CAA de NANTES, 6ème chambre, 13/07/2021, 19NT03933, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... D... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Caen d'annuler la décision du 19 janvier 2017 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande tendant à l'obtention d'une pension militaire d'invalidité.
Par un jugement n° 17/00002 du 27 décembre 2018, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 mai 2019 au greffe de la cour d'appel de Caen, puis le 15 novembre 2019 sous le n° 19NT03933 devant la présente cour, laquelle est devenue compétente pour statuer sur ce type de litige à compter du 1er novembre 2019 en vertu de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018, M. D... demande à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler le jugement du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Caen du 27 décembre 2018 ;
2°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale pour déterminer si la perte auditive qu'il a subie est survenue pendant le service ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- ses problèmes auditifs ont été directement causés par le fait ou à l'occasion du service ;
- il ne présentait aucune pathologie ORL (Oto-Rhino-Laryngologique) au début de sa carrière militaire ;
- à supposer que l'affection se soit déclarée en dehors du service, le fait même qu'elle évolue confirme que le service effectué au sein de l'armée a une influence sur cette évolution ;
- à titre subsidiaire, une expertise médicale est nécessaire pour éclairer la cour.
Par un mémoire en défense, enregistré 15 novembre 2019, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que la requête est tardive et méconnaît les dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, et que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... ;
- et les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., caporal au sein du 9ème régiment de chasseurs parachutistes de Pamiers, a sollicité, le 20 janvier 2014, le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité en raison d'une " hypoacousie bilatérale " survenue, selon lui, pendant le service. Sa demande a été rejetée par une décision du ministre de la défense du 19 janvier 2017. Par une requête enregistrée le 23 février 2017, M. D... a contesté cette décision devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Caen. Par un jugement du 27 décembre 2018, cette juridiction a rejeté sa demande. M. D... relève appel de ce jugement et sollicite, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale pour déterminer si la perte auditive dont il souffre est survenue pendant le service.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L.2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors en vigueur : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service. ". Aux termes de l'article L.3 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. (...) / La présomption définie au présent article s'applique exclusivement aux constatations faites, (...) au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité, le demandeur d'une pension doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle.
4. En l'espèce, si M. D... rattache sa perte auditive à sa formation générale initiale reçue au cours de l'année 2003 et à son service en opérations extérieurs en Côte d'Ivoire en 2004, aucun traumatisme sonore n'a été constaté par l'autorité militaire ni même évoqué par l'intéressé lors de ses visites médicales. Lors des visites systématiques annuelles du 5 octobre 2004 et du 8 novembre 2005, le classement auditif de M. D... est mesuré à 0 (oreilles) = 1, puis à 10 (OG - OD), ce qui atteste alors de l'absence de tout problème auditif. Aucun rapport de commandement, ni extrait du registre des constatations évoquant un accident ou incident de tir n'existe au dossier du requérant. La première mention portée au livret médical de l'intéressé évoquant une perte auditive a été faite lors de la visite systématique annuelle du 31 mai 2006, où le SIGYCOP indique : " 0 (oreilles) = 3 - tir double protection ", sans toutefois aucune autre mention et conclut à l'aptitude de M. D.... Le livret médical du requérant retient le 2 avril 2008, " une hypoacousie d'installation progressive ". Le Dr Boukhedenna, spécialiste ORL de l'hôpital d'Alençon, fait quant à lui état, dans sa lettre du 11 avril 2008, d'un " problème d'hypoacousie bilatérale d'évolution progressive depuis 2006 " sans davantage de précisions. Sur la base de ces constatations, la seule circonstance que " l'hypoacousie " de M. D... soit apparue pendant le service ne saurait suffire pour établir, en l'absence de fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de cette affection, le lien de causalité entre la maladie de l'intéressé et le service.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête ou d'ordonner une expertise médicale, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Caen a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. D... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 25 juin 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme B..., première conseillère,
- M. A..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juillet 2021.
Le rapporteur,
F. A...Le président,
O. COIFFET
La greffière,
P. CHAVEROUX
La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT03933