CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 22/02/2022, 19MA04738, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision22 février 2022
Num19MA04738
JuridictionMarseille
Formation4ème chambre
PresidentM. BADIE
RapporteurM. Alexandre BADIE
CommissaireM. ANGENIOL
AvocatsBELOUCIF

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal des pensions de Marseille d'annuler la décision du 8 septembre 2016 par laquelle le ministre de la défense a refusé de lui accorder une pension en qualité de victime civile.

Par un jugement n° 17/00055 du 12 octobre 2017, le tribunal des pensions de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

La cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence a transmis à la cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité, la requête présentée par M. B..., enregistrée à son greffe le 30 novembre 2017.

Par une requête enregistrée au greffe du tribunal de grande instance de Marseille le
17 novembre 2017, transmise à la cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence et enregistrée par elle le 30 novembre 2017, et un mémoire enregistré au greffe de la présente Cour le
4 janvier 2022, M. B..., représenté par Me Beloucif, demande à la Cour d'annuler ce jugement du tribunal des pensions de Marseille du 12 octobre 2017.



Il soutient que :
- les séquelles dont il reste atteint qui portent sur des blessures aux deux yeux, à la main droite et à la jambe droite résultent de l'explosion d'un engin de guerre le 25 janvier 1972 ;
- le principe d'égalité s'oppose à ce que les victimes civiles de nationalité tunisienne soient traitées différemment des victimes de nationalité française ; cette discrimination est contraire à l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui prohibe toute discrimination en raison de la nationalité.


Par un mémoire en défense, enregistré au greffe de la cour régionale des pensions
d'Aix-en-Provence le 16 septembre 2018, et un mémoire, enregistré le 27 janvier 2022, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.


M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 18 mai 2018.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble son premier protocole additionnel ;
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018, notamment l'article 51 ;
- le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Badie,
- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.



Considérant ce qui suit :

1. Par un courrier reçu par l'administration le 7 mars 2016, M. B..., ressortissant tunisien, a demandé au ministre de la défense de lui accorder une pension en qualité de victime civile du fait des séquelles de blessures causées par l'explosion, le 25 janvier 1972, d'un engin de guerre. Il fait appel du jugement du 12 octobre 2017 par lequel le tribunal des pensions de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 8 septembre 2016 par laquelle le ministre de la défense a refusé de lui accorder une pension à ce titre.




2. Aux termes de l'article L. 197 du code des pensions militaires d'invalidité et
des victimes de la guerre, applicable au litige, peuvent bénéficier de pensions de victimes civiles de la seconde guerre mondiale : " 1º Les Français ou ressortissants français qui, par suite
d'un fait de guerre survenu sur le territoire français entre le 2 septembre 1939 et l'expiration d'un délai d'un an à compter du décret fixant la date légale de la cessation des hostilités, ont reçu une blessure, subi un accident ou contracté une maladie ayant entraîné une infirmité ;
/ 2º Les Français ou ressortissants français qui, par suite d'un fait de guerre survenu à l'étranger, dans la période susvisée, ont reçu une blessure, subi un accident ou contracté une maladie ayant entraîné une infirmité, dans le cas où ils ne seraient pas couverts par les accords de réciprocité. ". En outre, il résulte des dispositions de l'article L. 195 du même code, applicables, en vertu de l'article L. 198, aux victimes civiles de la seconde guerre mondiale, que sont réputées causées par des faits de guerre les blessures ou la mort provoquées, même après la fin des opérations militaires, par des explosions de projectiles pouvant se rattacher aux événements de la guerre.

3. M. B..., né le 11 décembre 1961, fait valoir que l'invalidité dont il est atteint relève des séquelles de blessures causées par l'explosion, le 25 janvier 1972, au lieudit
Baten Aggar Dhraa Agareb à la Nouvelle Matmata (Tunisie), d'un engin de guerre. Il résulte cependant des dispositions précitées du 2° de l'article L. 197 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, que le législateur a entendu réserver le bénéfice du droit à pension qu'elles prévoient aux seuls français et ressortissants français victimes de faits de guerre survenus à l'étranger au cours de la seconde guerre mondiale. Or, le procès-verbal d'enquête qu'il produit, daté du 29 novembre 2016, indique qu'il est de nationalité tunisienne.
Il ne soutient pas et il ne résulte pas de l'instruction qu'il était également de nationalité française à la date de son accident. Ainsi, les dispositions du 2° de l'article L. 197 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre font obstacle à ce qu'il puisse bénéficier d'une pension de victime civile.

4. En soutenant que le principe d'égalité s'oppose à ce que les victimes civiles de nationalité tunisienne soient traitées différemment des victimes de nationalité française, ainsi qu'il résulte des dispositions du 2° de l'article L. 197 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, le requérant doit être regardé comme critiquant le motif du jugement attaqué qui a écarté le moyen soulevé devant lui tiré de que ces dispositions constituent une discrimination prohibée par les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Les pensions attribuées, en vertu de ces dispositions, aux Français ou ressortissants français victimes de faits de guerre survenus à l'étranger au cours de la seconde guerre mondiale, constituent une indemnisation, en vertu du principe de solidarité nationale, à l'égard des personnes qui, bien que n'ayant pas participé à la lutte contre l'ennemi, sont des victimes de la guerre. S'agissant de faits de guerre survenus à l'étranger, la différence de situation existant entre les victimes, selon qu'elles sont françaises ou ressortissants français ou bien ressortissantes d'Etats étrangers, justifie, eu égard à cet objectif de solidarité nationale, que le législateur ait entendu réserver le bénéfice de cette indemnisation aux seuls français et ressortissants français. Dès lors, la condition d'être français ou ressortissant français posée par ces dispositions ne saurait être regardée comme une discrimination prohibée par les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er de son 1er protocole additionnel.

5. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions de Marseille a rejeté sa demande.


D É C I D E :


Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié a` M. A... B..., à Me Beloucif et à la ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 1er février 2022, où siégeaient :
- M. Badie, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Ury, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 février 2022.
N° 19MA04738 2