CAA de LYON, 7ème chambre, 15/04/2021, 19LY04238, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision15 avril 2021
Num19LY04238
JuridictionLyon
Formation7ème chambre
PresidentM. JOSSERAND-JAILLET
RapporteurM. Daniel JOSSERAND-JAILLET
CommissaireM. CHASSAGNE

Vu la procédure suivante :


Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a contesté devant le tribunal des pensions de Dijon la décision du 14 décembre 2017, par laquelle la ministre des armées a refusé de réviser la pension militaire d'invalidité qui lui a été concédée par un arrêté du 23 novembre 2009.

Par un jugement n° 19/0007 du 18 septembre 2019, le tribunal des pensions a ordonné une mesure d'expertise et a sursis à statuer sur les conclusions des parties.
Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 19 novembre 2019, la ministre des armées demande à la cour d'annuler ce jugement avant-dire-droit du tribunal des pensions du 18 septembre 2019, en tant qu'il a ordonné une expertise pour les infirmités " séquelles de fracture de l'astragale droit et rupture du ligament externe " et " gonalgies droites par gonarthrose interne droite ".

Elle soutient que le tribunal ne pouvait régulièrement, sans statuer au-delà du litige dont il était saisi, ordonner une expertise de ces deux infirmités, qui n'entrent pas dans le champ de la demande de révision formée par M. A....
La requête a été communiquée à M. A..., qui n'a pas produit d'observations.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 et le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ;
- le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;


Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Josserand-Jaillet, président ;
- et les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;


Considérant ce qui suit :


1. M. B... A..., né le 7 août 1943, engagé le 4 octobre 1963, a été rayé des contrôles militaires le 5 août 1993. Une pension militaire d'invalidité au taux global de 65 % lui a été concédée à compter du 21 juillet 2009 par un arrêté du 23 novembre 2009. Il a sollicité le 2 mai 2016 la révision de cette pension au titre de l'aggravation de l'infirmité " séquelles d'entorses à répétition de la tibio-tarsienne gauche, instabilité douloureuse de la tibio-tarsienne gauche, raideur de la flexion dorsale, arthrose évolutive ". M. A... a saisi le 17 mai 2018 le tribunal des pensions de Dijon d'un recours contre la décision du 14 décembre 2017 par laquelle le ministre des armées a rejeté cette demande, en sollicitant notamment une expertise. La ministre des armées demande l'annulation du jugement du 18 septembre 2019 en tant que cette décision avant-dire-droit ordonne une expertise portant sur l'infirmité n° 1 " séquelles de fracture de l'astragale droit et rupture du ligament externe " et l'infirmité n° 2 " gonalgies droites par gonarthrose interne droite ".
2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : /1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; (...). " Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Est présumée imputable au service : / (...) 2° Toute blessure constatée durant les services accomplis par un militaire en temps de guerre, au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, d'une opération extérieure mentionnée à l'article L. 4123-4 du code de la défense ou pendant la durée légale du service national et avant la date de retour sur le lieu d'affectation habituelle ou la date de renvoi dans ses foyers ; / 3° Toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1, L. 461-2 et L. 461-3 du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le militaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ces tableaux ; / 4° Toute maladie constatée au cours d'une guerre, d'une expédition déclarée campagne de guerre, d'une opération extérieure mentionnée à l'article L. 4123-4 du code de la défense (...) ". L'article L. 121-2-3 dudit code précise que " La recherche d'imputabilité est effectuée au vu du dossier médical constitué pour chaque militaire lors de son examen de sélection et d'incorporation. Dans tous les cas, la filiation médicale doit être établie entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. " Aux termes de l'article L. 154-1 de ce code : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. Cette demande est recevable sans condition de délai. La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. La pension définitive révisée est concédée à titre définitif. "
3. Il résulte de ces dispositions que lorsque le titulaire d'une pension militaire d'invalidité pour infirmité sollicite sa révision du fait de l'aggravation de ses infirmités, l'évolution du degré d'invalidité s'apprécie à la date du dépôt de la demande de révision de la pension. Le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. Au cas où une première infirmité reconnue imputable au service a concouru, avec une affection ou un fait étranger au service, à provoquer, après le service, une infirmité nouvelle, celle-ci n'ouvre droit à pension que s'il est établi que l'infirmité antécédente a été la cause directe et déterminante de l'infirmité nouvelle. Ainsi, l'aggravation de l'infirmité initiale, si elle est seulement due au vieillissement, peut justifier une révision du taux de la pension. En revanche, si le vieillissement cause une nouvelle infirmité, distincte de l'infirmité pensionnée, qui contribue à l'aggravation de celle-ci, les dispositions précitées de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre font obstacle à cette révision, dès lors que l'aggravation est due à une cause étrangère à l'infirmité pensionnée.
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 121-4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le taux d'invalidité résultant de l'application des guides barèmes mentionnés à l'article L. 125-3. " L'article L. 121-5 précise que " La pension est concédée : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le taux global d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; / 3° Au titre d'infirmités résultant exclusivement de maladie, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : - a) 30 % en cas d'infirmité unique ; - b) 40 % en cas d'infirmités multiples. / Aucune pension n'est concédée en deçà d'un taux d'invalidité de 10 %. "
5. Enfin, aux termes de l'article R. 731-15 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dans sa version applicable au litige : " Le tribunal peut ordonner toute expertise médicale complémentaire ainsi que toutes mesures d'instruction et d'enquête qu'il juge utiles. (...) ".
6. Il résulte de l'instruction, ainsi que le relèvent les motifs du jugement attaqué, que, par sa demande du 2 mai 2016, rejetée par la décision en litige du 14 décembre 2017, M. A... sollicitait la révision de sa pension pour aggravation de la troisième infirmité pensionnée, les " séquelles d'entorses à répétition de la tibio-tarsienne gauche, l'instabilité douloureuse de la tibio-tarsienne gauche, raideur de la flexion dorsale, et l'arthrose évolutive ".
7. Il ressort des motifs du jugement attaqué que, par ses dernières écritures déposées le 19 juin 2019, M. A... demandait à titre principal aux premiers juges d'ordonner une expertise afin de déterminer son état de santé, que l'expert donne un avis sur le pourcentage d'invalidité en lien avec son infirmité à la cheville gauche et son genou gauche, en précisant la part imputable à l'accident de service du 19 août 1964, et en déduire l'aggravation de son état, et, à titre subsidiaire, de dire que l'infirmité de la cheville gauche s'est aggravée et est entièrement imputable à cet accident de service.
8. Il suit de là que M. A... a entendu limiter ses prétentions à la contestation du rejet de sa demande de révision de pension en tant qu'il porte sur l'aggravation de l'infirmité pensionnée n° 3 qui, ainsi qu'il vient d'être dit au point 6, n'affecte que son membre inférieur gauche.
9. Il ne résulte pas de l'instruction, et notamment d'aucune des pièces médicales au dossier, que cette infirmité trouverait son origine ou un lien fonctionnel dans l'une ou l'autre des deux autres infirmités pensionnées, qui affectent sa jambe droite. Dans ces conditions, par le point 4 du dispositif du jugement attaqué, le tribunal, qui ne peut tirer des dispositions précitées de l'article R. 731-15 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre le pouvoir d'ordonner d'office une expertise excédant le cadre du litige qui lui était soumis, en donnant pour mission à l'expert de déterminer si les infirmités 1 et 2 de M. A... s'étaient aggravées, a statué au-delà des conclusions dont il était saisi et a ainsi, dans cette mesure, entaché son jugement d'irrégularité.
10. Il résulte de ce qui précède que la ministre des armées est fondée à demander, dans cette mesure, la réformation du jugement attaqué.


DÉCIDE :


Article 1er : Le jugement n° 19/0007 du tribunal des pensions de Dijon est réformé par la suppression, au point 4 de son dispositif, du passage commençant par les mots " infirmité 1 : séquelles de fracture de l'astragale droit ... " et se terminant par les mots " ... 20 % + 5 ".
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. B... A.... Copie en sera adressée au tribunal administratif de Dijon.
Délibéré après l'audience du 25 mars 2021 à laquelle siégeaient :
M. Josserand-Jaillet, président de chambre ;
M. Seillet, président-assesseur ;
Mme Djebiri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 avril 2021.


N° 19LY04238 2