CAA de PARIS, 8ème chambre, 22/12/2021, 19PA03704, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision22 décembre 2021
Num19PA03704
JuridictionParis
Formation8ème chambre
PresidentM. LE GOFF
RapporteurMme Aude COLLET
CommissaireMme BERNARD
AvocatsFRIED

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. L... G... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris d'annuler la décision du ministre de la défense du 17 août 2016 rejetant sa demande du 12 février 2015 de révision de sa pension militaire d'invalidité pour les infirmités " 1- hypoacousie bilatérale ", " 2- syndrome psycho-traumatique de guerre ", " 3- syndrome subjectif des traumatisés crâniens ", de reconnaissance d'une nouvelle infirmité " sciatalgie gauche " et le bénéfice des dispositions de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre.

Par jugement n° 16/00035 du 12 juillet 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a reconnu à M. G... une aggravation de ses infirmités " hypoacousie bilatérale " avec un taux d'invalidité de 100 % et " syndrome psycho-traumatique de guerre " avec un taux d'invalidité de 60 % et a annulé la décision du 17 août 2016 du ministre de la défense dans cette mesure.

Procédure devant la Cour :

La Cour régionale des pensions de Paris a transmis à la Cour, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif pris pour l'application de l'article 51 de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, la requête présentée par la ministre des armées enregistrée à son greffe le 13 septembre 2019.

Par cette requête enregistrée au greffe de la Cour sous le n° 19PA03704 le
1er novembre 2019 et un mémoire enregistré le 16 novembre 2020, la ministre des armées demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 16/00035 du 12 juillet 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris ;

2°) de confirmer la décision du ministre de la défense du 17 août 2016 ;

3°) de rejeter l'appel incident de M. G....

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il ne fait aucune mention des textes dont il fait application s'agissant de l'aggravation ;
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il a décidé que " toute note en délibéré sera écartée des débats " et n'a ainsi pas examiné le contenu de la note en délibéré qu'elle a produite le
5 juillet 2019 en méconnaissance des dispositions de l'article R. 731-3 du code de justice administrative ;
- à la date de la demande de révision de la pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " 1- hypoacousie bilatérale ", il n'y avait aucune aggravation contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, qui s'est fondé sur une évolution postérieure de l'état de santé de M. G... entachant le jugement attaqué d'une appréciation erronée des éléments du dossier et d'une erreur de droit au regard des dispositions des articles L. 6 et L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation et ont dénaturé les pièces du dossier médical en reprenant le contenu de l'expertise du professeur Peretti qui ne pouvait pas regrouper deux infirmités décrites distinctement dans le guide-barème et globaliser leur taux, cette expertise, de plus, ne mettant pas en évidence une réelle aggravation des infirmités étudiées ;
- s'agissant de l'infirmité " sciatalgie gauche ", l'absence de taux indemnisable est un motif suffisant pour rejeter la demande de pension pour cette infirmité et le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a, à juste titre, rejeté le 12 juillet 2019 une nouvelle demande d'expertise, s'estimant suffisamment informé par les deux précédentes expertises concordantes et la demande d'une nouvelle expertise pour une infirmité considérée comme inexistante ne semble pas justifiée ;
- s'agissant du bénéfice de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, à la date de la demande de pension, la nécessité pour M. G... du recours à l'aide constante d'une tierce personne pour l'accomplissement des actes essentiels de la vie courante n'est pas établie.

Par un mémoire en défense et en appel incident, des pièces et un mémoire en reprise d'instance enregistrés les 4 septembre 2020, 18 août et 1er décembre 2021, Mme I... G... et M. F... G..., en leur qualité d'ayants droit de M. L... G..., décédé en cours d'instance, représentés par Me Fried, demandent à la Cour dans le dernier état de leurs écritures :

1°) de rejeter la requête de la ministre des armées ;

A titre principal :

2°) de confirmer le jugement du 12 juillet 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris en tant qu'il a reconnu à M. L... G... une aggravation des infirmités exclusivement imputables au service d'" hypoacousie bilatérale " et lui a accordé un taux d'invalidité de 100 % et de " syndrome psycho-traumatique de guerre " et lui a accordé un taux d'invalidité de 60 % et a annulé la décision du 17 août 2016 du ministre de la défense dans cette mesure ;

3°) d'annuler le jugement du 12 juillet 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris en tant qu'il a rejeté la demande de M. G... tendant au bénéfice de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

A titre subsidiaire :

4°) de confirmer le jugement du 12 juillet 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris en tant qu'il a considéré la requête de M. G... comme recevable et mis à la charge de l'Etat les dépens et le versement de la somme de 2 400 euros à son conseil au titre des frais liés à l'instance ;

5°) sur l'infirmité " sciatalgie gauche " de reconnaître que l'infirmité de M. G... est imputable au service et de lui attribuer à ce titre un taux d'invalidité de 35 % ;

6°) de lui reconnaître la nécessité d'avoir recours à l'assistance constante d'une tierce personne ;

7°) de mettre à la charge de l'État les dépens ;

8°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice.

Ils soutiennent que :

- la requête est suffisamment motivée ;
- c'est à bon droit que le tribunal a rejeté la note en délibéré de la ministre des armées le 27 juin 2019 sur le fondement de l'article R. 731-16 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- s'agissant de l'infirmité " hypoacousie bilatérale ", l'aggravation est établie et est en relation avec l'accident en service initial ;
- s'agissant des infirmités " syndrome psycho-traumatique de guerre " et " syndrome subjectif des traumatisés crâniens ", l'aggravation est établie et est en relation avec l'accident en service initial et le taux d'invalidité à retenir pour l'infirmité " syndrome psycho-traumatique de guerre " est de 60 % ;
- s'agissant de l'infirmité " sciatalgie gauche ", l'expertise du docteur D... comporte des contradictions et des carences et est contredite par les analyses et les conclusions de deux médecins, les docteurs B... et K..., rhumatologues spécialisés dans le domaine médical, permettant d'apprécier l'existence ou non d'une sciatalgie, ce qui implique, en application de l'article R. 731-15 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, la désignation d'un médecin surexpert rhumatologue pour effectuer une nouvelle expertise ou à défaut de retenir que cette infirmité est imputable au service et que son taux d'invalidité est fixé à 35 % ;
- l'état de santé de M. G... justifie l'allocation pour tierce personne prévue par les dispositions de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre.

M. G... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 23 décembre 2019.

Par un courrier enregistré le 18 août 2021, la Cour a été informée du décès de
M. L... G... survenu le 10 juin 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Collet,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Fried, avocat de M. G....

Considérant ce qui suit :

1. M. L... G..., né le 29 juin 1928, s'était engagé volontairement pour servir dans l'armée de terre pour la première fois le 30 septembre 1948, puis pour participer aux campagnes d'Indochine et de Tunisie - Maroc et Algérie. Il a été rayé des contrôles le 30 septembre 1965. Par arrêté du 19 juillet 2010, lui a été attribuée en dernier lieu une pension militaire d'invalidité définitive au taux de 100 % au titre des infirmités liées à une blessure reçue à l'occasion du service le 1er septembre 1962, " 1- hypoacousie bilatérale. Perte auditive moyenne oreille droite : 85 décibels Perte auditive moyenne oreille gauche : 72 décibels " au taux de 80 %, " 3- syndrome subjectif des traumatisés crâniens, céphalées, (...) " au taux de 30 %, " 4- acouphènes permanents aigus " au taux de 15 %, " 5- vertiges. Hyporéflexie vestibulaire bilatérale et symétrique " au taux de 10 % et au titre d'une blessure imputable à la guerre d'Algérie ou aux combats en Tunisie ou au Maroc, " 2- syndrome psycho-traumatique de guerre (...) " au taux de 35 %. Par demande enregistrée le 12 février 2015, il a sollicité la révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de ses infirmités pensionnées " 1- hypoacousie bilatérale ", " 2- syndrome psycho-traumatique de guerre ", " 3- syndrome subjectif des traumatisés crâniens ", la reconnaissance d'une nouvelle infirmité " sciatalgie gauche " et le bénéfice des dispositions de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Par décision du 17 août 2016, le ministre de la défense a rejeté la demande de révision de la pension militaire d'invalidité de M. G... pour absence d'aggravation des infirmités 1, 2 et 3, de reconnaissance de la nouvelle infirmité " sciatalgie gauche ", laquelle a été considérée comme inexistante, et le bénéfice de l'allocation pour tierce personne dès lors que la nécessité d'une assistance constante n'a pas été établie. M. G... a saisi le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris d'un recours contre cette décision. Une expertise a été ordonnée qui a été confiée aux docteurs D... et J... et au professeur Peretti, lesquels ont rendu leur rapport respectivement les 2 juillet, 19 février et
30 mars 2018. Par jugement du 12 juillet 2019, dont relèvent appel la ministre des armées et
M. G... et ses ayants droit par la voie de l'appel incident, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a annulé la décision du 17 août 2016 du ministre de la défense en tant qu'elle n'avait pas reconnu une aggravation des infirmités " 1- hypoacousie bilatérale " et " 2- syndrome psycho-traumatique de guerre " et lui a accordé au titre de ces indemnités respectivement les taux d'invalidité de 100 % et de 60 %.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes des dispositions de l'article R. 731-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre alors en vigueur : " La procédure devant les juridictions des pensions est régie par les dispositions du présent code, par celles du code de procédure civile auxquelles les dispositions du présent code renvoient expressément et, dans le silence du présent code, par les règles générales de procédure applicables aux juridictions administratives ". Selon les dispositions de l'article R. 731-16 du même code alors en vigueur : " Huit jours avant la date fixée pour l'audience, l'instruction est close et les parties sont avisées que l'affaire est en état d'être jugée ".

3. D'autre part, aux termes des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique, sauf s'il a été fait application des dispositions de l'article L. 731-1. Dans ce dernier cas, il est mentionné que l'audience a eu lieu ou s'est poursuivie hors la présence du public. / Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) / Mention est également faite de la production d'une note en délibéré ". Selon les dispositions de l'article R. 731-3 du même code : " Postérieurement au prononcé des conclusions du rapporteur public, toute partie à l'instance peut adresser au président de la formation de jugement une note en délibéré ".

4. Le tribunal des pensions militaires d'invalidité était tenu de faire application, comme toute juridiction administrative, des règles générales relatives à toutes les productions postérieures à la clôture de l'instruction. S'il lui appartenait, dans tous les cas, de prendre connaissance des notes en délibéré et de les viser, il n'avait l'obligation d'en tenir compte que si ces documents contenaient soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoquait n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction écrite et qu'il n'aurait pu ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou qu'il aurait dû relever d'office. Dans cette hypothèse, il devait soumettre ces notes en délibéré au débat contradictoire en renvoyant l'affaire à une audience ultérieure.

5. Il résulte de l'instruction que, postérieurement à l'audience tenue le 21 juin 2019, par un envoi du 27 juin 2019, reçu au greffe du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris le 5 juillet 2019, la ministre des armées a présenté une note en délibéré. Dans son jugement du 12 juillet 2019, le tribunal a énoncé que la ministre des armées avait fait parvenir au tribunal une note en délibéré " après l'audience et donc la clôture des débats " et décidé que " toute note en délibéré sera écartée des débats ". Il suit de là que le tribunal n'a pas examiné le contenu de la note en délibéré en méconnaissance des règles générales applicables aux juridictions administratives relatives à toutes les productions postérieures à la clôture de l'instruction. La ministre des armées est, par suite, fondée à soutenir que le jugement est entaché d'irrégularité.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête relatif à la régularité du jugement, que le jugement du 12 juillet 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris est annulé. Il y a lieu de statuer par la voie de l'évocation et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. G....

Sur le droit de M. G... à bénéficier d'une révision de sa pension militaire d'invalidité et à la reconnaissance d'une nouvelle infirmité :

7. D'une part, aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors en vigueur le 12 février 2015, date de la demande de bénéfice de la pension : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service ". Selon l'article L. 3 du même code alors en vigueur : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. / (...) La présomption définie au présent article s'applique exclusivement aux constatations faites, soit pendant le service accompli au cours de la guerre 1939-1945, soit au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, soit pendant le service accompli par les militaires pendant la durée légale, compte tenu des délais prévus aux précédents alinéas. (...) ". Aux termes de l'article L. 4 du même code alors en vigueur : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; 3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : 30 % en cas d'infirmité unique ; 40 % en cas d'infirmités multiples. / En cas d'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'une infirmité étrangère à celui-ci, cette aggravation seule est prise en considération, dans les conditions définies aux alinéas précédents. Toutefois, si le pourcentage total de l'infirmité aggravée est égal ou supérieur à 60 %, la pension est établie sur ce pourcentage ". Il résulte des dispositions combinées des articles L. 2, L. 3 et L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre que lorsque la présomption légale d'imputabilité ne peut être invoquée, l'intéressé doit apporter la preuve de l'existence d'une relation directe et certaine entre l'infirmité et un fait précis ou des circonstances particulières de service. Cette relation de causalité est requise aussi bien en cas d'infirmité trouvant sa cause exclusive dans le service qu'en cas d'aggravation par le service d'une infirmité préexistante ou concomitante au service et vaut pour toutes les affections y compris celles de nature psychologique. Enfin, l'existence d'une telle relation ne peut résulter de la seule circonstance que l'infirmité ou l'aggravation ait été révélée durant le service, ni d'une vraisemblance ou d'une hypothèse, ni des conditions générales du service.

8. D'autre part, aux termes de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable à la date de la demande de révision de la pension : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins du pourcentage antérieur. Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ". Le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. Ainsi l'aggravation de l'infirmité initiale, si elle est seulement due au vieillissement, peut justifier une révision du taux de la pension. En revanche, si le vieillissement cause une nouvelle infirmité, distincte de l'infirmité pensionnée, qui contribue à l'aggravation de celle-ci, les dispositions précitées de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre font obstacle à cette révision, dès lors que l'aggravation est due à une cause étrangère à l'infirmité pensionnée. Il appartient aux juges du fond de puiser dans l'ensemble des renseignements contenus au dossier une force probante suffisante pour former leur conviction et décider en conséquence que la preuve de l'imputabilité ou de l'aggravation de l'infirmité doit être regardée comme établie.

S'agissant de l'infirmité " 1- hypoacousie bilatérale " :

9. Il résulte de l'instruction que M. G... bénéficiait d'une pension militaire d'invalidité définitive au taux de 80 % au titre de l'infirmité " 1- hypoacousie bilatérale. Perte auditive moyenne oreille droite : 85 décibels ; Perte auditive moyenne oreille gauche : 72 décibels " attribuée en dernier lieu par arrêté du 19 juillet 2010 et qui a été reconnue imputable à une blessure reçue à l'occasion du service le 1er septembre 1962. Le 12 février 2015, il a demandé la révision de sa pension pour aggravation de cette infirmité.

10. Dans son rapport d'expertise, le docteur J... fait référence aux audiogrammes réalisés le 20 mai 2015 par le docteur C..., qui font ressortir une audiométrie tonale correspondant à un déficit perceptif bilatéral avec une perte moyenne calculée selon la formule de Fournier de 81,25 dB du côté droit et 78,75 dB du côté gauche, et le 23 septembre 2015 par le docteur H..., qui relève une perte de 72,5 dB du côté droit et de 80 dB du côté gauche et précise que l'examen est réalisé avec difficulté. Après avoir indiqué que ces tests audiométriques sont purement subjectifs et contiennent nécessairement dans l'appréciation de leurs résultats une marge d'erreur, le docteur J... précise que la comparaison des deux tests précités ne fait pas apparaître une variation significative par rapport aux déficits antérieurs mesurés et conclut à l'absence d'aggravation. Ensuite, s'il relève un déficit audiométrique de 82,25 dB du côté droit et de 83,75 dB du côté gauche le 30 mai 2018, jour de l'examen de M. G..., ces données ne peuvent être prises en compte pour évaluer l'aggravation de son infirmité dès lors que seuls peuvent être retenus les éléments médicaux existant à la date de la demande de révision de la pension militaire d'invalidité, soit en l'espèce le
12 février 2015.

11. Si M. G..., dans son appel incident, conteste les données retenues par le docteur J... du test audiométrique réalisé par le docteur C... et se prévaut, quant à lui, en se basant sur cet examen, d'une perte auditive moyenne à l'oreille droite de 84 dB et à l'oreille gauche de 85 dB et du commentaire de ce médecin indiquant " importante surdité de perception Vocale en rapport. Absence de réflexe stapédien à gauche ", il résulte de l'instruction que, selon le guide barème des invalidités du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, cette perte auditive doit être calculée selon la formule de Fournier. Or, l'application de cette formule aux données relevées par l'audiogramme du 20 mai 2015 conduit effectivement, comme l'oppose la ministre des armées, à relever une perte auditive moyenne de 81,25 dB du côté droit et 78,75 dB du côté gauche alors qu'au moment de l'attribution par l'arrêté du 19 juillet 2010 du taux de 80 % d'invalidité pour son infirmité " 1- hypoacousie bilatérale ", M. G... avait déjà une perte auditive moyenne oreille droite de 85 décibels et gauche de 72 décibels.

12. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la comparaison des données de perte auditive moyenne relevées pour chaque oreille en 2015 avec celles qui avaient déjà été retenues en 2010 ne permet pas d'établir l'existence d'une modification significative de ce déficit auditif et par conséquent une aggravation de l'infirmité " 1- hypoacousie bilatérale " dont souffrait M. G.... Par suite, la demande de révision de la pension militaire d'invalidité dont M. G... bénéficiait au titre de cette infirmité est rejetée.

S'agissant des infirmités " 2- syndrome psycho-traumatique de guerre " et " 3- syndrome subjectif des traumatisés crâniens " :

13. Il résulte de l'instruction que M. G... bénéficiait d'une pension militaire d'invalidité définitive au taux de 35 % au titre de l'infirmité " 2- syndrome psycho-traumatique de guerre (...) " liée à une blessure imputable à la guerre d'Algérie ou aux combats en Tunisie ou au Maroc et au taux de 30 % pour l'infirmité " 3- syndrome subjectif des traumatisés crâniens, céphalées, (...) " reconnue imputable à une blessure reçue à l'occasion du service le 1er septembre 1962. Le
12 février 2015, il a demandé la révision de sa pension pour aggravation de ces infirmités.

14. M. G..., dans son appel incident, se prévaut de deux certificats médicaux établis par les docteurs Olivier le 20 novembre 2014 et Lahutte le 13 novembre 2017. Toutefois, aucun des deux certificats ne fait de comparaison entre les symptômes antérieurs et actuels qui permettrait d'apprécier l'ampleur de l'aggravation alléguée. Par ailleurs, le premier se borne à indiquer que " M. G... me rapporte avoir subi une aggravation des symptômes liés à son syndrome psycho-traumatique de guerre (...), à savoir des cauchemars nocturnes avec des phénomènes de reviviscence, une irritabilité diurne conséquence de son sommeil non réparateur avec des phénomènes de " sauts d'humeur " " et le second mentionne que l'intéressé s'est plaint d'une augmentation de fréquence, d'intensité et de pénibilité du vécu, de l'existence de cauchemars de répétition traumatique et rapporte une altération de la qualité relationnelle et il conclut que " l'aggravation qui nous est présentée invite à prendre en considération la demande de réévaluation formulée par l'intéressé ". Le docteur E... A..., expert pour l'armée, n'a pas relevé le
4 août 2015 d'évolution de la symptomatologie en comparaison de la précédente expertise réalisée en 2008. Enfin, si le professeur Peretti a conclu dans son rapport d'expertise du 30 mars 2018 à " un taux d'invalidité de 60 % pour le syndrome des traumatisés crâniens et pour le syndrome psycho-traumatique de guerre compliqué de dépression sévère en relation avec le service ", il a regroupé ces deux infirmités, qui ne peuvent être qu'évaluées séparément dès lors qu'elles font l'objet de deux descriptions distinctes dans le guide barème des invalidités. Par ailleurs, cette expertise ne contient pas davantage d'éléments de comparaison entre son état antérieur et celui qui était le sien à la date de sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité. Si le professeur Peretti mentionne que les éléments dépressifs ont été nettement aggravés en 2017, cette circonstance, qui est postérieure à la date de la demande de révision de la pension, ne peut être prise en compte.

15. Dans ces conditions, il résulte de l'instruction qu'aucun des éléments produits ne permet d'établir qu'il existerait une aggravation des infirmités " 2- syndrome psycho-traumatique de guerre " et " 3- syndrome subjectif des traumatisés crâniens " qui justifierait la révision de la pension militaire d'invalidité allouée à ce titre.

S'agissant de l'infirmité " sciatalgie gauche " :

16. Il résulte de l'instruction que M. G... a sollicité le 12 février 2015 la reconnaissance d'une nouvelle infirmité, à savoir une " sciatalgie gauche ". Il produit un certificat médical établi par le docteur B... le 5 février 2015, qui mentionne qu'il présente " une sciatalgie gauche chronique, de rythme permanent, exacerbée par les changements de position et nécessitant la prise d'antalgiques de façon quotidienne " et précise dans le courrier adressé à son médecin généraliste qu'il " n'est pas gêné actuellement par sa sciatique " et qu'il n'est pas proposé " de prise en charge plus spécifique pour sa sciatique car il n'a pas de plainte ce jour ". M. G... a produit également un certificat médical établi le 15 juillet 2020 par le docteur K..., qui mentionne la même pathologie de sciatalgie gauche chronique et fait référence à des examens postérieurs à la date de la demande de reconnaissance de cette infirmité, qui ne peuvent par conséquent être pris en compte. Par ailleurs, lors de son examen le 4 août 2015, le docteur E... A... a constaté que M. G... n'avait " pas de sciatique gauche, pas de [signe de] Lasègue, pas de réel syndrome rachidien lombaire, mollet gauche souple " et a conclu à l'absence de " sciatalgie chronique gauche ". Cette constatation est corroborée par le rapport d'expertise du docteur D..., qui a conclu le
27 juin 2018 à l'absence de manifestations fonctionnelles et à l'inexistence de l'infirmité " sciatalgie gauche ".

17. Par suite, il résulte de l'instruction qu'il n'est pas établi, par les pièces produites, que l'infirmité " sciatalgie gauche " ouvrait droit à M. G... le 12 février 2015, date de demande de reconnaissance de cette nouvelle infirmité, au bénéfice d'une pension militaire d'invalidité à ce titre.




Sur la demande de majoration pour assistance par tierce personne :

18. Aux termes de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa version alors applicable : " Les invalides que leurs infirmités rendent incapables de se mouvoir, de se conduire ou d'accomplir les actes essentiels de la vie ont droit à l'hospitalisation, s'ils la réclament. En ce cas, les frais de cette hospitalisation sont prélevés sur la pension qui leur est concédée. S'ils ne reçoivent pas ou s'ils cessent de recevoir cette hospitalisation et si, vivant chez eux, ils sont obligés de recourir d'une manière constante aux soins d'une tierce personne, ils ont droit, à titre d'allocation spéciale, à une majoration égale au quart de la pension. (...) ". Il résulte de ces dispositions que les infirmités qui doivent être prises en considération pour apprécier si un invalide remplit les conditions spéciales d'invalidité auxquelles le bénéfice de l'hospitalisation ou de la majoration est subordonné sont exclusivement celles qui ouvrent droit à pension au profit de l'intéressé.

19. Si M. G..., dans son appel incident, s'est prévalu des conclusions des docteurs B... et K... selon lesquelles " son état polypathologique est responsable d'une impotence fonctionnelle invalidante pouvant justifier la prescription d'une tierce personne ", il ne ressort pas des certificats médicaux qu'ils ont rédigés que cette impotence fonctionnelle serait liée à l'une des cinq infirmités qui ont ouvert droit à pension au profit de l'intéressé pour l'application de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Par ailleurs, la circonstance qu'il présente un état polypathologique n'est pas, à elle seule, de nature à établir que les infirmités pour lesquelles il bénéficiait d'une pension militaire d'invalidité sont responsables le 12 février 2015 d'une impotence fonctionnelle invalidante qui justifie la prescription d'une tierce personne. Par suite, le moyen tiré de ce que l'état de santé de M. G... justifiait l'allocation pour tierce personne prévue par les dispositions de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre doit être écarté.

20. Il suit de là que l'ensemble des moyens de M. G... et ses ayants droit dirigés contre la décision du 17 août 2016 du ministre de la défense doivent être écartés et que, par suite, ils ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision contestée. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par ses ayants droit tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais d'expertise :

21. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des ayants droit de M. G... les frais de l'expertise ordonnée par le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris.

DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 16/00035 du 12 juillet 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris est annulé.
Article 2 : La demande de première instance de M. G... ainsi que ses conclusions d'appel incident et celles de ses ayants droit sont rejetés.
Article 3 : Les frais de l'expertise ordonnée par le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris sont mis à la charge solidairement de Mme I... G... et de M. F... G..., ayants droit de M. G....
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme I... G... et M. F... G..., ayants droit de M. M... F... G..., et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 6 décembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2021.


La rapporteure,




A. COLLET Le président,




R. LE GOFF
La greffière,




E. VERGNOL
La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA03704