CAA de NANCY, 1ère chambre, 21/10/2021, 21NC02359, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision21 octobre 2021
Num21NC02359
JuridictionNancy
Formation1ère chambre
RapporteurMme Sylvie VIDAL
AvocatsCM.AFFAIRES PUBLIQUES

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 23 mars 2017 par laquelle elle a été admise à la retraite pour invalidité totale et définitive à compter du 1er avril 2017 et a sollicité par la même requête que soit ordonnée une expertise médicale.

Par un jugement avant dire droit n° 1702700 du 22 janvier 2019 le tribunal administratif de Strasbourg a fait droit à sa demande d'expertise et par un jugement n° 1702700 du 22 juin 2021, ce même tribunal a annulé la décision du 23 mars 2017 et a enjoint aux Hôpitaux Universitaires de Strasbourg de la rétablir dans ses droits dans un délai de trois mois.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 août 2021, les Hôpitaux Universitaires de Strasbourg demandent à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 22 juin 2021 en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative et de condamner Mme B... à leur verser la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du même code.

Ils soutiennent que :
- le tribunal a commis une erreur de droit en considérant que les Hôpitaux Universitaires de Strasbourg auraient dû, avant de prononcer la décision de mise à la retraite de Mme B..., examiner si celle-ci était imputable au service en application des articles 30 et 36 du décret du 26 décembre 2003, alors que la commission de réforme s'était déjà prononcée dans un avis du 7 octobre 2016 aux visas des articles 30 à 39 du décret précité sur l'absence d'imputabilité au service des troubles invoqués et sur l'inaptitude totale et définitive de la requérante à toutes fonctions et que l'établissement public avait refusé de reconnaître l'imputabilité au service des troubles psychiatriques dont se prévalait la requérante par décisions du 12 décembre 2011 et 22 janvier 2012 devenues définitives ;
- le tribunal a commis une dénaturation des faits, car la Cour administrative d'appel de Nancy dans un arrêt du 2 février 2021 n° 19NC00056 a déjà jugé sur la base des conclusions du rapport d'expertise que les troubles psychiques dont souffrait Mme B... étaient dépourvus de tout lien direct avec l'accident de service du 26 janvier 2010 et qu'il ressort de ce rapport d'expertise une absence de lien de causalité entre l'accident de service et les troubles psychiatriques de Mme B... qui trouvaient leur origine dans une pathologie consécutive à sa personnalité histrionique qui lui était antérieure ;
- les autres moyens invoqués et tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte, des vices de procédure relatifs à la méconnaissance des articles 2 et 30 du décret du 26 décembre 2003, du caractère prématuré de la mise à la retraite contestée, de l'erreur de droit commise du fait que la cause d'invalidité n'aurait pas été reconnue comme imputable au service, ne sont pas fondés ;
- ces moyens sont en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ;
- l'exécution du jugement dans le délai fixé par les premiers juges serait de nature à créer une situation complexe, préjudiciable à chacune des parties car elle replacerait Mme B... dans la situation dans laquelle elle se trouvait à la date de la décision annulée, c'est-à-dire en disponibilité d'office et de la contraindre à reverser à la CNRACL l'intégralité des pensions qu'elle a perçues depuis le 23 mars 2017.

Mme B... représentée par Me Brignatz a produit un mémoire en défense enregistré le 13 octobre 2021.

Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la requête n° 21NC02358, enregistrée au greffe de la cour le 20 août 2021, par laquelle les Hôpitaux Universitaires de Strasbourg ont demandé l'annulation du même jugement.


Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.






Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vidal, présidente,
- et les observations de Me Condello substituant Me Clamer, pour les Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, ainsi que celles de Me Brignatz, pour Mme B....


Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ". Aux termes de l'article R. 222-25 du même code : " Les affaires sont jugées soit par une chambre siégeant en formation de jugement, soit par une formation de chambres réunies, soit par la cour administrative d'appel en formation plénière, qui délibèrent en nombre impair. / Par dérogation à l'alinéa précédent, le président de la cour ou le président de chambre statue en audience publique sur les demandes de sursis à exécution mentionnées aux articles R. 811-15 à R. 811-17 ".

2. Mme A... B... exerçait les fonctions d'aide-soignante au sein des Hôpitaux universitaires de Strasbourg. Le 26 janvier 2010, alors en service de cardiologie, elle a été agressée sur son lieu de travail verbalement et physiquement par un collègue infirmier, qui lui a asséné un coup de pied sur la cuisse droite et une gifle sur le côté gauche du visage. Il en est résulté, pour l'intéressée, une surdité totale de l'oreille gauche et un traumatisme d'ordre psychique. A la suite de l'avis favorable de la commission de réforme du 10 septembre 2010, les Hôpitaux universitaires de Strasbourg ont reconnu, le 24 novembre 2010, l'imputabilité au service de cet accident et ont pris en charge les arrêts de travail successifs et les soins dont Mme B... a bénéficié du 27 janvier 2010 jusqu'au 16 avril 2011. Toutefois, par une nouvelle décision du 12 décembre 2011, prise à la suite de l'examen du médecin expert du 31 août 2011 et de l'avis défavorable de la commission de réforme du 28 octobre 2011, cette prise en charge a été refusée pour les arrêts de travail et les soins postérieurs à la date du 17 avril 2011, à l'exception de ceux liés à la perte d'audition au niveau de l'oreille gauche. Mme B... ayant épuisé ses droits à congé de maladie ordinaire, les Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, après avis du comité médical départemental du 12 juillet 2013, ont, le 27 août 2013, placé l'agent en disponibilité d'office pour raison de santé pour la période allant du 20 mars au 19 septembre 2013. Puis, par trois autres décisions des 25 juillet 2014, 17 avril 2015 et 1er juillet 2015, ils ont maintenu l'intéressée en disponibilité d'office au titre des périodes du 20 septembre 2013 au 19 septembre 2014, du 20 septembre 2014 au 19 mars 2015 et du 20 mars au 19 septembre 2015. Par un jugement du 19 janvier 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a prononcé l'annulation de ces décisions pour vice de procédure. En exécution de ce jugement, les Hôpitaux Universitaires de Strasbourg ont réexaminé la situation de Mme B... et, par une nouvelle décision du 31 juillet 2017, prise après avis du comité médical départemental du 19 mai 2017, ont placé rétroactivement l'intéressée en position de disponibilité d'office pour raison de santé pour la période allant du 20 mars 2013 au 19 septembre 2015. Lors de sa séance du 7 octobre 2016, la commission de réforme a émis un avis favorable à la mise à la retraite d'office pour invalidité de Mme B... en raison de son inaptitude totale et définitive à toutes fonctions. La CNRACL a également émis un avis favorable le 20 mars 2017. Par décision du 23 mars 2017, Mme B... a été admise à la retraite pour invalidité totale et définitive à compter du 1er avril 2017. Par jugement du 22 juin 2021 le tribunal administratif de Strasbourg, après avoir ordonné une expertise, a annulé la décision du 23 mars 2017 au motif que les troubles invoqués par Mme B... trouvaient leur cause directe dans l'accident de service survenu le 26 janvier 2010 et a enjoint aux Hôpitaux Universitaires de Strasbourg de la rétablir dans ses droits dans un délai de trois mois.

3. Aux termes de l'article 30 du décret du 26 décembre 2003 : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dûment établie peut être admis à la retraite soit d'office, soit sur demande / (...) ". Aux termes de l'article 31 de ce décret : " Une commission de réforme est constituée dans chaque département pour apprécier la réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, les conséquences et le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions. / (...) / Le pouvoir de décision appartient dans tous les cas à l'autorité qui a qualité pour procéder à la nomination, sous réserve de l'avis conforme de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales / (...) ". Enfin, aux termes de l'article 36 du même décret : " Le fonctionnaire qui a été mis dans l'impossibilité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées, soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes, peut être mis à la retraite par anticipation soit sur sa demande, soit d'office, à l'expiration des délais prévus au troisième alinéa de l'article 30 et a droit à la pension rémunérant les services prévue au 2° de l'article 7 et au 2° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Par dérogation à l'article 19, cette pension est revalorisée dans les conditions fixées à l'article L. 341-6 du code de la sécurité sociale ".

4. Il résulte des dispositions de l'article 36 du décret du 26 décembre 2003 que la mise à la retraite pour invalidité imputable au service est subordonnée à la condition que les blessures ou maladies contractées ou aggravées en service aient été de nature à entraîner, à elles seules ou non, la mise à la retraite de l'intéressé.

5. Le moyen énoncé dans la requête tirée de ce que le tribunal administratif de Strasbourg a méconnu le rapport d'expertise paraît, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement.

6. En conséquence, il y a lieu de faire droit à la requête des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 21 juin 2021.

7. Il n'y a pas lieu en revanche de faire droit aux conclusions de l'appelant au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative.






DECIDE :


Article 1er : Jusqu'à ce qu'il ait été statué sur le fond de l'instance n° 21NC02358, il sera sursis à l'exécution du jugement n° 1702700 du 22 juin 2021 du tribunal administratif de Strasbourg.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié aux Hôpitaux Universitaires de Strasbourg et à Mme A... B....

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