CAA de DOUAI, 2ème chambre, 06/04/2021, 19DA02436, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision06 avril 2021
Num19DA02436
JuridictionDouai
Formation2ème chambre
PresidentMme Seulin
RapporteurMme Muriel Milard
CommissaireM. Baillard
AvocatsXWOROCH

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille l'annulation de la décision du 26 février 2016 du ministre de la défense rejetant sa demande de concession d'une pension militaire d'invalidité pour une hypoacousie bilatérale.

Par un jugement n° 16/07 du 3 décembre 2018, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille a rejeté sa demande.

Par une requête, enregistrée le 2 février 2019, M. C..., représenté par Me D... B..., demande à la cour régionale des pensions militaires de Douai :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre principal, d'ordonner une nouvelle expertise médicale et de surseoir à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise ;

3°) à titre subsidiaire, d'annuler la décision du 26 février 2016 du ministre de la défense rejetant sa demande de concession d'une pension militaire d'invalidité et de retenir un taux d'invalidité de 55 % ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser une pension militaire d'invalidité avec intérêts échus à compter du 10 avril 2014.
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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;
- le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public.


Considérant ce qui suit :

1. M. A... C..., né le 30 décembre 1955, a effectué son service militaire au 41ème régiment d'artillerie de marine du 1er octobre 1974 au 1er octobre 1975 en tant que tireur de char. Il a demandé le 8 mars 2011 la concession d'une pension militaire d'invalidité pour une hypoacousie bilatérale. Par une décision du 10 janvier 2012, le ministre de la défense et des anciens combattants a rejeté sa demande au motif que le taux d'invalidité de son infirmité était inférieur au taux minimum de 10 % requis pour l'ouverture d'un droit à pension. Le 10 avril 2014, M. C... a présenté une nouvelle demande de concession de pension en raison de l'aggravation de ses troubles auditifs. Par une décision du 26 février 2016, le ministre de la défense a rejeté sa demande après avoir estimé que la preuve de l'imputabilité au service de son infirmité n'était pas établie et que la présomption d'imputabilité ne pouvait s'appliquer en l'absence de constat dans les délais légaux. Par un jugement du 9 février 2017, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille a ordonné une expertise. M. C... relève appel du jugement du 3 décembre 2018 par lequel le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 26 février 2016 et à ce qu'il soit ordonné une nouvelle expertise.

Sur les conclusions aux fins de nouvelle expertise :

2. Il résulte de l'instruction que, par un jugement du 9 février 2017, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille a ordonné une expertise judiciaire. L'expert, dans son rapport établi le 10 juillet 2017, a estimé que M. C... présentait une surdité de type perceptionnelle un peu supérieure à la normale pour son âge et que si les tirs d'artillerie avaient altéré son audition, il n'avait plus jamais été soumis à des intensités sonores anormales depuis son retour à la vie civile. Il a conclu à ce que la surdité actuelle de M. C... n'était pas imputable au service, celle-ci résultant d'une presbyacousie banale un peu augmentée en raison des conditions de son service dans l'armée. Si M. C... sollicite à titre principal l'organisation d'une nouvelle expertise, l'expertise judiciaire ordonnée en 2017 et les éléments médicaux qu'il produit permettent à la cour de statuer sur l'imputabilité au service de l'infirmité dont il est atteint. Par suite, la prescription d'une nouvelle expertise ne présentant pas un caractère utile, il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande.
Sur les autres conclusions :

3. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, devenu l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 3 de ce code, devenu l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. / (...) ". Il résulte des dispositions combinées des articles L. 2 et L. 3 précités que, lorsque le demandeur d'une pension ne peut pas bénéficier de la présomption légale d'imputabilité au service, il incombe à ce dernier d'apporter la preuve de l'existence d'une relation certaine et directe de cause à effet entre les troubles qu'il invoque et des circonstances particulières du service à l'origine de l'affection. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle, ni des conditions générales de service partagées par l'ensemble des militaires servant dans la même unité.

4. Il résulte du rapport d'expertise du 10 juillet 2017 que M. C... a été déclaré apte au service avec une audition normale sans toutefois avoir fait l'objet d'un examen audiométrique. L'expert constate que M. C... n'a pas combattu en temps de guerre, qu'il n'a participé à des séances de tir d'artillerie, sans protection auditive, que tous les deux ou trois mois et qu'aucune blessure ou aucun fait de service n'a été mentionné pendant sa période d'incorporation. Quatre mois et demi après la libération de l'intéressé, une perte d'acuité auditive a été constatée correspondant à un taux d'invalidité de 2 % et, selon l'expert, ces troubles peuvent être rattachés au tir et au bruit ambiant existant dans les chars d'assaut. Aussi, après avoir pratiqué un audiogramme et une audiométrie vocale, l'expert conclut, comme il a été dit au point 2, à une surdité de type perceptionnelle un peu supérieure à la normale compte tenu de l'âge de M. C... tout en estimant que cette surdité ne peut être imputable au service mais résulte d'une presbyacousie banale un peu augmentée en raison des conditions de son service militaire. Si M. C... se prévaut des résultats de plusieurs expertises médicales selon lesquelles une presbyacousie ne peut être imputable au seul vieillissement, celles-ci ne concernent pas sa situation personnelle mais des personnes qui, contrairement à lui, ont été victimes d'accidents ou de faits survenus en service. Dans ces conditions, les seuls éléments produits par M. C... ne sont pas de nature à infirmer les conclusions de l'expertise judiciaire et à établir l'imputabilité au service de l'infirmité constatée. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le ministre de la défense a, par sa décision du 26 février 2016, rejeté sa demande d'attribution de pension.

5. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille a rejeté sa demande. Il y a donc lieu de prononcer le rejet de sa requête dans toutes ses conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à la ministre des armées.
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N°19DA02436