CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 07/06/2022, 21TL02080, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 26 août 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de sa pension d'invalidité et d'ordonner une expertise médicale.
Par un jugement n° 1905798 du 16 avril 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 27 mai 2021 et le 8 novembre 2021 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n°21MA02080, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n°21TL02080, et un mémoire en réplique enregistré le 9 mars 2022, M. B..., représenté par Me Efang, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 16 avril 2021 ;
2°) d'annuler la décision du 26 août 2019 de la ministre des armées ;
3°) d'ordonner une nouvelle expertise médicale ;
4°) de statuer sur les dépens.
Il soutient que :
- l'expertise a été rendue seize mois après sa demande de révision de sa pension d'invalidité ; le temps ainsi écoulé lui permettait de se faire suivre médicalement ;
- aucun des praticiens consultés n'a attribué les douleurs aigües ressenties à son âge avancé ;
- le pincement en L5-S1 ainsi que le basculement du bassin de 18 mm caractérisent l'aggravation de son infirmité justifiant la révision de sa pension d'invalidité ;
- il a bien été victime d'un accident de service dû à une chute en juillet 1962.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 janvier 2022, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 27 décembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 27 mars 2022.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 septembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 97-641 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure,
- et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., né le 4 janvier 1936, qui a servi dans l'armée de terre du 25 mars 1954 au 24 mars 1981, a été victime d'un accident de service le 29 juin 1962 lors de la guerre d'Algérie. Il a bénéficié d'une pension militaire d'invalidité révisée à compter du 18 février 2008, au taux global de 60%, au titre de l'infirmité " Lombosciatalgies chroniques gauches de type L5. Arthrodèse L4-L5 le 18 octobre 2005. Périmètre de marche limité à 500 mètres. Algies de la face antéro-externe du pied. Déficit des releveurs du pied gauche : 40% ", et au titre de l'infirmité " Troubles colitiques avec hémorroïdes, troubles du transit avec ballonnements et douleurs abdominales ; fréquentes poussées congestives hémorroïdaires avec diarrhée, hémorroïdectomie partielle : 25% + 5 ". Le 6 octobre 2017, il a sollicité la révision de sa pension pour aggravation de l'infirmité principale. La ministre des armées a, par décision du 26 août 2019, rejeté sa demande au motif qu'aucune aggravation n'a été constatée après expertise médicale. Par jugement du 16 avril 2021 dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / (...). " Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / (...) / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée " Selon l'article L. 121-5 : " La pension est concédée : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / (...). " Enfin, l'article L. 154-1 du même code, alors en vigueur, dispose : " le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. Cette demande est recevable sans condition de délai. La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ". Il résulte de ces dispositions que le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. Ainsi l'aggravation de l'infirmité initiale, si elle est seulement due au vieillissement, peut justifier une révision du taux de la pension. En revanche, si le vieillissement cause une nouvelle infirmité, distincte de l'infirmité pensionnée, qui contribue à l'aggravation de celle-ci, les dispositions précitées de l'article L. 154-1 font obstacle à cette révision, dès lors que l'aggravation est due à une cause étrangère à l'infirmité pensionnée.
3. En premier lieu, la circonstance que l'expertise a été rendue seize mois après le dépôt de la demande de révision présentée par M. B... est dépourvue d'incidence sur la régularité de la procédure suivie, dès lors qu'aucune disposition alors applicable du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ne prescrit le délai dans lequel celle-ci doit être diligentée par la ministre des armées.
4. En second lieu, M. B..., dont l'infirmité principale résulte des conséquences d'une chute dont il a été victime le 29 juin 1962 pendant la guerre d'Algérie, soutient que le pincement en L5-S1 ainsi que le basculement du bassin de 18 mm au lieu de 12 mm constaté le 30 août 2006, caractérisent l'aggravation de son infirmité justifiant la révision de sa pension d'invalidité. Toutefois, il résulte de l'instruction que l'expert a relevé l'absence de modification notable du tableau radio-clinique à l'issue d'un examen clinique et radiographique particulièrement complet, ce que ne viennent pas infirmer les pièces médicales produites qui ont été examinées par l'expert. Si l'appelant fait état de douleurs insoutenables, celles-ci ne viennent pas caractériser par elles-mêmes une aggravation de l'infirmité au sens des dispositions prévues à l'article L. 154-1 du code précité, ainsi que l'a relevé la commission de réforme dans son avis conforme rendu le 21 août 2019 précisant que les douleurs ne sont pas prises en compte dans le barème d'indemnisation sur le plan des séquelles fonctionnelles. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que l'aggravation de l'infirmité principale dont est atteint M. B... serait supérieure de 10 points au pourcentage antérieur qui lui a été concédé.
5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il y ait lieu d'ordonner une expertise médicale qui ne présente pas de caractère d'utilité, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Ses conclusions demandant de statuer sur les dépens doivent dès lors en tout état de cause être également rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 24 mai 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Blin, présidente assesseure,
Mme Arquié, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juin 2022.
La rapporteure,
A. Blin
La présidente,
A. Geslan-Demaret La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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