CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 08/07/2025, 25MA00905, Inédit au recueil Lebon
Date de décision | 08 juillet 2025 |
Num | 25MA00905 |
Juridiction | Marseille |
Formation | 4ème chambre |
President | M. MARCOVICI |
Rapporteur | M. Laurent LOMBART |
Commissaire | Mme BALARESQUE |
Avocats | SERGE ET MICHEL PAUTOT |
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Etat et l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre à lui verser une somme de 43 200 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa réclamation indemnitaire préalable du 11 juin 2024, en réparation du préjudice financier, correspondant aux salaires non versés, qu'il estime avoir subi au cours de la période de dix-huit mois, entre mars 1943 et septembre 1944, durant laquelle il a été contraint au travail forcé au camp 6, baraque 1023, au sein du complexe chimique d'IG Farben, à Ludwigshafen-am-Rhein, en Allemagne, dans le cadre du service de travail obligatoire (STO), et de mettre à leur charge une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2408643 du 18 mars 2025, le tribunal administratif de Marseille a, après avoir refusé d'admettre l'intervention de l'association Massaliotte culture et comédie, rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 5 avril et 26 mai 2025,
M. B..., représenté par Me Pautot, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 mars 2025 ;
2°) à titre principal, de condamner l'Etat et l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre à lui verser cette somme de 43 200 euros, augmentée des intérêts de droit à compter de sa réclamation indemnitaire préalable du 11 juin 2024, en réparation de ce même préjudice financier ;
3°) à titre subsidiaire, de lui donner acte à ce que le ministre des armées lui a reconnu, à la page 4 de son mémoire en défense enregistré le 22 mai 2025, l'allocation d'une indemnité financière et, par voie de conséquence, de lui allouer celle-ci ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat et de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il est fondé à demander réparation dès lors qu'il rapporte la preuve qu'il a été victime d'un double crime contre l'humanité au sens des conventions internationales et du droit français : le transfert forcé en pays ennemi avec esclavage de groupe ; ces crimes sont imprescriptibles ;
- durant sa déportation et sa mise en esclavage, il n'a reçu aucune rémunération ni de l'Etat, ni de l'Etat allemand ;
- toute personne qui travaille doit être rémunérée équitablement : il s'agit de l'un des principes du droit du travail et de la protection sociale ;
- sa situation a été mal analysée par le tribunal administratif de Marseille, lequel aurait dû estimer qu'il a bien été " déporté " au sens des textes en vigueur et qu'il a subi un esclavage de groupe ; la Cour devra lui reconnaître ces qualités ;
- le jugement attaqué crée une distinction inopérante entre les crimes contre l'humanité ;
- la loi du 14 mai 1951 sur laquelle se fonde le tribunal administratif de Marseille dans son jugement ne concerne pas l'indemnisation des heures de travail du STO ;
- il rapporte la preuve qu'il a été un grand blessé de guerre ;
- il n'a pas été payé, ce qui est contraire à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, notamment fondée sur les articles 3 et 4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il a droit au versement de la somme de 43 200 euros, calculée sur la base d'un tarif horaire actualisé et porté à 10 euros de l'heure ; si sa période de déportation a été plus importante, soit du 13 mars 1943 au 15 avril 1945, sa demande de paiement des heures de travail du STO concerne une période de temps de dix-huit mois, soit de mars 1943 à septembre 1944 ;
- à titre subsidiaire, le ministre des armées indiquant dans son mémoire qu'" à titre infiniment subsidiaire : la loi du 14 mai 1951 qui a créé le statut des personnes contraintes au travail a reconnu en son article 1er aux personnes astreintes au travail en pays ennemi un droit à réparation et a défini à leur profit un régime légal de réparation. Un décret n° 52-1000 du
17 août 1952 a été pris en application de cette même loi. Son article 11 a notamment institué une indemnité forfaitaire destinée à réparer les préjudices subis par les bénéficiaires du statut de personnes contraintes au travail dont le montant a été fixé par l'article 44 de la loi n° 53-1340 du 31 décembre 1953 ", il demande à la Cour d'en tirer les conséquences et de l'indemniser ;
la prescription ne s'applique pas dès lors que, dans un cas similaire, une personne contrainte au travail forcé a fait l'objet d'une indemnité forfaitaire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mai 2025, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- à titre principal, sur la déchéance de la créance en vertu de la loi du 29 janvier 1831 ou de la loi du 31 décembre 1945 :
. le caractère imprescriptible des crimes contre l'humanité, posé par l'article 213-5 du code pénal, ne s'attache qu'à l'action pénale et à l'action civile engagée devant la juridiction répressive, et demeure, en l'absence de dispositions contraires, sans effet sur l'action en réparation dirigée par des particuliers contre l'Etat ;
. tous les éléments relatifs à la créance de M. B... ayant été réalisés et révélés dès la date du 15 avril 1945, celle-ci se rattache à l'année 1945 et elle est donc atteinte par la déchéance quadriennale en vertu de la loi du 29 janvier 1831 ou de la loi du 31 décembre 1945 ; à défaut, et en tout état de cause, la loi n° 51-538 du 14 mai 1951 a institué le statut de personne contrainte au travail en pays ennemi en faveur des personnes assujetties au STO, en Allemagne ; sur le fondement de ces dispositions, M. B... a obtenu, le 22 octobre 1957, la reconnaissance de sa qualité de personne contrainte au travail en pays ennemi ; sa créance se rattache donc au plus tard à l'année 1951 ou à l'année 1957 ;
- à titre subsidiaire, la créance est prescrite en vertu de la loi du 31 décembre 1968,
le point de départ du délai de prescription ne pouvant être fixé postérieurement à l'année 2008, un arrêté du 16 octobre 2008 ayant complété la législation adoptée en 1951 en instituant la carte de personne contrainte au travail en pays ennemi et en fixant les caractéristiques ;
- à titre infiniment subsidiaire, et en tout état de cause, la responsabilité de l'Etat relevant du régime de droit commun ne saurait être engagée dès lors qu'il existe un régime légal d'indemnisation des personnes pour les préjudices subis, résultant du STO, institué par la loi du 14 mai 1951 et exclusif de tout autre régime de réparation.
La procédure a été communiquée à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre qui n'a pas produit de mémoire.
Un courrier du 9 avril 2025, adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code.
Par une ordonnance du 12 juin 2025, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code pénal ;
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- le code de procédure pénale ;
- la loi du 29 janvier 1831, modifiée notamment par la loi n° 456-0195 du 31 décembre 1945 ;
- la loi n° 51-538 du 14 mai 1951 ;
- la loi n° 53-1340 du 31 décembre 1953 ;
- la loi n° 64-1326 du 26 décembre 1964 ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 52-1000 du 17 août 1952 portant règlement d'administration publique pour l'application de la loi n° 51-538 du 14 mai 1951 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lombart,
- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,
- et les observations de Me Pautot, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a principalement demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Etat et l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre à lui verser la somme de 43 200 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa réclamation indemnitaire préalable du 11 juin 2024, en réparation du préjudice financier, correspondant aux salaires non versés, qu'il estime avoir subi au cours de la période de dix-huit mois, entre
mars 1943 et septembre 1944, durant laquelle il a été contraint au travail forcé au camp 6, baraque 1023, au sein du complexe chimique d'IG Farben, à Ludwigshafen-am-Rhein, en Allemagne, dans le cadre du service de travail obligatoire (STO), institué par l'autorité de fait, se disant " gouvernement de l'Etat français ", par un acte dit " loi du 16 février 1943 ". M. B... relève appel du jugement du 18 mars 2025 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.
Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 relative à l'aide
juridique : " Dans les cas d'urgence, (...) l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (...) par la juridiction compétente (...) ". Selon l'article 61 du décret du 28 décembre 2020 susvisé pris pour l'application de cette loi : " L'admission provisoire peut être accordée dans une situation d'urgence (...). / L'admission provisoire est accordée par la juridiction compétente (...) soit sur une demande présentée sans forme par l'intéressé, soit d'office si celui-ci a présenté une demande d'aide juridictionnelle sur laquelle il n'a pas encore été statué. "
3. Il résulte de l'instruction que M. B..., né le 28 mai 1922, a déposé le 23 mai 2025 une demande d'aide juridictionnelle en vue d'engager la présente procédure sur laquelle il n'a pas encore été statué. Eu égard aux circonstances de l'espèce, il y a lieu de prononcer, en application des dispositions précitées, l'admission provisoire de M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 14 mai 1951 relative au statut des personnes contraintes au travail en pays ennemi, en territoire étranger occupé par l'ennemi ou en territoire français annexé par l'ennemi : " La République française, considérant les souffrances qu'ils ont subies, proclame et détermine, conformément aux dispositions de la présente loi, le droit à réparation : / a) Des Français (...) qui ont été contraints de quitter le territoire national et astreints au travail dans les pays ennemis ou occupés par l'ennemi (...) ". Selon l'article 2 de cette même loi : " Sont considérées comme ayant été " contraintes les personnes ayant fait l'objet d'une rafle ou encore d'une réquisition opérée en vertu des actes dits " loi du 4 septembre 1942 ", " décret du 19 septembre 1942 ", " loi du 16 février 1945 ", " loi du 1er février 1944 " relatifs au STO, actes dont la nullité a été expressément constatée. " Aux termes de l'article 3 de cette loi : " Le bénéfice de la présente loi est subordonné à une période de contrainte de trois mois au minimum en pays ennemi (...) / Aucune condition de durée n'est exigée en cas d'évasion, de rapatriement sanitaire ou de décès. " Aux termes de l'article 4 de cette loi : " Les maladies contractées ou aggravées et les blessures de toutes sortes subies pendant cette période de contrainte en pays ennemi, en territoire étranger occupé par l'ennemi ou en territoire français annexé par l'ennemi, sont réputées effets directs ou indirects de guerre ; les ayants droit et leurs ayants cause bénéficient, en conséquence, des dispositions incluses dans les lois régissant les pensions concédées aux victimes civiles de guerre. " Selon l'article 7 de cette loi : " Le temps passé dans les conditions prévues aux articles 1er, 2 et 3 ci-dessus est pris en considération dans le calcul de l'ancienneté de service exigée pour l'avancement et pour la retraite au même titre que le service militaire en temps de paix. Cette disposition ne pourra entraîner d'effet pécuniaire qu'à compter de la date de promulgation dudit statut. (...) ". Aux termes de l'article 8 de ladite loi : " Les bénéficiaires de la présente loi ont droit à la rééducation professionnelle et à leur admission aux emplois réservés dans les conditions établies par les textes législatifs ou réglementaires pris en la matière. " Selon l'article 9 de cette loi : " Une carte spéciale et un insigne distinctif sont créés pour les bénéficiaires du présent statut et seront attribués par, décision du ministre des anciens combattants et victimes de guerre. (...) ". Aux termes de l'article 10 de cette loi : " Les pertes de biens dûment justifiées, résultant d'un fait survenu au cours de la période de contrainte, seront indemnisées. Ces indemnités ne pourront se cumuler avec les sommes perçues pour le même objet au titre de la législation sur les dommages de guerre. ". Selon l'article 11 de ladite loi : " Une indemnité forfaitaire, dont le montant sera fixé par une loi spéciale, sera attribuée aux bénéficiaires du présent statut et, en cas de décès, à leurs ayants cause. " Enfin, aux termes de l'article 16 de cette loi : " Les bénéficiaires du présent statut ont droit, en qualité de victimes de la guerre, à tous les avantages d'ordre social mis à la disposition de ses ressortissants, combattants, prisonniers et déportés, par l'office national des anciens combattants et victimes de la guerre. "
5. En adoptant ces dispositions, dont une partie est aujourd'hui reprise dans le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, le législateur a entendu reconnaître un droit à réparation au titre des préjudices causés, durant la Seconde guerre mondiale, aux personnes contraintes au travail en pays ennemi, en territoire étranger occupé par l'ennemi ou en territoire français annexé par l'ennemi, et notamment à celles qui avaient fait l'objet d'une rafle ou d'une réquisition opérée en vertu de l'acte dit " loi du 16 février 1943 " portant institution du STO. A cet effet, cette loi a créé un statut leur reconnaissant la qualité de victimes de la guerre ainsi que des droits, et a prévu, par son article 11, l'attribution d'une indemnitaire forfaitaire. Après que le décret n° 52-1000 du 17 août 1952 portant règlement d'administration publique a fixé les modalités d'application de cette loi du 14 mai 1951, le montant de cette indemnité forfaitaire a été fixé à 11 000 francs par le deuxième alinéa de l'article 44 de la loi susvisée du 31 décembre 1953 portant règlement d'administration publique.
6. Prise dans son ensemble, cette loi doit ainsi être regardée comme ayant permis, autant qu'il a été possible, l'indemnisation des préjudices de toute nature causés aux victimes du STO,
y compris, le cas échéant, de leur préjudice financier constitué par l'absence de versement d'un salaire en contrepartie du travail fourni. Ce régime particulier d'indemnisation fait obstacle, depuis son entrée en vigueur, à ce que la responsabilité de droit commun de l'Etat puisse être recherchée au titre des mêmes préjudices.
7. Au cas particulier, il résulte de l'instruction que M. B... a été contraint au travail forcé, dans le cadre du STO, au sein du complexe chimique d'IG Farben, à Ludwigshafen-am-Rhein, en Allemagne, du 13 mars 1943 au 15 avril 1945. Toutefois, ainsi qu'il vient d'être dit,
le préjudice financier dont M. B... recherche la réparation pour la période comprise
entre mars 1943 et septembre 1944 entre dans le champ couvert par le régime particulier d'indemnisation institué par la loi du 14 mai 1951 qui est ainsi exclusif de tout autre mode de réparation. Il s'ensuit que ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat et de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre au titre de ce préjudice financier doivent être rejetées.
8. En outre, aux termes de l'article 9 de la loi susvisée du 29 janvier 1831, dans sa rédaction issue de l'article 148 de la loi du 31 décembre 1945 portant fixation du budget général (services civils) pour l'exercice 1946, applicable à la créance : " Sont prescrites et définitivement éteintes au profit de l'Etat (...) sans préjudice des déchéances prononcées par des lois antérieures ou consenties par des marchés et conventions, toutes créances qui, n'ayant pas été acquittées avant la clôture de l'exercice auquel elles appartiennent, n'auraient pu être liquidées, ordonnancées et payées dans un délai de quatre années à partir de l'ouverture de l'exercice pour les créanciers domiciliés en Europe (...) ". Aux termes de l'article 10 de la même loi du
29 janvier 1831, dans sa rédaction issue du décret-loi du 30 octobre 1935, la prescription n'est pas applicable " aux créances dont l'ordonnancement et le paiement n'auraient pu être effectués dans les délais déterminés par le fait de l'administration ou par suite de recours devant une juridiction ". Il résulte de ces dispositions que l'article 9 de la loi du 29 janvier 1831 avait institué un régime de déchéance quadriennale dans le cadre duquel la prescription des créances détenues sur l'administration était acquise à l'issue d'un délai de quatre ans qui courait à compter de l'exercice auquel elles se rattachaient. En revanche, et en tout état de cause, aucune des dispositions de ce texte ne prévoyait que la prescription ne courrait pas contre le créancier qui pouvait être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement.
9. Dans les circonstances de l'espèce, alors que la loi du 14 mai 1951, qui a institué le régime particulier d'indemnisation susmentionné, a été publiée au Journal officiel de la République française le 16 mai 1951, la créance dont se prévaut M. B..., qui au demeurant est, d'après ses propres dires, revenu en France en 1945, doit être regardée comme rattachable, au plus tard, à l'exercice budgétaire correspondant à l'année 1951. Sans cause de suspension ou d'interruption établie, ni même alléguée avant l'expiration du délai de quatre années à partir de l'ouverture de cet exercice budgétaire, la déchéance quadriennale était ainsi acquise, par application de l'article 9 précité de la loi susvisée du 29 janvier 1831 alors applicable, depuis de très nombreuses années, lorsque M. B... a, le 11 juin 2024, adressé des réclamations indemnitaires préalables auprès des services du ministre des armées et de ceux de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre. Il suit de là que le ministre des armées est fondé à opposer à ses conclusions indemnitaires la déchéance quadriennale.
10. Le caractère imprescriptible des crimes contre l'humanité, résultant, dans l'ordre juridique interne, de la loi n° 64-1326 du 26 décembre 1964, de l'article 7 du code de procédure pénale et de l'article 133-2 du code pénal, ne s'attache qu'à l'action pénale et à l'action civile engagée devant la juridiction répressive. En revanche, l'action en réparation dirigée par des particuliers contre l'Etat est soumise, en l'absence de texte les écartant expressément, aux règles de prescription fixées par la loi susvisée du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics comme aux règles de déchéance, antérieurement applicables, prévues par les dispositions précitées de la loi du 29 janvier 1831. Par suite, M. B...(ano)X(/ano) ne peut utilement soutenir, pour faire échec à ces règles de déchéance ou de prescription, que les actes à l'origine du préjudice financier qu'il invoque seraient constitutifs de crimes contre l'humanité, à supposer que les conditions dans lesquelles il a été contraint au travail forcé, au titre du STO, puissent présenter la nature d'un tel crime.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par suite, et alors que le ministre des armées n'a reconnu être débiteur d'aucune créance à l'encontre de M. B... dans son mémoire en défense susvisé, sa requête d'appel doit être rejetée en son entier, y compris, et par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : M. B... est admis à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : La requête de M. B... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Pautot, au ministre des armées et à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre.
Délibéré après l'audience du 24 juin 2025, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Lombart, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juillet 2025.
2
No 25MA00905