CAA de PARIS, 8ème chambre, 21/03/2022, 20PA02141, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision21 mars 2022
Num20PA02141
JuridictionParis
Formation8ème chambre
PresidentM. HO SI FAT
RapporteurMme Aude COLLET
CommissaireMme BERNARD
AvocatsMITARANGA

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au Tribunal des pensions militaires d'invalidité de Papeete puis au Tribunal administratif de la Polynésie française devenu compétent d'annuler la décision de la ministre des armées du 19 mars 2019 rejetant sa demande de pension militaire d'invalidité notamment pour les infirmités " lombalgies chroniques (...) " et " séquelles d'hépatite C (...) ".

Par jugement n° 1900410 du 16 juin 2020, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 6 août 2020, M. C..., représenté par Me Mitaranga, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1900410 du 16 juin 2020 du Tribunal administratif de la Polynésie française en tant qu'il a rejeté sa demande concernant l'infirmité " lombalgies chroniques (...) " ;

2°) d'annuler la décision de la ministre des armées du 19 mars 2019 en tant qu'a été rejetée sa demande concernant l'infirmité " lombalgies chroniques (...) " ;

3°) de lui attribuer un droit à pension militaire d'invalidité et, à titre d'allocation spéciale, une majoration égale au quart de la pension.

Il soutient que la lombalgie dont il souffre est imputable au service entrainant un taux d'invalidité de 20 % et lui ouvrant droit à une pension militaire d'invalidité et à une majoration égale au quart de la pension à titre d'allocation spéciale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mars 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête de M. C... et à la confirmation du jugement n° 1900410 du 16 juin 2020 du Tribunal administratif de la Polynésie française.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés et que M. C... n'est pas recevable à solliciter directement devant la Cour une demande de majoration de tierce personne, prévue par les dispositions de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors que ce dernier ne l'a pas formulée dans sa demande initiale de pension enregistrée le 4 juillet 2016.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 3 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le décret n° 93-126 du 28 janvier 1993 modifiant le décret n° 71-1129 du
3 décembre 1971 relatif au guide-barème des invalidités en matière de surdité pour l'attribution des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Collet,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.



Considérant ce qui suit :

1. M. C..., né le 21 février 1954, a effectué son service militaire du 11 janvier 1973 au 11 janvier 1974 puis a souscrit un contrat de réengagement le 18 mars 1974. Il a été rayé des contrôles de l'armée le 30 juin 2002. Par une demande enregistrée le 4 juillet 2016, il a sollicité le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité notamment pour les infirmités " lombalgies chroniques (...) " et " séquelles d'hépatite C (...) ". La ministre des armées a, par une décision du
19 mars 2019, rejeté sa demande. M. C... a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler cette décision. Par jugement n° 1900410 du 16 juin 2020, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande. M. C... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande concernant l'infirmité " lombalgies chroniques (...) " et demande à la Cour de lui attribuer un droit à pension militaire d'invalidité et, à titre d'allocation spéciale, une majoration égale au quart de la pension.

Sur le droit à pension de M. C... :

2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors en vigueur à la date de la demande de bénéfice de la pension : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service ". Selon l'article L. 3 du même code alors en vigueur : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. / (...) La présomption définie au présent article s'applique exclusivement aux constatations faites, soit pendant le service accompli au cours de la guerre 1939-1945, soit au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, soit pendant le service accompli par les militaires pendant la durée légale, compte tenu des délais prévus aux précédents alinéas. (...) ". Aux termes de l'article L. 4 du même code alors en vigueur : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; 3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : 30 % en cas d'infirmité unique ; 40 % en cas d'infirmités multiples. / En cas d'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'une infirmité étrangère à celui-ci, cette aggravation seule est prise en considération, dans les conditions définies aux alinéas précédents. Toutefois, si le pourcentage total de l'infirmité aggravée est égal ou supérieur à 60 %, la pension est établie sur ce pourcentage ". Il résulte des dispositions combinées des articles L. 2, L. 3 et L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre que lorsque la présomption légale d'imputabilité ne peut être invoquée, l'intéressé doit apporter la preuve de l'existence d'une relation directe et certaine entre l'infirmité et un fait précis ou des circonstances particulières de service. Cette relation de causalité est requise aussi bien en cas d'infirmité trouvant sa cause exclusive dans le service qu'en cas d'aggravation par le service d'une infirmité pré-existante ou concomitante au service et vaut pour toutes les affections y compris celles de nature psychologique. Enfin, l'existence d'une telle relation ne peut résulter de la seule circonstance que l'infirmité ou l'aggravation ait été révélée durant le service, ni d'une vraisemblance ou d'une hypothèse, ni des conditions générales du service.
3. Il résulte de l'instruction et notamment du registre des constatations n°29 de l'année 2000 que le " dimanche 12 mars 2000, dans le cadre de la mission Polmar à l'île d'Yeu,
[M.] C... a soulevé une poubelle pour la charger dans un camion et a ressenti une vive douleur au dos, dans la région lombaire " ce qui l'a conduit à consulter l'infirmerie du corps le 15 mars 2000. Les radiographies du rachis lombaire réalisées le 23 mars 2000 n'ont rien révélé d'anormal tandis que le scanner effectué le 25 novembre 2000 a montré la présence d'un canal lombaire à tendance étroit mais sans retentissement actuel, une arthrose articulaire étagée et des sacro-iliaques et l'absence de conflit disco-radiculaire. Il ressort de l'expertise diligentée par l'administration des armées le 15 octobre 2018, suite à la demande enregistrée le 4 juillet 2016 de bénéfice de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " lombalgies chroniques (...) " que le docteur D... a relevé, après consultation des examens médicaux effectués en 2000 et 2016, une recrudescence chez M. C... des lombalgies avec sciatiques droites depuis fin 2015, que l'électromyogramme réalisé le 12 septembre 2018 s'est avéré normal et que l'IRM du 5 octobre 2018 " a confirmé un canal lombaire étroit ". Il a proposé de retenir pour l'ensemble de la pathologie un taux global d'invalidité de 20 %. Dans son avis du 4 janvier 2019, le docteur F... a, quant à elle, considéré qu'en " l'absence de description clinique d'impotence fonctionnelle " le taux d'invalidité pour cette infirmité était inférieur à 10 %.

4. M. C... soutient que la lombalgie dont il souffre est imputable au service entrainant un taux d'invalidité de 20 % et lui ouvrant droit à une pension militaire d'invalidité et à une majoration égale au quart de la pension à titre d'allocation spéciale. Il produit un certificat médical établi le 10 juin 2016 par le docteur A... qui mentionne qu'il souffre de lombalgie chronique depuis des années qui le handicape notamment après des trajets prolongés en voiture et de manière générale après les positions assises prolongées, que le bilan radiologique récent fait état d'une discopathie L5-S1 modérée mais que néanmoins sur le plan fonctionnel il reste gêné au quotidien. Le docteur E... atteste, quant à lui, dans le certificat médical du 4 novembre 2016 qu'il souffre de douleurs et d'irradiations liées à une lombalgie chronique invalidante, principalement en position debout et à la marche.

5. Toutefois, la circonstance que M. C... souffre depuis fin 2015, comme il l'a indiqué au docteur D..., d'une lombalgie chronique invalidante alors que le 12 mars 2000, il a ressenti lors de son activité en service une vive douleur au dos dans la région lombaire ne permet pas, à elle seule, de considérer que ce dernier apporte la preuve de l'existence d'une relation directe et certaine entre l'infirmité dont il souffre et ce fait précis de service lequel n'a pas été suivi de retentissement médical comme l'ont montré les radiographies et le scanner réalisés au cours de l'année 2000. Il s'ensuit que la preuve, exigée par les articles L. 2, L. 3 et L. 4 précités du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, de l'imputabilité à un fait précis ou à des circonstances particulières de service de l'affection pour laquelle M. C... a formé une demande de pension n'est pas rapportée.

6. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la ministre des armées du 19 mars 2019 en tant qu'a été rejetée sa demande concernant l'infirmité " lombalgies chroniques (...) " et à titre d'allocation spéciale au bénéfice de la majoration égale au quart de la pension. Par suite, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la ministre des armées en défense, sa requête doit être rejetée, ainsi que par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction.


DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 7 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Ho Si Fat, président de la formation de jugement,
- Mme Collet, première conseillère,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mars 2022.


La rapporteure,
A. COLLETLe président,
F. HO SI FAT
La greffière,
N. COUTY
La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA02141