Cour Administrative d'Appel de Nantes, 3ème Chambre, 26/01/2012, 10NT01537, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision26 janvier 2012
Num10NT01537
JuridictionNantes
Formation3ème Chambre
PresidentMme PERROT
RapporteurM. Christophe HERVOUET
CommissaireM. DEGOMMIER
AvocatsDUPUY

Vu la décision en date du 28 juin 2010, enregistrée le 5 juillet 2010 au greffe de la cour, par laquelle le Conseil d'Etat a transmis à la cour administrative d'appel de Nantes le recours présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ;

Vu le recours, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 28 novembre 2007, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 03-4630 du 20 septembre 2007 par lequel le tribunal administratif de Nantes a, à la demande de Bernard X, condamné l'Etat à verser à ce dernier, en réparation de ses préjudices, la somme de 62 894 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er septembre 2003 ;

2°) de rejeter la demande de Bernard X ;
.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

Vu la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 janvier 2012 :

- le rapport de M. Hervouet, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;




Considérant qu'à la suite de la condamnation de Bernard X, aujourd'hui décédé, à treize années de réclusion criminelle par un arrêt de la cour d'assises des Pyrénées-Atlantiques en date du 25 juin 1999, le chef du service des pensions du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a, par une décision du 20 décembre 2001, décidé de suspendre, à compter du 25 juin 1999, en application des dispositions des articles L. 58 du code des pensions civiles et militaires de retraite et L. 107 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, le versement de la pension de retraite et de la pension militaire d'invalidité qui avaient été concédées à celui-ci ; que le versement de ces pensions a été rétabli à compter du 17 avril 2003 ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE interjette appel du jugement du 20 septembre 2007 par lequel le tribunal administratif de Nantes a, à la demande de Bernard X, condamné l'Etat à verser à ce dernier, à titre de réparation du préjudice résultant de la privation de ses pensions au cours de la période allant du 25 juin 1999 au 16 avril 2003, la somme de 62 894 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er septembre 2003 ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 58 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction applicable à la date du 20 décembre 2001, à laquelle a été décidée la suspension des pensions de Bernard X : Le droit à l'obtention ou à la jouissance de la pension et de la rente viagère d'invalidité est suspendu : (...) par la condamnation à une peine afflictive ou infamante pendant la durée de la peine ; qu'aux termes de l'article L. 107 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : Sans préjudice de l'application des dispositions des codes de justice militaire, relatives à la déchéance du droit à pension, le droit à l'obtention ou à la jouissance des pensions militaires est suspendu : / Par la condamnation à une peine afflictive ou infamante pendant la durée de la peine (...) ;

Considérant que la catégorie des peines afflictives et infamantes a été supprimée dans le nouveau code pénal, issu de la loi du 22 juillet 1992 modifiée par la loi du 19 juillet 1993, et entré en vigueur le 1er mars 1994 ; que si la peine de réclusion criminelle à temps, qui constituait dans l'ancien code pénal une peine afflictive et infamante, figure dans le nouveau code pénal, une échelle nouvelle de peines a été prévue ; qu'il ressort des dispositions du nouveau code pénal, éclairées par leurs travaux préparatoires, que le législateur a entendu limiter le nombre des peines à caractère accessoire ou complémentaire dont l'intervention découle obligatoirement de l'application de la peine principale ; qu'il n'a cependant pas précisé les peines qui pourraient être regardées comme correspondant désormais aux peines qui étaient, dans l'ancien code pénal, qualifiées d'afflictives et infamantes ; qu'ainsi, l'entrée en vigueur du nouveau code pénal a privé d'effet les dispositions précitées de l'article L. 58 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; que, dès lors, les décisions en date du 20 décembre 2001 par lesquelles avaient été suspendues les pensions de retraite et d'invalidité dont bénéficiait Bernard X étaient illégales ;

Considérant, toutefois, qu'il ne ressort d'aucun des termes de l'article 65 de la loi susvisée du 21 août 2003 portant réforme des retraites qui a abrogé, à compter de la date de publication de cette loi, l'article L. 58 précité du code des pensions civiles et militaires de retraite, que l'administration ait été tenue de retirer ou d'abroger les décisions individuelles définitives, fussent-elles privées de fondement légal, prises en application de ces dispositions ; que, les décisions du 20 décembre 2001 par lesquelles le versement des arrérages des pensions a été suspendu étant devenues définitives faute d'avoir été contestées en temps utile, Bernard X n'était pas fondé à se plaindre de ce que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, alors même qu'il avait, par deux décisions présentant un caractère purement gracieux prises dans l'intérêt même du pensionné, prononcé la levée des mesures de suspension prises à son encontre, aurait à tort refusé de l'indemniser du préjudice résultant de la perte de jouissance des pensions litigieuses durant la période allant du 25 juin 1999 au 16 avril 2003 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a, à la demande de Bernard X, condamné l'Etat à verser à ce dernier la somme de 62 894 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er septembre 2003 ;


DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 03-4630 du tribunal administratif de Nantes en date du 20 septembre 2007 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Bernard X devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, PORTE PAROLE DU GOUVERNEMENT et à Me Dupuy, avocat au barreau de Strasbourg.


''
''
''
''
1

N° 10NT01537 2
1