Conseil d'Etat, 1 / 4 SSR, du 23 février 1998, 133318, inédit au recueil Lebon
Vu l'ordonnance du 13 janvier 1992, enregistrée le 22 janvier 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Lyon a transmis au Conseil d'Etat en application de l'article R. 75 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le recours, enregistré le 21 mars 1990, au greffe de la cour administrative d'appel de Lyon, du MINISTRE DELEGUE AU BUDGET ; le MINISTRE DELEGUE AU BUDGET demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 22 décembre 1989 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé, sur la demande de M. Maurice X..., d'une part, la décision du 30 octobre 1987 du préfet des Bouches-du-Rhône rejetant sa demande d'allocation temporaire d'invalidité, la décision du 18 septembre 1987 suspendant le versement à l'intéressé de l'allocation temporaire d'invalidité n° I 83-802-794 T, la décision du 1er février 1988 annulant à compter du 5 juin 1986 l'allocation temporaire d'invalidité qui lui avait été concédée le 15 novembre 1982, le titre de perception du 8 mai 1988 portant mise en recouvrement d'une somme de 10 146 F, correspondant aux arrérages perçus par l'intéressé au titre de son allocation temporaire d'invalidité, pour la période du 5 juin 1986 au 5 juillet 1987, d'autre part, a reconnu à M. X... un taux d'incapacité permanente partielle de 8 % pour un accident de service du 3 juillet 1981 et un taux d'incapacité permanente partielle de 10 % pour un accident de service du 13 mai 1982, avec état préexistant de 10 % non imputable, non médicalement séparable ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Marseille ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de l'Etat ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu l'ordonnance n° 59-244 du 4 février 1959 ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
Vu le décret n° 46-2959 du 31 décembre 1946, tel que modifié par le décret n° 81-507 du 4 mai 1981 ;
Vu le décret n° 60-1069 du 6 octobre 1960 et le décret n° 84-960 du 25 octobre 1984 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Forray, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Blanc, avocat de M. X...,
- les conclusions de Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement ;
Sur la compétence du Conseil d'Etat comme juge d'appel :
Considérant que M. X... a saisi le tribunal administratif de Marseille de conclusions tendant à l'annulation, en premier lieu, de la décision, portée à sa connaissance le 30 octobre 1987 par lettre du préfet des Bouches-du-Rhône, par laquelle le ministre de l'économie et des finances a rejeté sa demande tendant à la révision de son allocation temporaire d'invalidité à l'effet de prendre en compte une infirmité nouvelle résultant d'une "hypoacousie" bilatérale, en deuxième lieu, de la décision du 18 septembre 1987, portée à sa connaissance par lettre du 18 janvier 1988 du trésorier-payeur général des Bouches-du-Rhône, par laquelle le ministre de l'économie et des finances a suspendu le paiement de l'allocation temporaire d'invalidité dont il bénéficiait au titre d'une lombo-sciatalgie, et, en troisième lieu, de la décision du 1er février 1988, notifiée par le préfet des Bouches-du-Rhône le 9 mars 1988, par laquelle le ministre de l'économie et des finances a annulé, à compter du 5 juin 1986, l'allocation temporaire d'invalidité qui lui avait été antérieurement concédée ;
Considérant qu'en raison de l'objet des conclusions ainsi formulées, le tribunal administratif se trouvait saisi, non d'un litige de plein cgontentieux, mais de recours pour excès de pouvoir ; qu'ainsi, le jugement attaqué, dont il a été relevé appel avant la date du 1er janvier 1994 à partir de laquelle les cours administratives d'appel ont reçu compétence pour statuer sur les appels formés contre les jugements des tribunaux administratifs rendus sur les recours pour excès de pouvoir dirigés contre les décisions non réglementaires prises à l'égard des fonctionnaires, ressortit à la compétence d'appel du Conseil d'Etat ; qu'il en va ainsi alors même que le tribunal administratif, statuant au-delà des conclusions de la demande, ne s'est pas borné à annuler les décisions ci-dessus mentionnées, mais a fixé, dans le dispositif de son jugement, les taux des incapacités permanentes partielles consécutives aux accidents de service invoqués par M. X... ;
Considérant que, par le même jugement, le tribunal administratif s'est prononcé sur le bien-fondé des conclusions de M. X... dirigées contre le titre de perception dont il a été informé par le trésorier-payeur général, le 6 mai 1988, portant mise en recouvrement d'un trop-perçu au titre de l'allocation temporaire d'invalidité servie pour la période du 5 juin 1986 au 5 juillet 1987 ; que la demande dirigée contre ce titre de perception relevant, par nature, du contentieux de pleine juridiction, l'appel formé, sur ce point, contre le jugement du tribunal administratif relevait, en principe, de la compétence de la cour administrative d'appel de Lyon, en vertu de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1987 et de l'article R. 7 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; que, toutefois, en raison de la connexité existant entre ce litige et ceux qui ont trait à la légalité des autres décisions prises à l'encontre de M. X..., le président de la cour administrative d'appel de Lyon a transmis à bon droit le dossier au Conseil d'Etat en application de l'article R. 75 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; qu'ainsi, M. X... n'est pas fondé à soutenir que le Conseil d'Etat ne serait pas compétent pour connaître de l'appel formé par le MINISTRE DELEGUE AU BUDGET à l'encontre du jugement attaqué du tribunal administratif de Marseille du 22 décembre 1989 ;
Sur la légalité de la décision du ministre de l'économie et des finances refusant de modifier le montant de l'allocation temporaire d'invalidité servie à M. X... à l'effet de prendre en compte l'infirmité résultant d'une "hypoacousie" bilatérale qui trouverait sa cause dans un accident de service survenu le 3 juillet 1981 :
Considérant qu'aux termes de l'article 23 bis de l'ordonnance du 4 février 1959, relative au statut général des fonctionnaires, en vigueur lors de l'accident du 3 juillet 1981 que M. X... impute au service : "Le fonctionnaire qui a été atteint d'une invalidité résultant d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 10 % ou d'une maladie professionnelle peut prétendre à une allocation temporaire d'invalidité ... Les conditions d'attribution ... de l'allocation temporaire d'invalidité seront fixées par décret en Conseil d'Etat ..." ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et, notamment, des certificats médicaux établis par des médecins oto-rhino-laryngologistes, que l'"hypoacousie" bilatérale dont M. X... est atteint ne trouve pas son origine dans une lésion de l'organisme de l'intéressé déterminée par un événement soudain survenu dans le service ;
Considérant, il est vrai, que M. X... fait valoir que, dans la mesure où il a été exposé à des nuisances acoustiques de juin à novembre 1981 alors qu'il exerçait les fonctions d'huissier au tribunal administratif de Marseille, ses conditions de travail sont la cause de l'"hypoacousie" dont il souffre ;
Considérant, toutefois, que si l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, prévoit, comme le faisait antérieurement l'article 23 bis de l'ordonnance du 4 février 1959, que le fonctionnaire atteint d'une maladie professionnelle peut prétendre à une allocation temporaire d'invalidité, il précise que les conditions d'attribution de cette allocation sont fixées par un décret en Conseil d'Etat, qui "détermine les maladies d'origine professionnelle" ; qu'en vertu de l'article 1er du décret n° 60-1069 du 6 octobre 1960, maintenu en vigueur par le décret n° 84-960 du 25 octobre 1984, les maladies professionnelles susceptibles de donner lieu à réparation sont celles qu'énumèrent les tableaux visés à l'article L. 496 du code de la sécurité sociale", auquel s'est substitué l'article L. 461-2 du code annexé au décret n° 85-1353 du 17 décembre 1985, qui a reçu force de loi par l'effet de l'article 1er de la loi n° 87-588 du 30 juillet 1987 ;
Considérant que le tableau des maladies professionnelles n° 42, annexé au décret n° 46-2959 du 31 décembre 1946, dans sa rédaction résultant du décret n° 81-507 du 4 mai 1981, applicable en l'espèce, subordonne la prise en charge d'une affection professionnelle provoquée par les bruits, à la condition, notamment, que la durée d'exposition soit d'une année au moins, sous réserve de cas particuliers qui ne sont pas ceux de l'espèce ; qu'il est constant, que M. X... n'a été exposé à des nuisances acoustiques que pendant une durée de moins d'un an ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DELEGUE AU BUDGET est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé sa décision refusant de réviser le montant de l'allocation temporaire d'invalidité dont M. X... était titulaire, à l'effet de prendre en compte son "hypoacousie" ;
Sur la légalité de la décision du 18 septembre 1987 portant suspension du paiement de l'allocation temporaire d'invalidité accordée à M. X... au titre d'une lombo-sciatalgie :
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 5 du décret précité, du 6 octobre 1960, modifié, que l'allocation temporaire d'invalidité, qui est accordée, en principe, pour cinq ans, fait l'objet d'un nouvel examen à l'expiration de cette période ; que, toutefois, selon l'article 6 du même décret, si l'allocation n'a pas encore donné lieu, à la date de radiation des cadres, à la révision "après cinq ans", un nouvel examen des droits du bénéficiaire est effectué à cette date ;
Considérant que M. X... a été admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 5 juin 1986, avant que ne soit écoulée la période de cinq ans décomptée à partir de la date d'effet de l'allocation qui lui avait été concédée à la suite d'un accident de service survenu le 13 mai 1982 ; qu'il ressort des pièces du dossier et, notamment, du rapport des spécialistes en rhumatologie qui ont examiné le cas de M. X... qu'à la date d'admission de ce dernier à la retraite, le taux d'invalidité rémunérable du fait de l'incapacité permanente partielle résultant de l'accident de service du 13 mai 1982 était de 10 % ; qu'en conséquence, l'autorité administrative a commis un excès de pouvoir en décidant de suspendre le paiement de l'intégralité de l'allocation temporaire d'invalidité qui avait été concédée à M. X..., au taux de 18 %, par arrêté du 25 mai 1983 ; que le MINISTRE DELEGUE AU BUDGET n'est, par suite, pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé sa décision du 18 septembre 1987 ;
Sur la légalité de la décision du 1er février 1988 annulant, à compter du5 juin 1986, l'allocation temporaire d'invalidité servie à M. X... :
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'il incombait au ministre de l'économie et des finances de ramener au taux de 10 % le montant de l'allocation temporaire d'invalidité antérieurement concédée à M. X... ; que, dès lors, il n'a pu, sans méconnaître les dispositions du décret du 6 octobre 1960, modifié, procéder à l'annulation pure et simple de cette allocation ; que le MINISTRE DELEGUE AU BUDGET n'est donc pas fondé à se plaindre de l'annulation, par le jugement attaqué, de sa décision du 1er février 1988 ;
Sur le bien-fondé du titre de perception portant mise en recouvrement d'un trop-perçu pour la période allant du 5 juin 1986 au 5 juillet 1987 :
Considérant qu'il ressort de ce qui a été dit ci-dessus que seul le reversement d'un trop-perçu correspondant à la différence entre le montant d'une allocation temporaire d'invalidité au taux de 18 % et le montant d'une allocation calculée au taux de 10 % pouvait être demandé à M. X... ; que le titre de perception du 1er janvier 1988 ne doit, par suite, être maintenu que dans cette limite ; que le MINISTRE DELEGUE AU BUDGET est fondé à demander la réformation du jugement attaqué, en tant qu'il décharge M. X... de la totalité de la somme qui lui a été réclamée ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Marseille du 22 décembre 1989, en tant, d'une part, qu'il annule la décision du ministre de l'économie et des finances refusant de modifier le montant de l'allocation temporaire d'invalidité servie à M. X... et, d'autre part, qu'il décharge M. X... de l'obligation de payer la somme portée dans le titre de perception émis à son encontre pour un montant supérieur à la différence entre celui d'une allocation temporaire d'invalidité au taux de 18 % et celui d'une telle allocation au taux de 10 %, ainsi que l'article 3 du même jugement, sont annulés.
Article 2 : Les conclusions des demandes de première instance de M. X... dirigées contre la décision du ministre de l'économie et des finances refusant de modifier le montant de son allocation temporaire d'invalidité et contre le titre de perception émis à son encontre aux fins de decharge de l'obligation de payer une somme excédant celle qui est indiquée à l'article 1er ci-dessus, sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du MINISTRE DELEGUE AU BUDGET est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées par M. X... au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, au ministre de l'intérieur et à M. Maurice X....