CAA de BORDEAUX, , 05/10/2017, 17BX00670, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision05 octobre 2017
Num17BX00670
JuridictionBordeaux
AvocatsCABINET NORAY - ESPEIG AVOCATS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse de condamner l'Etat à lui verser une provision d'un montant de 16 016,15 euros sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative.

Par ordonnance n° 1600585 du 2 février 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de MmeC....

Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 février 2017 et le 3 juillet 2017, Mme C..., représentée par MeB..., demande au juge d'appel des référés :

1°) d'annuler cette ordonnance en date du 2 février 2017 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une provision d'un montant de 16 016,15 euros ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle soutient que :
- elle a été victime de plusieurs accidents de travail intervenus successivement le 25 novembre 2011, le 22 mars 2012 et 23 septembre 2013 ;
- par courrier du 2 janvier 2013 la directrice interrégionale de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse Sud l'a informée que ses arrêts de travail étaient justifiés au titre de son accident du travail jusqu'au 1er janvier 2013 ;
- par deux arrêtés du 19 septembre 2014 elle a été placée en congé longue maladie pour la période du 24 décembre 2013 au 23 décembre 2014 ;
- par un avis du 16 novembre 2015, la commission de réforme a estimé, en dernier lieu, que la consolidation de son accident du travail en date du 22 novembre 2011 était intervenue le 15 novembre 2013 avec un taux d'invalidité permanente partielle de 7 %, que la consolidation de son accident du travail en date du 22 mars 2012 était intervenue le 2 juin 2012, et que la date de consolidation de son accident du travail en date du 23 septembre 2013 était intervenue le 23 décembre 2013 ;
- c'est donc à tort que l'administration a procédé à une retenue sur son traitement à partir du mois de juin 2014, pour un montant total de 11 016,15 euros, au motif que suite à ses congés en date du 8 juin 2012 au 1er janvier 2013, du 17 mai au 22 septembre 2013, et du 24 décembre 2013 au 30 juin 2014, elle a bénéficié sur l'ensemble de la période d'un plein traitement alors qu'elle aurait dû être rémunérée à demi-traitement pendant 183 jours en vertu des dispositions du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 ;
- elle a subi un préjudice moral et un trouble dans ses conditions d'existence en raison de ses retenues injustifiées sur son salaire pouvant être estimé à 5 000 euros.


Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juin 2017, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :
- la consolidation du dernier accident du travail de Mme C...est intervenue le 23 décembre 2013 ;
- qu'elle a été placée en congé longue maladie du 24 décembre 2013 au 23 décembre 2014 ; elle ne justifie pas que les périodes de congés antérieurs au 24 décembre 2013 soient imputables à ses accidents de service ;
- les certificats administratifs indiquent qu'elle avait épuisé ses droits à bénéficier de congés à plein traitement ; cette situation a eu pour conséquence de générer un trop-perçu sur rémunération justifiant les retenues sur son traitement entre juillet 2014 et décembre 2015 ;
- elle ne démontre pas un préjudice certain ni une faute imputable à l'administration.


Vu les autres pièces du dossier.


Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.


Le président de la cour a désigné, par une décision du 1er septembre 2017, M. Pierre Larroumec, président de chambre, comme juge des référés en application des dispositions du livre V du code de justice administrative.



Considérant ce qui suit :


1. MmeC..., éducatrice titulaire affectée à la direction interrégionale de la protection judiciaire de la jeunesse Sud, a été victime de plusieurs accidents de travail intervenus successivement le 25 novembre 2011, le 22 mars 2012 et 23 septembre 2013. Par un avis du 16 novembre 2015, la commission de réforme a estimé, en dernier lieu, que la consolidation de son accident du travail en date du 25 novembre 2011 était intervenue le 15 novembre 2013 avec un taux d'invalidité de permanente partielle de 7 %, que la consolidation de son accident du travail en date du 22 mars 2012 était intervenue le 2 juin 2012, et que la date de consolidation de son accident du travail en date du 23 septembre 2013 était intervenue le 23 décembre 2013. Par un courrier du 23 juin 2014, la directrice interrégionale de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse Sud a informé MmeC..., compte tenu des dates de consolidation de ses accidents de service, qu'elle avait cumulé des arrêts de travail du 8 juin 2012 au 1er janvier 2013, du 17 mai au 22 septembre 2013, et du 24 décembre 2013 au 30 juin 2014, et qu'elle serait rémunérée à demi-traitement pendant 183 jours en vertu des dispositions du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, et qu'une régularisation serait effectuée à compter du mois de juillet 2014. Mme C...relève appel de l'ordonnance du 2 février 2017 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant au versement d'une provision d'un montant 16 016,15 euros correspondant à ses pertes de traitements et au préjudice moral et aux troubles dans ses conditions d'existence subis.

2. Aux termes des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. (...) ".

3. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévus en application de l'article 35./ Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ; 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaire un traitement et des soins prolongés et qu'elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. L'intéressé conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence./ Les dispositions du deuxième alinéa du 2° du présent article sont applicables au congé de longue maladie. ". En vertu du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, le fonctionnaire en activité a droit à des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an en cas de maladie dûment constatée le mettant dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, avec l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois, puis un traitement réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le second alinéa de ce 2° précise toutefois que si son état est imputable au service, l'intéressé conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service.

4. L'administration fait valoir que Mme C...a bénéficié d'un plein traitement lors de ses arrêts de travail intervenus du 8 juin 2012 au 1er janvier 2013, du 17 mai 2013 au 22 septembre 2013, et du 24 décembre 2013 au 30 juin 2014 alors qu'ayant, pour chacune de ces périodes, bénéficiée dans les douze derniers mois de 90 jours d'arrêts de travail à plein traitement pour raison de santé elle n'aurait dû percevoir durant 183 jours sur l'ensemble de ces période qu'un demi traitement.

5. En premier lieu, en ce qui concerne les arrêts de travail dont a bénéficié Mme C... du 8 juin 2012 au 1er janvier 2013, il ressort des pièces du dossier que suite à l'avis de la commission de réforme qui s'est réunie le 17 décembre 2012, qui s'est fondée sur une expertise du docteur Mestas portant sur les accidents de travail en date du 25 novembre 2011 et du 22 mars 2012 estimant que ces accidents étaient imputables au service et qu'ils justifiaient des arrêts de travail jusqu'au 11 novembre 2012, la directrice interrégionale de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse Sud a informé, par courrier du 2 janvier 2013, Mme C...que ses arrêts de travail étaient justifiés au titre de son accident du travail jusqu'au 1er janvier 2013. Par suite et en l'état de l'instruction, les dispositions précitées du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 limitant à une période de trois mois le bénéfice de l'intégralité du traitement ne trouvaient pas à s'appliquer aux arrêts de travail dont a bénéficié la requérante pour la période du 8 juin 2012 au 1er janvier 2013.

6. En deuxième lieu, en ce qui concerne les arrêts de travail dont a bénéficié Mme C... du 24 décembre 2013 au 30 juin 2014, il ressort des pièces du dossier, et il n'est pas contesté par l'administration que durant cette période la requérante a été placée, par deux arrêtés du 19 septembre 2014 de la directrice interrégionale Sud de la protection judiciaire de la jeunesse, en congé de longue maladie. Dès lors, les dispositions précitées du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 limitant à une période de trois mois le bénéfice de l'intégralité du traitement ne trouvaient pas à s'appliquer durant cette période.

7. En troisième lieu, en ce qui concerne les arrêts de travail dont a bénéficié Mme C... du 17 mai 2013 au 22 septembre 2013, eu égard à la nature des arrêts de travail dont a bénéficié la requérante pour la période du 8 juin 2012 au 1er janvier 2013 rappelée au point 4 du présent l'arrêt, l'administration n'établit pas par les certificats administratifs qu'elle produit que Mme C...aurait bénéficié dans les douze dernier mois précédent la période du 17 mai 2013 au 22 septembre 2013 de 90 jours d'arrêts de travail à plein traitement au sens des dispositions du 1er alinéa du 2° de l'article 34 la loi du 11 janvier 1984.

8. Dans ces conditions, les retenues opérées par l'administration sur le traitement de MmeC..., faisant suite au courrier du 23 juin 2014 adressé à la requérante par la directrice interrégionale de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse Sud n'apparaissent pas, en l'état de l'instruction, comme étant justifiées. Le montant de ces retenues estimé par la requérant à 11 016,15 euros n'est pas contesté par l'administration.

9. En dernier lieu, Si Mme C...soutient avoir subi un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence du fait de ses retenues sur traitement, les éléments qu'elle produit ne permettent pas de regarder comme certaine la réalité d'un tel préjudice, distinct des pertes de traitement.

10. Il résulte de ce qui précède que l'obligation invoquée par Mme C...présente, en l'état de l'instruction, un caractère non sérieusement contestable au sens de l'article R. 541-1 du code de justice administrative uniquement en ce qui concerne la perte de traitement. Elle est donc fondée à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande sur ce point

11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que demande Mme C...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



ORDONNE


Article 1er : L'ordonnance n° 1600585 du 2 février 2017 du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse est annulée.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à Mme C...une provision d'un montant de 11 016,15 euros.
Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme C...est rejeté.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme C...et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Fait à Bordeaux, le 5 octobre 2017.

Le juge d'appel des référés
Pierre Larroumec
La République mande et ordonne au ministre de la justice, garde des sceaux, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
N° 17BX00670