CAA de NANCY, 2ème chambre, 09/06/2022, 20NC02678, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 22 janvier 2018 par laquelle la rectrice de l'académie de Strasbourg a rejeté sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service des arrêts de maladie ordinaire et des affections dont elle fait état et la décision du 11 avril 2018 par laquelle la rectrice de l'académie de Strasbourg a rejeté son recours gracieux.
Par un jugement n° 1803789 du 2 juillet 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.
Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 3 mai 2019 par laquelle le président de l'université de Strasbourg a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie qu'elle a déclarée le 30 novembre 2017 et celle rejetant son recours gracieux, ainsi que la décision du 27 juin 2019 en tant que la rectrice de l'académie de Strasbourg a fixé la date de consolidation et le taux d'incapacité permanente partielle résultant de l'accident dont elle a été victime le 3 décembre 2013 et la décision du 4 novembre 2019 par laquelle la rectrice de l'académie de Strasbourg a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts de travail consécutifs à la rechute déclarée le 23 mars 2019 au titre de son accident de service du 22 janvier 2014.
Par un jugement n° 1908524, 1909205, 2000464 du 20 novembre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 27 juin 2019 en tant qu'elle fixe une date de consolidation au 23 décembre 2013 sans taux d'incapacité permanente partielle (IPP) et la décision du 23 septembre 2019, a enjoint à la rectrice de l'académie de Strasbourg d'exercer les diligences définies au point 31 de son jugement et a rejeté le surplus de ses conclusions.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n°20NC02678, les 10 septembre 2020, 24 janvier et 4 février 2022, Mme D... A..., représentée par Me Diaby, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 2 juillet 2020 ;
2°) d'ordonner une expertise avant-dire droit ;
3°) d'annuler les décisions des 22 janvier et 11 avril 2018 ;
4°) d'enjoindre à la rectrice de l'académie de Strasbourg de reconnaître l'imputabilité au service des arrêts de travail dont elle a fait l'objet entre le 29 mai 2017 et le 6 août 2017 ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision du 22 janvier 2018 et la décision de rejet de son recours gracieux sont entachées d'un défaut de motivation ;
- la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure dès lors que la commission de réforme n'a pas été saisie du problème de ses troubles au niveau des genoux dont elle souffre, alors qu'elle en a fait état ;
- la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure dans la mesure où aucun médecin spécialiste des maladies mentales n'a siégé au sein de la commission de réforme ;
- la commission de réforme n'a pu valablement délibérer puisqu'aucun représentant du personnel n'était présent lors de la réunion du 8 décembre 2017, la majorité absolue des membres n'étant ainsi pas acquise ;
- il n'est pas établi que les personnes ayant siégé étaient habilitées pour le faire ;
- le rectorat n'établit pas qu'elle a été convoquée dans des conditions régulières et que la personne qui a siégé pour le directeur régional des finances publiques était habilitée à le faire ;
- le nom de la présidente de la commission de réforme n'apparait pas sur l'avis rendu, ne permettant pas de contrôler qu'il a été émis dans des conditions régulières ;
- le défaut de mention des nom et prénom des membres de la commission de réforme constitue une irrégularité de la procédure ;
- le rectorat a commis une erreur d'appréciation.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 29 avril 2021 et 31 janvier 2022, la rectrice de l'académie de Strasbourg conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la requérante une somme de 171 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
II. Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n°21NC00268, les 25 janvier 2021, 28 janvier, 4 et 22 février 2022, Mme D... A..., représentée par Me Diaby, demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 3 de ce jugement du 20 novembre 2020 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 4 novembre 2019 ;
2°) d'ordonner une expertise avant-dire droit ;
3°) d'annuler la décision du 4 novembre 2019 ;
4°) d'enjoindre à la rectrice de l'académie de Strasbourg de reconnaître l'imputabilité au service des arrêts de travail dont elle a fait l'objet ente le 15 mai 2018 et le 9 septembre 2018 ainsi que des soins qui se sont prolongés jusqu'au 31 mars 2019 ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure, tiré de l'absence d'information du médecin de prévention quant à la saisine de la commission de réforme à la suite de sa demande ;
- le rapport du médecin agréé n'apporte aucune réponse justifiée à la mission qui lui était soumise ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur de droit dès lors que la reconnaissance de l'imputabilité au service d'un arrêt de travail n'est pas subordonnée à l'existence de troubles présentant un lien " direct et exclusif " avec un accident de service antérieur ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur d'appréciation.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F...,
- et les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... a été recrutée à compter du 20 avril 1998 en qualité de contractuelle sur un poste d'assistante ingénieure en technique biologique au sein de l'institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire (IGBMC) de l'université de Strasbourg. Elle a été intégrée en tant que fonctionnaire stagiaire le 1er juillet 2007 et titularisée le 1er novembre 2008. A la suite d'un événement survenu le 3 décembre 2013 et d'un déménagement de bureau brutal le 22 janvier 2014, Mme A... a été placée en arrêt maladie du 23 janvier 2014 au 14 avril 2015. Le 18 février 2015, elle a déposé une demande d'accident de service concernant les faits du 22 janvier 2014. Par courrier du 9 mai 2017, la rectrice a reconnu l'imputabilité au service de cet accident de service. La date de consolidation a été fixée au 8 février 2017 avec un taux d'incapacité physique permanente de 10 %. Par mails des 6 avril et 9 mai 2017, Mme A... a demandé la reconnaissance d'imputabilité au service de ses troubles somatiques apparus, selon elle, en lien avec cet accident de service. Elle a demandé également que ses arrêts de travail au titre de la période du 29 mai au 6 août 2017 soient considérés comme une rechute de son accident de service du 22 janvier 2014. Par décision du 22 janvier 2018, la rectrice a refusé la demande de reconnaissance d'imputabilité au service de la rechute de l'accident de service à compter du 29 mai 2017 jusqu'au 6 août 2017 et des soins médicaux postérieurs au 8 février 2017, date de la consolidation. Par courrier du 25 mars 2019, Mme A... a demandé que ses arrêts de maladie du 15 mai au 9 septembre 2018 soient qualifiés de rechute de l'accident de service du 22 janvier 2014 et a sollicité à nouveau que les pathologies survenues postérieurement soient reconnues comme étant en lien avec cet accident de service. Par décision du 4 novembre 2019, la rectrice a rejeté l'ensemble de ses demandes. Par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre, Mme A... relève appel du jugement du 2 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 22 janvier 2018 et du jugement du 20 novembre 2020 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 4 novembre 2019.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 22 janvier 2018 :
En ce qui concerne la légalité externe :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) doivent être motivées les décisions qui : / (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ".
3. Il résulte de ces dispositions législatives précitées que le refus de reconnaître l'imputabilité au service d'un accident est au nombre des décisions qui doivent être motivées. Si le respect des règles relatives au secret médical ne peut avoir pour effet d'exonérer l'administration de l'obligation de motiver sa décision, dans des conditions de nature à permettre au juge de l'excès de pouvoir d'exercer son contrôle, il ne lui appartient pas de divulguer des éléments d'ordre médical couverts par le secret. Il en va ainsi alors même que la décision à intervenir, ayant le caractère d'un acte individuel, ne doit pas normalement faire l'objet d'autres mesures de publicité que celle de sa notification à son destinataire.
4. Il ressort des pièces du dossier que la décision de refus de reconnaissance de l'imputabilité au service est motivée en droit, dès lors qu'elle vise l'article 34-2, alinéa 2, de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat. En ce qui concerne la motivation en fait, la décision du 22 janvier 2018 indique que l'administration estime que les lésions invoquées par Mme A... n'ont pas de lien de causalité directe avec le service. Dans ces conditions, cette décision, compte tenu des exigences du secret médical qui s'opposent notamment à ce que les éléments médicaux justifiant les propositions de la commission de réforme soient détaillés dans les décisions prises sur avis de cette commission, est suffisamment motivée et ne méconnaît pas les dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Il en est de même s'agissant de la décision du 11 avril 2018, rejetant le recours gracieux de la requérante, qui mentionne les divers avis et expertises sur lesquels l'administration s'est fondée pour prendre sa décision. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de ces décisions doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 13 du décret n°86-442 du 14 mars 1986 : " La commission de réforme est consultée notamment sur : / 1. L'application des dispositions du deuxième alinéa des 2° et 3° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée ; / (...) 5. La réalité des infirmités résultant d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle, la preuve de leur imputabilité au service et le taux d'invalidité qu'elles entraînent, en vue de l'attribution de l'allocation temporaire d'invalidité instituée à l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée ; (...) ". Aux termes de l'article 19 du même décret : " La commission de réforme doit être saisie de tous témoignages rapports et constatations propres à éclairer son avis. / Elle peut faire procéder à toutes mesures d'instruction, enquêtes et expertises qu'elle estime nécessaires. (...) ".
6. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'administration qui saisit la commission de réforme de fournir à cette dernière les éléments médicaux lui permettant de se prononcer sur les pathologies résultant d'un accident de service. Si ces éléments sont insuffisants, la commission peut toutefois valablement statuer, après avoir fait procéder à des mesures d'instruction complémentaires. L'agent n'est pas tenu de produire lui-même des pièces médicales.
7. Il ressort des pièces du dossier que, par bordereau d'envoi du 10 novembre 2017, le rectorat de Strasbourg a adressé, au secrétariat de la commission de réforme, l'expertise du Dr B... du 16 octobre 2017 et celle du Dr E... du 18 septembre 2017. En observations, il est indiqué que ces expertises sont transmises afin que le dossier de Mme A... soit soumis à l'avis de la commission de réforme. Le rectorat a précisé ensuite l'objet de la saisine de la commission. Il est notamment demandé si " les autres lésions invoquées par Mme A... (hyperglycémie à jeun et stéatose hépatique) sont en lien avec l'accident de travail du 22 janvier 2014 ou relèvent-elles d'un état antérieur ". Contrairement à ce que soutient la requérante, la commission de réforme n'est pas liée par les éléments indiqués dans ce bordereau, qui n'a que pour seul objet, de transmettre à la commission de réforme des pièces médicales couvertes par le secret médical. Si le rectorat a omis de mentionner les douleurs articulaires dont souffre la requérante, cette circonstance est sans incidence sur la régularité de l'avis émis par la commission dès lors que cette dernière était saisie de l'ensemble des pièces médicales produites par Mme A... à son administration. Il s'ensuit que les seules indications mentionnées dans le bordereau d'envoi en cause ne suffisent pas à considérer que la commission de réforme n'a été saisie que des deux seules pathologies visées par le rectorat dans cet envoi. Par suite, la commission de réforme doit être regardée comme s'étant prononcée sur l'ensemble de la situation médicale de Mme A....
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 13 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable : " La commission de réforme est consultée notamment sur : (...) 2. L'imputabilité au service de l'affection entraînant l'application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 34 (4°) de la loi du 11 janvier susvisée ; (...) ". Aux termes de l'article 12 de ce décret : " Dans chaque département, il est institué une commission de réforme départementale compétente à l'égard des personnels mentionnés à l'article 15. Cette commission, placée sous la présidence du préfet ou de son représentant, qui dirige les délibérations mais ne participe pas aux votes, est composée comme suit : (...) 4. Les membres du comité médical prévu à l'article 6 du présent décret (...) ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article 5 de ce décret qui précise la composition du comité médical ministériel, auquel renvoie sur ce point le deuxième alinéa de l'article 6 relatif au comité médical départemental : " Ce comité comprend deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, pour l'examen des cas relevant de sa qualification, un spécialiste de l'affection pour laquelle est demandé le bénéfice du congé de longue maladie ou de longue durée prévu à l'article 34 (3e et 4e) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée ". Enfin, aux termes de l'article 19 de ce décret : " La commission de réforme ne peut délibérer valablement que si la majorité absolue des membres en exercice assiste à la séance ; un praticien de médecine générale ou le spécialiste compétent pour l'affection considérée doit participer à la délibération. / Les avis sont émis à la majorité des membres présents. / Lorsqu'un médecin spécialiste participe à la délibération conjointement avec les deux praticiens de médecine générale, l'un de ces deux derniers s'abstient en cas de vote (...) ".
9. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s'il a privé les intéressés d'une garantie.
10. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que doit être présent, au sein de la commission de réforme appelée à statuer sur l'imputabilité au service de la maladie contractée par un agent, en plus des deux praticiens de médecine générale, un médecin spécialiste de la pathologie invoquée par l'agent qui, s'il participe aux échanges de la commission, ne prend pas part au vote de son avis.
11. Il ressort des pièces du dossier que pour se prononcer sur la demande de Mme A..., la commission de réforme a disposé de l'expertise médicale du Dr B..., psychiatre, du 16 octobre 2017. Ce médecin spécialiste a examiné l'intéressée le 8 février 2017 et s'est prononcé sur la question de l'imputabilité des infections invoquées par Mme A... ainsi que sur le lien direct entre ses arrêtes de maladie et l'accident de service du 22 janvier 2014. Eu égard à ces circonstances, l'absence de médecin spécialiste en psychiatrie lors de la réunion du 8 décembre 2017 au cours de laquelle la commission de réforme a examiné la situation de Mme A... n'a pas, en l'espèce, effectivement privé l'intéressée de la garantie, résultant des textes cités au point 8, que constitue pour l'agent le fait que la commission de réforme soit éclairée par un médecin spécialiste de sa pathologie.
12. En quatrième lieu, aux termes de l'article 12 du décret n°86-442 du 14 mars 1986 : " Dans chaque département, il est institué une commission de réforme départementale compétente à l'égard des personnels mentionnés à l'article 15. Cette commission, placée sous la présidence du préfet ou de son représentant, qui dirige les délibérations mais ne participe pas aux votes, est composée comme suit : / 1. Le chef de service dont dépend l'intéressé ou son représentant ; / 2. Le trésorier-payeur général ou son représentant ;/ 3. Deux représentants du personnel appartenant au même grade ou, à défaut, au même corps que l'intéressé, élus par les représentants du personnel, titulaires et suppléants, de la commission administrative paritaire locale dont relève le fonctionnaire ; (...) / 4. Les membres du comité médical prévu à l'article 6 du présent décret. ". Aux termes de l'article 19 du même décret : " La commission de réforme ne peut délibérer valablement que si la majorité absolue des membres en exercice assiste à la séance ; un praticien de médecine générale ou le spécialiste compétent pour l'affection considérée doit participer à la délibération. ".
13. D'une part, il ressort des mentions du procès-verbal de la séance du 8 décembre 2017 que la commission de réforme était composée conformément aux dispositions précitées de l'article 12 du décret du 14 mars 1986 et que la majorité absolue de ses membres était bien présent. D'autre part, la circonstance qu'aucun représentant du personnel n'était présent lors de cette séance du 8 décembre 2017 est sans incidence sur la régularité de la procédure, dès lors que le quorum prévu à l'article 19 du décret du 14 mars 1986 était atteint et que deux médecins généralistes ont siégé.
14. En cinquième lieu, les dispositions précitées de l'article 12 du décret du 14 mars 1986 n'ont ni pour objet ni pour effet d'imposer au chef de service de l'agent et au trésorier-payeur général de désigner leur représentant pour siéger au sein de la commission de réforme par une décision expresse ou de justifier que ces derniers étaient empêchés. Par suite, le moyen tiré de l'absence d'habilitation des représentants qui ont siégé à la commission de réforme doit être écarté.
15. En sixième lieu, aux termes de l'article 19 du décret du 14 mars 1986 : " (...) La commission de réforme doit être saisie de tous témoignages rapports et constatations propres à éclairer son avis. (...) Le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de la partie administrative de son dossier. Un délai minimum de huit jours doit séparer la date à laquelle cette consultation est possible de la date de la réunion de la commission de réforme ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. (...) ".
16. Le rectorat de Strasbourg produit pour la première fois en appel un courrier du 17 novembre 2017 par lequel le secrétariat de la commission de réforme a informé Mme A... que son dossier devait être examiné le 8 décembre 2017 et qu'elle avait la possibilité de se faire entendre ou d'être accompagnée par un médecin ou une personne de son choix. Le procès-verbal de la séance du 8 décembre 2017 atteste la présence de Mme A.... Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'a pas été régulièrement informée de la tenue de la séance de la commission de réforme du 8 décembre 2017.
17. En septième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) / Toute décision prise par l'une des autorités mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ".
18. Les obligations prévues par ces dispositions ne s'imposent à peine d'illégalité qu'aux décisions prises par les autorités administratives. Or, les commissions de réforme se bornent à émettre des avis, le pouvoir de décision appartenant à l'autorité administrative dont relève l'intéressé. Il ne peut donc être utilement soutenu que ces avis méconnaissent l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, qui ne s'impose à peine d'illégalité qu'aux décisions prises par les autorités administratives. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que, en méconnaissance de ces dispositions, l'avis de la commission ne comportait pas le nom et la qualité de la personne qui a présidé la commission de réforme et des représentants du chef de service de l'intéressée et du trésorier-payeur général, est inopérant.
19. Il résulte de ce qui précède que la procédure devant la commission de réforme n'est pas entachée des irrégularités alléguées.
En ce qui concerne la légalité interne :
20. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...)/ 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 35. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ; (...) ".
21. Dans le cas où l'état d'un fonctionnaire est consolidé postérieurement à un accident imputable au service, le bénéfice de la prise en charge des arrêts de travail est subordonné, dans ce cas, non pas à l'existence d'une rechute ou d'une aggravation de sa pathologie, mais plus généralement à l'existence de troubles présentant un lien direct et certain avec l'accident de service initial.
22. Mme A... soutient que ses arrêts de travail du 29 mai au 6 août 2017 doivent être regardés comme consécutifs à une rechute liée à l'accident de travail survenu le 22 janvier 2014 et pour lequel elle a bénéficié d'une reconnaissance d'imputabilité au service. Elle sollicite la reconnaissance des pathologies apparues, selon elle, consécutivement à son état de stress post-traumatique causé par l'accident de service du 22 janvier 2014, en tant que rechute de cet accident.
23. A la suite de son accident de travail du 22 janvier 2014, Mme A... a été placée en congé de maladie du 23 janvier 2014 au 14 avril 2015. Elle a repris ses fonctions en mi-temps thérapeutique à partir du 15 avril 2015. A compter du 16 novembre 2015, elle a été affectée dans un autre service et elle a pu reprendre le travail à plein temps. Par courrier du 9 mai 2017, la rectrice de Strasbourg a reconnu l'imputabilité au service de l'accident de service du 22 janvier 2014. La date de consolidation a été fixée au 8 février 2017 avec un taux d'incapacité physique permanente de 10 %. Mme A... a été à nouveau en arrêt de travail du 29 mai au 6 août 2017.
24. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... souffre d'une stéatose hépatique, d'une hyperglycémie à jeun et de problèmes articulaires aux genoux, dans un contexte de surcharge pondérale. Les arrêts de travail en cause mentionnent tous une aggravation du syndrome dépressif " avec somatisation intense ", sans autre précision. Dans son rapport d'expertise du 17 octobre 2017, destiné à la commission de réforme, le Dr E... indique que ces arrêts de travail, eu égard à leur motif de prescription, " seraient donc à prendre en charge dans le cadre de l'accident de service sous réserve d'une déclaration de rechute par un psychiatre expert " et une nouvelle date de consolidation serait à évaluer par ce dernier. Dans son rapport d'expertise du 16 octobre 2017, le Dr B..., psychiatre, qui a déjà vu Mme A... dans le cadre de la demande d'imputabilité de l'accident de service du 22 janvier 2014, constate des manifestations anxieuses à la fois physiques et psychiques de l'intéressée en précisant que " ces manifestations psychiques s'inscrivent dans le cadre d'un trouble anxieux généralisé tout comme certaines manifestations physiques ". Il préconise cependant de maintenir la date de consolidation au 8 février 2017 estimant qu'il n'y a pas de " lien de cause à effet direct et exclusif entre les lésions invoquées et l'accident de travail du 22 janvier 2014 ". La requérante produit également une expertise du Dr C..., praticien hospitalier au service de psychiatrie des hôpitaux universitaires de Strasbourg du 20 décembre 2018, désigné par l'université de Strasbourg en sa qualité de médecin agréé. Ce dernier estime que le tableau clinique présenté par Mme A... correspond totalement au diagnostic d'état de stress post-traumatique, pathologie à l'évolution chronique et fluctuante. Le praticien ajoute que " le trouble présenté par Mme A... dans les suites de cet accident de service, sur un plan psychiatrique, peut être considéré comme une suite médicale plausible à cet événement et s'intégrer dans le diagnostic d'état de stress post-traumatique. " Il conclut à une rechute de l'accident de travail et fixe la date de consolidation au 25 mai 2018, date de l'examen de Mme A....
25. Toutefois, la Dr E..., médecin agréée, précise dans son rapport du 18 septembre 2017 que des bilans biologiques de 2012 et 2013 montraient déjà des perturbations modérées du bilan hépatique. Elle en déduit que " si le lien physiopathologique entre la surcharge pondérale, l'hyperglycémie modérée et la stéatose hépatique parait vraisemblable chez Mme A..., on peut noter que les fluctuations pondérales étaient bien antérieures à l'accident du 22 janvier 2014. ". Elle en conclut que " les fluctuations pondérales observées depuis au moins 2003 ne permettent pas de considérer qu'il existe un lien de causalité unique entre les lésions invoquées et l'accident du 22 janvier 2014 ". Ces éléments sont confirmés par le certificat médical d'un médecin généraliste du 19 mai 2017 qui évoque une prise de poids de onze kilos en 2005, en raison de problèmes liés au travail selon les dires de Mme A..., et à la prise d'antidépresseurs. Mme A... est revenue, selon les constatations du médecin généraliste, à un poids normal en 2008 avant de reprendre du poids en décembre 2011, situation qui s'est aggravée en 2013 puis en 2015. Dans un certificat du 6 avril 2017, l'endocrinologue déclare suivre Mme A... pour une hyperglycémie à jeun associée à une stéatose hépatique depuis le 1er avril 2016. Il relève que la prise de poids s'est aggravée avec la prise d'un traitement antidépresseur, sans toutefois en préciser la date. Un médecin spécialiste en médecine physique et de réadaptation fonctionnelle précise, dans son certificat médical du 4 avril 2017, qu'il a effectué des viscosupplémentation aux deux genoux de Mme A... en août et septembre 2015. Il indique que la symptomatologie douloureuse est survenue à la suite d'une prise de poids que l'intéressée attribue à la prescription d'antidépresseurs. Enfin, le rhumatologue qui a examiné Mme A... le 22 décembre 2014, constate l'existence de douleurs bilatérales aux genoux, résultant d'une prise de poids depuis un an de dix à douze kilos selon l'intéressée.
26. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, s'il est incontestable que les pathologies en cause dont souffre Mme A... caractérisent une nouvelle période de décompensation anxio-dépressive, il n'en demeure pas moins que ces pathologies préexistaient à la date de l'accident de service du 22 janvier 2014, certes à un niveau de gravité moindre que celui à la date des décisions attaquées. Il s'ensuit que l'état antérieur de Mme A... doit, en l'espèce, être regardé comme constituant une circonstance particulière détachant les pathologies en cause de son accident du service. Par suite, Mme A... ne justifie pas que les affections dont elle souffre et qui sont à l'origine de son placement en congé maladie ordinaire du 29 mai au 6 août 2017, présentent un lien direct et certain avec le service. La rectrice de l'académie de Strasbourg, qui a suivi l'avis défavorable de la commission de réforme, n'a dès lors pas entaché ses décisions d'une erreur d'appréciation en rejetant la demande de Mme A....
27. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 2 juillet 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande en annulation des décisions du 22 janvier et 11 avril 2018.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 4 novembre 2019 :
28. Aux termes de l'article 18 du décret du 14 mars 1986, dans sa version applicable au présent litige : " Le médecin chargé de la prévention attaché au service auquel appartient le fonctionnaire dont le cas est soumis au comité médical ou à la commission de réforme est informé de la réunion et de son objet. Il peut obtenir, s'il le demande, communication du dossier de l'intéressé. Il peut présenter des observations écrites ou assister à titre consultatif à la réunion. Il remet un rapport écrit dans les cas prévus aux articles 34, 43 et 47-7. (...) ".
29. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le médecin de prévention aurait été informé, en application des dispositions précitées, de la tenue de la réunion de la commission de réforme du 10 septembre 2019. Dès lors, la consultation de la commission de réforme a été irrégulièrement menée. Une telle irrégularité a été de nature à priver Mme A... d'une garantie. Cette omission a, en outre, été susceptible d'exercer une influence sur le sens de l'avis émis par cette commission dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que le médecin de prévention a rencontré à plusieurs reprises Mme A..., notamment le 8 avril 2015. A la suite de cet examen médical, il a indiqué dans son avis qu'il était favorable à une reprise de travail en mi-temps thérapeutique sous réserve que l'intéressée soit affectée à un poste " sans contact avec ses anciens responsables ". Le médecin de prévention a ainsi porté une appréciation sur l'état de santé encore fragile de Mme A... à cette époque. Les observations éventuelles du médecin de prévention, s'il avait été informé de la séance de la commission de réforme, auraient ainsi pu exercer une influence sur le sens de la décision prise par l'autorité administrative, au vu de cet avis. Dans ces conditions, la décision attaquée a été prise au terme d'une procédure irrégulière.
30. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 20 novembre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 4 novembre 2019.
En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction :
31. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ". Selon l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. / La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision. ".
32. Le présent arrêt, par lequel la cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation de la décision du 4 novembre 2019 présentées par Mme A..., n'implique cependant pas nécessairement, eu égard au motif d'annulation retenu, que le rectorat de l'académie de Strasbourg prenne une nouvelle décision dans un sens déterminé mais seulement que la situation de Mme A... soit réexaminée dans des conditions régulières par la commission de réforme. Par suite, il y a seulement lieu d'enjoindre au rectorat de l'académie de Strasbourg, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de réexaminer la situation de Mme A... en procédant à une nouvelle consultation de la commission de réforme selon des modalités régulières, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés à l'instance :
33. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante pour l'essentiel, la somme dont le rectorat de l'académie de Strasbourg demande le versement au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du rectorat de l'académie de Strasbourg la somme de 1 500 euros en application des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La décision du 4 novembre 2019 rejetant l'imputabilité au service des arrêts de maladie ordinaire pris sur la période du 15 mai 2018 au 9 septembre 2018 est annulée.
Article 2 : Il est enjoint à la rectrice de l'académie de Strasbourg de réexaminer la situation de Mme A... quant à sa demande d'imputabilité au service des arrêts de maladie ordinaire pris sur la période du 15 mai 2018 au 9 septembre 2018 dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif du 20 novembre 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Mme A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des requêtes de Mme A... est rejeté.
Article 6 : Les conclusions présentées par la rectrice de l'académie de Strasbourg sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Une copie du présent arrêt sera adressée à la rectrice de l'académie de Strasbourg.
Délibéré après l'audience du 19 mai 2022, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président,
M. Agnel, président-assesseur,
Mme Lambing, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juin 2022.
La rapporteure,
Signé : S. F... Le président,
Signé : J. MARTINEZ
La greffière,
Signé : C. SCHRAMM
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. SCHRAMM
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N° 20NC02678, 21NC00268