CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 09/11/2021, 19MA05146, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision09 novembre 2021
Num19MA05146
JuridictionMarseille
Formation4ème chambre
PresidentM. BADIE
RapporteurM. Didier URY
CommissaireM. ANGENIOL
AvocatsJEAN-PAUL EON - CLAUDINE ORABONA AVOCATS ASSOCIES

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal des pensions militaires de Haute-Corse d'annuler la décision du 3 octobre 2017 par laquelle la ministre des armées a refusé de faire droit à sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de l'infirmité " séquelles de traumatisme cervical ", et la prise en compte de l'infirmité nouvelle " traumatismes dorso-lombaires ".

Par un jugement n° 18/00004 du 19 novembre 2018, le tribunal des pensions militaires de Haute-Corse a rejeté la requête de M. C....

Procédure devant la Cour :

La cour régionale des pensions militaires de Bastia a transmis à la cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité, la requête présentée par M. C..., enregistrée à son greffe le 15 janvier 2019.

Par cette requête et un mémoire enregistré le 14 août 2021, M. B... C..., représenté par Me Eon, demande à la Cour :
- d'annuler ce jugement du tribunal des pensions militaires de Haute-Corse du
19 novembre 2018 ;
- de lui accorder l'aggravation de sa pension au titre de l'infirmité " séquelles de traumatisme cervical " et la prise en compte de l'infirmité " traumatismes dorso-lombaires " ;
- à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale ;
- de statuer sur les dépens.

Il soutient que l'invalidité résultant de l'infirmité " séquelles de traumatisme cervical " est imputable au service dans une proportion de 30% telle qu'évaluée par le docteur A... dans ses expertises de 2006 et de 2017, et non uniquement dans la mesure de 20% ; c'est à tort que le tribunal a estimé que l'origine traumatique des séquelles de l'infirmité " traumatismes lombaires " n'était pas établie et non rattachable à des faits de service.


Par un mémoire en défense enregistré le 25 avril 2019, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.

La ministre fait valoir à titre principal que la requête est irrecevable faute de présenter des moyens d'appel, carence qui n'a pas été régularisée dans le délai d'appel, et au surplus, que les moyens de M. C... ne sont pas fondés.


Par ordonnance du 20 août 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au
24 septembre 2021 à 12 heures.


M. C... bénéficie de l'aide juridictionnelle totale par une décision du
21 février 2019.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Ury,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de Me Fiocca, substituant Me Eon, pour M. C....


Considérant ce qui suit :

1. M. C..., né le 27 février 1943, adjudant-chef dans l'armée de terre, parachutiste et nageur de combat, a été incorporé le 3 janvier 1962 et rayé des contrôles
de l'armée active le 4 février 1983. Il est titulaire d'une pension militaire d'invalidité au taux
de 95% au titre de cinq infirmités, " Syndrome subjectif des traumatisés crâniens ; céphalées, vertiges positionnels et fatigue diffuse. Manifestations neuropsychologiques avec troubles
du caractère et du sommeil ; phobie du coucher et du vertige. Décompensation névrotique "
au taux de 75%, " séquelles de traumatisme cervical. Névralgie cervico brachiale droite "
au taux de 20% + 5, " Sinusite frontale chronique. Points douloureux frontaux. Sécrétions
musco purulentes ; confirmation radiologique majeure " au taux de 20% + 10, " séquelles
de la cheville droite " au taux de 10% + 15, " Acouphènes " au taux de 10% + 20.
Il a sollicité le 20 avril 2016 la révision de sa pension pour aggravation de l'infirmité " séquelles de traumatisme cervical ", et la prise en compte de l'infirmité nouvelle " traumatismes dorso-lombaires ". Il relève appel du jugement du 19 novembre 2018 par lequel le tribunal des pensions militaires de Haute-Corse a rejeté sa requête contre la décision du 3 octobre 2017 qui lui refuse l'aggravation de sa pension au titre des deux infirmités " séquelles de traumatisme cervical ", et la prise en compte de l'infirmité nouvelle " traumatismes dorso-lombaires " qualifiée par l'administration de " lombalgies sans sciatalgies - raideur lombaire - latéro flexions et rotations limitées - discopathies L4-L5 et L5-S1 ".

Sur la révision de la pension :

En ce qui concerne l'infirmité " séquelles de traumatisme cervical. Névralgie cervico brachiale droite " :

2. Aux termes de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans sa rédaction applicable à la date de la demande : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins du pourcentage antérieur. ". Aux termes de l'article L. 10 du même code : " Les degrés de pourcentage d'invalidité figurant aux barèmes prévus par le quatrième alinéa de l'article L. 9 sont : (...) / b) Indicatifs dans les autres cas. /
Ils correspondent à l'ensemble des troubles fonctionnels et tiennent compte, quand il y a lieu, de l'atteinte de l'état général. ".

3. Il résulte de l'instruction que le médecin mandaté par l'administration pour examiner M. C... le 13 mars 2006 a retenu une invalidité au taux de 30%. L'intéressé a bénéficié par arrêté du 24 mars 2014 d'une pension d'invalidité au taux de 20% lequel n'a pas été contesté. Le même médecin qui a examiné le requérant le 17 avril 2017 et a relevé une cervicarthrose
C3-C4, C5-C6, C6-C7 et " au total, une atteinte radiculaire C7 droite stationnaire depuis l'entretien de 2006 ", a constaté que l'electromyogramme effectué lors de ces deux examens est identique, et n'a pas relevé d'aggravation entre ces deux expertises. Certes, il a comme précédemment, proposé un taux de 30%. Mais, M. C... ne peut uniquement se prévaloir du maintien de ce taux de 30%, alors que la preuve lui incombe d'une aggravation de sa gêne fonctionnelle entre 2006 et 2017, pour obtenir la révision qu'il demande. Cette preuve, au regard des conclusions des expertises versées au dossier et notamment au regard d'un état considéré comme n'ayant pas évolué, n'est pas rapportée. M. C... n'est, par suite, pas fondé à soutenir que le taux d'invalidité de cette infirmité doit être fixé à 30%, et non à 20% comme évalué par la ministre des armées.

En ce qui concerne l'infirmité nouvelle " lombalgies sans sciatalgies - raideur lombaire - latéro flexions et rotations limitées - discopathies L4-L5 et L5-S1 " :

4. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, devenu l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ;
3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 3 de ce code devenu l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition :
/ 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ;
/ 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. (...) La présomption définie au présent article s'applique exclusivement aux constatations faites, soit pendant le service accompli au cours de la guerre 1939-1945, soit au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, soit pendant le service accompli par les militaires pendant la durée légale, compte tenu des délais prévus aux précédents alinéas. (...) ".

5. il résulte des dispositions combinées des articles L. 2 et L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre que, lorsqu'une affection n'a pas été régulièrement constatée par un document émanant de l'autorité militaire, dans le délai permettant de faire jouer la présomption légale d'imputabilité au service, l'intéressé ne peut obtenir de pension qu'en apportant la preuve de l'existence d'un lien direct et certain de cause à effet entre l'origine ou l'aggravation de cette affection et une blessure reçue, un accident éprouvé ou une maladie contractée "par le fait ou à l'occasion du service" . Au cas où une première infirmité reconnue imputable au service a concouru, avec une affection ou un fait étranger au service, à provoquer, après ledit service, une infirmité nouvelle, celle-ci n'ouvre droit à pension que si l'intéressé apporte la preuve, dans les conditions susmentionnées, d'un lien de cause à effet non seulement direct et certain, mais déterminant entre la première infirmité ou le fait de service qui l'a provoquée et l'infirmité nouvelle.

6. Il résulte de l'instruction, d'une part, que le médecin mandaté par l'administration pour examiner M. C... le 17 avril 2017 a constaté une raideur lombaire, une limitation des amplitudes et une contracture para-vertebrale tout en déduisant de l'imagerie médicale une discopathie L4-L5 et L5-S1. Il a proposé un taux de 15%. M. C... rattache cette infirmité à un traumatisme rachidien avec lésions cervicales survenu le 26 octobre 1978 après l'ouverture de son parachute à ouverture commandée. Cependant, la ministre des armées soutient sans être contestée que cette blessure a été prise en compte au titre de l'infirmité précitée " séquelles de traumatisme cervical. Névralgie cervico brachiale droite " qui fait référence à une blessure reçue à l'occasion du service le 1er novembre 1978, soit une date proche du 26 octobre 1978, alors qu'un compte rendu radiographique du 18 avril 1979 écarte clairement toute pathologie lésionnelle au niveau du rachis lombaire. Par ailleurs, les micro-traumatismes vertébraux qui seraient la conséquence des quelques 1 400 sauts qu'il a effectués dans le cadre des conditions générales de service d'un parachutiste et dont se prévaut M. C... comme causes de ses lombalgies, ne peuvent être regardés comme avérés et constituant eux-mêmes des faits précis et identifiables de service. Certes, il résulte également des éléments du dossier, et notamment du relevé des indisponibilités de l'intéressé, qu'il a subi le 30 novembre 1979 et le 5 décembre 1980 un traumatisme cervical et qu'il a été exempté de saut et de plongée pour une durée de
quinze jours. Cependant, la preuve n'est pas apportée que ces deux traumatismes cervicaux sont la cause des lombalgies dont se plaint l'intéressé alors que les bilans effectués les 26 juin 2014 et 20 août 2014, près de 34 ans après les faits, qui montrent des remaniements arthrosiques chez
M. C..., alors âgé de 71 ans, ne permettent pas de relier médicalement cette pathologie à des faits de service ou de la déduire de manière directe, certaine et déterminante d'une première infirmité elle-même déjà pensionnée.






7. Il résulte de ce qui ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la ministre des armées, ni qu'il soit nécessaire d'ordonner une expertise médicale, que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal des pensions militaires de Haute-Corse du 19 novembre 2018.

Sur les dépens :

8. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative dans sa rédaction en vigueur au jour de l'introduction de la requête d'appel : " Les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts, ainsi que les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat./ Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / L'Etat peut être condamné aux dépens " ;

9. M. C..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale et qui perd à la présente instance, n'établit pas avoir exposé de dépens au sens de l'article précité. Il y a lieu, par suite, en tout état de cause, de rejeter les conclusions présentées sur le fondement desdites dispositions.









D É C I D E :







Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et à la ministre des armées.


Délibéré après l'audience du 19 octobre 2021, où siégeaient :

- M. Badie, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Ury, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2021.




N° 19MA051464