocaine, a demandé au ministre de la défense la décristallisation de la pension de réversion qui lui était servie du chef de son mari, ancien militaire décédé ; qu'une décision implicite de rejet de cette demande étant née du silence de l'administration, Mme A...a, le 20 septembre 2011, saisi le tribunal administratif de Poitiers d'une demande tendant à ce que sa pension de réversion soit revalorisée à compter du 1er janvier 2011 ; qu'en cours d'instance, le ministre de la défense a, par un arrêté du 27 février 2012, partiellement accédé à la demande de MmeA..., en décidant la revalorisation de sa pension à compter du 26 janvier 2012 ;

2. Considérant que, par l'ordonnance attaquée, le président du tribunal administratif de Poitiers a jugé qu'il n'y avait plus lieu, du fait de l'intervention de la décision du ministre du 27 février 2012, de statuer sur la demande dont Mme A...avait saisi le tribunal, alors même que, ainsi qu'il a été dit, le ministre n'avait fait que partiellement droit à l'intéressée ; que, dès lors, Mme A...est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée en tant qu'elle ne statue pas sur ses conclusions relatives à la période du 1er janvier 2011 au 26 janvier 2012 ;

3. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

4. Considérant que l'article 211 de la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, entré en vigueur le 1er janvier 2011, prévoit un alignement, à compter du 1er janvier 2011, de la valeur du point de pension des pensions militaires d'invalidité et des retraites du combattant et du point d'indice des pensions civiles et militaires de retraite, servies aux ressortissants des pays ou territoires ayant appartenu à l'Union française ou à la Communauté ou ayant été placés sous le protectorat ou sous la tutelle de la France, sur la valeur du point applicable aux pensions et retraites de même nature servies, en application du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et du code des pensions civiles et militaires de retraite, aux ressortissants français ; que le second alinéa du IV de cet article dispose : " Les pensions en paiement mentionnées au précédent alinéa sont révisées à compter de la demande des intéressés, présentée dans un délai de trois ans à compter de la publication du décret mentionné au VIII et auprès de l'administration qui a instruit leurs droits à pension " ; que le VI du même article prévoit que " le présent article est applicable aux instances en cours à la date du 28 mai 2010, la révision des pensions prenant effet à compter de la date de réception par l'administration de la demande qui est à l'origine de ces instances " ; que le décret mentionné au VIII de l'article 211 de la loi du 29 décembre 2010 a été publié le 31 décembre 2010 ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, si Mme A...a formulé une première demande auprès de l'administration par un courrier du 2 septembre 2010, seule sa demande présentée le 8 février 2011, postérieurement à la publication du décret du 29 décembre 2010 mentionné ci-dessus, est conforme aux dispositions du second alinéa du IV de l'article 211 de la loi du 29 décembre 2010 ; que, par ailleurs, Mme A...n'entre pas dans le champ des dispositions précitées du VI du même article ; qu'ainsi, Mme A...est seulement fondée à demander la revalorisation de sa pension de réversion pour la période du 8 février 2011 au 26 janvier 2012 ; qu'il y a lieu de prescrire au ministre de la défense de fixer au 8 février 2011, dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, la date à compter de laquelle sa pension doit être revalorisée ;

6. Considérant que Mme A...a obtenu l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de MmeA..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SCP Gadiou, Chevallier de la somme de 1 000 euros ;



D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'ordonnance du président du tribunal administratif de Poitiers du 22 juin 2012 est annulée en tant qu'elle ne statue pas sur les conclusions de Mme A...tendant à la revalorisation de sa pension militaire de veuve pour la période comprise entre le 1er janvier 2011 et le 25 février 2012.
Article 2 : La décision implicite rejetant la demande de revalorisation de la pension militaire de veuve de Mme A...est annulée en tant qu'elle porte sur la période comprise entre le 8 février 2011 et le 25 février 2012.
Article 3 : Le ministre de la défense fixera, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, au 8 février 2011 la date à partir de laquelle la pension de Mme A...est revalorisée.
Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme A...est rejeté.
Article 5 : L'Etat versera à la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de MmeA..., la somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 6 : La présente décision sera notifiée au ministre de la défense et à Mme B...A....

ECLI:FR:CESSR:2013:363382.20131009