CAA de PARIS, 8ème chambre, 06/12/2021, 19PA03698, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris d'annuler la décision du ministre de la défense du 25 mai 2016 rejetant ses demandes du 16 novembre 2011 de révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation des infirmités " tympan cicatriciel avec vaste perforation " et " vertiges avec instabilité ".
Par un jugement n° 16/00015 du 21 juin 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a annulé la décision du 25 mai 2016 du ministre de la défense en tant qu'elle n'a pas reconnu une aggravation de l'infirmité " tympan cicatriciel avec vaste perforation " de 10 % et de l'infirmité " vertiges avec instabilité " de 30 % et lui a accordé compte tenu du taux initial de pension militaire d'invalidité un taux de 20 % pour la première infirmité et de 25 % pour la seconde.
Procédure devant la Cour :
La cour régionale des pensions de Paris a transmis à la Cour, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif pris pour l'application de l'article 51 de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, la requête et un mémoire complémentaire présentés par la ministre des armées enregistrés à son greffe les 9 septembre et 3 octobre 2019.
Par cette requête et ce mémoire complémentaire enregistrés au greffe de la Cour sous le n° 19PA03698 le 1er novembre 2019 et des mémoires enregistrés les 9 juin et 30 juillet 2020, la ministre des armées demande à la Cour d'annuler le jugement n° 16/00015 du 21 juin 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que contrairement aux règles générales de procédure que doivent respecter les juridictions des pensions au nombre desquelles figure celle selon laquelle leurs décisions doivent mentionner les textes dont elles font application, il ne fait mention de ces textes ni dans ses visas ni dans ses motifs ;
- les premiers juges entérinent, sans fondement, le taux d'aggravation de 10 % pour l'infirmité " tympan cicatriciel avec vaste perforation " portant le taux global de cette pathologie à 20 % en méconnaissance des dispositions des articles L. 151-6 et L. 154-1 (anciens articles L. 26 et L. 29) du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre alors que les éléments relatifs à la gêne fonctionnelle, retenus par l'expert, sont déjà connus puisque révélés par les expertises antérieures ;
- les premiers juges ont retenu à tort l'aggravation de l'infirmité " vertiges avec instabilité " à hauteur de 30 % alors qu'elle est imputable pour moitié au vieillissement physiologique ; or en application des dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, l'aggravation ne peut être prise en compte que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable à la pathologie au titre de laquelle M. C... est indemnisé, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;
- en application des dispositions de l'article L. 151-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, seul prévaut l'état de santé présenté par l'intéressé à la date d'introduction de sa demande de révision de sa pension.
Par des mémoires enregistrés les 18 mai et 10 juillet 2020, M. C..., représenté par Me de Villèle, conclut au rejet de la requête de la ministre des armées et demande à la Cour de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que les moyens soulevés par la ministre des armées ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 31 octobre 2019.
Par un courrier du 7 octobre 2021, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision de la Cour était susceptible d'être fondée sur un moyen d'ordre public tiré de la tardiveté de la requête de la ministre des armées.
Le 19 octobre 2021, la ministre des armées a présenté des observations en réponse à cette communication.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Collet,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C..., né le 25 mai 1936, a été blessé alors qu'il était soldat suite à une explosion dans une embuscade en 1957 pendant la guerre d'Algérie. Par arrêté du 8 novembre 2004, lui a été concédée à compter du 1er avril 2004 une pension militaire d'invalidité définitive au taux global de 35 % au titre de quatre infirmités constatées pour les première, deuxième et quatrième le 2 juillet 1957 qui résultent d'une maladie contractée par le fait du service et pour la troisième en relation médicale directe et déterminante avec la quatrième infirmité : " Tympan cicatriciel avec vaste perforation ", " Acouphènes à type de sifflements permanents ", " Vertiges avec instabilité " et " Hypoacousie gauche post-otitique, cophose totale dont 36,5 décibels déjà documentaire soit 64 décibels " pour lesquelles un taux de 10 % a été reconnu pour chacune. Par deux demandes enregistrées les 11 mars et 23 avril 2014, il a sollicité la révision de sa pension pour aggravation des infirmités " tympan cicatriciel avec vaste perforation " et " vertiges avec instabilité ". Par décision du 25 mai 2016, le ministre de la défense a rejeté ses demandes pour absence d'aggravation des infirmités " tympan cicatriciel avec vaste perforation " et " vertiges avec instabilité ". M. C... a saisi le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris, lequel a ordonné une expertise réalisée par le docteur B... qui a rendu son rapport le 25 septembre 2018. Par un jugement n° 16/00015 du 21 juin 2019, dont la ministre des armées relève appel, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a annulé la décision du 25 mai 2016 du ministre de la défense en tant qu'elle n'a pas reconnu une aggravation de l'infirmité " tympan cicatriciel avec vaste perforation " de 10 % et de l'infirmité " vertiges avec instabilité " de 30 % et lui a accordé, compte tenu du taux initial de pension militaire d'invalidité, un taux de 20 % pour la première infirmité et de 25 % pour la seconde dès lors que l'aggravation n'est due que pour 15 % à l'infirmité initiale.
Sur la recevabilité de la requête d'appel :
2. Aux termes de l'article R. 732-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, applicable à cet aspect du litige : " L'appel devant la cour régionale des pensions doit être motivé. (...) / L'appel est introduit par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception, adressé au greffier de la cour dans les deux mois de la notification de la décision ou est déposé, dans le même délai, au greffe de la cour d'appel. L'autorité qui a fait appel au nom de l'Etat doit notifier, sous la même forme, son appel à l'intimé ".
3. Il résulte de l'instruction que le jugement n° 16/00015 du 21 juin 2019 a été notifié à la ministre des armées le 4 juillet 2019, date figurant sur le tampon apposé par la sous-direction des pensions et que la ministre des armées mentionne dans ses écritures. Or, si le cachet de la poste mentionne un envoi de la requête d'appel le 3 septembre 2019, elle n'a été enregistrée au greffe de la Cour régionale des pensions militaires de Paris que le 9 septembre 2019, soit après l'expiration du délai légal de deux mois ci-dessus mentionné. Par suite, dès lors que cet envoi n'a pas été effectué, compte tenu du délai normal d'acheminement du courrier, en temps utile pour parvenir à destination avant l'expiration du délai imparti, la requête d'appel de la ministre des armées est tardive et ne peut, par suite, qu'être rejetée.
Sur les frais liés à l'instance :
4. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. C... présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la ministre des armées est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de M. C... présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2021.
La rapporteure,
A. COLLET Le président,
R. LE GOFF
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA03698