CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 20/06/2023, 21TL02327, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier :
- de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 146 800 euros, ou au minimum 51 800 euros, au titre de son déficit fonctionnel permanent, 6 231,66 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire, 3 240,32 euros au titre de l'aide par tierce personne, 20 000 euros pour le pretium doloris, 4 000 euros pour le préjudice esthétique de 2 %, 2 000 euros au titre du déficit esthétique temporaire, 5 368 euros au titre des pertes de 20% de salaire sur 22 mois, 7 286,60 euros au titre des salaires dus à compter de sa démission jusqu'à la fin du contrat, 1 304,46 euros et 2 184,13 euros au titre de prélèvements indus sur ses comptes, 7 200 euros de perte de salaire du fait de la mention communiquée au jury du concours de gardien de la paix, le privant de réussite ou de chance sérieuse de réussite, 17 611 euros au titre de son contrat non honoré d'enseignant de piano, 17 737 euros pour son entreprise de facteur de piano qu'il a dû fermer, 10 000 euros au titre du préjudice psychologique et moral et du harcèlement subis du fait de l'accident et des fautes de l'Etat, 5 000 euros au titre du préjudice subi du fait du refus de l'administration de considérer l'expertise judiciaire, 50 000 euros du fait des incidences professionnelles, 24 000 euros de perte de deux années universitaires, 72 000 euros pour l'obligation de suivre un master, 2 184,13 euros de prélèvements sur salaire indus, 10 000 euros de préjudice d'agrément ainsi que 60 000 euros de préjudice sexuel et d'établissement, avec intérêts à compter de la demande préalable ;
- d'ordonner la communication du bulletin de salaire de février 2015, de lui accorder une provision de 30 000 euros, d'ordonner une deuxième expertise, et de réserver les postes de véhicule et de réfection de salle d'eau adaptée, de lui verser les sommes de 21 464,36 euros et 10 244 euros, son état pouvant s'aggraver, d'enjoindre à l'Etat de régler une pension d'invalidité sur le fondement de l'évaluation fonction publique ou sécurité sociale ;
- de mettre à la charge de l'Etat les dépens, la somme de 2 460 euros pour les deux expertises, et une somme de 3 000 euros au titre de l'article L761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2004520 du 16 avril 2021, le tribunal administratif de Montpellier a condamné l'Etat à payer à M. B... une somme de 34 850 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 23 mars 2017, mis à la charge définitive de l'Etat les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 960 euros, mis également à sa charge une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un dépôt de pièces, enregistrés les 16 juin et 12 décembre 2021, au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n°21MA02327 puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n°21TL02327, M. B..., représenté par Me Delort, demande à la cour :
1°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 6 231,60 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire, de 3 240,32 euros au titre de l'aide par tierce personne, de 20 000 ou 8 000 euros au titre des souffrances endurées, de 2 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, de 5 368 euros au titre des pertes de 20% de salaires sur 22 mois, de 7 286,60 euros au titre des salaires dus de la date de sa démission jusqu'à la fin du contrat, de 1 304,46 euros au titre de prélèvements indus sur ses comptes, de 7 200 euros au titre de pertes de salaires du fait de la mention communiquée au jury du concours de gardien de la paix, le privant de réussite à l'oral ou de chance sérieuse de réussite à ce concours, de 17 611 euros au titre de son contrat non honoré d'enseignant de piano, de 17 737 euros au titre de son entreprise de facteur de piano, de 146 800 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ou, au moins de 51 800 euros, de 50 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, de 72 000 euros au titre de l'obligation de formation universitaire, de 4 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent, de 10 000 euros au titre du préjudice d'agrément, de 60 000 euros au titre du préjudice sexuel et d'établissement, de 10 000 euros au titre du préjudice moral, de 5 000 euros au titre du préjudice subi du fait du refus de l'administration de considérer l'expertise judiciaire et de 2 184,13 euros, somme indûment prélevée, avec intérêts de droit à compter de la demande préalable ;
2°) d'ordonner la communication du bulletin de salaire de février 2015 et d'enjoindre à l'Etat de régler une pension d'invalidité sur le fondement de l'évaluation fonction publique ;
3°) très subsidiairement, d'ordonner une seconde expertise et une provision de 5 000 euros à valoir sur l'aggravation des préjudices subis ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat les frais d'expertise et d'assistance à victime par expert privé, de réserver les postes de véhicule et de réfection de salle d'eau adaptée, à hauteur de 21 464,36 euros et 10 244 euros, de porter à 10 000 euros la somme mise à la charge de l'Etat en première instance au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat, au titre de l'instance d'appel, les dépens et une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les juridictions administratives sont compétentes pour juger des incidences de son accident de service ;
- la faute de l'administration est présumée du fait de la vétusté de la poutre et de l'absence de précision quant aux matelas ;
- l'administration a commis une faute dans l'organisation de l'entraînement ; il a subi un retard et un défaut de prise en charge adéquate ; les actes de l'administration, qui a retardé le paiement de frais médicaux, a refusé des soins prescrits sans justification, lui a opposé des refus de formation infondés, ne lui a pas communiqué, malgré ses demandes, le bulletin de salaire de février 2015, a laissé un courrier dans sa boîte aux lettres, a effectué des prélèvements indus sur salaires alors qu'elle reconnaît qu'une somme de 2 184,13 euros doit lui être reversée et émis des titres de perception indus, doivent être qualifiés de harcèlement moral ;
- l'expert désigné a grandement minimisé son préjudice psychologique ; la date de consolidation qu'il a fixée ne saurait être retenue et se situe au 24 octobre 2016 ; il a estimé des déficits fonctionnels temporaires trop réduits et a minimisé l'aide par tierce personne ; le taux de déficit permanent retenu est insuffisant, l'expert précisant lui-même que celui de 10 % retenu correspond à un taux de 20% dans la fonction publique ; il convient de relever les taux des préjudices subis, notamment celui du déficit fonctionnel permanent et de retenir un préjudice sexuel et d'établissement ainsi que l'incidence professionnelle ;
- au titre des préjudices temporaires, il doit se voir allouer une somme de 6 231,60 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, une somme de 3 240,32 euros au titre de l'aide par tierce personne, une somme de 20 000 euros au titre des souffrances endurées et de 2 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ; ses pertes de salaires d'adjoint de sécurité de la date de l'accident jusqu'à sa démission s'élèvent à 5 368 euros et sa perte de salaires jusqu'au terme de son contrat à 7 287,60 euros ; ses pertes de salaires en qualité de professeur de piano s'établissent à 17 400 euros et les pertes financières de son entreprise de facteur et d'accordeur de piano à 17 637 euros ;
- son déficit fonctionnel permanent s'établit à la somme de 146 800 euros ou, au moins, à celle de 51 800 euros ; il a subi une incidence sur sa carrière professionnelle qui peut être évaluée à la somme de 50 000 euros ; son obligation de formation peut être fixée à la somme de 72 000 euros ; son préjudice esthétique permanent peut être fixé à 4 000 euros ; il a subi un préjudice d'agrément qui sera fixé à la somme de 10 000 euros, un préjudice sexuel et d'établissement qui peut être évalué à celle de 30 000 euros et un préjudice moral fixé à la somme de 10 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête de M. B....
Il fait valoir que la juridiction administrative n'est pas compétente pour statuer sur les conclusions tendant à indemniser les conséquences de l'accident au titre de la responsabilité sans faute de l'Etat, ni pour statuer sur la demande d'injonction de verser à l'intéressé une pension d'invalidité, que les conditions d'engagement de la responsabilité pour faute de l'Etat ne sont pas satisfaites en se référant aux écritures de première instance et à celles produites devant la cour administrative d'appel de Marseille et que M. B... ne produit pas d'éléments susceptibles de remettre en cause le bien-fondé des conclusions de l'expert.
Par une ordonnance du 17 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 novembre 2022.
Par une lettre du 30 mai 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrégularité du jugement attaqué en raison de l'incompétence de la juridiction administrative pour statuer sur la responsabilité sans faute de l'Etat, dans la mesure où un agent non titulaire de droit public, dès lors qu'il ne se prévaut pas d'une faute intentionnelle de son employeur ou de l'un des préposés de celui-ci, ne peut exercer contre cet employeur une action en réparation devant les juridictions administratives, conformément aux règles du droit commun, à la suite d'un accident de travail dont il a été victime (CE, 22 juin 2011, Mme C..., n°320744). M. B... a présenté des observations en réponse le 5 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., alors adjoint de sécurité de la police nationale, a chuté d'une poutre, le 26 mars 2013, lors d'une séance d'entraînement à l'école nationale de police de Nîmes. Cette chute a entraîné une rupture du ligament croisé antérieur de son genou gauche. L'accident a été reconnu imputable au service. Il relève appel du jugement du 16 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a notamment condamné l'Etat, sur le fondement de la responsabilité sans faute, à lui verser une somme de 34 850 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 23 mars 2017, en réparation des préjudices personnels résultant de cet accident.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :
S'agissant de la responsabilité sans faute de l'Etat :
2. Il résulte des dispositions des articles L. 451-1, L. 452-1, L. 452-3 tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, L. 452-5 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale qu'un agent contractuel de droit public peut demander au juge administratif la réparation par son employeur du préjudice que lui a causé l'accident du travail dont il a été victime, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du code de la sécurité sociale, lorsque cet accident est dû à la faute intentionnelle de cet employeur ou de l'un de ses préposés. Il peut également exercer une action en réparation de l'ensemble des préjudices résultant de cet accident non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale, contre son employeur, devant la juridiction de sécurité sociale, en cas de faute inexcusable de ce dernier, ou contre une personne autre que l'employeur ou ses préposés, conformément aux règles du droit commun, lorsque la lésion dont il a été la victime est imputable à ce tiers.
3. Il résulte, en revanche, des mêmes dispositions qu'en dehors des hypothèses dans lesquelles le législateur a entendu instituer un régime de responsabilité particulier, un agent contractuel de droit public, dès lors qu'il ne se prévaut pas d'une faute intentionnelle de son employeur ou de l'un des préposés de celui-ci, ne peut exercer contre cet employeur une action en réparation devant les juridictions administratives, conformément aux règles du droit commun, à la suite d'un accident du travail dont il a été la victime.
4. Les dispositions du 2° de l'article 2 du décret susvisé n°86-83 du 17 janvier 1986 qui prévoient que les prestations dues au titre de la législation sur les accidents du travail et maladies professionnelles aux agents non titulaires, qui n'ont pas été recrutés ou employés à temps incomplet ou sur des contrats à durée déterminée d'une durée inférieure à un an, sont servies par l'administration employeur, ne peuvent être utilement invoquées par M. B..., lequel ne conteste pas que la réglementation du régime général de sécurité sociale ainsi que celle relative aux accidents du travail et maladies professionnelles sont applicables à ces mêmes agents, en vertu du premier alinéa du même article.
5. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 4 que c'est à tort que le tribunal administratif a, sur le fondement des principes applicables aux fonctionnaires issus des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires, jugé que la responsabilité sans faute de l'Etat était engagée.
6. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. B....
S'agissant de la responsabilité de l'Etat du fait du défaut d'entretien de l'ouvrage public :
7. En invoquant la responsabilité présumée de l'administration, en particulier, en raison de l'état vétuste de la poutre depuis laquelle il a chuté le jour de son accident, M. B... invoque le défaut d'entretien normal d'un ouvrage public. Toutefois, le document d'une agence de détectives privés versé au dossier, qui serait fondé sur l'audition de personnels participants à la préparation sportive souhaitant conserver l'anonymat, est insuffisamment probant et ne permet pas, à lui seul, de tenir pour établi un tel état de vétusté de la poutre. En tout état de cause, ce bien meuble, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'il ait été fixé au sol, ne peut être regardé, en l'absence de tout aménagement particulier, comme un élément de l'ouvrage public. Par suite, l'accident dont M. B... a été victime n'est pas imputable à un ouvrage public.
S'agissant de la responsabilité pour faute de l'Etat :
8. En premier lieu, M. B... n'établit pas, par les éléments produits, notamment le rapport susmentionné d'enquête établi par un détective privé le 26 mars 2021, qui n'éclairent pas suffisamment les circonstances de l'accident ou bien qui se limitent à reproduire ses dires, l'absence alléguée d'équipement de sécurité ou de protection autour de la poutre à hauteur d'homme lors de l'entraînement du 26 mars 2013 alors que l'administration soutient au contraire en défense que des tapis et tatamis étaient installés au sol dans le gymnase afin de prémunir un risque de blessure. M. B... n'établit pas davantage le caractère défectueux ou non conforme du matériel utilisé ou la vétusté de la poutre. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que l'accident de M. B... serait imputable à une défaillance ou une négligence de l'administration dans l'organisation de l'entraînement ou que cette dernière aurait manqué à ce titre à son obligation de sécurité et de protection.
9. En deuxième lieu, si M. B... se plaint d'un retard de prise en charge et d'une prise en charge inadéquate après l'accident en l'absence d'appel au service d'aide médicale urgente, il résulte de l'instruction qu'après sa chute, il a été vu par un moniteur puis conduit à l'infirmerie de l'école où l'infirmière qui l'a reçu lui a conseillé la consultation d'un médecin généraliste. Ce dernier, après examen le même jour, a établi un certificat médical indiquant un traumatisme du genou gauche en cours d'exploration. Il n'est pas contesté que ce médecin ne l'a pas orienté vers une prise en charge médicale urgente et il ressort en revanche des écritures de M. B... que le soir de l'accident, le commandant du service de police aux frontières a demandé qu'il soit escorté à la clinique la plus proche. Dans ces circonstances et alors que le référentiel national de compétences de sécurité civile invoqué par le requérant se borne à définir de simples recommandations sur des conduites à tenir, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration aurait commis un manquement dans la prise en charge du requérant après sa blessure.
10. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires applicable au litige, dont les dispositions sont désormais reprises à l'article L. 133-2 du code général de la fonction publique : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ". Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.
11. L'administration ne peut être tenue pour responsable des difficultés de prise en charge liées à la présentation de documents du ministère de l'intérieur, dénommés triptyques permettant la prise en charge des frais médicaux sans que l'agent ait besoin d'en faire l'avance dans la mesure où les professionnels de santé sont libres de refuser ce système plus favorable aux agents que ce que prévoit la législation. Par ailleurs, M. B... n'établit pas le caractère injustifié du refus de prise en charge d'un électro-stimulateur. L'administration n'a, en outre, commis aucune faute en ne donnant pas suite aux deux demandes de formation présentées par le requérant dès lors qu'il n'est pas contesté que la formation sollicitée n'était pas programmée sur la période considérée. Enfin, la cour administrative d'appel de Marseille, par un arrêt n°17MA03596 du 17 septembre 2019, a relevé l'absence de faute de l'Etat dans la mise en œuvre des titres de perception opposés à l'intéressé estimant que ce dernier n'établissait pas le caractère indu des sommes ainsi mises à sa charge.
12. Les éléments invoqués par M. B... tels que les retards de paiement de frais médicaux, refus de soins prescrits sans justification, refus de formation infondés, la proposition de reclassement inadaptée, le courrier laissé dans sa boite à lettres, l'absence de communication du bulletin de salaire de février 2015 malgré ses demandes, les prélèvements indus sur salaires et l'émission de titres de perception indus, pris dans leur ensemble, ne sont pas susceptibles, eu égard à ce qui a été dit au point précédent, de faire présumer l'existence d'agissements de harcèlement moral de la part de l'administration.
13. En revanche, l'administration a admis, dès la première instance qu'une somme de 2 184,13 euros doit être reversée à M. B..., au titre des prélèvements sur salaires qu'elle a effectués. Ce point n'est pas contesté en appel.
14. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une expertise, que l'Etat est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif l'a condamné à indemniser M. B... au titre de sa responsabilité sans faute. Ainsi, l'article 1er du jugement attaqué doit être annulé. L'Etat doit cependant être condamné à verser à M. B... une somme de 2 184,13 euros, assortie des intérêts à compter du 23 mars 2017, date de réception de sa demande préalable.
En ce qui concerne les demandes d'injonction :
15. L'Etat étant seulement condamné à reverser un excédent de prélèvement sur les salaires de M. B..., l'exécution du présent arrêt n'implique, par voie de conséquence, ni d'ordonner la communication du bulletin de salaire du requérant pour le mois de février 2015, ni d'enjoindre à l'administration de lui régler une pension d'invalidité, ni d'accorder une provision à M. B... ou encore de réserver l'examen des postes de véhicule et de réfection de salle d'eau adaptée. Au demeurant, par l'arrêt précité du 17 septembre 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a déjà rejeté les conclusions de M. B... tendant à la communication de son bulletin de salaire de février 2015 et par un arrêt n°20MA02792 du 20 juillet 2021, elle a également rejeté ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de lui verser une rente d'accident de travail.
Sur les frais liés aux litiges :
16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 960 euros, à la charge définitive de l'Etat.
17. Les frais engagés par M. B... pour se faire assister par un médecin expert ne font pas partie des dépens de la présente instance. La demande de M. B... sur ce point, présentée sur le fondement des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ne peut donc qu'être rejetée.
18. Le tribunal administratif n'a pas fait une insuffisante appréciation des frais exposés par M. B... en première instance en limitant à 1 500 euros la somme qu'il lui a allouée à ce titre.
19. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, la somme que demande M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : L'article 1er du jugement n° 2004520 du 16 avril 2021 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. B... une somme de 2 184,13 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 mars 2017.
Article 3 : Les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 960 euros, sont laissés à la charge définitive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à la caisse primaire d'assurance maladie des Pyrénées-Orientales.
Délibéré après l'audience du 6 juin 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Blin, présidente assesseure,
M. Teulière, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2023.
Le rapporteur,
T. Teulière
La présidente,
A. Geslan-Demaret
La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N°21TL02327