Conseil d'État, 2ème sous-section jugeant seule, 24/01/2014, 373105, Inédit au recueil Lebon
Date de décision | 24 janvier 2014 |
Num | 373105 |
Juridiction | |
Formation | 2ème sous-section jugeant seule |
Rapporteur | Mme Sophie-Caroline de Margerie |
Commissaire | Mme Béatrice Bourgeois-Machureau |
Vu les mémoires, enregistrés les 4 novembre et 5 décembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. A...B..., demeurant..., en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; M. B...demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son pourvoi tendant à l'annulation de l'arrêt n° 12/00007 du 6 septembre 2012 par lequel la cour régionale des pensions de Rennes a confirmé les jugements du 12 avril 2012 du tribunal des pensions de Rennes déclarant irrecevable son recours et confirmant la décision du ministre de la défense du 19 novembre 2007 refusant de réviser le taux de sa pension, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 1 à L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ainsi que celle des dispositions des tableaux n° 29, 79, 97 et 98 des maladies professionnelles prévus à l'article R. 461-3 du code de la sécurité sociale en tant qu'ils ne couvrent pas les activités des plongeurs démineurs militaires exerçant en mer ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son article 61-1 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, Rapporteur public ;
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'État (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
2. Considérant, en premier lieu, que les dispositions des tableaux n° 29, 79, 97 et 98 des maladies professionnelles annexés au code de la sécurité sociale en vertu de l'article R. 461-3 de ce code, dont M. B...soutient qu'elles porteraient atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution en tant qu'elles ne couvrent pas les activités des plongeurs démineurs militaires, ne constituent pas des dispositions législatives ; que, dès lors, la question que le requérant soulève n'est pas au nombre de celles qui peuvent être transmises au Conseil constitutionnel en application de l' article 61-1 de la Constitution ;
3. Considérant, en second lieu, que l'article L. 1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre détermine " le droit à réparation due : / 1° Aux militaires des armées de terre, de mer et de l'air " ; qu'aux termes de l'article L. 2 de ce code : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 3 de ce code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : (...) 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 4 de ce code : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : (...) 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; / 3° Au titre d'infirmités résultant exclusivement de maladie, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % en cas d'infirmité unique ; 40 % en cas d'infirmités multiples (...) " ;
4. Considérant que, pour demander au Conseil d'Etat de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 1, L. 2, L. 3 et L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, M. B...soutient que ces dispositions, applicables aux militaires, sont constitutives d'une rupture d'égalité avec les personnes auxquelles s'appliquent, pour la reconnaissance des maladies professionnelles, les dispositions du code de la sécurité sociale ;
5. Considérant, toutefois, que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; que les militaires auxquels s'appliquent, pour la réparation des infirmités résultant de blessures ou de maladies contractés par le fait ou à l'occasion du service, les dispositions contestées du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ne sont pas dans la même situation que les personnes couvertes par les dispositions législatives sur les accidents du travail et maladies professionnelles figurant au code de la sécurité sociale ; que la circonstance que ces dispositions retiennent des conditions et modalités de reconnaissance de l'imputabilité au service des maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service qui diffèrent de celles fixées par le code de la sécurité sociale pour les personnes régies par ce code n'est pas de nature, au regard de l'objet de ces dispositions, à caractériser une atteinte au principe d'égalité ; que, par suite, la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; qu'ainsi il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M.B....
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...B....
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au ministre de la défense et au Premier ministre.