Conseil d'Etat, 3 SS, du 29 décembre 1997, 163503, inédit au recueil Lebon
Vu le recours du MINISTRE DELEGUE AUX ANCIENS COMBATTANTS ET VICTIMES DE GUERRE enregistré le 9 décembre 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DELEGUE AUX ANCIENS COMBATTANTS ET VICTIMES DE GUERRE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 11 octobre 1994 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé la décision du 14 juin 1993 par laquelle il a rejeté la demande d'attribution du titre de déporté politique formée par M. X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Nice ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Derepas, Auditeur,
- les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 286 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : "Le titre de déporté politique est attribué aux français ou ressortissants français qui pour tout autre motif qu'une infraction de droit commun ( ...) ont été : 1° Soit transférés par l'ennemi hors du territoire national puis incarcérés ou internés dans une prison ou dans un camp de concentration ; 2° Soit incarcérés ou internés par l'ennemi dans les camps ou prisons du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ; 3° Soit incarcérés ou internés par l'ennemi dans tous autres territoires exclusivement administrés par l'ennemi ( ...)" ; qu'en vertu des dispositions combinées des articles R. 288 et R. 329 du même code la liste des prisons et camps de concentration est fixée par un arrêté du ministre des anciens combattants ; que, si la déportation a eu lieu dans un camp ou une prison ne figurant pas sur cette liste, le titre de déporté politique ne peut être attribué qu'après l'avis de la commission nationale constituée dans les conditions fixées aux articles R. 337 à R. 339 ;
Considérant que s'il n'est pas contesté que M. X... a été interné par l'ennemi dans le camp de Djouggar en Tunisie, ce camp de travailleurs civils ne figure pas sur la liste des prisons et camps de concentration fixée par arrêté du ministre des anciens combattants ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il puisse être regardé comme une prison ou un camp de concentration ; qu'il suit de là que c'est à tort que, pour annuler la décision refusant à M. X... le titre de déporté politique, le tribunal administratif s'est fondé sur ce que le camp de Djouggar pouvait être regardé comme une prison ou un camp de concentration ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M. X... à l'encontre de la décision du 14 juin 1993 ;
Considérant que l'autorité de chose jugée qui s'attache au jugement du 28 avril 1992 par lequel le tribunal administratif de Nice a prononcé l'annulation pour un vice de procédure d'une précédente décision administrative refusant de reconnaître à M. X... la qualité de déporté politique, ne s'opposait pas à ce que l'autorité ministérielle refusât à nouveau, par la décision attaquée, de lui reconnaître cette qualité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DELEGUE AUX ANCIENS COMBATTANTS ET VICTIMES DE GUERRE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé, à la demande de M. X... la décision du 14 juin 1993 par laquelle il a refusé de lui attribuer le titre de déporté politique ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnéà payer à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 11 octobre 1994 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Nice est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de M. X... tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au secrétaire d'Etat aux anciens combattants et à Mme veuve Fortunée X....