Cour Administrative d'Appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 24/02/2012, 11MA02196, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision24 février 2012
Num11MA02196
JuridictionMarseille
Formation8ème chambre - formation à 3
PresidentM. REINHORN
RapporteurMme Hélène BUSIDAN
CommissaireMme VINCENT-DOMINGUEZ
AvocatsMOULY

Vu l'arrêt n° 08MA01233, en date du 16 mars 2010 par lequel, sur requête de Mme Claire A, la cour administrative d'appel de Marseille :

- par l'article 1er de sa décision, a annulé le jugement n° 0502937 rendu le 13 décembre 2007 par le tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il avait statué sur les conclusions indemnitaires de Mme A ;

- par l'article 2 de sa décision, a condamné la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) à verser à Mme A les intérêts calculés sur la somme de 68 559,31 euros et sur la somme de 8 733,17 euros, à compter du 9 novembre 2004, capitalisés à compter du 9 novembre 2005 ;

- par les articles 3, 4 et 5 de sa décision, a rejeté le surplus des conclusions de la requête, a réformé le jugement du tribunal administratif de Montpellier en ce qu'il avait de contraire à l'arrêt de la Cour et a mis une somme de 1 500 euros à la charge de la CDC au titre de
l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;



Vu le décret n° 65-773 du 9 septembre 1965 portant règlement d'administration publique et modifiant le décret n° 49-1416 du 5 octobre 1949 pris pour l'application de l'article 3 de l'ordonnance n° 45-993 du 17 mai 1945 et relatif au régime de retraite des tributaires de la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales ;

Vu le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 janvier 2012 :

- le rapport de Mme Busidan, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Vincent-Dominguez, rapporteur public ,

Considérant que Mme A, agent de la fonction publique hospitalière atteinte de pathologies non imputables au service, a été admise à la retraite d'office pour invalidité à compter du 17 avril 1999 ; que, par un jugement du 2 décembre 2003, le tribunal administratif de Montpellier a annulé, à la demande de Mme A, les décisions de la Caisse des dépôts et consignations fixant à 52,50 % le taux d'invalidité à retenir pour la liquidation de sa pension de retraite ainsi que le brevet de pension qui lui avait été notifié le 4 mai 1999 en tant qu'il a retenu ce même taux d'invalidité de 52,50 %, au motif que la procédure suivie devant la commission départementale de réforme de l'Aude, appelée à formuler un avis préalable sur la mise en retraite pour invalidité de Mme A, était entachée d'irrégularité ; qu'à la suite d'un nouvel avis de la commission de réforme rendu le 21 septembre 2004, la Caisse des dépôts et consignations a concédé à Mme A une pension d'invalidité au taux de 63,14 % et lui a versé les arrérages dus à compter de la date de son admission à la retraite au titre de sa pension principale et de la majoration spéciale pour l'assistance d'une tierce personne ;

Considérant qu'à la suite des décisions juridictionnelles visées ci-dessus et des écritures des parties produites après renvoi du Conseil d'Etat, les conclusions de Mme A, dont la Cour est saisie, tendent, d'une part, à la réparation de dommages subis à raison de fautes prétendument commises par la Caisse des dépôts et consignations dans l'instruction de son dossier de pension, d'autre part, à l'annulation du jugement rendu le 13 décembre 2007 par le tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il lui a refusé la prise en compte de sa qualité de mère de deux enfants pour le calcul de sa pension de retraite et en tant qu'il a rejeté sa demande d'injonction sous astreinte visant à l'obtention d'un décompte des sommes payées au titre des arriérés de pension ; que la demande de Mme A tendant à obtenir les intérêts capitalisés sur une des sommes versées au titre des rappels d'arrérages a été tranchée par la Cour dans l'article 2, devenu définitif, de son précédent arrêt, et au surplus satisfaite dans le sens souhaité par l'intéressée ;

Sur les conclusions à fin indemnitaire :

Considérant qu'en cas de manquement par un débiteur à une obligation de payer, la réparation des conséquences du retard de paiement est régie par les dispositions de l'article 1153 du code civil aux termes duquel : "Dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal (...). Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard peut obtenir des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance." ;

Considérant que, pour établir l'existence d'un préjudice autre que celui que les intérêts moratoires sont normalement appelés à réparer, Mme A fait valoir que la différence, de plus de 1 200 euros par mois, entre la pension reçue à compter de sa mise à la retraite d'office et celle qu'elle aurait dû percevoir, comme le délai, de plus de 6 ans, mis à déterminer ses droits, lui ont occasionné des troubles dans les conditions d'existence et un préjudice moral importants, dont elle impute la responsabilité à des fautes commises par la CDC agissant en tant que gestionnaire de la CNRACL, notamment celle tiré de la négligence de ladite caisse dans la gestion de son dossier relativement à la majoration spéciale pour assistance par tierce personne ;

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 28 du décret n° 65-773 susvisé, depuis reprises dans leur principe à l'article 34 du décret n° 2003-1306 susvisé, "(...) s'il est établi que l'agent est dans l'obligation d'avoir recours d'une manière constante à l'assistance d'une tierce personne pour accomplir les actes ordinaires de la vie, il a droit à une majoration spéciale dont le montant est égal au traitement brut afférent à l'indice réel correspondant à l'indice brut 125. La majoration spéciale est accordée sur sa demande, et quelle que soit la date à laquelle la pension lui a été concédée, à tout titulaire d'une pension d'invalidité qui justifie remplir les conditions fixées ci-dessus." ;

Considérant en premier lieu qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la lecture du formulaire modèle AF3 rempli en 1998 par le docteur ayant examiné l'intéressée en vue de l'attribution de la pension d'invalidité, que Mme A a apposé sa signature sous la mention "l'agent soussigné atteste l'exactitude des renseignements portés ci-dessus et sollicite la pension prévue à l'article 6-2 du décret n° 65-773 du 9 septembre 1965, assortie éventuellement d'une rente d'invalidité et (ou) d'une majoration pour assistance d'une tierce personne" ; qu'ainsi, Mme A doit être regardée comme ayant sollicité l'attribution de la majoration sus-évoquée dès 1998 ; qu'il est constant que, bien qu'examinée par le médecin, cette demande d'attribution de la majoration pour assistance d'une tierce personne n'a été instruite par la CDC qu'en 2004 ; que ce retard de 6 ans dans l'instruction de la demande de majoration constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la CDC ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte également de l'instruction que ce retard a privé Mme A de la perception d'une somme de près de 1 000 euros par mois dès sa mise à la retraite, dès lors qu'il a été admis que ladite majoration était nécessaire depuis le 17 avril 1999 ; que la minoration durable de la pension versée à Mme A est à l'origine directe de troubles dans les conditions d'existence et d'un préjudice moral spécifiques subis par l'intéressée, liés au fait que, compte tenu de son état de dépendance, elle a dû faire appel successivement à plusieurs membres de sa famille pour l'assister, notamment son mari qui a dû se mettre en congé de fin d'activité 11 mois avant son propre départ à la retraite pour lui fournir l'aide nécessaire ; que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation de ces préjudices en allouant à Mme A une somme globale de 10 000 euros ;

Sur la demande relative à la prise en compte de la bonification pour enfants :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite : "Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service (...) peut être radié des cadres par anticipation (...). L'intéressé a droit à la pension rémunérant les services, sous réserve que ses blessures ou maladies aient été contractées ou aggravées au cours d'une période durant laquelle il acquérait des droits à pension." ; que, selon l'article L. 30 du même code, "Lorsque le fonctionnaire est atteint d'une invalidité d'un taux au moins égal à 60 %, le montant de la pension prévue aux articles L. 28 et L. 29 ne peut être inférieur à 50 % des émoluments de base..." ; qu'il résulte des termes mêmes de ces dispositions que, pour les personnes atteintes d'une invalidité au moins égale à 60 %, le taux de 50 % des émoluments de base constitue un minimum de pension garanti, alternatif, s'il est plus favorable, à celui qui résulte du calcul de la pension rémunérant les services ;

Considérant qu'il est constant que le taux de la pension rémunérant les services, à laquelle Mme A avait droit en application de l'article L. 29 précité et dont le principe de calcul, incluant la prise en compte de la bonification pour enfant revendiquée par l'intéressée, est énoncé par les dispositions de l'article L. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite, n'atteignait que 36 % ; que ce taux a été porté à 50 % par application de l'article L. 30 précité en raison de son taux d'invalidité, qui, comme il a été dit plus haut, s'élève à de 63,14 % ; qu'en vertu des dispositions sus-rappelées, Mme A n'est pas fondée à soutenir qu'elle devrait également bénéficier des dispositions de l'article L. 12 relative à la bonification pour enfant, laquelle ne peut s'ajouter au taux résultant de l'application de l'article L. 30 ; que c'est dès lors à bon droit que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à ce que le taux de sa pension soit porté à 54 % ;

Sur les conclusions relatives à l'injonction sous astreinte :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : "Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution." ;

Considérant que Mme A, qui n'a pas demandé dans la présente instance l'annulation de la décision de la CDC lui refusant la délivrance d'un décompte détaillant les éléments de liquidation qui ont amené la CDC à lui verser la somme totale de 77 292,48 euros, représentant des rappels de pension dus tant au titre de la pension principale que de la majoration pour tierce personne, pour la période allant du 17 avril 1999 au 30 septembre 1994, demande que la Cour enjoigne à la CDC de lui délivrer un tel décompte ; que, cependant, le présent arrêt n'implique nullement que la Cour procède à l'injonction demandée, dès lors que les seules mesures d'exécution impliquées nécessairement par un arrêt rendu, comme en l'espèce dans le cadre d'un contentieux exclusivement indemnitaire, consistent dans le règlement des sommes qu'il condamne l'administration à verser ; que, par ailleurs, en dehors des cas prévus par les articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative, il n'appartient pas au juge administratif d'adresser des injonctions à l'administration ; que, par suite, les conclusions de l'appelante tendant au prononcé, sous astreinte, de l'injonction sus-évoquée, doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :


Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de Mme A, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la CDC demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la CDC le versement à Mme A d'une somme de 2 000 euros au titre de ces mêmes frais ;
DÉCIDE :

Article 1er : La Caisse des Dépôts et Consignations est condamnée à verser à Mme A la somme de 10 000 (dix mille) euros.
Article 2 : La Caisse des Dépôts et Consignations versera à Mme A la somme de
2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par les deux parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Claire A, à la Caisse des Dépôts et Consignations et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
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N° 11MA021965