CAA de PARIS, 8ème chambre, 31/01/2022, 20PA03407, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision31 janvier 2022
Num20PA03407
JuridictionParis
Formation8ème chambre
PresidentM. LE GOFF
RapporteurMme Aude COLLET
CommissaireMme BERNARD
AvocatsNATAÏ

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... G... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision de la ministre des armées du 21 février 2017 rejetant sa demande du 10 février 2016 tendant à la révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation des infirmités " 1. Psychosyndrome post-traumatique ", " 2. Séquelles de blessure abdominale par balle. Colectomie transverse partielle " et " 3. Séquelles douloureuses de fracture de l'apophyse transverse de L3. Sciatalgies gauches. Limitation de la flexion du tronc " et au bénéfice d'une majoration pour assistance par une tierce personne.

Par un jugement n° 1925008/5-3 du 16 septembre 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :
Par un recours enregistré le 16 novembre 2020, M. G..., représenté par Me Nataï, demande à la Cour :

1°) d'ordonner une expertise aux fins de fixer le taux d'aggravation correspondant aux infirmités dont il souffre et de se prononcer sur la nécessite de l'assistance d'une tierce personne à titre permanent ou non suite à l'aggravation de son état de santé ;

2°) d'annuler le jugement n° 1925008/5-3 du 16 septembre 2020 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du ministre de la défense du 21 février 2017 ;

3°) de faire droit à sa demande du 10 février 2016 tendant à la révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de ses trois infirmités.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il a subi une aggravation de ses infirmités et que cette aggravation est la conséquence directe des blessures constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée et qu'il nécessite l'assistance d'une tierce personne ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il a considéré à tort que le ministre de la défense n'avait pas commis d'erreur de droit en refusant de lui octroyer la majoration pour tierce personne prévue à l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 février 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête de M. G... et à la confirmation de la décision du ministre de la défense du 21 février 2017.

Elle soutient que :

- la requête d'appel est irrecevable dès lors qu'en se bornant à reproduire intégralement et exclusivement le texte du mémoire de première instance, elle méconnaît les dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Collet,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. G..., né le 1er mars 1952 en Tunisie, de nationalité française, est titulaire d'une pension militaire d'invalidité définitive au taux de 65 % concédée par un arrêté du 3 janvier 2005 à compter du 5 décembre 2003 au titre des infirmités liées aux blessures reçues en tant que victime civile d'un attentat terroriste le 5 novembre 2000 en Israël " 1. Psychosyndrome post-traumatique ", " 2. Séquelles de blessure abdominale par balle. Colectomie transverse partielle " et " 3. Séquelles douloureuses de fracture de l'apophyse transverse de L3. Sciatalgies gauches ". Le 10 février 2016, il a sollicité la révision de sa pension pour aggravation et le bénéfice d'une majoration pour assistance par une tierce personne. Le ministre de la défense a, par décision du 21 février 2017, rejeté sa demande aux motifs qu'aucune aggravation n'a été constatée et que les seules infirmités pensionnées ne le mettent pas dans l'obligation de recourir à l'aide constante d'une tierce personne pour accomplir les actes les plus nombreux se répartissant tout au long de la journée et lui permettant d'assurer sa vie courante. Une expertise avant-dire droit a été ordonnée par le Tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris, confiée aux docteurs E..., B... et au professeur Peretti, lesquels ont déposé leur rapport le 31 juillet 2019. Par jugement n° 1925008/5-3 du 16 septembre 2020, dont M. G... relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur l'aggravation des infirmités dont souffre M. G... :

2. Aux termes de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable à la date de la demande de révision de la pension : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins du pourcentage antérieur. Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ". Il résulte de ces dispositions, nonobstant la circonstance que, pour l'exercice de son office, le juge du contentieux des pensions militaires d'invalidité statue en plein contentieux, que lorsque le titulaire d'une pension militaire d'invalidité pour infirmité sollicite sa révision du fait de l'aggravation de ses infirmités, l'évolution du degré d'invalidité s'apprécie à la date du dépôt de la demande de révision de la pension, laquelle lie le contentieux ultérieur.

3. Il résulte de l'instruction que pour solliciter le 10 février 2016 la révision de la pension militaire d'invalidité qui lui a été concédée par arrêté du 3 janvier 2005 au taux de 65 %, M. G... a produit un certificat médical du 29 mai 2016, postérieur à sa demande, qui mentionne son incapacité totale de travailler depuis 2014 ainsi que les différents symptômes dont il se plaint sans toutefois les accompagner d'une comparaison par rapport à son état antérieur ayant conduit à l'attribution par arrêté du 3 janvier 2005 d'une pension militaire d'invalidité définitive au taux de 65 % qui permettrait d'établir la réalité de l'aggravation alléguée. Il produit également un certificat médical établi le 30 octobre 2016 par le docteur C... qui relate les pathologies dont il souffre sans toutefois mentionner d'aggravation de son état par rapport à la situation antérieure et sans qu'aucun examen médical précis ne soit produit sur le plan orthopédique, digestif et psychologique. Par ailleurs, est annexée à ce certificat une enquête médicale signée par le même médecin qui, s'agissant du pronostic d'évolution, porte la mention " non amélioration probable " et s'agissant de l'autonomie indique qu'il peut tout faire seul mais qu'il est sujet à des malaises, chutes et crises qui impliquent une surveillance constante et que l'assistance d'une tierce personne n'est pas nécessaire de manière constante. Les certificats médicaux établis les 7 septembre 2017, 18 décembre 2018 et 11 juin 2019 par son médecin de famille, le docteur D..., et le 16 décembre 2018 par le docteur A..., psychothérapeute, ne peuvent pas être pris en compte dès lors qu'ils mentionnent une aggravation récente qui est datée postérieurement à la demande de révision et qui ne peut être regardée par les termes employés comme révélant une situation antérieure.

4. Par ailleurs, il ressort du rapport du 31 juillet 2019 de l'expertise confiée aux docteurs B... et E... et au professeur Peretti, et qui a été réalisée sur pièces, le requérant résidant à l'étranger, que, s'agissant de l'infirmité " 1. Psychosyndrome post-traumatique ", le professeur Peretti a relevé que si le docteur A... indique " un suivi depuis 2015 " en lien avec les faits ayant donné lieu au bénéfice de la pension militaire d'invalidité, aucune évaluation objective de ce psychosyndrome post-traumatique n'a été effectuée et il en conclut au maintien au taux de 30 %, de cette infirmité. S'agissant ensuite de l'infirmité " 2. Séquelles de blessure abdominale par balle. Colectomie transverse partielle ", le docteur B... précise que concernant les lésions viscérales initiales (plaie du colon entraînant colectomie droite et colostomie, puis rétablissement de continuité digestive), aucun nouvel élément ne permet de formuler une quelconque aggravation et que concernant les lésions de la paroi abdominale (laparotomie d'urgence, puis réintervention pour fermeture de colostomie et enfin cure d'éventration), il conclut qu'il n'est pas évoqué de nouvelle plainte fonctionnelle en relation. Enfin, s'agissant de l'infirmité " 3. Séquelles douloureuses de fracture de l'apophyse transverse de L3. Sciatalgies gauches. Limitation de la flexion du tronc ", le docteur E... relève qu'aucun document médical ne permet de retrouver un examen clinique du rachis lombaire en testant les mobilités, l'éventuel signe de Lasègue permettant de confirmer la sciatique, un examen neurologique des membres inférieurs et que les pièces présentées font une description des plaintes mais ne s'accompagnent pas d'examen médical précis produit sur le plan orthopédique, digestif et psychologique. Les trois experts concluent en indiquant qu'aucun signe objectif d'aggravation n'a été relevé.

5. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que, conformément aux dispositions de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dès lors que les éléments médicaux produits de part et d'autre ne montrent pas, par comparaison avec son état antérieur, l'existence d'une aggravation des trois infirmités pour lesquelles il bénéficie déjà d'une pension militaire d'invalidité et dont il demande la révision, M. G... n'a pas droit à la révision de la pension militaire d'invalidité dont il bénéficie au taux de 65 % à titre définitif depuis le 5 décembre 2003 concédée par un arrêté du 3 janvier 2005 pour les trois infirmités précitées. Par suite, la décision du ministre de la défense du 21 février 2017 n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre.

Sur la demande de majoration pour assistance par tierce personne :

6. Aux termes de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa version alors applicable : " Les invalides que leurs infirmités rendent incapables de se mouvoir, de se conduire ou d'accomplir les actes essentiels de la vie ont droit à l'hospitalisation, s'ils la réclament. En ce cas, les frais de cette hospitalisation sont prélevés sur la pension qui leur est concédée. S'ils ne reçoivent pas ou s'ils cessent de recevoir cette hospitalisation et si, vivant chez eux, ils sont obligés de recourir d'une manière constante aux soins d'une tierce personne, ils ont droit, à titre d'allocation spéciale, à une majoration égale au quart de la pension. (...) ". Il résulte de ces dispositions que les infirmités qui doivent être prises en considération pour apprécier si un invalide remplit les conditions spéciales d'invalidité auxquelles le bénéfice de l'hospitalisation ou de la majoration est subordonné sont exclusivement celles qui ouvrent droit à pension au profit de l'intéressé.

7. Si M. G... soutient que l'aggravation de son état de santé nécessite, depuis 2015 de recourir à l'assistance d'une tierce personne, il ne résulte pas de l'instruction, ainsi qu'il a été dit au point 5 du présent arrêt, que l'aggravation des trois infirmités pour lesquelles il bénéficie d'une pension militaire d'invalidité soit établie. Par ailleurs, l'attestation rédigée par son épouse le 16 mai 2017, postérieurement à la demande de bénéfice de la majoration pour assistance par tierce personne prévue par l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, n'est pas davantage de nature à elle seule à établir la réalité d'un tel besoin. Il suit de là que la décision du ministre de la défense du 21 février 2017 n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense par la ministre des armées, que M. G... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de la défense du 21 février 2017. Par suite, sa requête doit être rejetée.

DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. G... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... G... et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 10 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 janvier 2022.


La rapporteure,
A. COLLET

Le président,




R. LE GOFF
La greffière,




E. VERGNOL
La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA03407