CAA de LYON, 7eme chambre - formation a 3, 03/06/2021, 19LY01909, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision03 juin 2021
Num19LY01909
JuridictionLyon
Formation7eme chambre - formation a 3
PresidentM. JOSSERAND-JAILLET
RapporteurM. Daniel JOSSERAND-JAILLET
CommissaireM. CHASSAGNE
AvocatsCARNOT AVOCATS

Vu la procédure suivante :


Procédure contentieuse antérieure
Mme F... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la Métropole de Lyon à lui verser en principal une somme de 364 680 euros en réparation des conséquences d'un accident de service dont elle a été victime le 20 décembre 2006.
Par un jugement n° 1800544 du 20 mars 2019, le tribunal administratif de Lyon a :
- condamné la Métropole de Lyon à verser à Mme A... une somme de 70 600 euros, outre intérêts et capitalisation, en réparation du déficit fonctionnel permanent consécutif à cet accident ;
- ordonné une expertise ;
- rejeté les conclusions de la demande de Mme A... tendant à l'indemnisation de la perte de chance d'évolution professionnelle, des frais de cure thermale, d'hospitalisation et d'assistance par tierce personne, et le surplus des conclusions en indemnisation du déficit fonctionnel permanent ;
- réservé le surplus des conclusions.



Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 20 mai 2019, et un mémoire, enregistré le 20 août 2020, la Métropole de Lyon, représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 21 mars 2019 ;
2°) de rejeter les demandes de Mme A....

Elle soutient que :
- faute de lui avoir communiqué les mémoires produits par la caisse primaire d'assurance maladie, la mutuelle MGAS et la caisse des dépôts et consignations (CDC), le tribunal a méconnu le principe du contradictoire et a ainsi entaché son jugement d'irrégularité ;
- en l'absence d'élément probant sur les faits, la responsabilité de la Métropole de Lyon ne peut être engagée par voie de présomption sans erreur manifeste d'appréciation et erreur de droit ;
- sa condamnation conduit à une double indemnisation d'un même chef de préjudices ;
- le régime forfaitaire des accidents de service répare à lui seul le déficit fonctionnel permanent en l'absence de préjudice patrimonial réel ;
- la mesure d'expertise ordonnée en première instance, qui ne pourrait pallier les carences probatoires de Mme A..., est dépourvue d'utilité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juillet 2020, et un mémoire complémentaire, enregistré le 22 janvier 2021, Mme A..., représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la Métropole de Lyon la somme de 2 000 euros.

Elle soutient que :
- le défaut de productions par la caisse primaire d'assurance maladie, la mutuelle et la CDC en première instance est visé dans le jugement attaqué ;
- aucun des moyens invoqués par la Métropole de Lyon n'est fondé ;
- l'expertise ayant été menée, le moyen tiré de son absence d'utilité est devenu sans objet.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 et l'arrêté du 14 mars 1986 ;
- le décret n° 68-756 du 13 août 1968, pris pour l'application de l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le code civil ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;


Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Josserand-Jaillet, président ;
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
- et les observations de Me B... pour la Métropole de Lyon, ainsi que celles de Me C... pour Mme A... ;


Considérant ce qui suit :


1. Mme F... A..., rédactrice territoriale affectée à l'antenne territoriale de Rilleux-la-Pape de la Métropole de Lyon, a demandé au tribunal administratif de Lyon la condamnation de celle-ci à l'indemniser de l'intégralité de ses préjudices consécutifs à un accident de service survenu le 20 décembre 2006. Par un jugement du 20 mars 2019, le tribunal administratif de Lyon a condamné la Métropole de Lyon à verser à Mme A... une somme de 70 600 euros, outre intérêts et capitalisation, en réparation du déficit fonctionnel permanent consécutif à cet accident, a ordonné une expertise, a rejeté les conclusions de la demande de Mme A... tendant à l'indemnisation de la perte de chance d'évolution professionnelle, des frais de cure thermale, d'hospitalisation et d'assistance par tierce personne, et le surplus des conclusions en indemnisation du déficit fonctionnel permanent et a réservé le surplus des conclusions. La Métropole de Lyon demande l'annulation de ce jugement.


Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des pièces du dossier que la demande de Mme A..., enregistrée le 23 janvier 2018 au greffe du tribunal administratif de Lyon, a été mise à disposition de la Métropole de Lyon dans l'application Télérecours le 6 mars 2018 et a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône le 16 mars 2018 et à la caisse des dépôts et consignations (CDC) le 8 février 2019, lesquelles, avisées de l'audience publique du 6 mars 2019 le 18 février 2019, n'ont pas produit d'observations avant la notification, le 22 mars 2019, du jugement avant-dire-droit attaqué ainsi qu'il est mentionné dans les visas de ce dernier. Le mémoire en défense de la Métropole de Lyon a été mis à disposition de la CDC et de la caisse primaire d'assurance maladie le 5 juillet 2018 dans l'application Télérecours. Par ailleurs, si il résulte des termes mêmes des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale que la caisse de sécurité sociale à laquelle est ou était affiliée la victime doit être appelée en déclaration de jugement commun dans une instance ouverte par la victime contre le tiers responsable, le juge étant, le cas échéant, tenu de mettre en cause d'office la caisse si elle n'a pas été appelée en déclaration de jugement commun, tel n'est pas le cas s'agissant d'une mutuelle. La circonstance que le jugement attaqué vise la communication de la requête à la mutuelle MGAS sans que cet organisme ait été mis en cause dans la procédure de première instance, si elle constitue une mention erronée dans les visas, reste, dès lors qu'en tout état de cause cette mutuelle n'a pas produit d'observations, sans incidence sur le caractère contradictoire des débats devant les premiers juges. Dans ces conditions, le moyen tiré par la Métropole de Lyon de la méconnaissance du principe du caractère contradictoire de la procédure juridictionnelle en raison du défaut de communication de mémoires en première instance doit être écarté.


Sur la responsabilité :


3. En premier lieu, il est constant que le traumatisme crânien occipital et les contusions multiples musculaires cervico-dorso-lombaires diagnostiqués le 20 décembre 2006 au service des urgences de la polyclinique de Rillieux-la-Pape où a été conduite Mme A... à cette date sont consécutifs à un accident survenu alors qu'elle exerçait son activité sur son lieu de travail habituel durant les horaires de fonctionnement du service et qui a été reconnu imputable à ce dernier. Dans ces conditions, si, à l'occasion de la demande en réparation des dommages consécutifs à cet accident en litige la Métropole de Lyon peut discuter la réalité, la consistance et l'ampleur des préjudices invoqués par la victime, elle ne peut en revanche, pour prétendre s'exonérer de sa responsabilité en qualité d'employeur de Mme A..., utilement remettre en cause les faits générateurs de ces dommages qui sont établis par la reconnaissance de l'imputabilité de l'accident au service.

4. En second lieu, les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et, pour les fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, le II de l'article 119 de la loi du 26 janvier 1984 et les articles 30 et 31 du décret du 9 septembre 1965 qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité, doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions instituant ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager sa responsabilité. Toutefois, la circonstance que le fonctionnaire victime d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle ne remplit pas les conditions auxquelles les dispositions mentionnées ci-dessus subordonnent l'obtention d'une rente ou d'une allocation temporaire d'invalidité fait obstacle à ce qu'il prétende, au titre de l'obligation de la collectivité qui l'emploie de le garantir contre les risques courus dans l'exercice de ses fonctions, à une indemnité réparant des pertes de revenus ou une incidence professionnelle. En revanche, elle ne saurait le priver de la possibilité d'obtenir de cette collectivité la réparation de préjudices d'une autre nature, dès lors qu'ils sont directement liés à l'accident ou à la maladie.

5. Il suit de là que la Métropole de Lyon, alors même qu'elle ne conteste pas le lien entre l'accident du 20 décembre 2006 et le déficit fonctionnel permanent au titre duquel les premiers juges ont fait droit, après avoir écarté d'autres chefs de préjudices, à la demande de réparation intégrale, au-delà du forfait réparant ledit déficit fonctionnel, formée par Mme A..., n'est pas fondée à soutenir qu'en la condamnant à ce titre à verser à la victime une somme de 70 600 euros le tribunal aurait mis à sa charge une indemnisation redondante d'un même chef de préjudice et ainsi une somme qu'elle ne doit pas.


Sur l'expertise ordonnée par le tribunal :


6. Par l'article 2 du dispositif du jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a sursis à statuer sur la demande d'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées par Mme A... et des troubles dans ses conditions d'existence et ordonné une expertise en vue de l'évaluation de ses dommages et préjudices sur ces trois points. D'une part, cette expertise ne porte ainsi pas sur les chefs de préjudices écartés notamment au point 5 du jugement attaqué. D'autre part, contrairement à ce qu'affirme la Métropole de Lyon, elle n'a pas pour effet de pallier une carence de Mme A... dans la production des éléments de preuve qui lui incombent, mais a bien pour objet de permettre au juge, par l'exercice de ses pouvoirs d'investigation, de statuer en toute connaissance de cause sur le litige qui lui est soumis. Dès lors, la Métropole de Lyon n'est pas fondée à remettre en cause l'utilité de cette mesure d'expertise.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de la Métropole de Lyon doit être rejetée.
Sur les conclusions relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :


8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Métropole de Lyon, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 200 euros à verser à Mme A... au titre des frais non compris dans les dépens que celle-ci a exposés.


DÉCIDE :


Article 1er : La requête de la Métropole de Lyon est rejetée.
Article 2 : La Métropole de Lyon versera à Mme A... une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... A... et à la Métropole de Lyon.
Délibéré après l'audience du 12 mai 2021 à laquelle siégeaient :
M. Josserand-Jaillet, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juin 2021.
N° 19LY01909 2


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