CAA de MARSEILLE, 7ème chambre, 13/05/2022, 20MA03619, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Etat à lui verser la somme de 165 292,36 euros ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 23 juin 2016, date de la demande préalable, en réparation du préjudice résultant de l'absence de prise en compte de l'imputabilité au service de l'accident de trajet survenu le 3 mai 2007, d'admettre Mme E... D... épouse A... en tant qu'intervenant volontaire à l'instance, de condamner l'Etat à verser à Mme A... la somme de 35 000 euros, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 6 février 2017, date de sa demande préalable, en réparation de son préjudice personnel, d'ordonner la désignation d'un expert avec pour mission de prendre connaissance du dossier médical de l'intéressé, d'examiner son état actuel, de décrire les séquelles affectant M. A... en relation avec l'accident de service qu'il a subi le 3 mai 2007, d'indiquer si son état de santé est consolidé ou non, de dégager l'ensemble des éléments propres à justifier l'indemnisation des préjudices subis (en particulier les préjudices patrimoniaux temporaires avant consolidation, les dépenses de santé actuelles, les pertes de gains professionnels actuels, les frais divers, les préjudices patrimoniaux après consolidation) et de mettre à la charge de l'Etat les frais liés à cette expertise.
Par un jugement n° 1701525 du 21 juillet 2020, le tribunal administratif de Toulon a refusé l'intervention volontaire de Mme A..., condamné l'Etat à verser à M. A..., d'une part, la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral et, d'autre part, les intérêts au taux légal sur la somme de 15 292,36 euros entre le 23 juin 2016 et le 31 octobre 2017 et rejeté les surplus des conclusions.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 21 septembre 2020, sous le n° 20MA03619, M. A..., représenté alors par Me Audran, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 165 000 euros ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 23 juin 2016, date de la demande préalable, en réparation du préjudice résultant de l'absence de prise en compte de l'imputabilité au service de l'accident de trajet survenu le 3 mai 2007 ;
3°) d'admettre Mme E... D... épouse A... en tant qu'intervenant volontaire à l'instance ;
4°) de condamner l'Etat à verser à Mme A... la somme de 35 000 euros, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 6 février 2017, date de sa demande préalable, en réparation de son préjudice personnel ;
5°) d'ordonner la désignation d'un expert avec pour mission de prendre connaissance du dossier médical de l'intéressé, d'examiner son état actuel, de décrire les séquelles affectant M. A... en relation avec l'accident de service qu'il a subi le 3 mai 2007, d'indiquer si son état de santé est consolidé ou non, de dégager l'ensemble des éléments propres à justifier l'indemnisation des préjudices subis (en particulier les préjudices patrimoniaux temporaires avant consolidation, les dépenses de santé actuelles, les pertes de gains professionnels actuels, les frais divers, les préjudices patrimoniaux après consolidation) ;
6°) d'ordonner la remise du cerfa 11383*02 rempli par la ministre des armées ;
7°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros en application de l'article l. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'accident qu'il a subi le 3 mai 2007 est un accident de trajet imputable au service en ce qu'il est survenu sur le trajet entre le lieu de son travail et son domicile et qu'il n'a commis aucune faute de négligence ou d'imprudence ; les troubles dont il est atteint sont également imputables au service ; la cour administrative d'appel (CAA) de Marseille dans son arrêt du 9 décembre 2014 et le Conseil d'Etat dans son arrêt du 25 janvier 2016 ont confirmé cette imputabilité au service de l'accident ;
- le ministère des armées a commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité en ne prenant pas en compte initialement sa situation, en exécutant tardivement l'arrêt de la CAA de Marseille et en n'indemnisant pas M. A... des préjudices sans motif légitime ; des délais très importants séparent les décisions de justice des décisions de l'administration ;
- si le tribunal a considéré qu'il avait déjà été indemnisé de son préjudice financier par la régularisation des soldes opérée par l'administration à hauteur de 92 733,43 euros, il subsiste néanmoins un préjudice de carrière dans la mesure où le développement normal de sa carrière l'aurait conduit à bénéficier d'avancement, de primes et d'augmentation de traitement, il sollicite à ce titre la somme de 80 000 euros ;
- le préjudice moral et les troubles dans ses conditions d'existence de M. A... sont établis puisqu'il s'est retrouvé dans une situation financière et familiale difficile, son épouse étant en situation d'invalidité et disposant de faibles ressources ; ce préjudice sera évalué à 50 000 euros pour M. A... ; cette absence d'imputabilité au service a causé à l'ensemble des membres de la famille des troubles de toutes natures dans leurs conditions d'existence à hauteur de 35 000 euros ; la réalité du montant de ce préjudice sera établi par l'expert qu'il convient donc de désigner ;
- Mme A... a elle aussi subi un préjudice moral à hauteur de 35 000 euros ;
- une expertise doit être ordonnée en application des dispositions de l'article R. 621-1 du code de justice administrative, dont la mission sera de prendre connaissance du dossier médical, examiner l'intéressé et décrire son état actuel, décrire les séquelles affectant M. A... en relation avec l'accident de service qu'il a subi, indiquer si son état de santé est consolidé ou non, dégager l'ensemble des éléments propres à justifier l'indemnisation des préjudices subis sous tous ses aspects, en relation stricte avec l'accident de service ; l'expert désigné devra également avoir pour mission d'examiner Mme A... afin d'évaluer le retentissement psychologique en lien direct avec la situation de son époux, ainsi que les préjudices subis par ricochet.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 23 octobre 2020.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 septembre 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que l'intervention volontaire de Mme A... est irrecevable, les conclusions tendant à la remise du document cerfa sont irrecevables et les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Un courrier du 16 juillet 2021 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
La clôture immédiate de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 22 novembre 2021, en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Un mémoire présenté pour M. A... par Me Hoffmann a été enregistré le 30 novembre 2021, postérieurement à la clôture d'instruction.
Par un courrier du 15 février 2022, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir serait susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions de M. A... tendant à l'indemnisation de son " préjudice de carrière ", en ce qu'elles excèdent le montant de l'indemnité demandée en première instance, dès lors que ce chef de préjudice, invoqué pour la première fois en appel, ne s'est pas aggravé ou révélé dans toute son ampleur postérieurement au jugement attaqué.
Par un mémoire enregistré le 18 février 2022, la ministre des armées a présenté des observations sur le moyen relevé d'office.
Par un mémoire enregistré le 4 avril 2022, M. A... a présenté des observations sur le moyen relevé d'office.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la défense ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... s'est engagé sous contrat en tant que maître mécanicien au sein de la marine nationale en 1993. Le 3 mai 2007, alors affecté au sein de l'escadrille sous-marin nucléaire (ESNA) de Toulon, il a été, sur le site de l'arsenal de Toulon, victime d'un accident de circulation au volant de son véhicule personnel, alors qu'il quittait son poste de travail, accident qui n'a pas été qualifié d'accident de service par l'administration. Il a été placé en congé de maladie ordinaire du 4 mai 2007 au 3 novembre 2007 puis en congé de longue maladie du 4 novembre 2007 au 3 novembre 2010, avec plein traitement la première année puis demi-traitement les deux années suivantes. Le ministre de la défense l'a ensuite rayé des contrôles à compter du 4 novembre 2010 par une décision du 28 octobre 2010, pour inaptitude physique définitive à l'exercice des fonctions afférentes aux emplois de son grade. Suite à un recours administratif préalable obligatoire exercé devant la commission des recours des militaires, cette décision a été confirmée par une décision du ministre de la défense du 9 août 2011. Le tribunal administratif de Toulon a annulé cette décision du 9 août 2011 portant réforme définitive et radiation des cadres par un jugement du 8 février 2013 et enjoint au ministre d'une part de procéder à la réintégration juridique de l'intéressé dans ses fonctions de maître de la marine nationale et à la reconstitution de sa carrière et d'autre part de le rétablir dans ses droits sociaux et à pension dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement. Par une décision du 5 mars 2013, le ministre de la défense a réintégré juridiquement M. A... du 4 novembre 2010 au 8 février 2013, en position d'activité sans le bénéfice de sa solde et l'a de nouveau rayé des contrôles à compter du 9 février 2013. Suite à la contestation par M. A... de la décision du 5 mars 2013 devant la commission des recours des militaires, le ministre de la défense a confirmé la décision par une nouvelle décision du 4 octobre 2013. Le tribunal administratif de Toulon, par un jugement du 3 octobre 2014, a rejeté les conclusions à fin d'annulation de la décision du 4 octobre 2013 ainsi que les conclusions indemnitaires de M. A.... La CAA de Marseille a confirmé ce jugement par un arrêt n° 14MA04638 du 9 février 2016. Toutefois, par un arrêt du 9 décembre 2014, la CAA de Marseille a annulé le premier jugement du tribunal administratif de Toulon du 8 février 2013 en tant qu'il n'a pas reconnu l'imputabilité au service de l'accident de M. A... et n'a pas fait droit aux conclusions indemnitaires de l'intéressé. Par une décision n° 387856 du 25 janvier 2016, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, sur pourvoi du ministre de la défense, annulé l'arrêt de la Cour en tant qu'il faisait droit aux conclusions indemnitaires de M. A... en l'absence de demande préalable tendant à la réparation de son préjudice et a confirmé l'arrêt en ce qu'il reconnaît l'imputabilité au service de l'accident de trajet du 3 mai 2007. Le 1er juin 2018, M. A... a saisi la section du rapport et des études d'une demande tendant à l'exécution de la décision du 25 janvier 2016. Le 24 juillet 2018, la présidente de la section du rapport et des études a estimé que la décision du Conseil d'Etat avait été entièrement exécutée et a procédé au classement administratif de la demande de M. A.... L'intéressé a toutefois contesté cette décision le 30 juillet 2018 devant le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat qui a ordonné, le 16 août 2018, l'ouverture d'une procédure juridictionnelle. Par décision n° 422822 du 15 juillet 2019, le Conseil d'Etat a constaté qu'en exécution de sa précédente décision, l'administration a procédé à la reconstitution de la carrière de M. A... à compter du 3 novembre 2010 et lui a versé sa solde entière jusqu'au 3 novembre 2012, puis une demi-solde jusqu'au 3 novembre 2015, date à laquelle il a été radié des cadres, soit la somme de 65 000 euros le 9 mars 2015 puis la somme de 27 733,43 euros en octobre 2017, correspondant à l'ensemble des traitements non perçus depuis le 3 novembre 2010 (92 733,43 euros). Par courrier du 1er février 2016 reçu le 9 février suivant, M. A... a présenté une demande préalable visant à obtenir le versement de la somme de 165 292,36 euros en réparation de l'ensemble de ses préjudices, se décomposant en 80 292,36 euros au titre du préjudice financier, 50 000 euros au titre du préjudice moral et 35 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence. Une décision implicite de rejet est intervenue le 9 avril 2016, laquelle a fait l'objet d'un recours administratif préalable obligatoire auprès de la commission des recours des militaires par lettre du 23 juin 2016, dans lequel M. A... réitère sa demande indemnitaire à hauteur de 165 292,36 euros. M. A... relève appel du jugement du 21 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Toulon a refusé l'intervention volontaire de Mme A..., condamné l'Etat à lui verser, d'une part, la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral et, d'autre part, les intérêts au taux légal sur la somme de 15 292,36 euros entre le 23 juin 2016 et le 31 octobre 2017 et rejeté les surplus des conclusions.
Sur l'admission de Mme A... en tant qu'intervenante volontaire :
2. Aux termes de l'article R. 632-1 du code de justice administrative : " L'intervention est formée par mémoire distinct ". L'intervention volontaire de Mme D... épouse A... n'a pas été présentée par mémoire distinct mais dans la requête de M. A.... En outre l'intervenant ne peut formuler des prétentions différentes de celles du requérant. Dès lors, l'intervention de Mme A... n'est pas recevable.
Sur la fin de non-recevoir opposée par la ministre des armées tirée de nouvelles conclusions présentées en appel par M. A... :
3. Les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la ministre des armées de remettre à M. A... le formulaire cerfa 11383*02, qui n'ont pas été soumises aux premiers juges, ont le caractère de conclusions nouvelles en cause d'appel et sont, par suite, irrecevables.
Sur la recevabilité des nouvelles conclusions présentées en appel par M. A... et tendant à la réparation de son préjudice de carrière :
4. En relevant appel du jugement du tribunal administratif de Toulon, M. A... réclame également la réparation de son préjudice de carrière.
5. Ce préjudice est toutefois invoqué pour la première fois en appel alors qu'il ne concerne pas des dommages qui, tout en étant causés par le même fait générateur, sont nés ou se sont aggravés, ou ont été révélés dans toute leur ampleur postérieurement à la décision administrative ayant rejeté sa réclamation, ni postérieurement au jugement de première instance. Il s'agit dès lors d'une demande nouvelle qui est tardive et par suite irrecevable.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la faute de l'administration :
6. En premier lieu, le requérant soutient que la ministre des armées a commis une faute qui engage sa responsabilité en n'indemnisant pas le requérant des préjudices qu'il aurait subis, en particulier suite à l'arrêt de la CAA de Marseille du 9 décembre 2014. La ministre des armées fait valoir, sans être contestée sur ce point, que l'administration militaire a, en mars 2015, versé à M. A... la somme de 45 000 euros en dédommagement de son préjudice financier et la somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice moral, suite à l'arrêt de la CAA de Marseille du 9 décembre 2014. Le Conseil d'Etat, dans sa décision du 25 janvier 2016, a, d'une part, confirmé l'imputabilité au service de l'accident de M. A... et, d'autre part, annulé l'arrêt de la CAA de Marseille en ce qu'il condamnait l'Etat à dédommager M. A..., faute pour lui d'avoir effectué une demande indemnitaire préalable. Le requérant a alors effectué une demande préalable auprès du ministre le 1er février 2016 puis un recours administratif préalable obligatoire devant la commission des recours des militaires le 23 juin 2016. La direction du Personnel Militaire de la Marine (DPMM) a alors calculé la créance détenue par M. A... sur l'Etat, considérant, en application des dispositions de l'article L. 4138-12 du code de la défense précitées, qu'il aurait dû percevoir l'intégralité de sa solde, en congé de longue durée pour maladie, pour la période du 3 novembre 2010 au 3 novembre 2012 puis une demi-solde pour la période du 3 novembre 2012 au 3 novembre 2015. Cette créance s'élevait donc à la somme de 92 733,43 euros. Après avoir déduit la somme déjà versée de 65 000 euros en mars 2015, le ministère a versé à M. A... la somme de 27 733,43 euros en octobre 2017. La ministre des armées fait valoir, d'une part, que le requérant n'a formulé sa demande indemnitaire que le 1er février 2016 et, d'autre part, qu'une expertise sur pièces a été mise en place par le Service de Santé des armées en raison du souhait de M. A... de ne pas se déplacer, ce qui pourrait expliquer les retards contestés par le requérant. En outre, la direction centrale du service de santé des armées a fait part de ses difficultés à apprécier les différents préjudices. Une expertise en présentiel a ainsi été organisée le 18 juillet 2018 à laquelle M. A... ne s'est pas présenté. Enfin, la ministre des armées fait valoir sans être contestée sur ce point qu'une provision de 10 000 euros a été allouée dès le 1er mars 2017 à M. A..., dans le cadre de la procédure d'expertise et dans l'attente des résultats de celle-ci. Il résulte de l'ensemble de l'instruction qu'aucune carence dans le dédommagement du préjudice de M. A... ne peut être reprochée au ministère des armées. Sur ce point, la responsabilité pour faute de l'administration du fait du non-dédommagement du requérant par l'administration militaire ne peut donc être retenue.
7. En deuxième lieu, le requérant soutient que la ministre des armées n'aurait pas satisfait spontanément à l'obligation d'exécuter les décisions de justice. Il soulève tout d'abord que l'arrêt de la CAA de Marseille n'a été exécuté que plus de deux mois après. Toutefois, ce délai est tout à fait raisonnable et ne saurait caractériser une quelconque faute de la ministre sur ce point. Le requérant soutient ensuite que le paiement du rattrapage des soldes ne serait intervenu que le 20 octobre 2017, soit près d'un an et huit mois après la décision du Conseil d'Etat en date du 25 janvier 2016. Toutefois, il est constant que cette décision du Conseil d'Etat du 25 janvier 2016 n'enjoint pas à la ministre des armées de rattraper les soldes de M. A... puisqu' il annule l'arrêt de la CAA de Marseille du 9 décembre 2014 en ce qu'il a fait droit aux conclusions indemnitaires du requérant. L'article 1er de cette décision du 25 janvier 2016 indique que : " L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 9 décembre 2014 est annulé en tant qu'il fait droit aux conclusions indemnitaires de M. A... et annule le jugement du tribunal administratif de Toulon du 8 février 2013 sur ce point. " et son article 2 précise que : " Les conclusions de la requête d'appel de M. A... tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Toulon du 8 février 2013 en tant qu'il rejette ses conclusions indemnitaires sont rejetées. ". Dès lors, sur ce point également, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la ministre aurait commis une faute engageant la responsabilité de l'Etat.
8. En troisième et dernier lieu toutefois, aux termes de l'article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " (...) III.- Est reconnu imputable au service, lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit en apportent la preuve ou lorsque l'enquête permet à l'autorité administrative de disposer des éléments suffisants, l'accident de trajet dont est victime le fonctionnaire qui se produit sur le parcours habituel entre le lieu où s'accomplit son service et sa résidence ou son lieu de restauration et pendant la durée normale pour l'effectuer, sauf si un fait personnel du fonctionnaire ou toute autre circonstance particulière étrangère notamment aux nécessités de la vie courante est de nature à détacher l'accident du service. (...) ".
9. Il n'est pas contesté que l'accident subi par M. A... est survenu le 3 mai 2007 après sa journée de travail sur le chemin entre le lieu de son travail et son domicile. Dans son arrêt du 9 décembre 2014, la CAA de Marseille a jugé que l'accident de M. A... était imputable au service. Le Conseil d'Etat a ensuite confirmé que l'accident de M. A... était imputable au service. Ainsi, il doit être considéré qu'en n'instruisant pas la demande de M. A... dans le sens d'une imputabilité au service de son accident, l'administration a commis une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat. Dès lors le requérant est fondé à soutenir que la responsabilité de l'Etat, faute pour l'administration de n'avoir pas pris en compte sa situation dès le début et en n'instruisant pas sa demande d'imputabilité au service de son accident du 3 mai 2007, doit être retenue.
En ce qui concerne les préjudices allégués par M. A... :
S'agissant du préjudice financier :
10. Comme il a été dit au point 5, le préjudice de carrière allégué par M. A..., qui n'avait demandé en première instance que la réparation de la seule perte de revenus, est invoqué pour la première fois en appel alors qu'il ne concerne pas des dommages qui, tout en étant causés par le même fait générateur, sont nés ou se sont aggravés, ou ont été révélés dans toute leur ampleur postérieurement à la décision administrative ayant rejeté sa réclamation, ni postérieurement au jugement de première instance. Il s'agit dès lors d'une demande nouvelle qui est tardive et par suite irrecevable.
S'agissant du préjudice moral et lié aux troubles dans les conditions d'existence :
11. Il ne résulte pas de l'instruction qu'en arrêtant à 10 000 euros le montant de la réparation du préjudice moral résultant des troubles qu'a subis M. A... dans ses conditions d'existence consécutifs aux conséquences négatives pour sa situation financière alors délicate et à son placement erroné à demi-traitement avant la reconnaissance de l'imputabilité au service de son accident, que les premiers juges ont fait une insuffisante évaluation de ces postes de préjudice.
12. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a refusé l'intervention volontaire de Mme A..., condamné l'Etat à lui verser, d'une part, la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral et, d'autre part, les intérêts au taux légal sur la somme de 15 292,36 euros entre le 23 juin 2016 et le 31 octobre 2017 et rejeté les surplus des conclusions.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : L'intervention de Mme D... épouse A... n'est pas admise.
Article 2 : La requête de M. A... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Mme E... D... épouse A... et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 27 avril 2022, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- Mme Ciréfice, présidente assesseure,
- M. Prieto, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 mai 2022.
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