CAA de PARIS, 5ème chambre, 17/07/2023, 22PA03329, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision17 juillet 2023
Num22PA03329
JuridictionParis
Formation5ème chambre
PresidentMme VRIGNON-VILLALBA
RapporteurMme Cécile VRIGNON-VILLALBA
AvocatsGUITTON

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler les arrêtés du 22 octobre 2019 et du 10 juillet 2020 par lesquels le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a maintenue en congé de longue maladie, respectivement du 1er septembre 2019 au 29 février 2020 et du 1er mars au 31 août 2020, pendant l'instruction de son dossier de retraite pour invalidité, ainsi que l'arrêté du 12 août 2020 portant mise à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 1er septembre 2020, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie pour laquelle elle a été mise à la retraite pour invalidité et de condamner l'Etat à réparer les préjudices qu'elle estime avoir subis.

Par un jugement n° 1912249, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes.
Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 19 juillet et 10 novembre 2022,
Mme B..., représentée par Me Guitton, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1912249 du 11 mars 2022 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler les arrêtés du 22 octobre 2019 et du 10 juillet 2020 par lesquels le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a maintenue en congé de longue maladie, respectivement du 1er septembre 2019 au 29 février 2020 et du 1er mars au 31 août 2020, pendant instruction de son dossier de retraite pour invalidité, ainsi que l'arrêté du 12 août 2020 portant mise à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 1er septembre 2020 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Guitton de la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- aucune proposition de reclassement sur un autre emploi ne lui a été faite, en méconnaissance des dispositions de l'article 27 du décret du 14 mars 1986 ;
- le caractère définitif de son inaptitude à toute fonction n'est pas établi ;
- son invalidité est imputable au service.

Par une ordonnance du 2 février 2023, la clôture de l'instruction de l'affaire a été fixée au 2 mars 2023 à 12h00.
Un mémoire a été présenté par le ministre de l'intérieur et des outre-mer le 14 juin 2023, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 11 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vrignon-Villalba,
- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique,
- et les observations de Me Guitton, pour Mme B....


Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., agent administratif au sein de la préfecture de la Seine-Saint-Denis, a été placée en congé exceptionnel, à plein traitement, du 31 janvier 2013 au 28 février 2018, puis en congé longue maladie à compter du 1er mars 2018. Le comité médical a, par avis du 29 janvier 2019, estimé que Mme B... était définitivement inapte à exercer toute fonction. Par des arrêtés du 12 février 2019, du 22 octobre 2019 et du 10 juillet 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a maintenu l'intéressée en congé longue maladie dans l'attente de l'instruction de sa demande de retraite pour invalidité présentée le 18 février 2019. Par un arrêté du 12 août 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a, après avis de la commission de réforme en date du 10 mars 2020, placé Mme B... en retraite anticipée pour invalidité non imputable au service, à compter du 1er septembre 2020. Mme B... relève appel du jugement du 11 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil, qui l'a regardée comme demandant l'annulation des arrêtés des 22 octobre 2019, 10 juillet 2020 et 12 août 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis, la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie et l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis, a rejeté sa demande.

En ce qui concerne les arrêtés du 22 octobre 2019 et du 10 juillet 2020 :
2. Mme B... ne soulève, en appel, aucun moyen à l'appui de ses conclusions dirigées contre les arrêtés du 22 octobre 2019 et du 10 juillet 2020 par lesquels le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a maintenue en congé de longue maladie, respectivement du 1er septembre 2019 au 29 février 2020 et du 1er mars au 31 août 2020, pendant l'instruction de son dossier de retraite pour invalidité. Par suite, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées.
En ce qui concerne l'arrêté du 12 août 2020 :

3. D'une part, aux termes des dispositions de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi
n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office ; dans ce dernier cas, la radiation des cadres est prononcée sans délai si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement, ou à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé si celle-ci a été prononcée en application du 2° de l'article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée ou à la fin du congé qui lui a été accordé en application des 3° et 4° du même article 34. L'intéressé a droit à la pension rémunérant les services prévue au 2° du I de l'article L. 24 du présent code, sous réserve que ses blessures ou maladies aient été contractées ou aggravées au cours d'une période durant laquelle il acquérait des droits à pension ".

4. D'autre part, selon l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Lorsqu'un fonctionnaire est reconnu, par suite d'altération de son état de santé, inapte à l'exercice de ses fonctions, le poste de travail auquel il est affecté est adapté à son état de santé. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ce fonctionnaire peut être reclassé dans un emploi d'un autre corps ou cadre d'emplois en priorité dans son administration d'origine ou, à défaut, dans toute administration ou établissement public mentionnés à l'article 2 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, s'il a été déclaré en mesure de remplir les fonctions correspondantes (...) / Le fonctionnaire reconnu inapte à l'exercice de ses fonctions a droit, selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat, à une période de préparation au reclassement, avec traitement d'une durée maximale d'un an. Cette période est assimilée à une période de service effectif (...) ". Et aux termes de l'article 27 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréées, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois public et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " (...) / Lorsqu'un fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical : en cas d'avis défavorable, s'il ne bénéficie pas de la période de préparation au reclassement prévue par le décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 pris en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat en vue de faciliter le reclassement des fonctionnaires de l'Etat reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions, il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme. Le paiement du demi-traitement est maintenu, le cas échéant, jusqu'à la date de la décision de reprise de service, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite. (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que, le 18 mai 2019, le docteur C..., qui a examiné Mme B... à la demande du comité médical, a écrit au médecin traitant de l'intéressée pour lui indiquer qu'il préconisait, compte tenu de son état de santé, un congé longue maladie de six mois, renouvelable six mois, et qu'il avait évoqué avec Mme B... une mise à la retraite pour invalidité. Par un avis du 29 janvier 2019, le comité médical départemental a conclu à l'inaptitude totale et définitive à toutes fonctions de Mme B... et rendu un avis favorable à sa mise à la retraite pour invalidité. Il ressort notamment des termes non contestés de la lettre du 22 octobre 2019 adressée par le chef du bureau des ressources humaines de la préfecture à Mme B... que celle-ci a sollicité, le 18 février 2019, sa mise à la retraite pour invalidité à compter du 1er septembre 2019. Par un avis du 10 mars 2020, la commission de réforme a également rendu un avis favorable à la mise en retraite pour invalidité de l'intéressée.

6. En premier lieu, les certificats et documents médicaux produits par Mme B..., à savoir la fiche de visite établie le 23 février 2017 par le médecin du service de prévention, qui indique qu'en raison de son état de santé, Mme B... " doit travailler avec une pression minimale, sans contact avec le public (même au téléphone), sans open space,
en-dehors d'un milieu bruyant ", le certificat médical de son médecin traitant du 10 mars 2017 selon lequel " Afin de favoriser son retour au travail, il me semble nécessaire de tenir compte de son handicap et de ses difficultés psychologiques, notamment en lui évitant autant que possible un open-space et un stress trop important " et la décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées du 27 avril 2017, qui accorde à l'intéressée la qualité de travailleur handicapé pour la période du 10 septembre 2017 au 9 septembre 2022, en précisant " maintien dans l'emploi avec le soutien de votre organisme de référence ", qui sont antérieurs à l'avis rendu par le comité médical, sont insuffisants pour infirmer le constat d'inaptitude définitive à toutes fonctions fait tant par le comité que par la commission de réforme.
7. En deuxième lieu, dès lors que Mme B... était définitivement inapte à toutes fonctions, et alors au surplus qu'elle ne conteste pas avoir elle-même demandé à être placée à la retraite pour invalidité, ainsi qu'il a été dit au point 5, l'administration n'était pas tenue de l'inviter à présenter une demande de reclassement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions, mentionnées au point 4, de l'article 27 du décret du 14 mars 1986 doit être écarté.


8. En troisième lieu, il ressort des termes de l'avis rendu par la commission de réforme à l'issue de sa séance du 10 mars 2020 que celle-ci a considéré que l'état de santé de Mme B..., conduisant à sa mise à la retraite pour invalidité, n'était pas imputable au service. L'intéressée, qui ne conteste pas ne pas avoir sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie avant sa mise à la retraite, n'apporte aucun élément permettant de remettre en cause l'avis de la commission de réforme et l'appréciation qui a été faite, sur la base de cet avis, par le préfet de la Seine-Saint-Denis. Par suite, le moyen tiré de ce que Mme B... ne pouvait pas être mise à la retraite sur le fondement des dispositions, citées au point 3, de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite, doit être écarté.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'annulation, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.


DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 28 juin 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Vrignon-Villalba, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Aggiouri, premier conseiller,
- M. Perroy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 juillet 2023.


L'assesseur le plus ancien
K. AGGIOURILa présidente rapporteure
C. VRIGNON-VILLALBA

La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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