CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 05/07/2022, 21MA00422, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... a demandé au tribunal des pensions militaires de Haute-Corse, qui a transmis cette demande au tribunal administratif de Bastia, d'annuler la décision en date du
7 décembre 2016 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande de révision de pension militaire d'invalidité pour aggravation des infirmités dénommées " pleurésie avec retentissement cardiaque " et " cardiopathie ischémique ".
Par un jugement n° 1901458 du 1er décembre 2020, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 janvier et 24 juin 2021, M. D..., représenté par Me Luca, demande à la Cour :
1°) à titre principal, d'homologuer le rapport d'expertise judiciaire du 22 février 2019 ;
2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 1er décembre 2020 ;
3°) d'annuler la décision du ministre de la défense du 7 décembre 2016 refusant de faire droit à sa demande de révision de pension pour aggravation de l'infirmité dite " cardiopathie ischémique " ;
4°) de faire droit à sa demande de révision de pension pour aggravation de cette infirmité au taux de 10 % supplémentaire, portant le taux d'invalidité dû à ce titre à 25 % ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens et la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
6°) subsidiairement, de saisir l'expert judiciaire désigné par jugement avant dire droit du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Haute-Corse, afin de déterminer s'il a rendu son rapport en prenant pour date de référence celle de la demande de révision ou celle de l'examen médical du requérant.
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, l'expert judiciaire, conformément aux prescriptions du jugement avant dire droit, ainsi qu'aux dispositions de l'article L. 6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, s'est placé à la date de la demande de révision, et non à celle des opérations d'expertise, pour rendre son rapport concluant à l'aggravation de la cardiopathie ischémique ;
- en cas de doute sur ce point, il reviendrait à la Cour de saisir l'expert judiciaire ;
- son infirmité de cardiopathie ischémique s'est notablement aggravée, comme l'ont constaté le rapport médical du 18 août 2015 et le rapport d'expertise judiciaire, et le taux d'invalidité correspondant doit être porté à 25 % ;
- il renonce à solliciter la révision de sa pension pour apparition d'une infirmité nouvelle, dite broncho-pneumopathie chronique obstructive non tabagique légère, qui est distincte de la pleurésie mais en relation médicale directe et certaine avec elle.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 25 mai et 30 juillet 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête, en soutenant que les moyens qui y sont présentés ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 17 mai 2022 la clôture d'instruction a été fixée au 2 juin 2022,
à 12 heures.
Par une décision du 23 avril 2021, M. D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... est titulaire d'une pension militaire d'invalidité au taux d'invalidité global de 85%, notamment au titre des infirmités liées, d'une part, à une pleurésie avec retentissement cardiaque, et d'autre part, à une cardiopathie ischémique, auxquelles sont attachés respectivement les taux d'invalidité de 60 % et de 15 %. Le 5 mars 2015, il a demandé la révision de sa pension pour aggravation de ces infirmités. Mais le 7 décembre 2016, après avis de la commission consultative médicale du 3 août 2016 et de la commission de réforme du
29 novembre 2016, le ministre de la défense a rejeté sa demande. Par jugement du
1er décembre 2020, dont M. D... relève appel, le tribunal administratif de Bastia, auquel a été transmise l'affaire par le tribunal des pensions militaires de Haute-Corse, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et à la révision de sa pension militaire d'invalidité.
Sur l'étendue du litige :
2. Au soutien de sa requête d'appel, M. D... déclare renoncer " à sa demande relative au titre de la pathologie relative à l'aggravation des séquelles de pleurésie droite avec retentissement cardiaque ". Il doit être ainsi regardé comme se désistant de ses conclusions, présentées en première instance, et tendant non seulement à l'annulation de la décision du ministre de la défense du 7 décembre 2016 refusant de réviser sa pension militaire d'invalidité pour aggravation des séquelles de pleurésie droite avec retentissement cardiaque, mais encore à la révision de sa pension dans cette mesure. Ce désistement est pur et simple et il n'existe aucun obstacle à ce qu'il en soit donné acte.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité, dans sa rédaction en vigueur au jour de la demande de révision de pension présentée par M. D... : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée ". Par ailleurs, en vertu de l'article L. 6 du même code, les juridictions de pensions doivent rechercher quel est le degré d'invalidité à la date de la demande et ne peuvent tenir compte d'aggravations survenues après cette date.
4. En premier lieu, par jugement avant dire droit du 2 juillet 2018, le tribunal des pensions militaires de Haute-Corse a désigné un expert aux fins, notamment, d'évaluer s'il y a lieu le taux d'aggravation de l'infirmité " cardiopathie ischémique ", en précisant que l'expert devrait se placer, pour ce faire, au jour de la demande de révision, le 5 mars 2015. Cependant, pour conclure, dans son rapport du 3 février 2019, qu'il existe une aggravation de cette infirmité, et pour qualifier celle-ci de significative et l'évaluer suivant le taux de 10%, l'expert judiciaire s'est fondé non seulement sur un examen médical du demandeur réalisé les 7 novembre 2018 et 31 janvier 2019, dont il a recueilli au préalable les doléances, mais encore sur les résultats d'une échographie cardiaque et d'un scanner, pratiqués à sa demande, les 22 et 29 novembre 2018, en fonction de l'état de santé du requérant au jour de leur réalisation. Il ressort en outre des énonciations de son rapport que les comparaisons de documents médicaux auxquelles l'expert s'est livré, lorsqu'elles sont temporellement situées, portent sur des éléments contemporains du rapport ou datant de 2015. Ainsi, dès lors que, par l'ambiguïté et l'imprécision de ses termes et les conditions d'établissement de ses annexes, le rapport d'expertise judiciaire, qui du reste ne fait pas apparaître d'aggravation de la gêne fonctionnelle correspondant à la cardiopathie ischémique de M. D..., ne peut être considéré comme ayant été rendu en tenant compte de l'état de santé de ce dernier à la date de sa demande de révision de pension, le 5 mars 2015, il y a lieu pour la Cour de ne pas prendre en considération ce rapport pour statuer sur les droits à révision de pension de l'intéressé.
5. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, et plus particulièrement du rapprochement des rapports du médecin expert rendus les 20 février 2014 et 18 août 2015, dont les contenus, les dates et conditions d'élaboration permettent d'apprécier l'état de santé de
M. D... à la date de sa demande de révision, qu'au jour de cette demande, une légère aggravation de la cardiopathie ischémique dont il souffre a pu être constatée, caractérisée par une augmentation de la tension artérielle et du rythme sinusal, une baisse de la fraction d'éjection, une aggravation des troubles diffus de repolarisation, une modification de l'axe électrique du cœur, ainsi que par l'apparition d'une très légère fuite mitrale. Si le certificat établi par un pneumologue le 17 février 2015 au soutien de la demande de révision de M. D... indique que son état cardio-respiratoire s'est nettement dégradé, ni ce document, ni aucun autre élément de l'instruction, qui font tous état, à la date de la demande comme avant son introduction, d'une dyspnée, de palpitations, et de quelques douleurs rétrosternales sans notion nette d'effort, ne démontrent une aggravation significative de la gêne fonctionnelle associée à la cardiopathie ischémique dont il est atteint, ni l'apparition d'une nouvelle gêne fonctionnelle qui y serait liée, ainsi que le relève d'ailleurs le médecin conseiller technique de l'administration dans son avis du 2 avril 2019. Par conséquent, il ne résulte pas de l'instruction que l'aggravation de l'infirmité cardiaque de M. D... justifierait l'allocation d'un taux supérieur au taux de 5% retenu par l'administration pour rejeter sa demande de révision de pension, un tel taux étant inférieur au taux de 10 % susceptible d'ouvrir droit à révision de pension.
6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'instruction, que M. D... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement querellé, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision ministérielle refusant de réviser sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de sa cardiopathie ischémique et à la révision de cette pension.
Sur les dépens et les frais liés au litige :
7. Aux termes de l'article L. 711-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Les recours contentieux contre les décisions individuelles prises en application du livre Ier et des titres Ier à III du livre II sont introduits, instruits et jugés conformément aux dispositions du code de justice administrative, sous réserve du présent chapitre. ". L'article R. 761-1 du code de justice administrative dispose quant à lui que : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'État. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. (...) ".
8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à la charge de l'Etat les frais et honoraires de l'expertise ordonnée avant dire droit par jugement du tribunal des pensions militaires de Haute-Corse du 2 juillet 2018, l'intéressé bénéficiant au demeurant, en première instance comme en appel, de l'aide juridictionnelle totale.
9. En revanche, les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par M. D... et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées à ce titre ne peuvent donc qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Il est donné acte du désistement de M. D... de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du ministre de la défense du 7 décembre 2016 refusant de réviser sa pension militaire d'invalidité pour aggravation des séquelles de pleurésie droite avec retentissement cardiaque, et à la révision de sa pension dans cette mesure.
Article 2 : Les frais et honoraires de l'expertise ordonnée avant dire droit par jugement du tribunal des pensions militaires de Haute-Corse du 2 juillet 2018 sont laissés à la charge de l'Etat.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre des armées.
Copie en sera adressée au docteur C..., expert.
Délibéré après l'audience du 21 juin 2022, où siégeaient :
- M. Badie, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Ury, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2022.
N° 21MA004222