CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 05/04/2022, 19MA05485, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... a demandé au tribunal des pensions de Nîmes d'annuler la décision du
4 mai 2017 par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité, enregistrée le 28 juillet 2014, du fait de l'aggravation de l'infirmité " lombalgie cruro-sciatique L4 droite, hernie discale L4-L5 droite " au titre de laquelle il percevait une pension, et de l'apparition d'une nouvelle infirmité " séquelles de hernie discale L5-S1 extraforaminale gauche entraînant une lombosciatique L5 gauche, parésie sévère L5 gauche avec parésie des releveurs du pied gauche ".
Par un jugement n° 17/00020 du 14 juin 2019, le tribunal des pensions de Nîmes a annulé la décision du ministre de la défense du 4 mai 2017, et a reconnu à M. B... un droit à pension pour l'infirmité " lombalgie cruro-sciatique L4 droite, hernie discale L4-L5 droite " au taux de 30 % et pour la nouvelle infirmité " séquelles de hernie discale L5-S1 extraforaminale gauche entraînant une lombosciatique L5 gauche, parésie sévère L5 gauche avec parésie des releveurs du pied gauche ", au taux de 25 %.
Procédure devant la Cour :
Par un arrêt n° 19MA05485 du 28 mai 2021, la cour administrative d'appel de Marseille, statuant sur l'appel de formé par la ministre des armées tendant à l'annulation du jugement du tribunal des pensions militaires de Nîmes du 14 juin 2019 a :
- annulé ce jugement dans la mesure où il a annulé la décision du ministre de la défense du 4 mai 2017 en tant qu'elle refusait de faire droit à la demande de révision de la pension militaire d'invalidité perçue par M. B... au titre de l'infirmité " lombalgie cruro-sciatique L4 droite, hernie discale L4-L5 droite " et a accordé à l'intéressé une pension au taux de 30 % à ce titre ;
- avant dire droit, ordonné une expertise avant de statuer sur les conclusions de la ministre des armées tendant à l'annulation du jugement du tribunal des pensions de Nîmes du 14 juin 2019 dans la mesure où il a annulé la décision du ministre de la défense du 4 mai 2017 en tant qu'elle refusait de faire droit à la demande de révision de la pension militaire d'invalidité perçue par M. B... pour la nouvelle infirmité " séquelles de hernie discale L5-S1 extraforaminale gauche entraînant une lombosciatique L5 gauche, parésie sévère L5 gauche avec parésie des releveurs du pied gauche ".
Par ordonnance du 25 août 2021, la présidente de la Cour a désigné le docteur C... en qualité d'expert.
L'expert a remis son rapport le 8 novembre 2021.
Par ordonnance du 15 mars 2022, la présidente de la Cour a liquidé et taxé les frais de l'expertise à la somme de 1 440 euros toutes taxes comprises.
Par un mémoire, enregistré le 17 décembre 2021, M. B..., représenté par Me Mattler, maintient ses conclusions tendant à la confirmation de la partie du jugement du 14 juin 2019 restant en litige, et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 3 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que l'infirmité " séquelles de hernie discale L5-S1 extraforaminale gauche entraînant une lombosciatique L5 gauche, parésie des releveurs de pied gauche " est une nouvelle infirmité ayant pour cause déterminante l'infirmité déjà pensionnée, qu'elle est par suite en lien avec le service, et entraîne un taux d'infirmité de 25 %.
Par un mémoire, enregistré le 15 mars 2022, la ministre des armées maintient ses conclusions tendant à l'annulation du jugement du tribunal des pensions de Nîmes du 14 juin 2019 dans la mesure où il a annulé la décision du ministre de la défense du 4 mai 2017, en tant qu'elle refusait de faire droit à la demande de révision de la pension militaire d'invalidité perçue par M. B... pour l'infirmité " séquelles de hernie discale L5-S1 extraforaminale gauche entraînant une lombosciatique L5 gauche, parésie des releveurs de pied gauche " .
Elle soutient que le rapport d'expertise ne permet pas d'établir que cette infirmité trouve son origine dans une infirmité déjà pensionnée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Renault,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de Me Mattler, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., né le 8 mai 1947, a intégré le corps des troupes de l'arme du génie de l'armée de terre le 2 janvier 1967 et a été rayé des contrôles le 5 février 1992, au grade d'adjudant-chef. Une pension militaire d'invalidité temporaire pour lombalgies, au taux de 20 % dont 10 % indemnisable, lui a été concédée par arrêté du 19 février 1985, pension devenue définitive, à compter du 25 mai 1987, par arrêté du 20 décembre 1988. Sa pension d'invalidité définitive a été portée au taux global de 30 %, dont 20 % indemnisable, pour lombalgies cruro-sciatiques L4 droite, par arrêté du 3 décembre 1991, confirmé par arrêté du 3 mars 1992 suite à la prise en compte de la date de radiation des contrôles et de la révision de sa pension au taux du grade d'adjudant-chef. Par arrêté du 29 août 2016 enfin, pris en exécution d'un jugement du tribunal des pensions de Nîmes du 8 avril 2016, une pension d'invalidité définitive pour cette infirmité, évaluée au taux global de 30 %, dont 10 % du fait d'un état antérieur, a été concédée à titre définitif à l'intéressé à compter du 1er janvier 2011.
2. M. B... a fait auprès du service départemental de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC) de Nîmes, le 28 juillet 2014, une demande de révision de sa pension pour aggravation de ses infirmités, consistant en une " lombalgie cruro-sciatique L4 droite, hernie discale L4-L5 droite " d'une part, en des " séquelles de hernie discale L5-S1 extraforaminale gauche entraînant une lombosciatique L5 gauche, parésie sévère L5 gauche avec parésie des releveurs du pied gauche ", d'autre part, rejetée par décision du ministre de la défense du 4 mai 2017. Par un jugement du 14 juin 2019, le tribunal des pensions de Nîmes a annulé la décision du ministre de la défense du 4 mai 2017, et reconnu à M. B... un droit à pension pour l'infirmité " lombalgie cruro-sciatique L4 droite, hernie discale L4-L5 droite " au taux de 30 % et au taux de 25 % pour la nouvelle infirmité " séquelles de hernie discale L5-S1 extraforaminale gauche entraînant une lombosciatique L5 gauche, parésie sévère L5 gauche avec parésie des releveurs du pied gauche ". Par un arrêt du 28 mai 2021, la Cour a, d'une part, annulé ce jugement dans la mesure où il a annulé la décision du ministre de la défense du 4 mai 2017 en tant qu'elle refusait de faire droit à la demande de révision de la pension militaire d'invalidité perçue par M. B... au titre de la première infirmité et a accordé à l'intéressé une pension au taux de 30 % à ce titre et, d'autre part, ordonné avant dire droit une expertise lui permettant de statuer sur les conclusions de la ministre des armées tendant à l'annulation du jugement du tribunal des pensions de Nîmes du 14 juin 2019 dans la mesure où il a annulé la décision du ministre de la défense du 4 mai 2017, en tant qu'elle refusait de faire droit à la demande de révision de la pension militaire d'invalidité perçue par M. B... pour la seconde infirmité.
Sur les droits à pension de M. B... relatifs à l'infirmité " séquelles de hernie discale L5-S1 extraforaminale gauche entraînant une lombosciatique L5 gauche, parésie sévère L5 gauche avec parésie des releveurs du pied gauche " :
3. D'une part, aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'évènements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) " et aux termes de l'article L. 121-5 du même code : " La pension est concédée : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; (...)".
Il résulte de ces dispositions que, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité prévue à l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, le demandeur de la pension doit apporter la preuve de l'existence d'une relation certaine et directe de cause à effet entre les troubles qu'il invoque et des circonstances particulières de service à l'origine de l'affection. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité est apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle.
4. D'autre part, il résulte des dispositions des articles L. 121-1 et L. 121-5 du même code que, lorsqu'il est soutenu qu'une infirmité provient de l'existence d'une infirmité différente et déjà pensionnée, le droit à pension n'est ouvert que s'il est établi que l'infirmité précédente a été la cause directe et déterminante de cette infirmité nouvelle.
5. Il résulte de l'instruction et en particulier de l'expertise du docteur D..., mandaté par l'administration pour se prononcer sur le bien-fondé de la demande de M. B..., que, postérieurement à l'apparition de l'infirmité pour laquelle M. B... était déjà pensionné, est apparue une nouvelle infirmité, à savoir une parésie des releveurs du pied gauche, entraînant un taux d'invalidité, non contesté, de 25 %, qui ne peut être regardée comme une aggravation de cette première infirmité mais comme une infirmité nouvelle en lien direct et déterminant avec l'infirmité pensionnée, s'expliquant en particulier par les postures de compensation adoptées par l'intéressé du fait de sa première infirmité. Cette analyse a été confirmée par le docteur C..., auquel a été confiée une expertise à la suite de l'arrêt avant dire droit du 28 mai 2021. Celui-ci indique en effet sans ambiguïté que la nouvelle infirmité, dont l'apparition peut être datée au 11 mars 2014, trouve son origine dans les accidents du 8 octobre 1982 et du 16 décembre 1982 dont a été victime l'intéressé. En effet, selon l'expert, l'évolution d'une hernie discale L4-L5 conséquente aux traumatismes subis par M. B... a nécessité la réalisation d'une intervention chirurgicale sur une hernie discale L5-S1 extraforaminale gauche, au décours de laquelle celui-ci a présenté une parésie sévère du nerf sciatique du membre inférieur gauche, avec pour conséquence un steppage et il indique, en conclusion, que l'apparition d'une hernie discale
L5 - S1 gauche s'est compliquée d'une parésie des releveurs post-chirurgicale, sans que puisse être retenue l'hypothèse d'une déformation dorsale, laquelle ne ressort d'aucune image radiographique. Cette analyse n'est pas utilement contestée par la ministre des armées qui, se prévalant de l'avis du médecin conseiller technique auprès de l'administration centrale du ministère des armées, se borne à soutenir que ce lien de causalité n'est pas établi dès lors que la latéralité de cette seconde infirmité n'est pas la même que celle de la première.
6. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la ministre des armées n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires de Nîmes a annulé sa décision du 4 mai 2017 en tant qu'elle refusait de réviser la pension militaire d'invalidité perçue par M. B... au titre de la nouvelle infirmité " lombosciatique L5 gauche, parésie sévère L5 gauche avec parésie des releveurs du pied gauche ", et lui a reconnu un droit à pension au titre de cette infirmité, au taux de 25 %.
Sur les frais d'expertise :
7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 440 euros toutes taxes comprises par l'ordonnance de la présidente de la Cour en date du 15 mars 2022, à la charge de l'Etat.
Sur les frais liés au litige :
8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 3 800 euros au titre des frais que M. B... a exposés, justifiés par la production des factures et conventions d'honoraires versées au dossier.
D É C I D E :
Article 1er : Les conclusions de la requête de la ministre des armées tendant à l'annulation du jugement par lequel le tribunal des pensions militaires de Nîmes a annulé sa décision du 4 mai 2017 en tant qu'elle refusait de réviser la pension militaire d'invalidité perçue par M. B... au titre de la nouvelle infirmité " lombosciatique L5 gauche, parésie sévère L5 gauche avec parésie des releveurs du pied gauche ", et lui a reconnu un droit à pension au titre de cette infirmité, au taux de 25 %, sont rejetées.
Article 2 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 440 euros toutes taxes comprises sont mis à la charge de l'Etat.
Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 3 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. A... B....
Copie en sera transmise à l'expert.
Délibéré après l'audience du 22 mars 2022, où siégeaient :
- M. Badie, président,
- M. Revert, président assesseur,
- Mme Renault, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition du greffe, le 5 avril 2022.
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No 19MA05485