CAA de DOUAI, 3ème chambre, 25/05/2022, 20DA01896, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision25 mai 2022
Num20DA01896
JuridictionDouai
Formation3ème chambre
PresidentMme Borot
RapporteurM. Marc Lavail Dellaporta
CommissaireM. Cassara
AvocatsBODELLE

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'Etat à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de son accident de service survenu le 1er septembre 2014 et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1811912 du 30 septembre 2020 le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 30 novembre 2020, Mme C... A... épouse B..., représentée par Me Bodelle, demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi résultant des troubles dans ses conditions d'existence du fait de son accident de service survenu le 1er septembre 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- l'accident survenu le 1er septembre 2014 est un accident de service de nature à engager la responsabilité sans faute de l'Etat et ouvrant droit à la réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de cet accident ;
- son accident lui a occasionné un syndrome de stress post traumatique sous la forme d'un syndrome anxiodépressif qui a été reconnu imputable au service ; elle subit des troubles dans ses conditions d'existence ainsi que des séquelles physiques ; ses préjudices doivent être indemnisés à hauteur de 50 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 décembre 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.


Par ordonnance du 25 mars 2022 la date de clôture de l'instruction a été fixée au 11 avril 2022 à 12 heures.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur,
- et les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.







Considérant ce qui suit :

1. Mme C... A... épouse B... est gardien de la paix affectée à la direction départementale de la police aux frontières du depuis le 1er avril 2000. Le 1er septembre 2014, elle a été agressée physiquement par un usager, qui a forcé le passage du contrôle de sécurité et lui a porté des coups de poings au visage, en particulier à l'œil et à la bouche. Par un arrêté du 30 septembre 2014, cet accident a été reconnu imputable au service et, le même jour, Mme A... a été placée en arrêt de travail, renouvelé par période de six mois. Par une décision du 15 octobre 2014, la protection fonctionnelle lui a été accordée. Par un jugement du 12 février 2015, le tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer a jugé l'usager en question coupable de faits de violence n'entraînant pas une incapacité supérieure à huit jours sur une personne dépositaire de l'autorité publique dans l'exercice de ses fonctions et a ordonné la désignation d'un médecin-expert. Par un jugement du 25 mai 2018, le tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer a condamné l'auteur des faits à verser une somme à Mme A... à titre de dommages-intérêts. Par un courrier du 21 décembre 2018, Mme A... a adressé au préfet de la zone de défense et de sécurité Nord une demande indemnitaire. Par un jugement du 30 septembre 2020 le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande de condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice moral et de troubles dans ses conditions d'existence du fait de cet accident de service. Mme A... relève appel de ce jugement.

2. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité. Compte tenu des conditions posées à leur octroi et de leur mode de calcul, la rente viagère d'invalidité et l'allocation temporaire d'invalidité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions qui instituent ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait.

3. Par un arrêté du 30 septembre 2014, l'accident de service survenu le 1er septembre 2014, dont Mme A... a été victime, a été reconnu imputable au service. Mme A... recherche la responsabilité sans faute de l'Etat afin d'obtenir réparation de préjudices personnels consistant en un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence. Par ailleurs, par le jugement du 25 mai 2018 du tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer mentionné au point 1, Mme A... a obtenu une indemnisation de 300 euros pour le préjudice esthétique temporaire, une indemnisation de 695 euros pour le préjudice fonctionnel temporaire, une indemnisation de 2 250 euros pour les souffrances endurées, une indemnisation de 2 540 euros pour le déficit fonctionnel permanent, une indemnisation de 750 euros pour le préjudice esthétique définitif et une indemnisation de 395,28 euros pour des frais divers soit la somme totale de 6 620,28 euros, pour des préjudices différents de ceux dont elle demande désormais la réparation.

4. Il résulte de l'instruction que depuis l'accident du travail dont elle a été victime Mme A... subit un stress post traumatique, reconnu par son psychiatre, qui se traduit par une vie " sans perspective " et recluse, la conduisant à mettre de côté sa vie privée et familiale. Ainsi, elle justifie d'un préjudice moral et de troubles dans ses conditions d'existence dont la réparation peut être évaluée à la somme de 1 000 euros.

5. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Sur les frais de l'instance :

6. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens.



DÉCIDE :


Article 1er : Le jugement n° 1811912 du 30 septembre 2020 du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à Mme A... une somme de 1 000 euros.
Article 3 : L'Etat versera à Mme A... une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.




Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... E... B..., au ministre de l'intérieur et à la Mutuelle Interiale.

Délibéré après l'audience publique du 12 mai 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 mai 2022.
Le président-rapporteur,
Signé : M. D...
La présidente de chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
C. Huls-Carlier

2
N° 20DA01896