Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, du 9 mai 2006, 03NC00547, inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision09 mai 2006
Num03NC00547
JuridictionNancy
Formation4EME CHAMBRE - FORMATION A 3
PresidentM. ROTH
RapporteurM. Pascal DEVILLERS
CommissaireM. WALLERICH
AvocatsGRUNENWALD - DEWULF

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 30 mai 2003, complétée par un mémoire enregistré le 7 avril 2005, présentée pour M. Francisco X, demeurant ..., par Me Grunenwald, avocat ;

M. X demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 00-04011 en date du 1er avril 2003 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a condamné les Hospices civils de Colmar à lui verser une somme de 6 000 euros, qu'il estime insuffisante en réparation des préjudices qu'il a subis, à verser à la ville de Colmar la somme de 16 038,25 euros, enfin mis à la charge de l'hôpital les frais d'expertise d'un montant de 407,96 euros et des frais irrépétibles pour 750 euros ;

2°) de condamner les Hospices civils de Colmar à lui verser une somme de 46 525 euros en réparation de son préjudice ;

3°) de condamner les Hospices civils de Colmar à lui verser une somme de 1 525 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;





Il soutient que :

- les montants versés par la ville de Colmar et la Caisse des dépôts et consignations ne concernent que l'indemnisation du préjudice dans le cadre de l'activité professionnelle et non la gêne provoquée dans sa vie familiale et privée, qui justifiera une indemnisation au titre des incapacités temporaires totale et partielle de 1 525 euros ;

- l'incapacité permanente partielle de 15% sera indemnisée à hauteur de 23 000 euros, l'allocation temporaire d'invalidité versée par la Caisse des dépôts et consignations servie au taux de 10 pour cent n'indemnise que les séquelles de l'accident stricto sensu ;

- les souffrances physiques causées par l'amputation, qualifiées d'entre moyennes et assez importantes justifieront un montant de 10 000 euros ;

- le préjudice esthétique qualifié de léger justifiera un montant de 2 000 euros ;

- le tribunal n'a pas pris en compte le préjudice d'agrément, résultant de l'impossibilité d'exercer désormais la fonction d'arbitre de football ;


Vu le jugement attaqué ;

Vu, en date du 4 mai 2004, le mémoire par lequel la ville de Colmar déclare qu'elle n'interviendra pas à l'instance ;

Vu, en date du 26 mai 2004, le mémoire par lequel la Caisse des dépôts et consignations déclare se référer à son mémoire de première instance ;

Vu le mémoire en défense enregistré le 24 février 2005, présenté pour les Hospices civils de Colmar, représentés par leur directeur en exercice, par Me Monheit, avocat ;

Les Hospices civils de Colmar demandent à la Cour de rejeter la requête susvisée et, par la voie du recours incident, de réformer le jugement attaqué en tant qu'il a retenu une indemnisation de 6 000 euros au titre des souffrances physiques et du préjudice esthétique, enfin de condamner M. X à leur verser une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- aucun préjudice n'est justifié au titre des incapacités temporaires totale et partielle par le requérant qui a perçu l'intégralité de ses salaires ;

- l'expert n'a aucunement tenu compte pour l'évaluation des différents préjudices des conséquences propres de l'accident ;

- l'incapacité permanente partielle au taux de 15% a été surévaluée par l'expert, l'amputation d'une phalange pour un droitier ne justifiant qu'un taux de 8% ; s‘il y a une immobilité des autres doigts justifiant un taux de 15%, ce fait n'est pas imputable à l'hôpital mais à l'intéressé qui a manqué de coopération ; le tribunal a justement retenu que l'intéressé percevait déjà une rente d'invalidité en compensation de ce préjudice ; M. X n'apporte aucun élément justifiant une incomplète indemnisation de ce préjudice ;
- comme l'ont relevé les premiers juges, M. X n'est en rien empêché de poursuivre son activité d'arbitre de football ;

- les préjudices esthétiques et de souffrances physiques seront justement appréciés en accordant à ce titre une somme de 4 000 euros, le Tribunal ayant surévalué l'indemnisation en omettant de tenir compte des conséquences propres de l'accident dont a été victime M. X ;


Vu les autres pièces du dossier ;

En application de l'article R.611-7 du code de justice administrative, les parties ayant été informées que l'arrêt paraissait susceptible d'être fondé sur un moyen soulevé d'office ;


Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ;

Vu le décret n° 63-1346 du 24 décembre 1963 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;




Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 avril 2006 :

- le rapport de M. Devillers, premier conseiller,

- les observations de Me Dewulf de la SCP Grunenwald-Dewulf, avocat de M. X et de Me Mai de la SCP Monheit et Loos, avocat des Hôpitaux civils de Colmar et de la Caisse des dépôts et consignations,

- et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;



Sur les conclusions de la requête :

Considérant que M. X, agent de salubrité de la ville de Colmar, alors âgé de 55 ans, a reçu une lourde poubelle sur la main droite le 11 juin 1999, provoquant une plaie souillée du troisième doigt ; qu'il a été admis le même jour au service des urgences des Hospices civils de Colmar ; qu'en raison de l'infection persistante de l'articulation proximale de son doigt, après deux interventions sans succès les 15 et 29 juin 1999, il a été amputé de deux phalanges du médius droit le 12 juillet 1999 aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg ; que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg, se fondant sur le rapport de l'expertise ordonnée en référé par le président du tribunal et déposé au greffe le 29 mai 2001, a déclaré les Hospices civils de Colmar responsables du préjudice subi par M. X en raison de la faute du service à l'origine de la surinfection ayant nécessité l'amputation, laquelle n'aurait pas été nécessaire si, comme il a été procédé à tort dans le service d'urgences, la plaie n'avait pas été entièrement suturée ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. X a subi une période d'incapacité temporaire totale du 11 juin 1999 au 4 novembre 1999, puis à 50 % du 5 novembre 1999 au 8 décembre 1999 ; que la consolidation a été fixée au 2 février 2001 ; que ses pertes de revenus ont été intégralement prises en charge par la ville de Colmar ; qu'il résulte de l'instruction que l'expert a estimé à un taux de 15 % l'incapacité permanente partielle de M. X, prenant en compte tant les conséquences de l'accident initial que celles de l'amputation du médius ; que la Caisse des dépôts et consignations, statuant, conformément aux articles 4 et 5 du décret du 24 décembre 1963 modifié susvisé, sur avis de la commission départementale de réforme et compte-tenu du barème indicatif prévu à l'article L.28 du code des pensions civiles et militaires de retraite, lequel retient un taux d'invalidité de 8 % pour l'amputation du médius de la main ouvrière, a alloué à M. X une allocation temporaire d'invalidité au taux de 10 %, prenant ainsi en compte les conséquences de l'amputation du médius et la raideur affectant deux autres doigts ; que les premiers juges ont regardé cette indemnisation comme suffisante pour compenser l'intégralité des troubles dans les conditions d'existence subis par le requérant ; que si M. X, qui a repris son entière activité professionnelle, soutient que cette indemnisation ne prend pas en compte les gênes occasionnées dans sa vie privée, notamment l'impossibilité d'exercer désormais la fonction d'arbitre de football, il n'assortit cette simple allégation d'aucune justification de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le Tribunal sur l'indemnisation de ce chef de préjudice ;
Considérant, en second lieu, que l'expert a qualifié les souffrances physiques d' «entre moyennes et assez importantes » et le préjudice esthétique de «léger» ; que M. X n'apporte, là également, aucun élément de nature à établir qu'en lui accordant à ce titre une somme de 6 000 euros, les premiers juges auraient procédé à une estimation insuffisante de ces deux chefs de préjudice ;



Sur les conclusions d'appel incident des Hospices civils de Colmar :

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'en allouant au titre des souffrances physiques et du préjudice esthétique subis par M. X la somme de 6 000 euros susmentionnée, les premiers juges auraient surestimé les conséquences de la faute commise par le service hospitalier, ayant provoqué l'amputation, par rapport à celles résultant de l'accident initial ; que les conclusions incidentes des Hospices civils de Colmar doivent donc être rejetées ;


Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;





D E C I D E :



Article 1er : La requête de M. X et l'appel incident des Hospices civils de Colmar sont rejetés.


Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. X, à la ville de Colmar, à la Caisse des dépôts et consignations, aux Hospices civils de Colmar et au ministre des solidarités, de la santé et de la famille.

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