CAA de LYON, 7ème chambre, 06/07/2020, 19LY04033, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision06 juillet 2020
Num19LY04033
JuridictionLyon
Formation7ème chambre
PresidentM. JOSSERAND-JAILLET
RapporteurM. Daniel JOSSERAND-JAILLET
CommissaireM. CHASSAGNE
AvocatsMLADENOVA MAURICE

Vu la procédure suivante :


Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal des pensions militaires de l'Isère d'annuler la décision du 21 juillet 2017, par laquelle la ministre des armées a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité et de lui reconnaître un droit à pension pour infirmité de gonalgie bilatérale.

Par un jugement n° 17/8 du 12 juin 2019, le tribunal des pensions militaires a rejeté sa demande.


Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 27 septembre 2019, et un mémoire, enregistré le 10 juin 2020, M. A..., représenté par Me C..., doit être regardé comme demandant à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal des pensions du 12 juin 2019 ;
2°) d'annuler la décision du 21 juillet 2017 et de faire droit à sa demande de pension au taux de 30 %.


Il soutient que :
- il justifie, par les deux rapports d'expertise médicale, d'une invalidité au taux de 30 % ;
- l'accident initial qui en est la cause s'est produit durant le service.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mars 2020, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :
- le jugement attaqué ne remet pas en cause le taux d'invalidité de 30 % retenu par les experts mais écarte l'imputabilité au service ;
- la contestation du taux retenu dans la décision du 21 juillet 2017 par M. A... est inopérante ;
- l'accident de service n'est pas admis par l'administration et M. A... n'établit pas le lien entre ses infirmités et le service.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ;
- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Josserand-Jaillet, président,
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :


1 M. B... A..., après avoir été déclaré apte au service, a été incorporé, à l'âge de vingt-six ans, au grade de soldat dans l'infanterie de l'armée de terre le 5 mars 2013. Il a été réformé le 31 mai 2015. Le 12 septembre 2014, il a sollicité une pension d'invalidité pour des gonalgies bilatérales qu'il impute à une chute survenue le 23 mai 2013 lors d'un entraînement. Par une décision du 21 juillet 2017, la ministre des armées a rejeté cette demande. M. A... fait appel du jugement du 12 juin 2019 par lequel le tribunal des pensions militaires de l'Isère a rejeté son recours contre ce refus.
2 Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, applicable au litige : " Ouvrent droit à pension : /1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; /2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / (...). " Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Est présumée imputable au service : / 1° Toute blessure constatée par suite d'un accident, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service ; (...) " L'article L.121-2-3 dudit code précise que " La recherche d'imputabilité est effectuée au vu du dossier médical constitué pour chaque militaire lors de son examen de sélection et d'incorporation. Dans tous les cas, la filiation médicale doit être établie entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. "
3 Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'une pension, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité au service, doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle.
4 D'autre part, aux termes de l'article L. 121-4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le taux d'invalidité résultant de l'application des guides barèmes mentionnés à l'article L. 125-3. " L'article L. 121-5 précise que " La pension est concédée : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le taux global d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; / 3° Au titre d'infirmités résultant exclusivement de maladie, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : - a) 30 % en cas d'infirmité unique ; - b) 40 % en cas d'infirmités multiples. / Aucune pension n'est concédée en deçà d'un taux d'invalidité de 10 %. "
5 En premier lieu, en estimant que la ministre des armées aurait pu justifier légalement son refus d'accorder une pension d'invalidité à M. A... au motif que celui-ci ne justifiait pas d'un lien entre ses infirmités et l'accident du 23 mai 2013, les premiers juges, en tant que juges de plein contentieux, n'ont pas méconnu leur office dès lors qu'ils se sont bornés à statuer sur l'existence d'une filiation médicale entre les blessures reçues lors de cet événement et les infirmités invoquées, sans procéder à une substitution de motifs de la décision du 21 juillet 2017.
6 La ministre des armées fait valoir, à hauteur d'appel, que le motif de rejet tiré par les premiers juges d'une absence de preuve d'une causalité entre l'accident du 23 mai 2013 et les infirmités au titre desquelles M. A... sollicite une pension justifie, nonobstant les taux des infirmités évalués par les experts, le rejet de sa demande. La ministre doit ainsi être regardée comme demandant en appel la substitution de ce motif à celui de la décision en litige, tiré exclusivement de l'application de l'article L. 121-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre cité au point 4 par une estimation des infirmités de M. A... à un taux inférieur à 10 %. Le mémoire en défense de la ministre a été régulièrement communiqué à M. A..., qui n'a pas produit d'observations en réponse sur ce point et, par ailleurs, ne conteste pas la motivation du jugement attaqué en se bornant à affirmer dans sa requête que le caractère d'accident de service n'est pas contesté. Dans ces conditions, il y a lieu de faire droit à la demande de substitution de motif dès lors que cette dernière ne prive pas M. A... d'une garantie.
7 D'une part, l'accident du 23 mai 2013 dont fait état M. A... n'est attesté par aucune pièce du dossier autrement que par les déclarations de l'intéressé formulées pour la première fois le 2 avril 2014, alors même que celui-ci ne s'est plaint de gonalgies que le 20 novembre 2013, date à laquelle il a été mis au repos jusqu'au 31 décembre 2013 tandis qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, contrairement aux allégations de l'intéressé, qu'il aurait bénéficié de restrictions de son service durant ces six mois. L'examen médical par IRM du genou gauche effectué le 13 juillet 2013 n'avait pas été prescrit ensuite de cet événement et n'a en tout état de cause pas révélé de séquelles d'un choc traumatique. Enfin, la consultation médicale du 17 janvier 2014 évoquait une période de sport intensif de trois mois pour point de départ des gonalgies. Dans ces conditions, en l'absence d'un constat de l'accident invoqué par M. A... au sens des dispositions précitées au point 2 de l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, celui-ci ne peut se prévaloir de la présomption d'imputabilité au service posée par ces mêmes dispositions. Par ailleurs, si les deux expertises du 18 juin 2016 et des 18 octobre et 22 novembre 2016, la seconde, neurologique, renvoyant au demeurant à l'examen rhumatologique, ont constaté la limitation de mobilité bilatérale des genoux de M. A... en raison des gonalgies, elles n'ont pu en rapporter l'étiologie à un choc traumatique qui serait survenu à la suite de la chute décrite par l'intéressé. Dans ces conditions, M. A... n'établit pas, ainsi qu'il lui incombe, de lien de filiation médicale entre celle-ci et les infirmités constatées.
8 D'autre part, M. A... ne peut utilement faire valoir les taux d'invalidité retenus par l'expertise à l'encontre du motif de rejet de sa demande tiré de cette absence de démonstration de l'imputabilité au service par les premiers juges à l'appui de sa contestation du jugement attaqué et du motif substitué par la ministre des armées à celui de la décision du 21 juillet 2017 en litige.
9 Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires de l'Isère a rejeté sa demande.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 15 juin 2020 à laquelle siégeaient :
M. Josserand-Jaillet, président,
M. Seillet, président assesseur,
Mme Burnichon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 juillet 2020.
N° 19LY04033 2
lc