CAA de MARSEILLE, 7ème chambre, 17/09/2021, 19MA03137, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision17 septembre 2021
Num19MA03137
JuridictionMarseille
Formation7ème chambre
PresidentM. POCHERON
RapporteurMme Jacqueline MARCHESSAUX
CommissaireM. CHANON
AvocatsMAS GUILLAUME

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille de reconnaître l'imputabilité au service de son affection et de condamner l'Etat à lui verser sa solde à compter de la date de résiliation unilatérale de son contrat ainsi que des dommages et intérêts.

Par un jugement n° 1705221 du 13 mai 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 juillet 2019 sous le n° 19MA03137, M. C..., représenté par Me Mas, demande à la Cour :

1°) d'ordonner, avant dire droit, une expertise ;

2°) de sursoir à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise ;

3°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 13 mai 2019 ;

4°) d'annuler la décision du 11 juillet 2016 ;




5°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 200 000 euros à parfaire en fonction des résultats de l'expertise sollicitée ;

6°) d'enjoindre à l'administration de réexaminer sa demande ;

7°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :
- le tribunal était territorialement incompétent pour se prononcer sur son litige ;
- l'exemplaire du jugement qui lui a été communiqué ne comporte pas la signature des membres de la formation de jugement ;
- sa demande d'expertise est justifiée afin que la matérialité et les conséquences médicales des accidents qu'il a subis soient établies ;
- les avis techniques des médecins inspecteurs du service de santé des armées ne sont pas motivés ;
- la matérialité de son accident et le lien avec son affection sont établis.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 juin 2019.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 avril 2020, la ministre des armées conclut au rejet de la requête de M. C....

Elle soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Un courrier du 12 avril 2021 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Une ordonnance portant clôture immédiate de l'instruction a été émise le 31 mai 2021.

Un mémoire présenté pour M. C... a été enregistré le 6 juillet 2021, postérieurement à la clôture d'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code de la défense ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.




Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.




Considérant ce qui suit :

1. M. C..., caporal engagé volontaire de l'armée de terre depuis le 6 octobre 2009, a été placé en congé de longue maladie du 19 janvier 2015 au 18 janvier 2017, par quatre décisions successives des 17 mars 2015, 24 juin 2015, 10 décembre 2015, et 11 juillet 2016. Le 29 septembre 2016, l'intéressé a formé contre cette dernière décision un recours devant la commission des recours des militaires en tant qu'elle précisait que " l'affection ouvrant droit à ce congé n'est pas survenue du fait ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ". Par décision du 17 juillet 2017, le ministre a rejeté son recours préalable du 29 septembre 2016. M. C... relève appel du jugement du 13 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de son affection et à la condamnation de l'Etat à lui verser sa solde à compter de la date de résiliation unilatérale de son contrat, ainsi que des dommages et intérêts.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes du second alinéa de l'article R. 312-2 du code de justice administrative : " Lorsqu'il n'a pas été fait application de la procédure de renvoi prévue à l'article R. 351-3 et que le moyen tiré de l'incompétence territoriale du tribunal administratif n'a pas été invoqué par les parties avant la clôture de l'instruction de première instance, ce moyen ne peut plus être ultérieurement soulevé par les parties ou relevé d'office par le juge d'appel ou de cassation ".

3. Le moyen tiré de l'incompétence du tribunal administratif de Marseille pour connaître des conclusions de M. C... tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de son affection et à la condamnation de l'État à lui verser sa solde à compter de la date de résiliation unilatérale de son contrat ainsi que des dommages et intérêts n'a pas été soulevé en première instance. Il suit de là que, conformément aux dispositions précitées de l'article R. 312-2 du code de justice administrative, M. C... n'est pas recevable à l'invoquer pour la première fois devant le juge d'appel.

4. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience " ;

5. Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué a été signée conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée à M. C... ne comporterait pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.




Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

6. En tout état de cause, M. C... ne peut utilement soutenir que les avis techniques des médecins inspecteurs du service de santé des armées sont entachés d'un défaut de motivation dès lors qu'un avis médical ne constitue pas un acte administratif qui doit être motivé en application des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, aujourd'hui reprises à l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration.

7. Aux termes de l'article L. 4138-13 du code de la défense dans sa version en vigueur à la date de la décision contestée : " Le congé de longue maladie est attribué, après épuisement des droits de congé de maladie ou des droits du congé du blessé fixés aux articles L. 4138-3 et L. 4138-3-1, dans les cas autres que ceux prévus à l'article L. 4138-12, lorsque l'affection constatée met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions et qu'elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. / Lorsque l'affection survient du fait ou à l'occasion de l'exercice des fonctions ou à la suite de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, ce congé est d'une durée maximale de trois ans. Le militaire conserve, dans les conditions définies par décret en Conseil d'Etat, sa rémunération. / Dans les autres cas, le militaire de carrière, ou le militaire servant en vertu d'un contrat réunissant au moins trois ans de services militaires, bénéficie de ce congé pendant une durée maximale de trois ans. (...) ". L'article R. 4138-58 du code précité dispose que : " (...) / Les dispositions relatives au congé de longue durée pour maladie prévues aux articles R. 4138-47 à R. 4138-57 s'appliquent également au congé de longue maladie, à l'exception du deuxième alinéa de l'article R. 4138-55. " Aux termes de l'article R. 4138-49 du même code : " La décision mentionnée à l'article R. 4138-48 précise si l'affection ouvrant droit à congé de longue durée pour maladie est survenue ou non du fait ou à l'occasion de l'exercice des fonctions ou à la suite de l'une des causes exceptionnelles prévues par les dispositions de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite (...) ".

8. Une maladie contractée par un militaire, ou son aggravation, doit être regardée comme survenue ou non du fait ou à l'occasion de l'exercice des fonctions si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

9. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a été placé en congé de longue maladie du 19 janvier 2015 au 18 janvier 2017, par quatre décisions successives des 17 mars 2015, 24 juin 2015, 10 décembre 2015, et 11 juillet 2016. Le 29 septembre 2016, M. C... a saisi la commission des recours des militaires (CRM) d'un recours administratif préalable obligatoire tendant à l'annulation de la décision du 11 juillet 2016 au motif que son affection résulte d'un accident survenu lors d'une opération extérieure au Qatar, le 23 février 2013, et s'est aggravée lors d'un exercice d'escalade avec sa section en juin 2014. Ce recours a été rejeté par une décision du 17 juillet 2017 de la ministre des armées. Ces décisions précisaient toutes que " l'affection ouvrant droit à ce congé n'est pas survenue du fait ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ". De même, les quatre avis techniques du médecin général inspecteur de santé produits au dossier précisaient que " il n'y a pas de lien entre l'affection nécessitant un congé de non-activité et l'exercice des fonctions ou l'une des causes exceptionnelles prévues par les dispositions de l'article L. 27 du code des pensions civiles ou militaires de retraite ". Le requérant n'établit pas la réalité de l'accident survenu au Qatar pas plus que l'aggravation de son état suite à un exercice d'escalade le 4 juin 2014 ni que son affection serait en lien avec ces évènements en se bornant à produire divers courriers qu'il a adressés les 30 octobre 2014, 1er février 2015, 20 avril 2015 et 28 septembre 2015, soit plus d'un an et demi après les faits, à sa hiérarchie, ainsi qu'un compte-rendu de cet accident rédigé par lui et par lesquels il affirme que sa maladie est due à son accident survenu le 23 février 2013 et s'est aggravée au cours d'un exercice d'escalade le 4 juin 2014. Par ailleurs, la ministre des armées a produit une attestation de séjour de M. C... au Qatar du 4 juin 2013 ne rapportant aucun accident ou blessure, ainsi qu'un certificat d'aptitude établi le 5 août 2013, six mois après ce séjour, par le médecin référent de l'antenne médicale du 35ème RI, selon lequel l'intéressé est apte à servir et à faire campagne en tous lieux et sans restriction. Si M. C... soutient qu'à la demande de sa hiérarchie et alors qu'il comptait s'inscrire au concours de l'école militaire inter armée (EMIA), il n'a pas immédiatement déclaré cet accident, il a reconnu lui-même, dans une déclaration sur l'honneur, qu'il n'a pas voulu le signaler. Ce lien ne saurait être établi par le certificat du 1er juillet 2014 établi par le docteur B..., du service d'accueil des urgences de l'hôpital d'instruction des armées Lavéran, qui mentionne que l'intéressé lui a été adressé " pour une lombalgie importante, suite à une chute en escalade il y a un mois ", pas plus que par le compte rendu du 1er juin 2016 de ce même service qui se borne à préciser " patient de 27 ans, militaire dans l'infanterie, en invalidité depuis 1,5 ans, douleurs de lombo-sciatique qui évolue depuis le mois de juin 2014 après une chute en escalade en OPEX " et celui du 28 décembre 2016 d'un médecin du pôle de réadaptation des blessés de cet hôpital précisant que l'intéressé lui a expliqué être en attente d'une décision de recours en vue d'une régularisation de sa situation. Il en va de même de la circonstance à la supposer établie que M. C... n'aurait souffert d'aucun problème de santé avant son départ en opération au Qatar. Par suite, ce moyen doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille, a rejeté ses demandes tendant à ce que soit reconnue l'imputabilité au service de son affection et à la condamnation de l'Etat à lui verser sa solde à compter de la date de résiliation unilatérale de son contrat, ainsi que la somme de 200 000 euros à titre de dommages et intérêts. Par voie de conséquence, les conclusions de M. C... tendant, d'une part, à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 200 000 euros à parfaire en fonction des résultats de l'expertise sollicitée et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint à l'administration de réexaminer sa demande doivent être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'expertise :

11. Aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. (...) ".

12. Il ne résulte pas de l'instruction qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise demandée par M. C..., qui ne présente pas d'utilité pour la solution du litige. Par suite, ses conclusions tendant à la désignation d'un expert doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que le conseil de M. C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.



D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Me Mas et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2021, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 septembre 2021.
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N° 19MA03137
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