CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 24/01/2023, 21TL00563, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision24 janvier 2023
Num21TL00563
JuridictionToulouse
Formation2ème chambre
PresidentMme GESLAN-DEMARET
RapporteurMme Anne BLIN
CommissaireMme TORELLI
AvocatsBRUNEL

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune de Montpellier à lui verser une somme de 13 700 euros au titre du complément de traitement dû depuis le 10 octobre 2017, et d'enjoindre à la commune de lui délivrer des bulletins de salaires rectifiés à compter du 10 octobre 2017.

Par un jugement n° 19003813 du 11 décembre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 février 2021, sous le n° 21MA00563 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 11 avril 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL00563, et un mémoire enregistré le 16 septembre 2022, M. A... B..., représenté par Me Brunel, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du 11 décembre 2020 ;

2°) de condamner la commune de Montpellier à lui verser une somme de 28 700 euros au titre du complément de traitement dû depuis le 10 octobre 2017, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts ;
3°) d'enjoindre à la commune de Montpellier de lui délivrer des bulletins de salaires rectifiés à compter du 10 octobre 2017 ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Montpellier la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est entaché de contradictions en ce que la commune avait bien pris un engagement concernant le maintien de sa rémunération, lequel ne concernait pas seulement la période de stage ; dès lors, en ne l'informant pas de la diminution de sa rémunération après la période de stage, la commune a manqué à son devoir de loyauté ; il a rapporté la preuve de son préjudice financier ;
- la responsabilité contractuelle de la commune est engagée ;
- subsidiairement, sa responsabilité précontractuelle doit être retenue, en raison du défaut d'information lors de son recrutement ; ce défaut d'information lui a occasionné un préjudice financier ;
- il est fondé à demander la condamnation de la commune à revoir sa situation, à lui verser les arriérés de traitement et à rectifier ses bulletins de paie depuis le 10 octobre 2017.

Par une ordonnance en date du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de M. B....

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er septembre 2022, la commune de Montpellier, représentée par Me Merland, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de M. B... le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :
- la requête est irrecevable en ce qu'elle méconnaît les dispositions de l'article R. 414-5 du code de justice administrative ;
- sa responsabilité ne saurait être engagée dès lors que les dispositions prévues à l'article R. 4138-39 du code de la défense ont été appliquées lors du détachement de M. B..., puis celles de l'article L. 4139-3 lors de sa titularisation ; il ne pouvait y avoir d'accord contractuel tendant à déroger à l'application des règles statutaires lors de sa titularisation ; aucune erreur n'a été commise dans les informations transmises à l'appelant, qui ne démontre l'existence d'aucun préjudice ;
- dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, les demandes d'injonction sont irrecevables, en l'absence de demande préalable auprès de la commune ; sur le fond, elle renvoie à ses précédents développements.

Par ordonnance du 5 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 10 octobre 2022.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code de la défense ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- et les observations de Me Belotti substituant Me Brunel, représentant M. B... et de Me Lenoir, substituant Me Merland, représentant la commune de Montpellier.


Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ... au sein de l'armée de terre ayant atteint l'indice majoré 410, a présenté sa candidature pour un poste au sein de la police municipale de la commune de Montpellier, dans le cadre du dispositif des emplois réservés. Par un arrêté du 11 octobre 2016, il a été nommé par voie de détachement dans le cadre d'emplois des agents de police municipale pour une durée d'un an en qualité de stagiaire, et classé au 12ème échelon de son grade, indice majoré 382. L'arrêté prévoyait dans son article 2 qu'il bénéficiait à titre personnel d'un maintien de rémunération sur l'indice majoré 410. Par arrêté du 19 octobre 2017, il a été titularisé sur le grade de gardien-brigadier et classé au 6ème échelon, indice majoré 350 avec une ancienneté d'un an. Après le rejet de sa demande préalable d'indemnisation du préjudice qu'il estimait avoir subi, il a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune de Montpellier à lui verser une somme de 13 700 euros au titre du complément de traitement dû depuis le 10 octobre 2017 et d'enjoindre à la commune de lui délivrer des bulletins de salaires rectifiés à compter de cette date. M. B... relève appel du jugement rendu le 11 décembre 2020 qui a rejeté ses demandes.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 4139-3 du code de la défense, dans ses dispositions applicables au litige : " Le militaire, à l'exception de l'officier de carrière et du militaire commissionné, peut se porter candidat pour l'accès aux emplois réservés, sur demande agréée, dans les conditions prévues par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. / En cas d'intégration ou de titularisation, la durée des services effectifs du militaire est reprise en totalité dans la limite de dix ans pour l'ancienneté dans le corps ou le cadre d'emploi d'accueil de catégorie C. Elle est reprise pour la moitié de la durée des services effectifs dans la limite de cinq ans pour l'ancienneté dans le corps ou le cadre d'emploi de catégorie B. ".

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 4138-39 du code de la défense, dans ses dispositions applicables au litige : " I.- Lors du détachement prévu par les articles L. 4139-1 à L. 4139-3 ou en cas de détachement d'office, le militaire est classé, dans le grade dans lequel il est détaché, à un indice égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à l'indice dont il bénéficiait dans son grade d'origine. / Le militaire est classé dans l'échelon sommital du grade dans lequel il est détaché si l'indice afférent à cet échelon est inférieur à l'indice qu'il détenait dans son grade d'origine. Il conserve néanmoins à titre personnel, durant la durée de son détachement, l'indice détenu dans son grade d'origine, dans la limite de l'indice afférent à l'échelon sommital du corps ou cadre d'emplois d'accueil. / II.- Durant le détachement prévu au I, le militaire perçoit de l'administration d'accueil une rémunération comprenant le traitement indiciaire brut calculé sur la base du classement opéré en application du I, les indemnités de résidence et à caractère familial et, le cas échéant, les primes et indemnités allouées au titre du nouvel emploi. / Dans le cas où la rémunération perçue par le militaire dans son nouvel emploi est inférieure à celle qu'il aurait perçue s'il était resté en position d'activité au sein des forces armées, le militaire perçoit de son administration d'origine une indemnité compensatrice égale à la différence entre, d'une part, la solde indiciaire brute, l'indemnité de résidence, le supplément familial de solde, l'indemnité pour charges militaires et les primes et indemnités liées à la qualification qu'il aurait perçus s'il était resté en position d'activité et, d'autre part, le traitement indiciaire brut, les indemnités de résidence et à caractère familial, et les primes et indemnités allouées au titre du nouvel emploi. "

4. Les dispositions de l'article L. 4139-3 du code de la défense fixent les modalités selon lesquelles la carrière antérieure du militaire qui devient fonctionnaire en étant recruté sur un emploi réservé est prise en considération pour déterminer l'ancienneté dont il bénéficie dans le corps qu'il rejoint lors de sa titularisation. Cette reprise d'ancienneté permet de déterminer, au regard des dispositions statutaires propres à chaque corps, l'échelon auquel il doit être reclassé et, par suite, l'indice qui en résulte. Ces dispositions ne prévoient pas que le reclassement dans la fonction publique d'un ancien militaire, recruté au titre de la législation sur les emplois réservés, tienne compte de l'indice détenu par l'intéressé lorsqu'il était militaire.

5. En premier lieu, M. B... a bénéficié, lors de son détachement dans le cadre d'emplois des gardiens de police municipale, du maintien à titre personnel de son traitement sur la base de l'indice majoré 410 au titre de la première année d'exercice de ses fonctions à compter du 10 octobre 2016, ainsi que le prévoient les dispositions de l'article R. 4138-39 du code de la défense, citées au point 3. Toutefois, ainsi qu'il a été exposé au point 4, M. B..., qui a été recruté sur un emploi réservé, ne pouvait bénéficier du maintien du traitement indiciaire qu'il détenait en qualité de militaire lors de sa titularisation dans le cadre d'emplois des gardiens-brigadiers. S'il se prévaut de la proposition de rémunération établie par la commune le 7 juillet 2016 sur la base de l'indice 410, laquelle est signée par un représentant de la direction des ressources humaines ainsi que par lui-même le 23 août 2016, ce document ne saurait être regardé comme un engagement contractuel de la commune au maintien de sa rémunération à l'issue de la période de détachement. Ainsi, la commune de Montpellier n'a commis aucune faute en faisant application, pour procéder au reclassement de M. B... lors de sa titularisation, des dispositions citées au point 2 qui sont seules applicables à sa situation.

6. En second lieu, il ne résulte pas de l'instruction que M. B... aurait été informé par la commune des conditions dans lesquelles il serait recruté dans le cadre d'emplois des gardiens-brigadiers à l'issue de la période de détachement. Toutefois, alors qu'aucune disposition législative ou règlementaire ni aucun principe n'imposent à l'administration une telle obligation, à supposer qu'un défaut d'information puisse en l'espèce constituer une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Montpellier au regard de la proposition de rémunération signée par M. B... qui a pu l'induire en erreur sur les modalités de son recrutement, l'appelant n'apporte aucun élément permettant de justifier qu'il aurait effectivement perdu une chance de bénéficier d'une meilleure rémunération en postulant sur un autre emploi, en particulier sur un poste de catégorie B. Par suite, M. B... ne justifie, en tout état de cause, d'aucun préjudice résultant du défaut d'information de la commune de Montpellier lors de son recrutement.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué qui n'est entaché d'aucune contradiction de motifs, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter également ses conclusions à fin d'injonction.


Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Montpellier, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... une somme à verser à la commune de Montpellier au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.


D E C I D E :


Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Montpellier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié M. A... B... et à la commune de Montpellier.


Délibéré après l'audience du 10 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Blin, présidente assesseure,
M. Teulière, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 janvier 2023.


La rapporteure,




A. Blin



La présidente,



A. Geslan-Demaret La greffière,
M-M. Maillat

La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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