CAA de DOUAI, 2ème chambre, 27/06/2023, 22DA00753, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler le certificat de suspension du 27 janvier 2020 par lequel le ministre de l'action et des comptes publics a suspendu en totalité, à compter du 1er janvier 2019, le paiement de l'allocation n° 9 dont est assortie sa pension militaire d'invalidité n° 17-001.601 F et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par une ordonnance n° 2000609 du 24 février 2022, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande en application des dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 juin 2022 et 4 janvier 2023, M. B..., représenté par Me Hélène Detrez Cambrai, demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) d'annuler le certificat de suspension du ministre de l'action et des comptes publics du 27 janvier 2020 ;
3°) d'enjoindre à l'autorité compétente de procéder à l'édiction d'une décision administrative tendant à l'attribution de l'allocation spéciale n°9 sans que le montant à percevoir puisse être inférieur à celui afférent à l'indice de pension, avec effet rétroactif, dans un délai de sept jours à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 48 480 euros en réparation de son préjudice financier ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son avocat, d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation de celui-ci à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- l'ordonnance est irrégulière dès lors que, d'une part, la décision litigieuse du 27 janvier 2020, qui ne constitue pas une simple lettre d'information, ne comportait aucune mention s'agissant du recours administratif préalable obligatoire prévu à l'article L. 711-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, d'autre part, le tribunal s'est trompé en prenant la décision de la commission de recours d'invalidité du 16 octobre 2018 comme une réponse à sa demande de régularisation alors que cette pièce a été produite dans une autre instance et que la demande de régularisation concernait uniquement la production d'une demande indemnitaire préalable ;
- l'ordonnance ayant été prise plus de deux ans après l'introduction de sa requête, il pouvait légitiment croire que sa requête serait examinée sur le fond ;
- le tribunal aurait dû réinterpréter ses conclusions comme tendant, non seulement à la reprise du versement de l'allocation spéciale n°9, mais également à l'indemnisation de sa perte de revenus ;
- la décision litigieuse du 27 janvier 2020 est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il remplissait les conditions d'attribution de l'allocation n°9, ses ressources à compter du 1er janvier 2019 étant inférieures au montant correspondant à 900 points d'indice.
- il est en droit de solliciter la somme de 48 480 euros sur le fondement de la responsabilité sans faute de l'Etat en réparation du préjudice résultant de la perte de revenus générée par son invalidité imputable au service.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 octobre 2022 et 9 février 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête de M. B....
Il soutient que :
- la demande indemnitaire de M. B... est irrecevable en ce qu'elle constitue une demande nouvelle en appel ;
- les moyens soulevés dans la requête ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 avril 2022.
Par une ordonnance du 10 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 février 2023 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
-le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère,
- et les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B... est titulaire d'une pension militaire d'invalidité au taux de 55% qui lui a été concédée par arrêté du ministre des armées du 17 juillet 2017 à la suite d'une fracture du scaphoïde carpien droit résultant d'un accident survenu le 28 juillet 1970 lors de son service militaire et reconnu imputable au service. Il perçoit également l'allocation spéciale n°9 prévue par l'article L. 131-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Par courrier du 27 janvier 2020, le ministre de l'action et des comptes publics l'a informé que le paiement de cette allocation faisait l'objet d'une suspension totale à compter du 1er janvier 2019 dès lors que ses services avaient constaté que le montant total des sommes perçues au titre de ses retraites servies par la caisse d'assurance retraite et santé au travail (CARSAT) Nord-Picardie, l'association générale des institutions de retraite des cadres (AGIRC) et l'association des régimes de retraite complémentaire (ARRCO), était supérieur à celui correspondant à 900 points d'indice pour l'année 2019. Par une décision du même jour, il a certifié qu'il y avait lieu de suspendre en totalité, à compter du 1er janvier 2019, le paiement de l'allocation n° 9 dont était assortie la pension militaire d'invalidité de l'intéressé, sans que le montant à percevoir puisse être inférieur à celui afférent à l'indice de pension 269,20. M. B... relève appel de l'ordonnance du 24 février 2022 par laquelle le président de la 1ère chambre du tribunal administratif d'Amiens a, en application des dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, rejeté sa demande tendant à l'annulation du certificat de suspension du 27 janvier 2020 et demande à la cour de condamner l'Etat à lui verser une somme de 48 480 euros au titre de son préjudice financier.
Sur la fin de non-recevoir soulevée à l'encontre des conclusions indemnitaires :
2. M. B... demande à la cour de condamner l'Etat, sur le fondement de la responsabilité sans faute, à lui verser la somme de 48 480 euros en réparation du préjudice financier résultant de la perte de revenus générée par son invalidité imputable au service. Toutefois, de telles conclusions, qui n'ont pas été soumises aux premiers juges, ont le caractère de conclusions nouvelles en cause d'appel et sont, par suite, irrecevables. La circonstance que M. B... ait, d'une part, indiqué dans un courrier du 30 janvier 2019 adressé au ministre des armées qu'il souhaitait que l'allocation spéciale n°9 prévue par l'article L. 131-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre lui soit à nouveau versée à hauteur de 300 euros mensuels " ou qu'une autre solution soit trouvée " et, d'autre part, précisé à la cour dans sa requête du 31 mars 2022 que la saisine du tribunal avait pour objet de faire revenir l'administration sur sa décision de suspension de versement de l'allocation spéciale n°9 et " de lui demander de bien vouloir étudier la possibilité " de l'indemniser, n'a pas pour effet de pallier l'absence de conclusions indemnitaires figurant dans sa demande présentée devant le tribunal. Par suite, il y a lieu d'accueillir la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et de rejeter les conclusions indemnitaires présentées par M. B....
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
3. D'une part, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les (...) présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : / (...) / 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...). "
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 711-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Les recours contentieux contre les décisions individuelles prises en application du livre Ier et des titres Ier à III du livre II sont précédés d'un recours administratif préalable exercé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article R. 711-1 de ce code : " Tout recours contentieux formé à l'encontre des décisions individuelles prises en application des dispositions du livre Ier et des titres Ier à III du livre II du présent code est précédé, à peine d'irrecevabilité, d'un recours administratif préalable obligatoire examiné par la commission de recours de l'invalidité, placée conjointement auprès du ministre de la défense et du ministre chargé du budget. (...). / Le recours administratif formé auprès de la commission conserve le délai de recours contentieux jusqu'à la notification de la décision prévue à l'article R.711-15. (...) ".
5. L'institution, par les dispositions ci-dessus rappelées, d'un recours administratif préalable obligatoire à la saisine du juge, a pour effet de laisser à l'autorité compétente pour en connaître le soin d'arrêter définitivement la position de l'administration. Il s'ensuit que la décision prise à la suite de ce recours se substitue en principe à la décision initiale et qu'elle est seule susceptible de faire l'objet d'un recours contentieux.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... n'a pas justifié de l'exercice d'un recours administratif préalable obligatoire devant la commission de recours de l'invalidité avant de saisir le tribunal administratif d'Amiens de sa demande tendant à l'annulation du certificat du ministre de l'action et des comptes publics du 27 janvier 2020 suspendant en totalité, à compter du 1er janvier 2019, le paiement de l'allocation n° 9 dont était assortie sa pension militaire d'invalidité alors que, d'une part, une telle allocation avait été prise en application du livre 1er du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et, d'autre part, ce certificat, dont il n'est pas contesté que l'intéressé en a eu notification, comportait la mention d'un tel recours. L'intéressé ne peut utilement se prévaloir de ce que le courrier du 27 janvier 2020 par lequel le ministre de l'action et des comptes publics l'a informé que le paiement de cette allocation faisait l'objet d'une suspension totale à compter du 1er janvier 2019, ne comportait pas l'indication du recours administratif préalable obligatoire exigé par les dispositions précitées de l'article R. 711-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dès lors que ce courrier d'information ne présente aucun caractère décisoire. Il suit de là que le président de la première chambre du tribunal administratif d'Amiens, qui n'était pas tenu d'inviter M. B... à régulariser ses écritures, a pu, sans irrégularité, rejeter la demande de l'intéressé au motif qu'elle était manifestement irrecevable sans qu'y fasse obstacle la circonstance que le tribunal lui avait adressé le 12 mars 2020 une demande de régularisation portant sur la production de la preuve de l'envoi et de la réception par l'administration d'une demande indemnitaire préalable et qu'il avait considéré à tort que la décision de la commission de recours d'invalidité du 16 octobre 2018 portant sur sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité, qui avait été produite dans le cadre d'une autre instance, était une réponse à cette demande de régularisation.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la première chambre du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à Me Hélène Detrez-Cambrai.
Délibéré après l'audience publique du 13 juin 2023 à laquelle siégeaient :
- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,
- M. Marc Baronnet, président-assesseur,
- Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 juin 2023.
La rapporteure,
Signé : S. StefanczykLa présidente de chambre,
Signé : A. Seulin
La greffière,
Signé : A.S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière
Anne-Sophie Villette
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N°22DA00753