CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 21/06/2022, 21TL22483, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... G... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 18 avril 2019 par laquelle le centre hospitalier Saint-Louis d'Ax-les-Thermes a refusé de faire droit à sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle, d'enjoindre au centre hospitalier de régulariser sa situation en la plaçant en position de maladie imputable au service et de reconstituer sa carrière en la rétablissant dans l'ensemble de ses droits à compter du 9 mars 2017 jusqu'à sa reprise du service ou son départ à la retraite, de condamner le centre hospitalier à l'indemniser à hauteur de 1 500 euros de son préjudice moral et de mettre à la charge du centre hospitalier d'Ax-les-Thermes une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle a également demandé au tribunal d'annuler la décision du 18 mai 2020 du centre hospitalier Saint-Louis d'Ax-les-Thermes en tant qu'elle refuse de faire droit à sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle, d'enjoindre au centre hospitalier de régulariser sa situation statuaire en requalifiant l'ensemble de ses congés de maladie ordinaire en invalidité temporaire imputable au service et de la rétablir dans l'ensemble de ses droits à traitement à compter du 1er septembre 2016 jusqu'à son reclassement ou sa mise à la retraite et de mettre à la charge du centre hospitalier d'Ax-les-Thermes une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n°1902544-2003191 du 29 avril 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 juin 2021, au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux sous le n°21BX02483, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL22483 et deux mémoires enregistrés au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse les 2 et 16 mars 2022, ce dernier n'ayant pas été communiqué, Mme G..., représentée par la SCP Goguyer Lalande et Degioanni, agissant par Me Degioanni, demande à la cour :
1°) d'infirmer le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 29 avril 2021 ;
2°) d'annuler les décisions du 18 avril 2019 et 18 mai 2020 par lesquelles le centre hospitalier Saint-Louis d'Ax-les-Thermes a refusé de faire droit à sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle ;
3°) d'enjoindre au centre hospitalier de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie, de requalifier ses congés de maladie ordinaire en invalidité temporaire imputable au service et de rétablir sa carrière et ses droits à traitement à compter du 1er septembre 2016 jusqu'à son reclassement ou sa mise à la retraite ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête en appel est recevable comme ses recours en annulation ;
- les décisions contestées sont entachées d'une insuffisance de motivation ;
- sa pathologie est une maladie à caractère professionnel imputable au service, ainsi que le montrent les pièces et avis médicaux produits, il existe un lien direct entre l'affection lombaire et les fonctions occupées au sein du centre hospitalier, aucune circonstance particulière ne permet de regarder cette pathologie comme détachable du service, le tribunal a ajouté une condition d'exclusivité non prévue par les règles régissant l'imputabilité et il devait prendre en considération le fait qu'elle était médicalement apte à la reprise en février 2016, sa maladie est apparue dans une période où elle était depuis plusieurs mois au service exclusif du centre hospitalier.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2021, et un mémoire, enregistré le 4 avril 2022, qui n'a pas été communiqué, le centre hospitalier d'Ax-les-Thermes, représenté par Me Contis, conclut à titre principal au rejet de la requête comme irrecevable, à titre subsidiaire, à la confirmation du jugement entrepris, à ce que les dépens ainsi qu'une somme de 3 000 euros soient mis à la charge de Mme G... en application des dispositions des articles R. 761-1 et L.761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir à titre principal que les requêtes d'appel et de première instance sont irrecevables, subsidiairement, que le jugement attaqué ne peut qu'être confirmé.
Par une ordonnance du 4 mars 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 6 avril 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n°86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- les observations de Me Guy-Favier, représentant Mme G... et les observations de Me Marion, substituant Me Contis, représentant le centre hospitalier d'Ax-les-Thermes.
Considérant ce qui suit :
1. Mme G..., qui exerce des fonctions d'aide-soignante depuis octobre 1992, a été recrutée en cette qualité par le centre hospitalier d'Ax-les-Thermes à compter du 1er décembre 2008. Placée en congé de maladie du 1er septembre 2016 au 17 juillet 2017 puis en disponibilité d'office à compter du 1er septembre 2017, elle a demandé, le 9 mars 2017, à ce que sa pathologie consistant en une lombosciatique et une discopathie importante soit reconnue comme une maladie professionnelle. S'appuyant sur l'existence d'avis médicaux divergents des commissions compétentes, le directeur par intérim puis le directeur du centre hospitalier ont refusé, par des décisions du 18 avril 2019 et du 18 mai 2020, de reconnaître la maladie de Mme G... comme imputable au service. Par un jugement du 29 avril 2021, dont Mme G... relève appel, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses requêtes à fin d'annulation des décisions des 18 avril 2019 et 18 mai 2020 en tant que cette dernière porte refus de faire droit à la demande de reconnaissance de maladie professionnelle.
Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête par le centre hospitalier :
2. Aux termes des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, applicables à l'introduction de l'instance d'appel en vertu des dispositions de l'article R. 811-13 du même code : " La requête (...) contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. ". En vertu de ces dispositions, la requête doit, à peine d'irrecevabilité, contenir l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge.
3. Le centre hospitalier d'Ax-les-Thermes fait valoir que la requête d'appel de Mme G... se borne à reproduire intégralement et exclusivement la motivation développée en première instance sans présenter de moyen propre en appel. Toutefois, Mme G... a présenté un mémoire d'appel, qui ne constitue pas la seule reproduction littérale de ses écritures de première instance et qui comporte une critique du jugement attaqué. Une telle motivation répond aux exigences résultant des dispositions précitées. Il s'ensuit que la fin de non-recevoir opposée à la requête par le centre hospitalier ne saurait être accueillie.
Sur les fins de non-recevoir opposées aux demandes de première instance par le centre hospitalier :
4. En premier lieu, contrairement à ce que fait valoir le centre hospitalier, la requête de première instance de Mme G... enregistrée le 13 mai 2019 sous le n°1902544, dirigée à l'encontre de la décision du 18 avril 2019 refusant de faire droit à sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle, doit être regardée comme contenant l'exposé d'un moyen de légalité interne tiré de ce que Mme G..., qui s'est appropriée l'avis de la commission de réforme, présente une pathologie imputable au service. Par suite, la fin de non-recevoir opposée en défense tirée de ce que la requête ne comportait aucun moyen ne saurait être accueillie.
5. En second lieu, la décision du directeur du centre hospitalier du 18 mai 2020 en tant qu'elle refuse de faire droit à la demande de reconnaissance de maladie professionnelle, qui fait référence aux avis de la commission de réforme du 4 mars 2020 et du comité médical du 15 avril 2020 et s'appuie ainsi sur des circonstances de fait nouvelles, n'est pas une décision confirmative de celle du directeur par intérim du 18 avril 2019 qui visait seulement l'avis de la commission de réforme du 27 février 2019. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier et tirée du caractère confirmatif de la décision en litige ne saurait être accueillie.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
6. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite (...), le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. (...) ".
7. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.
8. Pour refuser de reconnaître la maladie de Mme G... comme imputable au service, le centre hospitalier d'Ax-les-Thermes s'est fondé sur la divergence des avis médicaux des commissions compétentes. Il ressort des pièces du dossier que le rapport d'expertise du 7 juillet 2017 du docteur C... [GA1]conclut que le tableau clinique présenté par Mme G... ne répond pas aux critères décrits dans le tableau n°98 des maladies professionnelles du régime général. Une deuxième expertise a alors été réalisée par le docteur A..., le 15 novembre 2017, qui conclut que la pathologie de Mme G... ne relevait pas du tableau n°98 des maladies professionnelles, ni même d'une maladie en relation directe et certaine avec ses activités professionnelles. Toutefois, à la demande du centre hospitalier, une troisième expertise a été conduite par le docteur F... qui a examiné l'intéressée le 17 octobre 2018 et a conclu que sa pathologie, si elle ne correspond pas à celle inscrite au tableau n°98, relève des affections à caractère professionnel imputables au service, en se fondant sur la considération que Mme G... exerce une profession exposée aux pathologies lombaires du fait de manutentions répétées de patients dépendants. Ce rapport d'expertise précise que l'activité professionnelle représente une des origines de l'atteinte dégénérative dont souffre Mme G... qui a également une part génotypique. Se rangeant aux conclusions de ce dernier rapport d'expertise ainsi qu'à l'avis antérieur favorable du médecin de prévention du 25 avril 2017, la commission de réforme, par un avis du 5 décembre 2018, a estimé que la pathologie de l'agent correspondait à une maladie à caractère professionnel imputable au service. Si le centre hospitalier met en cause l'impartialité du docteur F... parce qu'il avait refusé, en octobre 2017, de procéder à une expertise de Mme G... au motif qu'elle était alors suivie par son associé, aucune pièce du dossier n'établit que ce suivi perdurait un an plus tard. En outre, il ressort des pièces du dossier que le docteur F... n'a pas eu communication des précédents rapports d'expertise, et notamment de celui du docteur C... mentionnant des comptes rendus de son associé et que son rapport ne s'appuie sur aucune pièce ou élément médical dont son associé serait l'auteur. Une quatrième expertise, cette fois réalisée par le docteur B..., le 9 septembre 2019, a également confirmé en tous points l'analyse du docteur F..., en concluant de nouveau que la pathologie de Mme G... entre dans le cadre des affections à caractère professionnel et qu'elle est ainsi imputable au service. La commission de réforme, par son avis du 4 mars 2020, a fixé au 8 septembre 2016 la date de première déclaration de la maladie imputable au service. Les circonstances que le rapport d'expertise du docteur F... mentionne que Mme G... est aide-soignante au centre hospitalier Saint-Louis d'Ax-les-Thermes depuis 10 ans sans préciser ses périodes non travaillées depuis son recrutement ou que le rapport du docteur B... comporte une erreur sur la date de reprise de l'aide-soignante à l'issue de son congé de longue durée, ne sont pas de nature à remettre en cause les conclusions de ces experts. Si le centre hospitalier fait valoir que la carrière de Mme G... depuis son recrutement a été entrecoupée de nombreuses périodes non travaillées, le rapport du docteur B... a pris en considération les périodes de placement de Mme G... en congés de longue maladie, temps partiel thérapeutique, congé sans solde et congé de longue durée. Le centre hospitalier fait encore valoir que la pathologie de l'agent est apparue entre 2013 et 2016, sur une période où, placée en congé de longue durée, elle travaillait pour le compte d'autres employeurs. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport du docteur C..., que Mme G... n'a présenté sa lombocruralgie qu'à compter du mois d'août 2016, soit à une période où elle était de nouveau, depuis quelques mois, en service au centre hospitalier. Enfin, la préexistence d'un état antérieur ne suffit pas à exclure la prise en charge de la pathologie par le service. Dans ces conditions et contrairement à ce que fait valoir le centre hospitalier, la pathologie lombaire contractée par Mme G..., qui présente un lien direct avec l'exercice de ses fonctions, doit être regardée comme imputable au service dès lors qu'aucun fait personnel ou circonstance particulière ne conduisent à détacher sa survenance du service.
9. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen soulevé, Mme G... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes d'annulation. Par voie de conséquence, elle est fondée à demander l'annulation de ce jugement ainsi que de la décision du 18 avril 2019 et de celle du 18 mai 2020 en tant qu'elle refuse de faire droit à sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Eu égard au motif de l'annulation qu'il prononce, le présent arrêt implique qu'il soit enjoint au directeur du centre hospitalier d'Ax-les-Thermes de prendre un arrêté reconnaissant l'imputabilité au service de la maladie de Mme G... et de reconstituer sa carrière, ainsi que ses droits à rémunération, dans la mesure rendue nécessaire par l'attribution rétroactive de ses congés pour maladie imputable au service, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme G..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par le centre hospitalier d'Ax-les-Thermes. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier le versement à Mme G... d'une somme de 1 200 euros en application de ces mêmes dispositions. Par ailleurs, en l'absence de dépens au sens des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative dans la présente instance, les conclusions présentées à ce titre par le centre hospitalier d'Ax-les-Thermes doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n°1902544-2003191 du tribunal administratif de Toulouse du 29 avril 2021, et la décision du directeur du centre hospitalier d'Ax-les-Thermes du 18 avril 2019, ensemble la décision du 18 mai 2020 en tant qu'elle refuse de faire droit à la demande de Mme G... de reconnaissance de maladie professionnelle, sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au directeur du centre hospitalier d'Ax-les-Thermes de prendre un arrêté reconnaissant l'imputabilité au service de la maladie de Mme G... et de reconstituer sa carrière, ainsi que ses droits à rémunération, dans la mesure rendue nécessaire par l'attribution rétroactive de ses congés pour maladie imputable au service, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le centre hospitalier d'Ax-les-Thermes versera à Mme G... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions du centre hospitalier d'Ax-les-Thermes présentées au titre des articles R. 761-1 et L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... G... et au centre hospitalier d'Ax-les-Thermes.
Délibéré après l'audience du 7 juin 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Blin, présidente assesseure,
M. Teulière, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juin 2022.
Le rapporteur,
T. Teulière
La présidente,
A. Geslan-Demaret
La greffière,
M. M. E...
La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de la prévention, en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
[GA1]anonymiser tous les médecins
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N° 21TL22483