CAA de LYON, 7ème chambre, 18/11/2021, 19LY03249, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision18 novembre 2021
Num19LY03249
JuridictionLyon
Formation7ème chambre
PresidentM. JOSSERAND-JAILLET
RapporteurM. Daniel JOSSERAND-JAILLET
CommissaireM. CHASSAGNE
AvocatsSCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY

Vu la procédure suivante :


Procédure contentieuse antérieure
Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Dijon :
- d'annuler les décisions du 23 mars 2015 par lesquelles le directeur du centre hospitalier Henri-Dunant de La Charité-sur-Loire l'a placée en disponibilité d'office pour raisons de santé du 1er avril 2010 au 14 juillet 2012, puis en position de " service non fait " du 15 juillet 2012 au 31 janvier 2014 ;
- d'annuler la décision du 4 mars 2015 par laquelle le directeur du centre hospitalier Henri-Dunant l'a admise à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er février 2014 ;




- d'annuler la décision implicite de rejet, née du silence gardé par le centre hospitalier Henri-Dunant sur sa demande du 30 avril 2015 tendant, d'une part, au retrait de la décision du 4 mars 2015 par laquelle elle a été admise à la retraite pour invalidité à compter du 1er février 2014, de la décision du 23 mars 2015 par laquelle elle a été placée en disponibilité pour raisons de santé entre le 1er avril 2010 et le 14 juillet 2012 et de la décision du 23 mars 2015 par laquelle elle a été placée en position de " service non fait " pour la période du 15 juillet 2012 au 31 janvier 2014, et d'autre part, à ce que sa carrière soit reconstituée et à ce qu'elle soit placée au dernier échelon de son grade, au versement des rémunérations qui lui sont dues par voie de conséquence, à ce qu'une allocation temporaire d'invalidité lui soit accordée et au paiement des sommes correspondantes par voie de conséquence ;
- de condamner le centre hospitalier Henri Dunant à lui verser une somme de 300 000 euros en principal ;
- d'enjoindre au centre hospitalier Henri Dunant de lui attribuer l'allocation temporaire d'invalidité et de reconstituer sa carrière ;
- d'annuler la décision du 31 mai 2016 par laquelle la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) a rejeté sa demande de révision de pension de retraite.

Par un jugement n° 1501274, 1502412, 1602264 du 18 juin 2019, le tribunal administratif de Dijon a :
- annulé les décisions du 23 mars 2015 ;
- annulé la décision du 4 mars 2015 ;
- annulé la décision implicite née du silence gardé par l'administration sur la demande de Mme C... du 30 avril 2015 en tant qu'elle rejette le recours de l'intéressée contre les décisions des 23 mars 2015 et 4 mars 2015 ;
- condamné le centre hospitalier Henri Dunant à verser à Mme C... une indemnité pour perte de revenus calculée sur la base du montant de la pension qui lui a été allouée en 2014 pour la période comprise entre le 29 février 2012 et le 31 janvier 2014, sous déduction des rémunérations qui avaient pu lui être versées au titre de ces périodes, dans la limite d'une somme totale de 300 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 31 août 2015 et capitalisation de ces derniers ;
- rejeté le surplus des demandes de Mme C....


Procédure devant la cour
Par une requête sommaire, enregistrée le 19 août 2019, un mémoire complémentaire, enregistré le 18 mai 2020, et une production enregistrée le 10 juin 2020 après clôture de l'instruction et non communiquée, Mme C..., représentée par la SCP G. Thouvenin, O. Coudray et M. A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 18 juin 2019 en tant qu'il n'a pas fait droit en intégralité à ses demandes ;
2°) d'annuler les décisions en cause en tant qu'elles portent refus de lui attribuer l'allocation temporaire d'invalidité, de reconstituer sa carrière et de réviser sa pension ;
3°) d'enjoindre au centre hospitalier Henri Dunant de reconstituer sa carrière ;
4°) de condamner le centre hospitalier Henri Dunant à lui verser une somme portée à 300 000 euros, assortie des intérêts légaux et de la capitalisation de ces derniers ;
5°) de mettre à la charge du centre hospitalier Henri Dunant la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- les pathologies dont elle souffre sont directement imputables au service, circonstance qui lui ouvre droit à l'allocation temporaire d'invalidité et à une indemnité sur la base de son plein traitement ;
- l'illégalité des décisions en cause dont l'effet a porté sur une longue période a entraîné pour elle des troubles dans ses conditions d'existence, un préjudice moral et un préjudice de carrière qui lui ouvrent droit à indemnisation ; elle établit la réalité de ces préjudices ;
- sa situation conduisait à la placer à la retraite à une date à laquelle elle avait atteint le septième échelon de son grade, ce qui entraînait nécessairement la révision de sa pension concédée sur la base du sixième échelon.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er septembre 2020, le centre hospitalier Henri Dunant, représenté par Me Maury, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme C... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 septembre 2020, la caisse des dépôts et consignations conclut, à titre principal, à l'incompétence de la cour pour connaître, par la voie de l'appel, du litige portant sur la décision du 31 mai 2016 de la CNRACL intervenue en matière de pension de retraite, à titre subsidiaire, au rejet de la requête de Mme C... en tant qu'elle est dirigée contre cette décision.

Elle soutient que :
- l'article R. 811-1-7 du code de justice administrative exclut d'autres voies de recours que la cassation devant le Conseil d'État contre les jugements des tribunaux administratifs intervenus en matière de pension de retraite des agents publics ;
- en l'état des décisions prises par son ancien employeur, Mme C... bénéficie de l'intégralité de ses droits à pension.

Par ordonnance du 3 septembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ;
- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique hospitalière ;
- l'arrêté du 31 décembre 2001 relatif à l'échelonnement indiciaire des personnels de rééducation de la fonction publique hospitalière ;
- l'arrêt n° 414376 du 9 novembre 2018 du Conseil d'État ;
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Josserand-Jaillet, président ;
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;


Considérant ce qui suit :
1. Masseur kinésithérapeute depuis 1980 au centre hospitalier Henri Dunant de La Charité-sur-Loire, Mme B... C... a souffert depuis l'année 2003 de diverses pathologies, dont plusieurs avaient été reconnues imputables au service, et pour lesquelles lui ont été prescrits de nombreux arrêts de travail successifs. Le 25 mars 2010, la commission de réforme a rendu un avis défavorable à la prolongation de l'imputabilité au service des hernie, lombalgie et tendinopathie dont elle souffrait, au-delà du 15 juillet 2009. Par le même avis, faisant le constat d'une polypathologie invalidante évolutive, la commission a estimé l'intéressée inapte à ses fonctions, et a donné un avis favorable à son admission à la retraite pour invalidité. Par une décision du 27 septembre 2012, le directeur du centre hospitalier Henri Dunant a placé Mme C... en position de disponibilité d'office du 15 juillet 2009 au 31 mars 2010. La caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales a finalement, après expertises de l'état de santé de Mme C..., émis le 5 février 2015 un avis favorable à la mise à la retraite pour invalidité de celle-ci avec prise d'effet au 1er février 2014. Par une décision du 4 mars 2015, le directeur du centre hospitalier a admis l'intéressée à la retraite pour invalidité à compter du 1er février 2014, date à laquelle Mme C... a atteint l'âge limite de son grade. Par deux décisions du 23 mars 2015, le même directeur l'a placée en position de disponibilité d'office pour raisons de santé du 1er avril 2010 au 14 juillet 2012 et en position de " service non fait " du 15 juillet 2012 au 31 janvier 2014. La caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales a adressé le 20 avril 2015 son brevet de pension à Mme C.... Par une décision du 31 mai 2015, la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales a rejeté la demande du 21 avril 2015 de l'intéressée tendant à la révision des conditions de liquidation de sa pension.

2. Par un jugement n° 1501274, 1502412, 1602264 du 18 juin 2019, qui est suffisamment motivé notamment quant au motif de rejet de la demande d'indemnisation du préjudice moral, du préjudice de carrière et des troubles dans les conditions d'existence que les premiers juges, par une appréciation de fond, ont regardés comme non établis, le tribunal administratif de Dijon, statuant sur trois demandes de Mme C..., a, en premier lieu, annulé les décisions du 23 mars 2015, la décision du 4 mars 2015 et la décision implicite née du silence gardé par l'administration sur la demande de Mme C... du 30 avril 2015 en tant qu'elle rejette le recours de l'intéressée contre les décisions des 23 mars 2015 et 4 mars 2015. En deuxième lieu, il a condamné le centre hospitalier Henri Dunant à verser à Mme C... une indemnité pour perte de revenus calculée sur la base du montant de la pension qui lui a été allouée en 2014 pour la période comprise entre le 29 février 2012 et le 31 janvier 2014, sous déduction des rémunérations qui avaient pu lui être versées au titre de ces périodes, dans la limite d'une somme totale de 300 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 31 août 2015 et capitalisation de ces derniers. Enfin, il a en troisième lieu rejeté le surplus des demandes de Mme C... tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 31 mai 2015, d'autre part, à l'attribution d'une allocation temporaire d'invalidité, à la reconstitution de sa carrière et à la condamnation du centre hospitalier Henri Dunant à l'indemniser d'un préjudice moral et de troubles dans ses conditions d'existence. Relevant appel de ce jugement dont elle demande l'annulation en tant qu'il n'a pas fait droit en intégralité à ses demandes, Mme C... demande à la cour d'annuler les décisions en cause en tant qu'elles portent refus de lui attribuer l'allocation temporaire d'invalidité, de reconstituer sa carrière et de réviser sa pension, d'enjoindre au centre hospitalier Henri Dunant de reconstituer sa carrière et de condamner le centre hospitalier Henri Dunant à lui verser une somme portée à 300 000 euros, assortie des intérêts légaux et de la capitalisation de ces derniers.

Sur les conclusions de la requête dirigées contre la décision du 31 mai 2015 de la CNRACL :

3. Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative, dans sa version en vigueur à la date d'enregistrement de la requête : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. Toutefois, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : (...) 7° Sur les litiges en matière de pensions de retraite des agents publics (...) ".

4. Le recours juridictionnel exercé contre une décision par laquelle le directeur de la CNRACL rejette une demande de révision de pension, présentée au motif que cette dernière a été calculée sur des bases erronées, nonobstant la circonstance que ce recours soit assorti de conclusions aux fins d'injonction tendant au versement des arrérages dus en conséquence de la révision demandée, entre dans la catégorie des litiges relatifs aux pensions pour lesquels, en application des dispositions du 7° de l'article R. 811-1 précité du code de justice administrative, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort. La jonction, prononcée par le tribunal administratif par le jugement attaqué, en raison de la connexité de la demande n° 1602264 de Mme C... avec ses autres demandes en première instance, ne saurait faire obstacle à l'application des dispositions précitées au point 3, qui déterminent la compétence respective du juge de cassation et du juge d'appel pour connaître des recours contre ce jugement. Il suit de là que les conclusions de Mme C... tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Dijon du 18 juin 2019, présentées devant la cour administrative d'appel de Lyon, revêtent dans cette mesure le caractère d'un pourvoi en cassation. Il y a lieu dès lors, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, de renvoyer ces conclusions au Conseil d'État.

Sur le surplus des conclusions de la requête :

En ce qui concerne l'étendue du litige :

5. A la suite d'un accident de service survenu le 31 octobre 2007, Mme C... a été placée à compter du 5 novembre 2007 en congé maladie en raison d'une affection regardée comme imputable au service. Par son avis du 25 mars 2010, la commission de réforme a estimé, d'une part, que l'intéressée était définitivement inapte au service et, d'autre part, qu'à compter du 15 juillet 2009, son état de santé n'était plus imputable à l'accident du 31 octobre 2007. Le 30 septembre 2010, la commission de réforme a confirmé le caractère définitif de l'incapacité, puis, au vu du rapport déposé par l'expert le 5 décembre 2012, a, par un avis du 11 avril 2013, confirmé que l'invalidité n'était pas imputable au service pour enfin, par un avis du 10 avril 2014, se prononcer notamment sur le taux d'invalidité.

6. Après l'annulation, par un jugement du 28 février 2012 du tribunal administratif de Dijon, d'une décision du 14 avril 2010 en raison d'un vice de procédure le directeur du centre hospitalier Henri Dunant, par une décision du 27 septembre 2012, devenue définitive, a placé à nouveau Mme C... en position de disponibilité d'office à compter du 15 juillet 2009 et l'a mise à la retraite d'office à compter du 1er avril 2010.

7. Par le jugement attaqué, dont le dispositif n'est pas contesté sur ce point, le tribunal administratif de Dijon a annulé, d'une part, la décision du 4 mars 2015, prise à la suite d'un avis rendu le 15 mai 2014 par la CNRACL, par laquelle le directeur du centre hospitalier a prononcé la mise à la retraite de Mme C... pour invalidité à compter du 1er février 2014 et, d'autre part, deux décisions du 23 mars 2015, par lesquelles il avait placé celle-ci en disponibilité d'office du 1er avril 2010 au 14 juillet 2012 et en " service non fait " du 14 juillet 2012 au 31 janvier 2014.

8. Par un arrêt n° 414376 du 9 novembre 2018, le Conseil d'État a condamné le centre hospitalier Henri Dunant à verser à Mme C..., d'une part, une indemnité pour perte de revenus calculée sur la base d'un demi-traitement pour la période comprise entre le 15 juillet 2009 et le 1er mars 2011 et sur la base du montant de la pension qui lui a été allouée en 2014 pour la période comprise entre le 1er mars 2011 et le 28 février 2012, sous déduction des rémunérations qui ont pu lui être versées au titre de ces périodes, et, d'autre part, une indemnité de 5 000 euros au titre des troubles qu'elle a subis dans ses conditions d'existence, le total des indemnités ne pouvant toutefois excéder 61 000 euros. Enfin, postérieurement à l'intervention de cet arrêt, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a condamné le centre hospitalier Henri Dunant à verser à Mme C..., une indemnité pour perte de revenus calculée sur la base du montant de la pension qui lui a été allouée en 2014 pour la période comprise entre le 29 février 2012 et le 31 janvier 2014, sous déduction des rémunérations qui ont pu lui être versées au titre de ces périodes, dans la limite d'une somme totale de 300 000 euros, avec intérêts au taux légal et capitalisation.

9. Il résulte par ailleurs de l'instruction, et notamment des écritures contentieuses de la caisse des dépôts et consignations, que, si Mme C... a été, ainsi qu'il vient d'être dit, radiée des cadres, par la décision du 27 septembre 2012, à compter du 1er avril 2010, la liquidation de sa pension n'est intervenue qu'à compter du 1er février 2014, date correspondant à la limite d'âge retenue par la CNRACL dans son avis du 15 mai 2014, non contesté, qui lie d'ailleurs l'autorité investie du pouvoir de nomination, pour la mise à la retraite de l'intéressée pour invalidité.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... a ainsi été indemnisée, après l'intervention des différentes décisions juridictionnelles précédemment énumérées et qui ne sont pas contestées dans cette mesure par la requérante, de ses pertes de revenus pour la période allant du 15 juillet 2009 au 28 février 2012, d'une part, pour la période allant du 29 février 2012 au 31 janvier 2014, d'autre part, et enfin de troubles dans ses conditions d'existence pour la période du 15 juillet 2009 au 31 janvier 2014.



11. Il suit de là qu'en demandant, à titre principal, d'une part l'annulation du jugement attaqué " en tant et en tant seulement qu'il n'a pas été intégralement fait droit à ses demandes ", d'autre part, qu'il soit fait " droit à ses conclusions de première instance et ce faisant (d')annuler les décisions (en cause) en tant que lui ont été refusées l'allocation temporaire d'invalidité, la reconstitution de sa carrière et la révision de sa pension ", Mme C... ne peut qu'être regardée comme dirigeant le surplus de ses conclusions en appel, après ce qui a été dit au point 4 s'agissant de la décision de la CNRACL du 31 mai 2016, contre la décision implicite, née du silence gardé par le centre hospitalier Henri Dunand, en tant qu'elle rejette sa demande du 30 avril 2015 tendant notamment à ce que sa carrière soit reconstituée et à ce qu'elle soit placée au dernier échelon de son grade, au versement des rémunérations qui lui sont dues par voie de conséquence, à ce qu'une allocation temporaire d'invalidité lui soit accordée et au paiement des sommes correspondantes par voie de conséquence, enfin tendant à l'indemnisation de préjudices matériels et moraux et de troubles dans les conditions d'existence, dans une limite globale, toutes indemnisations confondues, de 300 000 euros, et pour les périodes hors du champ des litiges sur lesquels il a été statué définitivement par les décisions juridictionnelles rappelées aux points 8 et 10 du présent arrêt.

En ce qui concerne les droits de Mme C... à l'allocation temporaire d'invalidité :

12. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière dans sa rédaction applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. (...) / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". L'article 80 de la même loi dispose que : " Les établissements mentionnés à l'article 2 ci-dessus sont tenus d'allouer aux fonctionnaires qui ont été atteints d'une invalidité résultant d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 10 p. 100 ou d'une maladie professionnelle, une allocation temporaire d'invalidité cumulable avec leur traitement dans les mêmes conditions que les fonctionnaires de l'État. / Les conditions d'attribution ainsi que les modalités de concession, de liquidation, de paiement et de révision de l'allocation temporaire d'invalidité sont fixées par voie réglementaire. "

13. Si, ainsi qu'il a été dit précédemment, Mme C... a, à plusieurs reprises, été placée en congés pour maladie reconnue imputable au service, notamment à la suite d'un accident survenu le 31 octobre 2007 et en raison d'une hernie discale du rachis lombaire avec périarthrite scapulohumérale, par un avis du 25 mars 2010, la commission de réforme a estimé, d'une part, que l'intéressée était définitivement inapte au service et, d'autre part, qu'à compter du 15 juillet 2009, son état de santé n'était plus imputable à cet accident et à cette pathologie. Il résulte de l'instruction, et notamment du procès-verbal de la réunion de la commission de réforme du 10 avril 2014, que celle-ci a retenu, aux fins de déterminer le taux d'incapacité permanente partielle dont était atteinte Mme C..., six pathologies en relevant qu'elles n'étaient pas imputables au service. Il ressort également des pièces du dossier que cette appréciation est conforme aux différentes expertises réalisées pendant la période allant de 2009 à 2014 à cette fin, successivement par les docteurs Piermont, Bruneau-Engalenc, de Boysson et Jacquemin. Par la production des certificats médicaux d'un médecin du travail et de son médecin traitant, portant sur une période allant du 27 mars 2008 au 5 novembre 2009, et en se bornant à affirmer qu'elle " remplit toutes les conditions " fixées par les dispositions précitées de l'article 80 de la loi du 9 janvier 1986, Mme C... ne conteste pas sérieusement les nombreuses pièces du dossier qui écartent l'imputabilité de l'incapacité permanente dont elle est atteinte à ses accidents de service antérieurs et à la maladie professionnelle dont elle a souffert. Par suite, elle ne justifie pas remplir les conditions ouvrant droit à l'allocation temporaire d'invalidité prévue par les dispositions précitées de l'article 80 de la loi du 9 janvier 1986. Dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation de la décision implicite rejetant sa demande du 30 avril 2015 en tant qu'elle sollicitait l'attribution de cette allocation et ses conclusions tendant à ce que le centre hospitalier Henri Dunant soit condamné à la lui servir.

En ce qui concerne la demande de Mme C... tendant à ce que le centre hospitalier Henri Dunant procède à la reconstitution de sa carrière :

14. Ainsi qu'il a été dit aux points 6 et 9 du présent arrêt, et comme l'a relevé le Conseil d'État au point 9 de son arrêt n° 414376 mentionné au point 8, Mme C... a été placée à la retraite d'office à compter du 1er avril 2010 par la décision du 27 septembre 2012. Cette décision, devenue définitive, a nécessairement emporté la radiation des cadres de l'intéressée à compter de la même date. Nonobstant la circonstance qu'elle tirait des dispositions de l'article 17 du décret du 19 avril 1988 le droit de percevoir un demi-traitement jusqu'à l'intervention d'une décision la mettant à la retraite pour invalidité, sa radiation des cadres faisait en tout état de cause obstacle à toute poursuite de sa carrière dans son grade et, par suite, à tout avancement d'échelon postérieur à cette date. Il résulte de l'instruction, d'une part, que Mme C... a été promue, le 19 décembre 2003, au sixième échelon du grade de masseur-kinésithérapeute de classe supérieure, à compter du 16 mai 2003. Il n'est pas contesté qu'elle disposait le 14 juillet 2009 d'une ancienneté de six ans, un mois et vingt-neuf jours dans cet échelon. D'autre part, il résulte de l'instruction que la requérante a été placée en position de congé au titre d'une maladie professionnelle du 16 novembre 2008 au 14 juillet 2009. Il est constant que, par la décision du 27 septembre 2012, devenue définitive à la suite du jugement n° 1301967, non frappé d'appel, du 20 novembre 2014 du tribunal administratif de Dijon, le centre hospitalier Henri Dunant a notamment placé l'intéressée en position de disponibilité d'office du 15 juillet 2009 au 31 mars 2010. Il résulte des dispositions de l'article 62 de la loi du 9 janvier 1986 que, durant cette dernière période, l'intéressée a cessé de bénéficier de droits à la retraite. Il est constant qu'à la date de sa radiation des cadres Mme C... était classée au sixième échelon de son grade de masseur-kinésithérapeute à l'indice 638, retenu pour base du calcul de sa pension.
15. Dans ces conditions, Mme C... n'est pas fondée à soutenir qu'il appartenait au centre hospitalier Henri Dunant de la faire progresser dans son grade et que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande d'annulation de la décision implicite rejetant sa demande du 30 avril 2015 en tant qu'elle sollicitait la reconstitution de sa carrière en la plaçant au septième échelon et ses conclusions en première instance tendant à ce qu'il soit enjoint au centre hospitalier Henri Dunant de procéder à cette reconstitution.

16. Il résulte de ce qui vient d'être dit aux points 13 et 15 du présent arrêt que Mme C... n'est pas fondée à demander que le centre hospitalier Henri Dunant soit condamné à lui verser des sommes en réparation du non-versement de l'allocation temporaire d'invalidité ou d'une perte de revenus résultant du calcul de l'indemnité que le centre hospitalier Henri Dunant a été condamné, par le jugement attaqué, à lui verser au titre de la période du 29 février 2012 au 31 janvier 2014. Les conclusions indemnitaires de Mme C... ne peuvent dès lors, dans cette mesure, qu'être rejetées.

En ce qui concerne le surplus des conclusions indemnitaires de Mme C... :

17. Il suit, en premier lieu, de ce qui a été dit aux points 14 et 15 du présent arrêt que Mme C... n'établit pas avoir subi un préjudice de carrière en conséquence des décisions des 4 mars et 23 mars 2015 non plus que de sa mise à la retraite.

18. En second lieu, par son arrêt n° 414376, le Conseil d'État, qui a relevé que la mise à la retraite pour invalidité de l'intéressée aurait dû intervenir au plus tard le 1er mars 2011, a condamné le centre hospitalier Henri Dunant à verser à Mme C... une somme de 5 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence subis par celle-ci en conséquence des conditions dans lesquelles ont été gérées sa rémunération et la liquidation de sa pension, pour la période comprise entre le 15 juillet 2009 et le 28 février 2012. Il est constant, ainsi qu'il ressort notamment des écritures contentieuses de la caisse des dépôts et consignations en défense, que la liquidation de sa pension n'est intervenue qu'à compter du 1er février 2014, en conséquence de la décision, annulée par le jugement attaqué, du 4 mars 2015 l'admettant à faire valoir ses droits à la retraite à compter de cette même date. Ces circonstances très particulières à l'espèce révèlent, par elles-mêmes, la persistance des troubles dans les conditions d'existence de Mme C... au-delà du 28 février 2012 jusqu'à la mise en paiement effective de sa pension de retraite, en conséquence directe de la décision illégale du 4 mars 2015. Mme C... est, dans ces conditions, fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont regardé comme non établis le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence dont elle demandait, en première instance, l'indemnisation et, par suite, à demander la réformation de ce jugement sur ce point.

En ce qui concerne le montant des indemnités dues à Mme C... :

19. Il sera fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice moral subis par l'intéressée en mettant à ce titre à la charge du centre hospitalier le versement d'une indemnité de 5 000 euros à verser à Mme C....

20. Les indemnités mises à la charge du centre hospitalier porteront intérêt au taux légal à compter du 30 avril 2015, date de réception par le centre hospitalier de la réclamation préalable présentée par Mme C.... La capitalisation des intérêts a été demandée le 31 août 2015. A cette date, il était dû au moins une année d'intérêts. Dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande à cette date et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
21. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier Henri Dunant à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence pour la période entre le 29 février 2012 et la mise en paiement de sa pension de retraite et à demander la réformation du jugement attaqué sur ce point. Le surplus de ses conclusions en annulation et indemnitaires doivent dès lors être rejetées.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

22. Eu égard notamment à ce qui a été dit aux points 12 à 15, les motifs et le dispositif du présent arrêt n'impliquent aucune mesure d'exécution. Dès lors, les conclusions de Mme C... aux fins d'injonction doivent être rejetées.

En ce qui concerne l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

23. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier Henri Dunant une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de Mme C... ou de la caisse des dépôts et consignations qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante.
DÉCIDE :


Article 1er : Les conclusions de Mme C... dirigées contre le jugement n° 1501274, 1502412, 1602264 du tribunal administratif de Dijon du 18 juin 2019 en tant qu'il a statué sur la demande n° 1602264 de l'intéressée tendant à l'annulation de la décision du 31 mai 2016 par laquelle la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales a rejeté sa demande tendant à la révision de sa pension de retraite et à la condamnation de la caisse à lui verser les arrérages dus en conséquence de cette révision sont renvoyées au Conseil d'État.
Article 2 : Le centre hospitalier Henri Dunant est condamné à verser à Mme C... une indemnité de 5 000 euros au titre des troubles qu'elle a subis dans ses conditions d'existence et de son préjudice moral.
Article 3 : La somme due par le centre hospitalier Henri Dunant au titre de ces indemnités portera intérêt au taux légal à compter du 30 avril 2015. Les intérêts échus le 31 août 2015 seront capitalisés à cette date et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Article 4 : Le jugement n° 151274, 1502412, 1602264 du tribunal administratif de Dijon du 18 juin 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le centre hospitalier Henri Dunant versera à Mme C... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... ainsi que les conclusions présentées par le centre hospitalier Henri Dunant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 7 : La présente décision sera notifiée à Mme B... C..., à la caisse des dépôts et consignations et au centre hospitalier Henri Dunant.
Copie en sera adressée au ministre des solidarités et de la santé.


Délibéré après l'audience du 21 octobre 2021 à laquelle siégeaient :
M. Josserand-Jaillet, président ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, première conseillère.


Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 novembre 2021.

N° 19LY03249 10