Cour Administrative d'Appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 24/10/2006, 03MA00255, Inédit au recueil Lebon
Date de décision | 24 octobre 2006 |
Num | 03MA00255 |
Juridiction | Marseille |
Formation | 2ème chambre - formation à 3 |
President | M. GANDREAU |
Rapporteur | M. Philippe RENOUF |
Commissaire | Mme PAIX |
Avocats | NOTARI |
Vu la requête, enregistrée le 10 février 2003, présentée pour M. JeanPierre X, élisant domicile ..., par Mes Andjerakian et Notari avocats ; M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement rendu par le Tribunal administratif de Marseille le 7 novembre 2002 en tant qu'il a rejeté les conclusions indemnitaires présentées dans le cadre de l'instance n° 98-8985 ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser 65.000 euros au titre de dommages et intérêts et 1.500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 septembre 2006,
- le rapport de M. Renouf, rapporteur,
- et les conclusions de Mme Paix, commissaire du gouvernement ;
Considérant que par décision du 24 mars 1994, le ministre de l'intérieur avait admis M. X à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er mai 1994 pour invalidité non imputable au service ; que cette décision a été annulée par jugement du Tribunal administratif de Marseille en date du 3 juillet 1997, devenu définitif, au motif que l'invalidité résultant des différents troubles de santé exposés dans le rapport d'expertise du docteur Jarret sont imputables aux accidents de service dont M. X a été victime les 7 janvier 1980 et 7 avril 1983 ; que M. X, qui précise avoir obtenu la reconstitution de sa carrière telle qu'elle se serait déroulée sans l'intervention de la décision illégale susmentionnée, fait appel du jugement du 7 novembre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la réparation de préjudices que la décision du 24 mars 1994 lui aurait causés, au motif que le lien de causalité entre cette décision et les préjudices allégués n'était pas établi ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'aux termes de l'article L.31 du code des pensions civiles et militaires de retraite : «La réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions sont appréciés par une commission de réforme selon des modalités qui sont fixées par un décret en Conseil d'Etat. Le pouvoir de décision appartient, dans tous les cas, au ministre dont relève l'agent et au ministre des finances. (..)» ; que si le ministre de l'intérieur et le ministre de l'économie et des finances ont pris, s'agissant de M. X, des décisions formellement distinctes, excluant toutes deux l'imputabilité au service des infirmités dont M. X était atteint, les décisions ainsi prises doivent être regardées comme constituant ensemble la décision prévue par les dispositions législatives précitées ; qu'ainsi, en se prévalant de l'illégalité de la décision du ministre de l'intérieur en date du 24 mars 1994, M. X doit être regardé comme se prévalant nécessairement de l'illégalité de la décision prise par les ministres chargés de se prononcer sur ses droits à pension en vertu des mêmes dispositions ; que M. X est ainsi fondé à soutenir que l'erreur commise par lesdits ministres, en excluant l'imputabilité au service des infirmités dont il était atteint, engage la responsabilité de l'Etat ;
Sur les préjudices :
Considérant, d'une part, que M. X s'est trouvé, du fait de la perception d'une pension ne tenant pas compte de l'imputabilité au service de son invalidité, dans une situation financière ayant causé des troubles dans ses conditions d'existence ; qu'en revanche, l'allégation selon laquelle ces difficultés financières seraient à l'origine du fait que sa fille n'aurait pas poursuivi des études supérieures longues n'est assortie d'aucune précision ou justificatif permettant de tenir ce fait pour établi ; que, dès lors, il sera fait une juste appréciation du préjudice ayant résulté pour M. X des difficultés financières qu'il a subies en condamnant l'Etat à lui verser la somme de 3.000 euros à ce titre ;
Considérant, d'autre part, que M. X demande également à être indemnisé du préjudice moral qui aurait résulté pour lui de ce qu'en raison du refus d'imputer aux accidents de service son invalidité, notamment son état de santé mentale, ses connaissances, et en particulier ses proches, y compris les membres de sa propre famille, l'ont estimé atteint de troubles psychiatriques dénués de causes extérieures à lui-même ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral né pour M. X notamment de l'atteinte portée à sa réputation de ce fait, en condamnant l'Etat à lui verser à ce titre la somme de 2.000 euros ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté intégralement sa demande ; qu'il y a lieu de lui allouer une indemnité d'un montant total de 5.000 euros ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et en application de ces dispositions, de condamner l'Etat à payer à M. X la somme de 1.500 euros qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Considérant que les mêmes dispositions font obstacle à ce que M. X, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à l'Etat (ministère de l'intérieur) la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : L'Etat est condamné à payer à M. X une somme de 5.000 euros (cinq mille euros).
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. X la somme de 1.500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. X et les conclusions du ministre de l'intérieur présentées au titre des frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. X, au ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
N° 03MA00255 2