CAA de NANTES, 6ème chambre, 14/06/2022, 21NT00321, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, d'annuler la décision du 7 septembre 2016 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande tendant à la révision pour aggravation de sa pension militaire d'invalidité, d'autre part, d'ordonner une expertise, enfin, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 1905542 du 1er février 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 février 2021, M. B... demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes ;
2°) d'annuler la décision du 7 septembre 2016 du ministre de la défense ;
3°) d'ordonner une expertise afin que le taux de sa pension militaire d'invalidité soit augmenté ;
Il soutient que son état de santé s'est considérablement aggravé, ce qui l'a conduit à être incarcéré du 2 novembre 2020 au 21 janvier 2021, incarcération qui est directement imputable à la blessure de guerre qu'il a subie à Sarajevo en 1995.
Par un mémoire enregistré le 18 mai 2022, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pension militaire d'invalidité et des victimes de la guerre.
- le code de justice administrative.
Vu la décision du 24 janvier 2022 du bureau d'aide juridictionnelle constatant la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée le 5 février 2021 par M. B... faute d'avoir fourni dans les délais qui lui étaient impartis les documents ou justificatifs demandés.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ancien caporal dans l'armée de terre, bénéficie d'une pension militaire d'invalidité depuis le 17 avril 2008 au taux de cinquante pour cent à titre définitif pour l'infirmité de " syndrome de stress post-traumatique ". Il a présenté, les 17 mars 2013, 2 octobre 2014 et 5 janvier 2015, des demandes de révision de sa pension pour aggravation de l'infirmité pensionnée et une nouvelle infirmité de " bruxisme avec perte de dents ". Par une décision du 7 septembre 2016, le ministre de la défense a rejeté sa demande. M. B... a saisi le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Rennes, qui a transféré sa requête au tribunal administratif de Rennes devenu compétent. L'intéressé relève appel du jugement du 1er février 2021 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'infirmité nouvelle " bruxisme avec perte de dents " :
2. Aux termes de l'article L. 4 de ce code : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. (...) ". Selon le guide barème, lorsque la prothèse est possible et fonctionnellement bonne, le taux d'invalidité de la perte de dents entrainant un coefficient de mastication inférieur à 40 %, est évalué entre 10 et 20 pour cent.
3. Il résulte de l'instruction, en particulier des pièces versées en première instance, que M. B... souffre de bruxisme avec perte de onze dents et que cette affection est en lien direct et certain avec la dépression chronique dont il est affecté du fait de son état de stress post-traumatique et pour laquelle il bénéficie d'une pension concédée à titre définitif au taux de 50 pour cent. L'expert a indiqué qu'il conserve un coefficient masticatoire de 38 pour cent, correspondant à un taux d'invalidité pouvant être évalué à 11 pour cent. Toutefois, il résulte également de l'instruction que cinq des onze dents perdues par l'intéressé l'ont été antérieurement à son incorporation et que la part imputable au service ne peut en conséquence être évaluée à plus de 7 pour cent. M. B..., qui se bornait en première instance à se référer à la conclusion de l'expert fixant le taux à 15 pour cent, n'apporte pas davantage en appel d'élément permettant de contredire les données de l'expertise sur la question du coefficient masticatoire. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que la prothèse à laquelle l'intéressé pourrait avoir droit en application du guide barème, qui indique que " la prothèse sera fournie au mutilé toutes les fois qu'elle sera possible et utile. ", ne serait pas possible. Dès lors, et quand bien même l'expert a proposé un taux plus important, c'est à juste titre que le ministre de la défense a retenu que le degré d'invalidité de M. B..., inférieur à 10 pour cent ne pouvait lui ouvrir droit à pension pour cette invalidité.
En ce qui concerne l'infirmité " d'état de stress post-traumatique " :
4. Aux termes de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dans sa rédaction alors applicable : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins du pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif. ".
5. Il résulte de l'instruction que l'expert a, le 8 février 2016, indiqué ne pas avoir noté de symptôme caractéristique d'une aggravation, tout en prenant en compte la chronicisation de la symptomatologie pour proposer d'augmenter le taux à 60 pour cent. Cependant, l'expert appelé à évaluer l'infirmité de M. B... notait, le 25 octobre 2010, la manifeste chronicisation du syndrome post-traumatique de l'intéressé. Le requérant, qui se borne devant la cour à avancer que " son état de santé s'est considérablement aggravé, aggravation à laquelle [- selon ses dires -] serait imputable son incarcération au centre pénitentiaire de Lorient du 2 novembre 2020 au 21 janvier 2021 ", n'apporte aucun élément d'ordre médical pour remettre en cause les constatations de l'expert, notamment dès lors que ses demandes de révision sont toutes antérieures à son incarcération. Dans ces conditions, en l'absence d'évolution avérée de l'infirmité de M. B..., qui était déjà devenue chronique en 2010, c'est à bon droit et sans erreur d'appréciation que le ministre a décidé, par la décision contestée, qu'aucune aggravation n'était constatée et a maintenu le taux de 50 pour cent dont bénéficiait déjà l'intéressé.
6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête ni d'ordonner une nouvelle expertise judiciaire, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 7 septembre 2016 rejetant sa demande de révision de sa pension militaire.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des Armées.
Délibéré après l'audience du 30 mai 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 juin 2022.
Le rapporteur,
O. C...Le président,
O. GASPON
La greffière,
I. PETTON
La République mande et ordonne au ministre des Armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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