Conseil d'État, 9ème sous-section jugeant seule, 15/07/2004, 245945
Date de décision | 15 juillet 2004 |
Num | 245945 |
Juridiction | |
Formation | 9ème sous-section jugeant seule |
President | M. Martin |
Rapporteur | M. Mathieu Herondart |
Commissaire | M. Vallée |
Avocats | SCP COUTARD, MAYER |
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 juin et 29 septembre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Marie-Françoise X, demeurant ... ; Mme X demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt en date du 7 janvier 2000 par lequel la cour régionale des pensions de Montpellier, après avoir annulé le jugement du tribunal départemental des pensions des Pyrénées-Orientales du 17 septembre 1991, a refusé de lui reconnaître le bénéfice d'une pension de veuve ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 15 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
Vu le décret n° 59-327 du 20 février 1959 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Mathieu Herondart, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Coutard, Mayer, avocat de Mme X,
- les conclusions de M. Laurent Vallée, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 43 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : Ont droit à pension : (...) 3° les veuves des militaires et marins morts en jouissance d'une pension définitive ou temporaire correspondant à une invalidité égale ou supérieure à 60 % ou en possession de droits à cette pension ;
Considérant que les militaires morts en possession de droits à une pension à un taux supérieur à 60 % sont, au sens des dispositions précitées, les militaires qui ont présenté une demande de pension ou de révision de pension et dont le droit a été postérieurement reconnu, même s'ils n'ont pu en jouir avant leur décès ou les militaires qui, même s'ils n'avaient pas présenté de demande tendant à l'augmentation du taux de leur pension, auraient eu droit, du seul fait de l'intervention d'une loi nouvelle en vigueur au jour de leur décès, à une pension supérieure au taux de 60 % pour des infirmités déjà pensionnées en l'absence de toute aggravation de celles-ci ; qu'en revanche, une veuve ne peut, à l'appui de sa propre demande, invoquer l'aggravation des infirmités pensionnées ou l'apparition d'infirmités nouvelles si son mari n'avait pas présenté de demande de révision de pension ;
Considérant qu'en estimant que Mme X ne pouvait utilement invoquer la circonstance que l'infirmité de son mari aurait pu être indemnisée à un taux supérieur à 60 % en raison de la modification du guide-barème introduit par le décret du 17 mars 1974 dès lors que son mari n'avait pas présenté de demande de révision à la date de son décès, la cour régionale des pensions de Montpellier a commis une erreur de droit ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'il est constant que M. Clerc avait perdu son oeil gauche antérieurement à son incorporation dans l'armée ; qu'il bénéficiait depuis 1955 d'une pension au taux de 55 % pour séquelles de contusions du globe oculaire droit, atrophie papillaire, vision réduite à 2/10ème ; qu'en application du décret du 17 mai 1974 modifiant le guide-barème de 1919, la perte partielle de la vision d'un oeil est évaluée à raison de 6,5 % par dixième de vision perdue ; que l'application de ce taux à l'infirmité pensionnée de M. Clerc ne peut mener à un taux supérieur à 60 % ; que, contrairement à ce que soutient Mme X, ce taux ne peut être déterminé en tenant compte de la perte de l'oeil gauche qui n'était pas imputable au service ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal départemental des pensions des Pyrénées-Orientales a estimé qu'à la suite de l'intervention du décret du 17 mai 1974, M. Clerc était en possession d'un droit à une pension à un taux supérieur à 60 %, au sens du 3° de l'article L. 43 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme X devant le tribunal départemental des pensions des Pyrénées-Orientales ;
Considérant que l'intervention de l'article 63 de la loi du 30 décembre 1980, qui prévoit que la pension est portée au taux de 100 % lorsqu'un militaire qui avait perdu un oeil antérieurement au service perd le second oeil à l'occasion du service, n'aurait pu mener à l'application d'un taux supérieur à l'infirmité pensionnée de M. Clerc, dès lors que celle-ci concernait une vision réduite à 2/10ème ;
Considérant que Mme X ne peut utilement invoquer, au soutien de sa demande, la circonstance que son mari aurait pu prétendre à une augmentation du taux de sa pension en raison d'une infirmité post-traumatique non indemnisée, dès lors que M. Clerc n'avait pas présenté de demande tendant à l'augmentation du taux de sa pension avant la date de son décès ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de la défense est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 17 décembre 1991, le tribunal départemental des pensions des Pyrénées-Orientales a accordé à Mme X le bénéfice d'une pension de veuve ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme X demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt en date du 7 janvier 2000 de la cour régionale des pensions de Montpellier et le jugement du 17 septembre 1991 du tribunal départemental des pensions des Pyrénées-Orientales sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par Mme X devant le tribunal départemental des pensions des Pyrénées-Orientales et le surplus de ses conclusions devant le Conseil d'Etat sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Marie-Françoise X et au ministre de la défense.