CAA de PARIS, 8ème chambre, 08/07/2025, 23PA03458
Date de décision | 08 juillet 2025 |
Num | 23PA03458 |
Juridiction | Paris |
Formation | 8ème chambre |
President | Mme MENASSEYRE |
Rapporteur | Mme Virginie LARSONNIER |
Commissaire | Mme BERNARD |
Avocats | SELARL DAUSQUE AVOCAT |
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... E... et Mme C... G... épouse E..., Mme A... E... et M. D... E... ont demandé au tribunal administratif de Paris, à titre principal, de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du tribunal judiciaire de Paris dans le litige les opposant à la société Biocal et à son assureur, la S.A. Gan Outre-mer Iard, et à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à verser à M. F... E... la somme globale de 892 830,65 euros en réparation des préjudices subis en raison du diagnostic tardif de sa maladie, à Mme C... E..., son épouse, les sommes de 20 435,46 euros au titre de ses pertes de revenus et de 40 000 euros au titre de son préjudice d'affection, à Mme A... E... et à M. D... E..., ses enfants, la somme de 40 000 euros chacun au titre de leur préjudice d'affection, assorties des intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation en référé expertise du 1er septembre 2014 et de leur capitalisation.
Par un jugement n° 2006582/6-2 du 13 juin 2023, le tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser, d'une part, à M. F... E... la somme de 86 461 euros, à Mme C... E..., la somme de 3 000 euros, à Mme A... E... et M. D... E..., la somme de 1 500 euros chacun, assorties des intérêts au taux légal à compter du 26 décembre 2019 et de la capitalisation des intérêts échus à la date du 26 décembre 2019, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, et, d'autre part, à la caisse nationale militaire de sécurité sociale la somme de 77 426,24 euros au titre de ses débours, assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2021 et de la capitalisation des intérêts échus à la date du 15 octobre 2022, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, ainsi que la somme de 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, et a mis à la charge de l'Etat les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 3 622,50 euros ainsi que la somme de 2 000 euros à verser aux consorts E... et la somme de 1 000 euros à verser à la caisse nationale militaire de sécurité sociale au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
I°/ Par une requête et des mémoires enregistrés sous le n° 23PA03458 le 30 juillet 2023, les 15 et 24 avril 2024 et les 29 et 30 avril et le 14 mai 2025, M. F... E... et Mme C... G... épouse E..., Mme A... E... et M. D... E..., représentés par Me Dausque, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) à titre principal, d'annuler le jugement du 13 juin 2023 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il n'a pas fait droit à leur demande de sursis à statuer ;
2°) de surseoir à statuer dans l'attente du caractère définitif du jugement du 17 février 2025 du tribunal judiciaire de Paris rendu dans la procédure les opposant à la société Biocal et à son assureur, la S.A. Gan Outre-mer Iard ;
3°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement du 13 juin 2023 du tribunal administratif de Paris en ce qu'il ne fait pas droit à l'intégralité de leurs demandes indemnitaires ;
4°) de condamner l'Etat à verser à M. E... la somme globale de 937 402,74 euros en réparation des préjudices subis en raison du retard dans le diagnostic de sa maladie ou, à défaut, la somme de 892 930,65 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation en référé expertise du 1er septembre 2014 et de leur capitalisation ;
5°) de condamner l'Etat à verser à Mme C... E..., son épouse, les sommes de 20 435,46 euros au titre de ses pertes de revenus et de 40 000 euros au titre de son préjudice d'affection, assorties des intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation en référé expertise du 1er septembre 2014 et de leur capitalisation ;
6°) de condamner l'Etat à verser à Mme A... E... et à M. D... E..., ses enfants, la somme de 40 000 euros chacun au titre de leur préjudice d'affection, assorties des intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation en référé expertise du 1er septembre 2014 et de leur capitalisation ;
7°) de rejeter les conclusions d'appel incident présentées par l'Etat ;
8°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 20 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Ils soutiennent, dans le dernier état de leurs écritures, que :
- leurs conclusions indemnitaires sont recevables quand bien même elles excédent le montant sollicité en première instance ;
- il convient de sursoir à statuer dans l'attente du caractère définitif du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 17 février 2025 condamnant solidairement la SELAS Biocal et la société Gan Outre-mer Iard à réparer les préjudices qu'ils ont subis en raison du retard de diagnostic de la pathologie de M. F... E... ;
- c'est à tort que les premiers juges n'ont pas sursis à statuer dans l'attente du jugement du tribunal judiciaire de Paris ;
- la responsabilité de l'Etat est engagée en raison du diagnostic tardif de la pathologie de M. F... E... ;
- ils sont fondés à solliciter la réparation intégrale de leurs préjudices ; il n'y a pas lieu d'appliquer un taux de perte de chance ; en tout état de cause, le taux de perte de chance ne pourra être inférieur à 90 % ;
- il n'y a pas lieu d'appliquer un partage de responsabilité entre l'Etat et la société Biocal qui sont solidairement responsables des préjudices subis par les consorts E... ;
- en qualité de victime directe, M. F... E... est fondé à solliciter le versement des sommes suivantes, en réparation des préjudices subis :
* S'agissant des préjudices patrimoniaux temporaires :
o 141 756,78 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels ;
o 4 108,01 euros au titre des frais de déplacement ;
o 586,40 euros au titre des frais de déplacement aux opérations d'expertise ;
o 5 100 euros au titre de ses frais de médecin conseil ;
o 27 146 euros au titre de ses frais de formation et de reconversion ;
o 57 865,50 euros au titre de l'assistance temporaire par une tierce personne ou, en tout état de cause, 46 200 euros, le taux horaire à retenir ne pouvant être inférieur à 20 euros ;
* S'agissant des préjudices patrimoniaux permanents :
o 337 398,65 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs ;
o 231 661,40 euros au titre de l'incidence professionnelle ;
* S'agissant des préjudices extra patrimoniaux temporaires :
o 18 780 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, incluant le préjudice sexuel temporaire et le préjudice d'agrément ;
o 60 000 euros au titre des souffrances endurées, eu égard à la lourdeur du traitement et à l'angoisse de son éventuel décès, ses chances de survie étant faibles ;
o 8 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;
* S'agissant des préjudices extra patrimoniaux permanents :
o 5 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;
o 40 000 euros au titre du préjudice moral d'impréparation lié à la découverte tardive de sa pathologie et de ce que son pronostic vital était engagé ;
- Mme C... E..., épouse de M. F... E... est fondée à solliciter le versement des sommes suivantes, en réparation des préjudices subis :
* 20 435,46 euros au titre de la perte de revenus dès lors que du fait de la maladie de son mari, elle n'a pas pu rechercher immédiatement un emploi à leur retour de Nouvelle-Calédonie ;
* 40 000 euros au titre du préjudice d'affection ;
- A... et D... E..., les enfants de M. E..., âgés respectivement de 11 et 13 ans au moment des faits, sont fondés à solliciter le versement d'une somme de 40 000 euros chacun, au titre de leur préjudice d'affection.
Par des mémoires enregistrés le 12 mars 2024 et le 25 février 2025, la caisse nationale militaire de sécurité sociale (CNMSS), représentée par Me Fertier, demande à la cour :
1°) de confirmer le jugement en ce qu'il fait droit à sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui rembourser ses débours et à lui verser la somme de 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;
2°) de réformer ce jugement et de porter à 110 776,24 euros la somme mise à la charge de l'Etat au titre de ses débours et à 1 212 euros la somme au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient qu'elle est fondée à solliciter, en remboursement des frais exposés pour le compte de son assuré, la somme de 108 295,76 euros au titre des dépenses de santé ainsi que la somme de 2 480,48 euros au titre des frais de transport.
Par des mémoires en défense enregistrés le 11 avril 2024 et le 11 avril 2025, le ministre des armées demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) à titre principal, d'annuler le jugement du 13 juin 2023 et d'ordonner une nouvelle expertise médicale aux fins pour l'expert de préciser si l'erreur de diagnostic commise par le médecin du service de santé des armées est à l'origine d'une simple perte de chance d'échapper pour M. E... à l'aggravation de son état de santé et le cas échéant de déterminer le taux de cette perte de chance ;
2°) à titre subsidiaire, de réduire à de plus justes proportions le montant des indemnités allouées par le tribunal aux consorts E... et, en tout état de cause, d'appliquer un taux de perte de chance sur les sommes mises à sa charge en réparation des préjudices des consorts E... et au titre des débours de la CNMSS et de retenir un partage de responsabilité avec la société Biocal ;
3°) de déduire du montant de l'indemnisation mise à sa charge le montant des indemnités allouées aux consorts E... et à la CNMSS par le jugement du 17 février 2025 du tribunal judiciaire de Paris, lesquels ont été doublement indemnisés ;
Il soutient que :
- les conclusions indemnitaires des consorts E... présentées en appel sont irrecevables en tant que leur montant excède celui réclamé en première instance ;
- à supposer même que la lecture des résultats par le médecin des armées ait correctement été effectuée et des examens complémentaires prescrits, il n'est pas établi, compte tenu des connaissances scientifiques actuelles, que le diagnostic de lymphome non hodgkinien aurait pu être posé dès novembre 2012 ni qu'un diagnostic plus précoce aurait permis d'éviter une évolution de la maladie vers le stade IV ; le lien de causalité entre la faute commise et les préjudices liés à l'aggravation au stade IV de la maladie n'est pas certain ;
- en tout état de cause, la faute commise par le médecin des armées n'a fait perdre à M. E... qu'une chance d'échapper à l'aggravation de son état de santé ;
- un complément d'expertise devra être ordonné, à titre principal, aux fins pour l'expert de préciser si l'erreur de diagnostic commise par le médecin du service de santé des armées est à l'origine d'une simple perte de chance pour M. E... d'échapper à l'aggravation de son état de santé et le cas échéant de déterminer le taux de cette perte de chance ;
- en outre, la société Biocal ayant contribué pour moitié à la réalisation du dommage, il ne peut être condamné à réparer les préjudices subis par les consorts E... qu'à hauteur de 50 % ;
- à titre subsidiaire, sur l'évaluation des préjudices :
En ce qui concerne M. E... :
S'agissant de la perte de gains professionnels actuels :
- M. E... aurait été placé en arrêt maladie même en l'absence du retard fautif de diagnostic et n'aurait pas ainsi bénéficié de l'indemnité du personnel naviguant ; dans ces conditions, la perte du bénéfice de cette indemnité ne doit pas être indemnisée ;
- il n'a pas subi de pertes de revenus imputables au retard fautif de diagnostic et ses revenus ont, en tout état de cause, été garantis par la CNMSS ;
- il a fait une demande de placement en congé du personnel navigant le 26 mars 2012, transmise le 26 juillet 2012, soit antérieurement au retard de diagnostic ; la faute commise a seulement eu pour effet d'avancer la réalisation de ce projet ; dans ces conditions, l'indemnisation au titre du manque à gagner de l'intéressé du fait de son placement en congé du personnel naviguant doit être rejetée ;
- en l'état des connaissances scientifiques, le lien de causalité entre le retard de diagnostic et le retard au retour à l'emploi de M. E... n'est pas établi ; du fait de son arrêt maladie, il aurait été empêché, en tout état de cause, d'occuper le poste de commandant de bord au sein de la compagnie Eastern Airways ; l'indemnisation sollicitée au titre de la période pendant laquelle il n'a pas été en mesure d'intégrer son nouveau poste doit être rejetée ;
S'agissant des frais de déplacements hospitaliers :
- eu égard au taux de perte de chance et au partage de responsabilité, l'indemnité de 4 100 euros allouée par le tribunal sera ramenée à de plus justes proportions ;
S'agissant des frais de déplacements hospitaliers :
- eu égard au taux de perte de chance et au partage de responsabilité, l'indemnité de 369 euros allouée par le tribunal sera ramenée à de plus justes proportions ;
S'agissant du remboursement des frais du médecin conseil :
- le compte-rendu de consultation du docteur B... n'apportant aucun élément nouveau au regard des rapports d'expertise, c'est à tort que les premiers juges ont mis à sa charge les frais de médecin conseil d'un montant de 5 100 euros ;
S'agissant des frais de formation et de reconversion :
- en l'absence de lien de causalité direct et certain entre le retard de diagnostic et les frais engagés par M. E... dans le cadre de sa reconversion professionnelle envisagée avant la faute commise par le médecin des armées, il n'y a pas lieu de mettre à sa charge le remboursement de ces frais ;
S'agissant de l'assistance par tierce personne :
- les périodes du 15 novembre au 13 décembre 2013 et du 10 avril au 22 mai 2014 correspondant à des périodes d'hospitalisation, c'est à tort que les premiers juges ont retenu pour ces périodes un besoin en assistance par tierce personne ; l'intéressé a eu recours à une assistance par tierce personne non spécialisée seulement pendant onze jours, ce qui correspond sur la base d'un taux horaire de 13 euros à une indemnité de 1 001 euros, avant application du taux de perte de chance et du partage de responsabilité avec la société Biocal ; il conviendra de déduire les crédits d'impôt sur le revenu perçus par M. E... du fait du recours à des services à la personne et le cas échéant, les aides dont il a pu bénéficier ;
S'agissant de la perte de gains professionnels futurs :
- l'absence de reprise d'activité professionnelle de pilote à compter de mai 2016 n'est pas imputable au retard de diagnostic ; en tout état de cause, à supposer cette perte de gains professionnels futurs établie, elle résulterait de la reconversion professionnelle souhaitée par l'intéressé ;
S'agissant de l'incidence professionnelle :
-M. E... a été en mesure d'exercer un emploi de pilote dans l'aviation civile une fois son état de santé consolidé ; le préjudice au titre de l'incidence professionnelle n'est pas établi ;
S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :
- seules les périodes du 15 novembre au 13 décembre 2013 et du 10 avril au 6 mai 2014 sont imputables au retard de diagnostic ; la période de chimiothérapie à hautes doses avec greffe s'est terminée le 6 mai 2014 et non le 6 juin 2014 comme retenu par erreur par les premiers juges ; le taux horaire à retenir est de 16,70 euros ; l'indemnité allouée à M. E... doit être ramenée à 935,20 euros, avant application du taux de perte de chance et du partage de responsabilité avec la société Biocal ;
S'agissant des souffrances endurées :
- l'expert a pris en compte l'ensemble des souffrances endurées du fait du traitement du lymphome malin non hodgkinien à un stade IV et non les seules souffrances en lien avec le retard de diagnostic fautif ; cette part des souffrances endurées imputable de façon directe et certaine avec le retard de diagnostic n'est pas connue ; l'indemnité allouée à M. E... doit être ramenée à 13 000 euros, avant application du taux de perte de chance et du partage de responsabilité avec la société Biocal ;
S'agissant du préjudice esthétique temporaire :
- seul l'amaigrissement important de M. E... à la suite du traitement par autogreffe de cellules souches hématopoïétiques est en lien avec le retard de diagnostic fautif ; la part du préjudice esthétique temporaire imputable de façon directe et certaine avec le retard de diagnostic n'est pas connue ; il ressort de la jurisprudence qu'un tel préjudice peut être évalué à 1 500 euros ; la somme allouée par le tribunal devra être ramenée à de plus justes proportions, avant application du taux de perte de chance et du partage de responsabilité avec la société Biocal ;
S'agissant du préjudice esthétique permanent :
- aucun préjudice esthétique permanent n'est en lien avec le retard de diagnostic ; c'est à tort que les premiers juges ont alloué la somme de 1 500 euros en réparation de ce chef de préjudice ;
S'agissant du préjudice moral d'impréparation :
- les souffrances psychiques sont réparées au titre des souffrances endurées et du déficit fonctionnel permanent ; M. E... ne remplit pas les conditions posées par la jurisprudence du Conseil d'Etat pour obtenir une indemnisation au titre du préjudice moral d'impréparation ; c'est à tort que les premiers juges ont indemnisé ce préjudice ;
En ce qui concerne Mme E... :
- Mme E... qui n'établit pas avoir exercé un emploi avant l'hospitalisation de son mari, ni ne pas avoir pu rechercher un emploi immédiatement après son retour de Nouvelle-Calédonie, n'établit pas avoir subi une perte de revenus ;
-la somme allouée par le tribunal devra être ramenée à de plus justes proportions, avant application du taux de perte de chance et du partage de responsabilité avec la société Biocal ;
En ce qui concerne les enfants de M. E... :
- la somme allouée par le tribunal devra être ramenée à 200 euros, avant application du taux de perte de chance et du partage de responsabilité avec la société Biocal ;
- les consorts E... ont été doublement indemnisés de leurs préjudices à la suite du jugement attaqué du tribunal administratif de Paris ainsi que du jugement du tribunal judiciaire de Paris du 17 février 2025 ; la somme de 110 033,33 euros leur a déjà été versée en exécution du jugement du tribunal administratif de Paris ; il y a lieu de déduire les sommes qui leur ont été allouées par le tribunal judiciaire de Paris ;
En ce qui concerne la CNMSS :
- la CNMSS demande le remboursement des dépenses de santé et des frais de transports exposés pour le compte de son assuré résultant du traitement du lymphome malin non hodgkinien à un stade IV et non les dépenses en lien avec le retard de diagnostic fautif ; la somme allouée par le tribunal devra être ramenée à de plus justes proportions, avant application du taux de perte de chance et du partage de responsabilité avec la société Biocal ;
- la CNMSS a été doublement indemnisée de ses préjudices à la suite du jugement attaqué du tribunal administratif de Paris ainsi que du jugement du tribunal judiciaire de Paris du 17 février 2025 ; la somme de 82 193,71 euros a déjà été versée à la CNMSS en exécution du jugement du tribunal administratif de Paris ; il y a lieu de déduire la somme allouée par le tribunal judiciaire de Paris à la CNMSS.
Par un courrier enregistré le 7 mars 2025, les consorts E... ont produit, à la demande de la cour, le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 17 février 2025.
Les consorts E... ont produit un mémoire enregistré le 16 mai 2025, soit après la clôture d'instruction fixée, par une ordonnance du 30 avril 2025, au 14 mai 2025 à 12 heures.
Par un courrier du 26 mai 2025, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de soulever d'office des moyens d'ordre public tirés de ce que :
- M. E... n'ayant pas exercé devant la commission des recours des militaires instituée par le code de la défense le recours préalable obligatoire contre la décision implicite du ministre de la défense rejetant sa demande indemnitaire préalable, prévu par l'article R. 4125-1 du code de la défense, les conclusions qu'il a présentées devant le tribunal étaient irrecevables ;
- en application du principe selon lequel une personne publique ne peut être condamnée à payer une somme qu'elle ne doit pas (CE Mergui, 19 mai 1971), la cour est susceptible de soulever d'office le moyen tiré de ce que le point de départ de la capitalisation des intérêts demandée par les consorts E... fixé au 26 décembre 2019 par le jugement attaqué est erroné dès lors qu'à cette date, une année entière d'intérêt n'était pas encore due.
Les consorts E... ont présenté des observations, à la suite de cette communication, enregistrées le 28 mai 2025.
Le ministre des armées a présenté des observations à la suite de cette communication, enregistrées le 2 juin 2025.
II°/ Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés sous le n° 23PA03654 le 10 août 2023 et le 12 juin 2024, le ministre des armées demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) à titre principal, l'annulation du jugement n° 2006582/6-2 du 13 juin 2023 du tribunal administratif de Paris et à ce que soit ordonnée une nouvelle expertise médicale ;
2°) à titre subsidiaire, de réduire à de plus justes proportions le montant des indemnités allouées par le tribunal aux consorts E... et à la CNMSS, en tout état de cause, d'appliquer un taux de perte de chance sur les sommes mises à sa charge en réparation des préjudices des consorts E... et de retenir un partage de responsabilité avec la société Biocal.
Il reprend les mêmes moyens que ceux soulevés dans l'instance n° 23PA03458.
Par des mémoires en défense enregistrés les 27 novembre 2023 et 24 avril 2024, M. F... E... et Mme C... G... épouse E..., Mme A... E... et M. D... E..., représentés par Me Dausque, concluent au rejet de la requête et demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) à titre principal, d'annuler le jugement du 13 juin 2023 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il n'a pas fait droit à leur demande de sursis à statuer ;
2°) de surseoir à statuer dans l'attente du jugement du tribunal judiciaire de Paris dans la procédure les opposant à la société Biocal et à son assureur, la S.A. Gan Outre-mer Iard ;
3°) à titre subsidiaire, par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement du 13 juin 2023 du tribunal administratif de Paris en ce qu'il ne fait pas droit à l'intégralité de leurs demandes indemnitaires ;
4°) de condamner l'Etat à verser à M. E... la somme globale de 937 402,74 euros en réparation des préjudices subis en raison du retard dans le diagnostic de sa maladie ou, à défaut, la somme de 892 930,65 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation en référé expertise du 1er septembre 2014 et de leur capitalisation ;
5°) de condamner l'Etat à verser à Mme C... E..., son épouse, les sommes de 20 435,46 euros au titre de ses pertes de revenus et de 40 000 euros au titre de son préjudice d'affection, assorties des intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation en référé expertise du 1er septembre 2014 et de leur capitalisation ;
6°) de condamner l'Etat à verser à Mme A... E... et à M. D... E..., ses enfants, la somme de 40 000 euros chacun au titre de leur préjudice d'affection, assorties des intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation en référé expertise du 1er septembre 2014 et de leur capitalisation ;
7°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 20 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Ils soutiennent qu'il n'y a pas lieu d'ordonner une nouvelle expertise médicale, qui n'a pas été demandée en première instance, et reprennent les mêmes moyens que ceux soulevés dans l'instance n° 23PA03458.
Par un mémoire enregistré le 12 mars 2024, la caisse nationale militaire de sécurité sociale (CNMSS), représentée par Me Fertier, conclut au rejet de la requête et demande à la cour, par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement du tribunal administratif de Paris en ce qu'il a limité l'indemnisation de sa créance à 77 426,24 euros et de porter à 110 776,24 euros la somme mise à la charge de l'Etat au titre de ses débours, et, enfin, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Par ordonnance du 26 avril 2024, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 4 juin 2024 à 12 heures.
Par un courrier du 26 mai 2025, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de soulever d'office des moyens d'ordre public tirés de ce que :
- M. E... n'ayant pas exercé devant la commission des recours des militaires instituée par le code de la défense le recours préalable obligatoire contre la décision implicite du ministre de la défense rejetant sa demande indemnitaire préalable, prévu par l'article R. 4125-1 du code de la défense, les conclusions qu'il a présentées devant le tribunal étaient irrecevables ;
- en application du principe selon lequel une personne publique ne peut être condamnée à payer une somme qu'elle ne doit pas (CE Mergui, 19 mai 1971), la cour est susceptible de soulever d'office le moyen tiré de ce que le point de départ de la capitalisation des intérêts demandée par les consorts E... fixé au 26 décembre 2019 par le jugement attaqué est erroné dès lors qu'à cette date, une année entière d'intérêt n'était pas encore due.
Le ministre des armées a présenté des observations à la suite de cette communication, le 2 juin 2025.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de la défense ;
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le décret n° 2008-967 du 16 septembre 2008 fixant les règles de déontologie propres aux praticiens des armées ;
- l'arrêté du 20 décembre 2012 relatif à la détermination et au contrôle de l'aptitude médicale à servir du personnel militaire ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Larsonnier,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Dausque, avocate des consorts E....
Considérant ce qui suit :
1. M. F... E..., capitaine de corvette sous contrat rattaché au corps des officiers spécialisés de la Marine, de spécialité " pilote d'aéronautique ", a été affecté au détachement de la flottille 25F à Tontouta en Nouvelle-Calédonie. Le 20 novembre 2012, dans le cadre d'une visite médicale périodique du personnel navigant, M. E... a été reçu par le médecin du service des armées qui lui a prescrit des analyses biologiques, qui ont été effectuées le 28 novembre 2012 auprès du laboratoire Calédobio de Païta. Le 17 mai 2013, M. E... a de nouveau été reçu par le médecin du service des armées et a été déclaré apte au vol. Dans le cadre d'un congé du personnel navigant à fin de se reconvertir comme pilote de ligne, autorisé à compter du 1er octobre 2013, M. E... est rentré en métropole. Après avoir constaté une dégradation de son état général, marquée notamment par une perte d'appétit, une perte de poids, une fatigue intense, des nausées et des douleurs hépatiques en octobre 2013, M. E... a consulté son médecin traitant qui, le 13 novembre 2013, lui a prescrit un bilan biologique qui a révélé une hyperlymphocytose, une hypercalcémie ainsi qu'une insuffisance rénale sévère. A compter du 15 novembre 2013, il a été pris en charge en urgence dans le service d'hématologie du centre hospitalier de Lorient. Après de nombreux examens, le diagnostic de lymphome malin non hodgkinien diffus à grandes cellules de type B riche en T de stade IV avec hypercalcémie secondaire à une atteinte osseuse diffuse liée à la maladie a été posé. De décembre 2013 à avril 2014, M. E... a subi six cycles de chimiothérapie. Une autogreffe de cellules souches hématopoïétiques a également été effectuée le 22 avril 2014. En septembre 2014, il a été constaté une réponse complète de la maladie.
2. Le 1er septembre 2014, les consorts E... ont saisi le tribunal de grande instance de Paris d'une demande tendant à la condamnation de la société Biocal et de son assureur, la S.A. Gan Outre-mer Iard, à les indemniser des préjudices subis du fait de la faute commise par le laboratoire Calédobio. Par une ordonnance du 31 octobre 2014, la juge des référés près le tribunal de grande instance de Paris a prescrit une expertise médicale et a désigné les docteurs Rouget et Jadot, qui ont remis leur rapport le 9 novembre 2015, précisant que l'état de santé de M. E... n'étant pas consolidé, une nouvelle expertise médicale devrait être effectuée dans cinq ans. Par une ordonnance du 15 juin 2020, le juge des référés près le tribunal administratif de Paris a, à la demande des consorts E..., prescrit une nouvelle expertise médicale et a désigné les docteurs Paule et Briont, qui ont remis leur rapport le 4 janvier 2021.
3. Par un courrier du 26 décembre 2019, les consorts E... ont formé auprès du ministre de la défense une demande indemnitaire préalable au titre des préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison du retard dans le diagnostic de la maladie de M. F... E... par le médecin du service des armées. Cette demande ayant été implicitement rejetée, les consorts E... ont saisi, le 21 avril 2020, le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant, à titre principal, à ce qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la décision du tribunal judiciaire de Paris et, à titre subsidiaire, à la condamnation de l'Etat à leur verser une indemnité totale de 1 063 266,11 euros en réparation de ces préjudices. Par un jugement du 13 juin 2023, le tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser, d'une part, à M. F... E... la somme de 86 461 euros, à Mme C... E..., la somme de 3 000 euros, à Mme A... E... et M. D... E..., la somme de 1 500 euros chacun, en réparation des préjudices subis du fait du retard de diagnostic de la maladie de M. F... E..., assorties des intérêts au taux légal à compter du 26 décembre 2019 et de la capitalisation des intérêts échus à la date du 26 décembre 2019, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, et, d'autre part, à la caisse nationale militaire de sécurité sociale la somme de 77 426,24 euros au titre de ses débours, assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2021 et de la capitalisation des intérêts échus à la date du 15 octobre 2022 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, ainsi que la somme de 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, a mis à la charge de l'Etat les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 3 622,50 euros ainsi que la somme de 2 000 euros à verser aux consorts E... et la somme de 1 000 euros à verser à la caisse nationale militaire de sécurité sociale au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et, a rejeté le surplus des conclusions des parties. Les consorts E... relèvent appel de ce jugement, à titre principal, en tant qu'il n'a pas fait droit à leur demande de sursis à statuer, et, à titre subsidiaire, en tant qu'il n'a pas fait pas droit à l'intégralité de leurs demandes indemnitaires. L'Etat fait appel de ce jugement en tant qu'il a été condamné à indemniser les consorts E... et demande à la cour, à titre principal, d'ordonner une nouvelle expertise et, à titre subsidiaire, de réduire le montant des indemnités allouées par le tribunal aux consorts E... et à la CNMSS. La CNMSS demande à la cour, par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à sa demande.
Sur la jonction :
4. Les requêtes n° 23PA03458 et 23PA03654 étant dirigées contre le même jugement et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur la régularité du jugement :
5. Il ne résulte d'aucune disposition légale ou réglementaire que le juge administratif serait tenu de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision définitive rendue par le juge judiciaire dans le cadre d'une procédure introduite parallèlement devant lui. Par ailleurs, lorsqu'un dommage trouve sa cause dans plusieurs fautes qui, commises par des personnes différentes ayant agi de façon indépendante, portaient chacune en elle normalement ce dommage au moment où elles se sont produites, la victime peut rechercher la réparation de son préjudice en demandant la condamnation de l'une de ces personnes ou de celles-ci conjointement, sans préjudice des actions récursoires que les coauteurs du dommage pourraient former entre eux. Enfin, la nature et l'étendue des réparations incombant à une autorité administrative en raison d'un dommage dont la responsabilité lui est imputée ne dépendent pas de l'évaluation du dommage faite par l'autorité judiciaire dans un litige où elle n'a pas été partie et n'aurait pu l'être mais doivent être déterminées par le juge administratif, compte tenu des règles afférentes à la responsabilité des personnes morales de droit public. Dans ces conditions, les premiers juges pouvaient, sans entacher d'irrégularité leur jugement, rejeter les conclusions des consorts E... tendant à ce qu'il soit sursis à statuer dans l'attente du jugement définitif du tribunal judiciaire de Paris dans l'affaire les opposant à la SELAS Biocal et à son assureur, la SA Gan Outre-Mer Iard.
Sur la recevabilité des conclusions indemnitaires présentées par M. E... devant le tribunal administratif :
6. L'article L. 4132-1 du code de la défense dispose : Nul ne peut être militaire : (...) / 3° S'il ne présente les aptitudes exigées pour l'exercice de la fonction ; / (...) ". Le contrôle de l'aptitude médicale à servir du personnel militaire repose sur des visites médicales périodiques d'aptitude qui ont vocation à déterminer l'absence, à un instant donné, de cause médicale d'inaptitude cliniquement décelable à une activité, une fonction ou une spécialité précisée.
7. Aux termes de l'article L. 4125-1 du code de la défense : " Les recours contentieux formés par les militaires mentionnés à l'article L. 4111-2 à l'encontre d'actes relatifs à leur situation personnelle sont précédés d'un recours administratif préalable, sous réserve des exceptions tenant à l'objet du litige déterminées par décret en Conseil d'Etat. Ce décret fixe les conditions dans lesquelles le recours est exercé ". Aux termes de l'article L. 411-2 du même code : " Le présent livre s'applique aux militaires de carrière, aux militaires servant en vertu d'un contrat, aux militaires réservistes qui exercent une activité au titre d'un engagement à servir dans la réserve opérationnelle ou au titre de la disponibilité et aux fonctionnaires en détachement qui exercent, en qualité de militaires, certaines fonctions spécifiques nécessaires aux forces armées. (...) ". Aux termes de l'article R. 4125-1 du même code : " I. - Tout recours contentieux formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle est précédé d'un recours administratif préalable, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux. / Ce recours administratif préalable est examiné par la commission des recours des militaires, placée auprès du ministre de la défense. / (...) / III. - Les dispositions de la présente section ne sont pas applicables aux recours contentieux formés à l'encontre d'actes ou de décisions : / 1° Concernant le recrutement du militaire, l'exercice du pouvoir disciplinaire, ou pris en application de l'article L. 4139-15-1 ; / 2° Pris en application du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et du code des pensions civiles et militaires de retraite ainsi que ceux qui relèvent de la procédure organisée par les articles 112 à 124 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ".
8. Il résulte des dispositions citées au point 7 qu'à l'exception des matières qu'elles ont entendu écarter expressément de la procédure du recours préalable obligatoire, la saisine de la commission des recours des militaires s'impose à peine d'irrecevabilité d'un recours contentieux, formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle, que ce recours tende à l'annulation d'une décision ou à l'octroi d'une indemnité à la suite d'une décision préalable ayant lié le contentieux.
9. Il résulte de l'instruction que M. E... a adressé au ministre de la défense une demande indemnitaire préalable en date du 26 décembre 2019 par laquelle il sollicitait la réparation des préjudices consécutifs à la faute commise par le médecin du service de santé des armées en ne l'informant pas des anomalies importantes que comportaient les résultats du bilan biologique que celui-ci lui avait prescrit, le 20 novembre 2012, dans le cadre d'une visite obligatoire d'aptitude médicale du personnel naviguant, alors qu'il était capitaine de corvette sous contrat rattaché au corps des officiers spécialisés de la Marine, faute qui, selon lui, a causé un retard d'un an dans le diagnostic du lymphome malin non hodgkinien diffus à grandes cellules B dont il était atteint. Le ministre de la défense a implicitement rejeté cette demande. Eu égard au lien étroit entre la faute invoquée par M. E... et ses obligations statutaires, lui imposant un contrôle périodique de son aptitude, le rejet de sa réclamation préalable tendant à la réparation de préjudices qu'il impute aux défaillances de la médecine préventive au contrôle de laquelle il était statutairement soumis est au nombre des actes relatifs à sa situation personnelle et porte directement sur des droits liés à son ancienne qualité de militaire. Dans ces conditions, et alors même qu'il a été radié des cadres le 6 avril 2016 à l'issue de sa reconversion professionnelle, M. E... devait, préalablement à son recours contentieux, saisir la commission des recours des militaires placée auprès du ministre de la défense, prévue par l'article R. 4125-1 du code de la défense, d'un recours contre la décision implicite par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande indemnitaire. M. E... n'ayant pas formé de recours administratif préalable obligatoire devant la commission des recours des militaires avant de saisir le tribunal administratif de Paris, ses conclusions indemnitaires présentées devant le tribunal étaient irrecevables. C'est donc à tort que le tribunal y a fait droit au lieu de les rejeter. Par suite, et sans qu'il soit besoin de répondre à la fin de non-recevoir opposée par le ministre des armées, le jugement doit être annulé dans cette mesure.
Sur les conclusions aux fins de sursis à statuer en tant qu'elles portent sur les conclusions indemnitaires présentées par Mme C... E..., Mme A... E... et M. D... E... :
10. Il résulte de l'instruction que, par un jugement du 17 février 2025, le tribunal judiciaire de Paris a condamné solidairement la SELAS Biocal (laboratoire Calédobio) ainsi que son assureur, la société Gan Outre-Mer Iard, à indemniser les consorts E... en raison des préjudices subis du fait du retard dans le diagnostic de la pathologie de M. F... E.... La société Biocal a fait appel de ce jugement. Toutefois, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à la cour de surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la cour d'appel de Paris. En outre, les victimes sont en droit de rechercher la réparation de leurs préjudices contre l'une ou l'autre des personnes responsables, sans préjudice des actions récursoires que ces personnes pourraient former entre elles. Dans les circonstances de l'espèce, l'appréciation des constatations de fait, nécessaires à la cour pour se prononcer sur les conclusions indemnitaires présentées par Mme E..., Mme A... et M. D... E..., ne justifie pas en l'espèce qu'il soit sursis à statuer sur ces conclusions. Par suite, les conclusions des consorts E... tendant à ce qu'il soit sursis à statuer dans l'attente du caractère définitif du jugement du tribunal judiciaire de Paris du 17 février 2015 dans l'affaire les opposant à la société Biocal et à son assureur doivent être rejetées.
Sur la responsabilité de l'Etat :
11. Aux termes de l'article 3 du décret du 16 septembre 2008 fixant les règles de déontologie propres aux praticiens des armées : " Conformément aux dispositions des articles L. 4121-4 du code de la défense, L. 4112-6 et L. 4222-7 du code de la santé publique et L. 242-1 du code rural, le praticien des armées n'est, en position d'activité, inscrit au tableau d'aucun ordre professionnel. / Néanmoins, sa qualité d'interne, de médecin, de pharmacien, de vétérinaire ou de chirurgien-dentiste lui impose d'adopter une conduite conforme aux principes généraux gouvernant l'exercice de sa profession. / Le praticien exerçant en qualité de praticien des armées au titre d'un engagement à servir dans la réserve opérationnelle ou au titre de la disponibilité reste inscrit au tableau de son ordre professionnel mais n'est plus soumis à sa juridiction pour les actes commis du fait ou à l'occasion de cette activité ". Aux termes de l'article 6 du même décret : " Le praticien des armées doit à celui ou celle qu'il examine, qu'il soigne ou qu'il conseille une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu'il lui propose. (...) ". Aux termes de l'article 13 du même décret : " Chaque praticien des armées est responsable, dans les conditions fixées par la loi, de ses décisions et des actes qu'il accomplit, notamment en matière de prévention, de diagnostic, de soins, d'expertise, d'aptitude et de contrôle. Il doit rechercher en permanence, en fonction des situations rencontrées, les meilleures conditions possibles d'exercice de sa profession, afin de garantir la qualité de ses actes ".
12. Il résulte de ces dispositions, que lorsqu'à l'occasion d'une visite médicale périodique, qui a pour objet le contrôle de l'aptitude médicale générale du militaire au service, à l'emploi tenu et à toute mission opérationnelle, le médecin des armées exerçant les fonctions de médecin de prévention constate, à l'issue de l'examen clinique du militaire ou au vu de résultats d'examens médicaux qu'il a prescrits, des anomalies, il est tenu d'en informer l'intéressé de manière loyale, claire et appropriée, et de l'orienter vers son médecin traitant ou vers un spécialiste à même de prendre en charge ces anomalies.
13. Pour la période postérieure au 20 décembre 2012, ces obligations trouvent également leur fondement dans l'article 14 de l'arrêté du 20 décembre 2012 relatif à la détermination et au contrôle de l'aptitude médicale à servir du personnel militaire, en vigueur à la date de la visite médicale de M. E... du 17 mai 2013, aux termes duquel : " La visite médicale périodique est un bilan médical qui repose sur : / ' un entretien médical individuel, basé notamment sur l'exploitation d'un questionnaire médico-biographique signé par l'intéressé et de la fiche prérenseignée par son commandement ; / ' l'analyse de tout document apporté par le patient ; / ' l'étude du dossier médical ; / ' l'examen clinique ; /' des examens complémentaires systématiques, dont la liste est fixée par instruction, sous timbre du service de santé des armées. / Le médecin détermine, si nécessaire, les éventuels actes médicaux, examens complémentaires et consultations spécialisées : /' indispensables à la détermination de l'aptitude médicale ; ou /' justifiés par l'investigation d'anomalies découvertes lors de l'examen médical ; ou /' conseillés dans le cadre d'actions de santé publique. /Dans ces deux derniers cas, le financement des actes est à la charge des organismes de protection sociale. Le médecin examinateur respecte le principe du libre choix du patient en matière de soins. (...) "
14. Ainsi qu'il a déjà été dit, il résulte de l'instruction que le 20 novembre 2012, dans le cadre d'une visite médicale semestrielle du personnel navigant, le médecin des armées a prescrit à M. E... des analyses de biologie médicale, lesquelles ont été réalisées le 28 novembre 2012 au laboratoire Calédobio de Païta. Le 2 décembre 2012, les résultats de ces analyses biologiques ont été transmises, par un réseau informatique, par le laboratoire de Païta au seul médecin des armées. Il ressort du rapport d'expertise du 9 novembre 2015 des docteurs Rouget et Jadot que ces résultats mentionnaient une anomalie importante de la formule leucocytaire de M. E..., une augmentation de lymphocytes à 6 930/m3 et des leucocytes à 10 500 alors que les références se situent entre 4 000 et 10 000. Toutefois, le médecin des armées n'a pas informé M. E... de ces anomalies lors de la réception de ces résultats, ni même lors de la visite médicale semestrielle suivante qui a eu lieu le 17 mai 2013. Il a ainsi méconnu son obligation d'informer le militaire, de manière loyale, claire et appropriée à son état de santé, des anomalies révélées par les examens médicaux qu'il avait pourtant prescrits, privant ainsi M. E... de la possibilité de consulter, dès la fin de l'année 2012, un médecin généraliste ou un spécialiste qui aurait pu prescrire des examens complémentaires permettant de découvrir à un stade précoce la pathologie dont il était atteint. Par suite, le médecin des armées a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard des consorts E....
Sur le partage de responsabilité demandé par l'Etat :
15. Il résulte de l'instruction que, par un jugement du 17 février 2025, le tribunal judiciaire de Paris, saisi par les consorts E..., a, ainsi qu'il a déjà été dit, jugé qu'au vu des dispositions du guide de bonne exécution des analyses de biologie médicale publié au Journal officiel de la République française du 11 décembre 1999 et précisé dans l'arrêté du 26 novembre 1999, le laboratoire d'analyses médicales Calédobio de la société Biocal avait méconnu son obligation de résultat de joindre le médecin des armées afin de l'informer des résultats d'analyses biologiques préoccupants de M. E... ou de transmettre au médecin des armées ces résultats, et, a condamné la société Biocal et son assureur, la société Gan Outre-Mer Iard, à réparer entièrement les préjudices des consorts E.... Toutefois, la circonstance que le laboratoire d'analyses médicales, personne privée, agissant de façon indépendante, a commis une autre faute que celle commise par le médecin des armées, et qui portait aussi normalement en elle le dommage au moment où elle s'est produite, ne s'oppose pas à ce que la réparation intégrale des préjudices de Mme E..., de ses enfants et de l'organisme social soit, dans le cadre de la présente instance, mise à la charge de l'Etat, à charge pour lui, s'il se croit fondé à le faire, d'engager une action récursoire contre la société Biocal et la société Gan Outre-Mer Iard. Par suite, il n'y a pas lieu de procéder au partage de responsabilité sollicité par le ministre des armées, ni même, alors que la société Biocal a fait appel de ce jugement devant la cour d'appel de Paris, de déduire des indemnités allouées à Mme E... et à ses enfants par le présent arrêt celles déjà allouées par le tribunal judiciaire de Paris.
Sur le montant de la réparation :
16. Il ressort du rapport d'expertise du 9 novembre 2015 des docteurs Rouget et Jadot que le processus réactionnel étant rare chez l'adulte contrairement à l'enfant, la découverte d'une hyper lymphocytose chez un adulte doit conduire à envisager d'emblée la possibilité d'un syndrome lymphoprolifératif, en particulier dans le cas d'une persistance de l'hyperlymphocytose pendant plusieurs semaines. Il résulte de l'instruction que la faute commise par le médecin des armées en n'informant pas M. E... de l'anomalie importante de la formule leucocytaire apparaissant dans les résultats de ses analyses biologiques du 28 novembre 2012 lui a fait perdre une chance sérieuse de consulter son médecin traitant et de se voir prescrire des examens complémentaires qui auraient permis de poser, quelques semaines après les résultats des analyses biologiques du 28 novembre 2012, le diagnostic de lymphome malin non hodgkinien diffus à grandes cellules de type B présenté par M. E... et de bénéficier d'une prise en charge médicale adaptée dès le début de l'année 2013. Il s'ensuit que l'Etat doit être condamné à réparer l'intégralité des préjudices de M. E... résultant de cette perte de chance sérieuse.
17. Il ressort par ailleurs du rapport d'expertise du 9 novembre 2015 que si la prise en charge médicale adaptée à l'état de santé de M. E... avait été mise en œuvre dès le début de l'année 2013, elle aurait vraisemblablement permis d'éviter à l'intéressé d'atteindre le stade IV de la maladie. Dans ces conditions, la faute commise par le médecin des armées a compromis les chances de M. E... d'éviter la détérioration de son état de santé. Eu égard à l'importance du délai qui s'est écoulé entre la faute et le diagnostic de lymphome malin non hodgkinien diffus à grandes cellules de type B posé en novembre 2013, le taux de perte de chance d'éviter pour M. E... les préjudices résultant du traitement d'un lymphome de stade IV doit être fixé à 100 %.
Sur les débours de la caisse nationale militaire de sécurité sociale :
18. Il résulte du point précédent que la caisse nationale militaire de sécurité sociale (CNMSS) a droit au remboursement des dépenses de santé prises en charge pour le compte de M. E... résultant des seuls traitements rendus nécessaires par l'avancée au stade IV de la maladie de l'intéressé. Il ressort de la notification définitive des débours du 1er février 2021 produite par la CNMSS, que celle-ci a exposé, à ce titre, 30 497,67 euros au titre des frais d'hospitalisation rendue nécessaire pour la prise en charge du lymphome au stade avancé IV, du 15 novembre 2013 au 13 décembre 2013, 29 250 euros au titre des frais d'hospitalisation et d'intervention pour la réalisation de l'autogreffe, du 10 avril 2014 au 6 mai 2014, et 15 198,09 euros de frais médicaux, de pharmacie et d'appareillage relatifs au suivi de l'autogreffe, du 9 mai 2014 au 22 mai 2014, ainsi qu'une somme de 2 480,48 euros au titre des frais de transports exposés entre le 10 février 2014 et le 23 juin 2014, qui correspond à la période de prise en charge de l'autogreffe de M. E.... La CNMSS n'établit pas devant la cour qu'elle aurait supporté des frais supplémentaires du fait de l'avancée au stade IV du lymphome dont M. E... était atteint. Eu égard au taux de perte de chance d'éviter pour M. E... les préjudices résultant du traitement d'un lymphome de stade IV fixé à 100 %, il y a lieu de condamner l'Etat à verser la somme totale de 77 426,24 euros à la CNMSS au titre des dépenses de santé actuelles et de confirmer ainsi le jugement du tribunal administratif de Paris.
Sur les préjudices de Mme E... :
En ce qui concerne la perte de revenus :
19. Il résulte de l'instruction que Mme E..., infirmière de profession, de retour en métropole en août 2013, n'exerçait pas d'emploi à la date de l'hospitalisation de son mari, le 15 novembre 2013. Elle n'établit pas avoir engagé des démarches de recherche d'emploi susceptibles d'aboutir à la date de l'annonce du diagnostic de lymphome de stade IV. Si Mme E... soutient qu'elle n'a pu exercer une activité à temps partiel qu'à compter du mois de juin 2014 avant d'être employée en contrat à durée indéterminée à temps plein à compter du mois de mars 2016, il résulte de l'instruction qu'à compter de juin 2014, M. E... avait subi les traitements les plus lourds contre le lymphome, notamment l'autogreffe. Dans ces conditions, le lien de causalité entre l'activité à temps partiel de Mme E... et la faute commise par le médecin des armées n'est pas établi. Par suite, c'est à juste titre que les premiers juges n'ont pas fait droit à la demande présentée par Mme E... au titre de la perte de gains professionnels actuels.
En ce qui concerne le préjudice d'affection :
20. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, qu'en novembre 2013, lors de la découverte du stade très avancé de la maladie de M. E..., les médecins lui ont annoncé que son pronostic vital était engagé. Dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à l'angoisse subie par Mme E..., qui a appréhendé pendant plusieurs mois le décès de son mari, en raison de la faute commise par le médecin des armées, il sera fait une juste appréciation de son préjudice d'affection en lui allouant à ce titre, après application du taux de perte chance fixé à 100 %, la somme de 3 000 euros, correspondant à celle allouée par les premiers juges.
Sur les préjudices de Mme A... E... et de M. D... E..., enfants de M. E... :
21. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 20, il sera fait une juste appréciation du préjudice d'affection des enfants de M. E..., âgés de 11 et 13 ans à la date de l'annonce de l'état d'avancement de la maladie de leur père, en leur allouant à ce titre, après application du taux de perte chance fixé à 100 %, la somme de 1 500 euros chacun, qui correspond à celle retenue par le tribunal.
22. Il résulte de l'instruction que la société Biocal a fait appel, ainsi qu'il a déjà été dit au point 15, du jugement du 17 février 2025 du tribunal judiciaire de Paris condamnant la société Biocal et la société Gan Outre-Mer Iard à indemniser les consorts E.... Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de déduire des indemnités à verser à Mme E... et à ses enfants mises à la charge de l'Etat par le présent arrêt celles déjà allouées aux intéressés par le tribunal judiciaire de Paris. Il appartiendra à l'Etat, s'il se croit fondé à le faire, d'engager une action récursoire contre la société Biocal et la société Gan Outre-Mer Iard.
Sur les intérêts légaux et leur capitalisation :
23. D'une part lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1231-6 du code civil courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine. D'autre part, la capitalisation des intérêts prévue par les dispositions de l'article 1343-2 du code civil peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière.
En ce qui concerne Mme E... et ses enfants :
24. Mme E... et ses enfants demandent à ce que les sommes mises à la charge de l'Etat soient assorties des intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation en référé expertise du 1er septembre 2014. Toutefois, si cette dernière a été adressée au ministre de la défense, elle n'avait pas pour objet de solliciter le paiement d'indemnités en réparation des préjudices subis du fait de la faute commise par le médecin des armées. En outre, seul M. E... a donné assignation au ministre de la défense. Dans ces conditions, le point de départ des intérêts est le 26 décembre 2019, date à laquelle Mme E... et ses enfants ont présenté une demande indemnitaire préalable au ministre des armées. Mme E..., Mme A... E... et M. D... E... ont ainsi droit aux intérêts des sommes respectivement de 3 000 euros, 1 500 euros et 1 500 euros à compter du 26 décembre 2019.
25. Il y a également lieu de faire droit à leur demande de capitalisation des intérêts à compter de la date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date, c'est-à-dire à compter du 26 décembre 2020 et non, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, dont le jugement doit être réformé sur ce point, à la date du 26 décembre 2019.
En ce qui concerne la caisse nationale militaire de sécurité sociale (CNMSS) :
26. La CNMSS a droit aux intérêts de la somme de 77 426,24 euros à compter de la date de sa demande, soit le 15 octobre 2021. Il y a également lieu de faire droit à sa demande de capitalisation des intérêts à compter de la date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date, c'est-à-dire à compter du 15 octobre 2022. Par conséquent, il n'y a, dès lors, pas lieu de réformer le jugement sur ce point.
Sur l'indemnité forfaitaire de gestion :
27. Il résulte des dispositions du neuvième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale que le montant de l'indemnité forfaitaire qu'elles instituent est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un plafond dont le montant est révisé chaque année par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget. Le jugement attaqué, qui a fixé à 74 945,76 euros le montant des indemnités dues à la CNMSS au titre des prestations versées pour le compte de M. E..., a accordé à la caisse, au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, une somme de 1 162 euros correspondant au plafond fixé par l'arrêté du 15 décembre 2022 alors en vigueur. Si le plafond a été réévalué par la suite, la caisse ne peut prétendre à une augmentation du montant de l'indemnité forfaitaire de gestion dès lors que ses conclusions tendant à la majoration des sommes qui lui sont dues au titre des prestations versées sont rejetées.
Sur les frais liés aux instances :
28. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme E..., Mme A... E... et M. D... E... la somme globale de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée par la CNMSS au titre des frais liés aux instances.
D É C I D E :
Article 1er : L'article 1er du jugement n° 2006582/6-2 du 13 juin 2023 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : Les conclusions indemnitaires présentées par M. E... devant le tribunal administratif de Paris sont rejetées.
Article 3 : La capitalisation des intérêts demandée par Mme E..., Mme A... E... et M. D... E... Mme est due à compter du 26 décembre 2020. Le paiement des sommes dues emporte la subrogation de l'Etat, par les consorts E..., jusqu'à concurrence de ces sommes, aux droits qui résulteraient pour eux des condamnations qui seraient définitivement prononcées à leur profit, contre la société Biocal et la société Gan Outre-mer Iard, par l'autorité judiciaire.
Article 4 : Les articles 2 et 3 du jugement du 13 juin 2023 du tribunal administratif de Paris sont réformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt.
Article 5 : L'Etat versera à Mme E..., Mme A... E... et M. D... E... la somme globale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à MM. F... et Matthieu E..., à Mmes C... et A... E..., à la caisse nationale militaire de sécurité sociale et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 10 juin 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juillet 2025.
La rapporteure,
V. Larsonnier La présidente,
A. Menasseyre
La greffière,
N. Couty
La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Nos 23PA03458, 23PA03654 2