CAA de PARIS, 4ème chambre, 24/09/2021, 19PA00797, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision24 septembre 2021
Num19PA00797
JuridictionParis
Formation4ème chambre
PresidentMme HEERS
RapporteurMme Mireille HEERS
CommissaireM. BARONNET
AvocatsACHOUR

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 304 047,11 euros en réparation des préjudices subis à raison du refus de requalifier ses contrats de droit local.

Par une ordonnance n° 1706303/5-1 du 18 décembre 2018, le Tribunal administratif de
Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires complémentaires, enregistrés le 19 février 2019, le
20 mai 2019 et le 6 septembre 2020, M. B..., représenté par Me Achour, demande à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 76 861,30 euros au titre des rémunérations qu'il estime lui être dues pour la période allant de 2005 à 2013 ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 211 034,95 euros au titre des indemnités et émoluments qu'il estime lui être dus pour la même période ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 16 150,86 euros au titre des cotisations de retraite ;

5°) d'enjoindre à la ministre des armées de lui communiquer le nombre de jours de mission qu'il a passés sur le terrain aux fins de calcul des bonifications de campagne qu'il estime lui être dues ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 7 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- le tribunal administratif de Paris a commis une erreur de droit en déclarant sa requête irrecevable ;
- les délais de recours ne lui étaient pas opposables en l'absence de mention des voies et délais de recours dans la décision de rejet de sa demande ; en tout état de cause, le principe selon lequel un recours formé contre une décision ne mentionnant pas les voies et délais de recours doit être intenté dans un délai raisonnable d'un an à compter de la décision ou de la date à laquelle le bénéficiaire a eu connaissance de cette décision ne lui est pas applicable, s'agissant d'une requête indemnitaire ;
- en l'employant dans le cadre de contrats de droit local du 12 août 2005 au 23 août 2011, et non dans le cadre de contrats de droit français, le ministre de la défense a commis une erreur de droit et se devait de régulariser rétroactivement sa situation ;
- sa créance n'est pas prescrite.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2020, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :
- la requête présentée devant le tribunal est tardive dès lors qu'elle tend à l'annulation de la décision du 3 décembre 2015 ;
- elle est irrecevable car elle n'a pas été précédée d'une demande indemnitaire préalable ;
- la créance est prescrite ;
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le décret n°67-290 du 28 mars 1967 ;
- le décret n° 69-697 du 18 juin 1969 ;
- l'arrêté du 14 décembre 1995 portant application aux agents contractuels du ministère de la défense en service dans les postes permanents à l'étranger du décret n° 67-290 du 28 mars 1967 fixant les modalités de calcul des émoluments des personnels de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à caractère administratif en service à l'étranger et du décret n° 69-697 du 18 juin 1969 portant fixation du statut des agents contractuels de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à caractère administratif, de nationalité française, en service à l'étranger ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Heers,
- et les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public.


Considérant ce qui suit :

1. M. D... B... a été recruté à compter du 12 août 2005 en qualité d'interprète linguiste français-dari-pachto, pour seconder les forces françaises en Afghanistan. Il a bénéficié jusqu'au 23 août 2011 de plusieurs contrats à durée déterminée soumis au droit local afghan. Le 3 septembre 2015, il a sollicité la requalification de ses contrats en contrat de droit public français, le versement rétroactif de son traitement réévalué et des cotisations de retraite afférentes, ainsi que le bénéfice de la campagne simple. Cette demande a été rejetée par une décision du
3 décembre 2015. M. B... demande l'annulation de l'ordonnance du 18 décembre 2018 par laquelle le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 304 047,11 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison du refus de requalification de ses contrats.


Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".


3. Il résulte du principe de sécurité juridique que le destinataire d'une décision administrative individuelle qui a reçu notification de cette décision ou en a eu connaissance dans des conditions telles que le délai de recours contentieux ne lui est pas opposable doit, s'il entend obtenir l'annulation ou la réformation de cette décision, saisir le juge dans un délai raisonnable, qui ne saurait, en règle générale et sauf circonstances particulières, excéder un an. Toutefois, cette règle ne trouve pas à s'appliquer aux recours tendant à la mise en jeu de la responsabilité d'une personne publique qui, s'ils doivent être précédés d'une réclamation auprès de l'administration, ne tendent pas à l'annulation ou à la réformation de la décision rejetant tout ou partie de cette réclamation mais à la condamnation de la personne publique à réparer les préjudices qui lui sont imputés. La prise en compte de la sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause indéfiniment des situations consolidées par l'effet du temps, est alors assurée par les règles de prescription prévues par la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ou, en ce qui concerne la réparation des dommages corporels, par l'article L. 1142-28 du code de la santé publique.
4. Pour rejeter la requête de M. B..., le Tribunal administratif de Paris a retenu que les conclusions présentées par l'intéressé tendaient à la réparation des conséquences pécuniaires de la décision prise par son employeur lui refusant la requalification de ses contrats de travail en contrats de droit français, dont il avait eu connaissance, au plus tard, le 7 février 2016, et a considéré que cette décision, qui revêtait un caractère purement pécuniaire, était devenue définitive. Toutefois, une décision de refus de requalification de contrats de droit local en contrats de droit français emporte des effets juridiques sur la situation individuelle de l'intéressé, notamment en ce qui concerne l'ancienneté dans le service public, qui ne sont pas exclusivement financiers. Cette décision ne peut, dès lors, être qualifiée de décision purement pécuniaire. Dans ces conditions, en l'absence de notification régulière de la décision du 3 décembre 2015, le délai de recours contentieux n'était pas opposable au requérant. La demande de M. B... présentée devant le Tribunal administratif de Paris n'était donc pas tardive.

5. Dès lors, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le Tribunal administratif de Paris a rejeté comme irrecevable la demande dont il était saisi. Par suite, l'ordonnance attaquée du 18 décembre 2018 doit être annulée.

6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Paris.

En ce qui concerne la recevabilité de la requête de première instance :

7. La ministre des armées soulève une fin de non-recevoir tirée de ce que les conclusions indemnitaires présentées par M. B... seraient irrecevables, faute d'avoir été précédées d'une demande indemnitaire préalable chiffrée.


8. Toutefois, d'une part, il ressort des pièces du dossier que, par son courrier du 4 septembre 2015 adressé à l'administration, M. B... a sollicité le versement rétroactif de son traitement réévalué et des cotisations de retraite afférentes, et a demandé à bénéficier de la campagne simple. D'autre part, un requérant peut se borner à demander à l'administration réparation d'un préjudice qu'il estime avoir subi pour ne chiffrer ses prétentions que devant le juge administratif. Par suite, la fin de non-recevoir doit être écartée.
En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat :

9. En premier lieu, aux termes du V de l'article 34 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : " Lorsque les nécessités du service le justifient, les services de l'Etat à l'étranger peuvent, dans le respect des conventions internationales, faire appel à des personnels contractuels recrutés sur place, sur des contrats de travail soumis au droit local, pour exercer des fonctions concourant au fonctionnement desdits services ". Il résulte de ces dispositions que l'autorité compétente peut, en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires contraires, procéder, dans ses services situés à l'étranger, à des recrutements sur place d'agents, le cas échéant de nationalité française, sur des contrats de droit privé soumis au droit local, dès lors que ces agents sont amenés à concourir au fonctionnement desdits services et que ces recrutements répondent aux nécessités du service.


10. Toutefois, aux termes de l'article 1er du décret du 18 juin 1969 portant fixation du statut des agents contractuels de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à caractère administratif, de nationalité française, en service à l'étranger : " Les dispositions du présent décret sont applicables aux agents contractuels de nationalité française relevant de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à caractère administratif en service à l'étranger. / (...) Des arrêtés conjoints du ministre de l'économie et des finances, du ministre des affaires étrangères et du secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre, chargé de la fonction publique, pris sur proposition du ministre intéressé, définiront pour chaque ministère les emplois et préciseront en tant que de besoin les pays étrangers auxquels les dispositions du présent décret sont applicables. / Les emplois susvisés peuvent être confiés soit à des agents non titulaires, soit à des agents titulaires (...) ". Il résulte de ces dispositions que le décret du 18 juin 1969 est applicable aux contrats conclus avec des ressortissants français pour pourvoir les emplois qu'il vise.


11. Par ailleurs, en application de l'arrêté du 14 décembre 1995 susvisé, dans sa rédaction applicable au litige, le décret du 18 juin 1969 s'applique aux agents contractuels de nationalité française du ministère des affaires étrangères qui occupent l'une des fonctions énumérées à l'article 4 de cet arrêté, au nombre desquelles figure la fonction d'interprète, et, s'agissant des agents de catégorie B, sont titulaires du diplôme de bachelier de l'enseignement secondaire ou de technicien ou d'un diplôme français ou étranger de niveau équivalent.


12. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., de nationalité française et titulaire d'un diplôme équivalent au diplôme de bachelier de l'enseignement secondaire, a exercé à compter du 12 août 2005 des fonctions d'interprète auprès de l'armée française en Afghanistan. Dans ces conditions, M. B... se trouvait soumis de plein droit aux dispositions du décret du
18 juin 1969.

13. En second lieu, aux termes de l'article 2 du même décret du 18 juin 1969: " Pour être recruté en qualité d'agent contractuel, l'intéressé doit : / 1° Posséder la nationalité française, sous réserve des incapacités prévues par le code de la nationalité française ; / 2° Jouir de ses droits civiques et être de bonne moralité ; / 3° Se trouver, le cas échéant, en position régulière au regard des lois sur le recrutement de l'armée ; / 4° Remplir les conditions d'aptitude physique exigées pour l'exercice de la fonction et être reconnu soit indemne de toute affection tuberculeuse, cancéreuse ou nerveuse, soit définitivement guéri. "
14. La ministre des armées fait valoir que M. B... ne pouvait bénéficier du statut d'agent public contractuel de l'Etat en service à l'étranger dès lors qu'il ne remplissait pas les conditions posées à l'article 2 du décret du 18 juin 1969 précité et qu'il ne justifiait pas, notamment, se trouver en position régulière au regard des règles relatives au recrutement de l'armée. Il résulte cependant des termes du contrat d'engagement dans l'armée de terre signé par M. B... le
23 août 2011 que ce dernier avait présenté un certificat d'aptitude médicale délivré par le médecin des armées ainsi qu'un état signalétique des services militaires accomplis. L'administration, qui a ainsi admis en 2011 que M. B... remplissait les conditions prévues par cet article, n'est donc pas fondée à soutenir que l'intéressé ne justifiait pas de sa position régulière au regard des lois sur le recrutement de l'armée lors des recrutements antérieurs.


15. Il s'ensuit qu'en recrutant M. B... dans le cadre de contrats non conformes aux dispositions du décret du 18 juin 1969, la ministre des armées a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.

En ce qui concerne l'exception de prescription :
16. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ". L'article 2 de cette loi prévoit que : " La prescription est interrompue par : (...) / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement ".

17. Il résulte de ces dispositions que le délai de prescription quadriennale de la créance dont se prévaut un agent du fait du retard mis par l'administration à le placer dans une situation statutaire régulière court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle est intervenu l'acte ayant régularisé sa situation.
18. Il résulte de l'instruction que, du 12 août 2005 au 23 août 2011, M. B... a été placé dans une situation irrégulière dans la mesure où il aurait dû bénéficier de contrats soumis au droit français. L'administration ayant régularisé sa situation à compter du 23 août 2011, c'est seulement à cette date que l'intéressé a eu connaissance de l'étendue de sa créance, compte tenu des conditions, notamment de grade, auxquelles il était finalement recruté et donc rémunéré en application du droit français. Le délai de prescription de sa créance a ainsi commencé à courir à compter du 1er janvier 2012. Cette prescription a été interrompue par l'introduction d'une demande indemnitaire le 3 septembre 2015. Dès lors, M. B... n'était pas forclos, le 11 avril 2017, pour demander réparation du préjudice financier qu'il estime avoir subi du fait de n'avoir pas bénéficié plus tôt de contrats de droit français.
En ce qui concerne les préjudices :
19. En premier lieu, aux termes de l'article 7 du décret du 18 juin 1969 : " Les dispositions du décret n° 67-290 du 28 mars 1967 fixant les modalités de calcul des émoluments des personnels de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à caractère administratif en service à l'étranger, sont applicables aux agents régis par le présent décret. ". L'article 2 du décret du 28 mars 1967 dispose que : " Les émoluments des personnels visés à l'article 1er comprennent limitativement, sous réserve des modalités d'attribution prévues par le présent décret, les éléments suivants : / 1° Rémunération principale. / Le traitement ; / L'indemnité de résidence à l'étranger, qui tient lieu d'indemnité de résidence au sens de l'article 20 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires. / 1° bis Prime de performance individuelle ; / 2° Avantages familiaux : / -le supplément familial ; / -les majorations familiales pour enfant à charge qui tiennent lieu de supplément familial de traitement au sens de l'article 20 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires. / 3° Indemnités forfaitaires pour rembourser des frais éventuels ; / D'établissement ; / De responsabilité des comptables publics et régisseurs ; / D'intérim ; / De déplacement. / 4° Réductions diverses pour tenir compte De l'affiliation éventuelle au régime du code des pensions civiles et militaires de retraite, au régime général de sécurité sociale dans les conditions fixées aux articles L. 761-3 à L. 761-5 du code de la sécurité sociale et, éventuellement, aux régimes complémentaires de retraite / Des autres prélèvements sociaux conformément à la législation ou à la réglementation applicables ; / Des rétributions que l'agent peut percevoir d'un gouvernement étranger ou d'un organisme situé à l'étranger ; / De la fourniture du logement ; / Du lieu de recrutement ; / De la durée de services continus dans une même localité d'affectation à l'étranger. / Les émoluments des personnels visés à l'article 1er sont exclusifs de tout autre élément de rémunération. Toutefois, des rémunérations supplémentaires peuvent être allouées aux personnels qui assurent un enseignement, pour tenir compte des obligations hebdomadaires maximales d'enseignement qui leur sont applicables. Les modalités d'attribution de ces rémunérations supplémentaires feront l'objet d'arrêtés conjoints du ministre intéressé et du ministre de l'économie et des finances ".
20. Entre le 12 août 2005 et le 23 août 2011, M. B... a été rémunéré sur la base d'un salaire mensuel dont le montant était fixé en référence au droit local afghan. Toutefois, dès lors que sa situation relevait du décret du 18 juin 1969, M. B... aurait dû, en application des dispositions précitées, percevoir les émoluments prévus à l'article 2 du décret du 28 mars 1967 dans les conditions prévues aux articles 4 à 12 du même décret. M. B... est dès lors fondé à solliciter l'indemnisation de la perte de rémunération constituée par la différence entre, d'une part, ce qu'il a réellement perçu, et d'autre part, ce qu'il aurait dû percevoir s'il avait bénéficié de contrats soumis au droit français. En outre, M. B... est également fondé à demander l'indemnisation de la perte de pension de retraite corrélative.


21. En second lieu, aux termes de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa version applicable du 1er janvier 2004 au 1er juillet 2011 : " Aux services effectifs s'ajoutent, dans les conditions déterminées par un décret en Conseil d'Etat, les bonifications ci-après : (...) / c) Bénéfices de campagne dans le cas de services militaires, notamment pour services à la mer et outre-mer ; (...) / Les bonifications prévues aux a, c et d du présent article sont prises en compte dès lors que la pension rémunère au moins quinze années de services effectifs. Elles sont prises en compte sans condition de durée pour les fonctionnaires et les militaires radiés des cadres pour invalidité. ".
22. M. B... fait valoir que les services effectués en qualité d'interprète auprès de l'armée française lui ouvrent droit aux bonifications pour campagne en application des dispositions précitées de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Toutefois, l'intéressé n'établit avoir exercé son activité d'interprète qu'entre 2005 et 2013 et ne justifie donc pas, en tout état de cause, de quinze années de services effectifs. Il ne démontre pas davantage, ni même n'allègue, avoir été radié des cadres pour invalidité. Par suite, M. B..., qui ne démontre pas remplir les conditions requises par l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite pour que lui soit accordée l'attribution de bénéfices de campagne, n'est pas fondé à solliciter l'indemnisation du préjudice résultant de la minoration de sa pension de retraite du fait de l'absence de prise en compte de ces bonifications. Il n'y a donc pas lieu d'enjoindre, comme le demande M. B..., à la ministre des armées de lui communiquer le nombre de jours de mission passés sur le terrain.
23. Il résulte de tout ce qui précède l'Etat doit être condamné à verser à M. B... une indemnité calculée dans les conditions fixées au point 20. Les éléments nécessaires à la liquidation des sommes dues à M. B... ne figurant pas au dossier, il y a lieu de renvoyer ce dernier devant l'administration aux fins de liquidation de cette indemnité, dans la limite de la somme de 304 047,11 euros sollicitée par M. B....
Sur les frais liés au litige :
24. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


DECIDE :


Article 1er : L'ordonnance n° 1706303/5-1 du 18 décembre 2018 du Tribunal administratif de Paris est annulée.
Article 2 : M. B... est renvoyé devant la ministre des armées pour le calcul et le versement de l'indemnité mentionnée au point 20.
Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et à la ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente de chambre,
- Mme Briançon, présidente assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 septembre 2021.
La présidente-rapporteure,
M. HEERS
La présidente assesseure,
C. BRIANÇONLa greffière,
S. GASPARLa République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 19PA00797 5