CAA de LYON, 7ème chambre, 13/07/2022, 21LY03885

Information de la jurisprudence
Date de décision13 juillet 2022
Num21LY03885
JuridictionLyon
Formation7ème chambre
PresidentM. ARBARETAZ
RapporteurMme Christine DJEBIRI
CommissaireM. CHASSAGNE
AvocatsBERLIOUX

Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 3 juillet 2018 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande d'allocation de pension militaire d'invalidité.

Par jugement n° 1907313 du 18 novembre 2021, le tribunal a rejeté sa demande.


Procédure devant la cour

Par requête, enregistrée le 6 décembre 2021, M. B..., représenté par Me Berlioux, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et la décision susmentionnée ;
2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.




Il soutient que :
- il a été victime civile des deux guerres de Tchétchénie et les pathologies dont il souffre ont été causées par ces actes de guerre et remplit les conditions de l'article L. 113-13 du code des pensions militaires d'invalidité pour obtenir une pension ;
- dès lors que la qualité de réfugié lui a été reconnue, il doit être assimilé dans ses droits à un français en application de l'article 24 de la convention de Genève et de son protocole additionnel, sans que puisse lui être opposée l'antériorité de son infirmité à l'égard de sa qualité ou de sa demande de reconnaissance de la qualité de réfugié.

Par mémoire, enregistré le 1er avril 2022, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 6 avril 2022.

Par ordonnance du 18 mars 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 avril 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 et son protocole additionnel ;
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- la loi n° 86-1020 du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;
- et les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :


1. M. B..., né en 1993 en Russie, est arrivé en France en 2010 et y a obtenu le statut de réfugié. Victime civile d'actes de guerre et de terrorisme au cours des deux conflits de Tchétchénie, de 1994 et 2006, ainsi que de violences policières en 2008, il a demandé l'allocation d'une pension d'invalidité à raison des infirmités subies dans son pays d'origine. M. B... relève appel du jugement du 18 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de la décision du ministre des armées du 3 juillet 2018 lui refusant cette pension.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 113-13 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Les personnes mentionnées à l'article 9 de la loi n° 86-1020 du 9 septembre 1986 (...) ont droit à pension dans les conditions prévues pour les victimes civiles de guerre. Les présentes dispositions sont applicables aux actes de terrorisme commis depuis le 1er janvier 1982 ". Aux termes de l'article 9 de la loi n° 86-1020 : " Les victimes d'actes de terrorisme commis sur le territoire national et les personnes de nationalité française ayant leur résidence habituelle en France, ou résidant habituellement hors de France et régulièrement immatriculées auprès des autorités consulaires, victimes à l'étranger d'un acte de terrorisme, sont indemnisées dans les conditions définies au présent article (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 24 de la convention de Genève susvisée : " 1. Les États contractants accorderont aux réfugiés résidant régulièrement sur leur territoire le même traitement qu'aux nationaux en ce qui concerne les matières suivantes (...) b) La sécurité sociale (les dispositions légales relatives (...) à l'invalidité (...), ainsi qu'à tout autre risque qui, conformément à la législation nationale, est couvert par un système de sécurité sociale) (...) ".

4. En vertu de ces dispositions combinées, un réfugié ayant obtenu ce statut en France et y résidant habituellement est éligible, comme tout ressortissant français, à une pension d'invalidité s'il a été victime d'actes de terrorisme commis à l'étranger et en a gardé des infirmités. Toutefois, le caractère recognitif du statut de réfugié ne confère rétroactivement les droits attachés à ce statut qu'à la date d'arrivée de l'intéressé sur le territoire français. Cet effet recognitif ne saurait, en conséquence, ouvrir de droits au titre d'évènements survenus antérieurement à ladite date.

5. Or, les exactions qui ont provoqué les infirmités dont souffre M. B... ont été perpétrées antérieurement à l'arrivée en France de celui-ci en tant que demandeur d'asile. Il suit de là que l'effet recognitif qui s'attache à sa qualité de réfugié ne couvre pas les conséquences des violences qu'il a subies en 1994, 2006 et 2008. Ainsi, la ministre des armées a pu, sans méconnaître les dispositions citées aux points 2 et 3, lui refuser l'allocation d'une pension.

6. Enfin, le protocole additionnel dont se prévaut M. B... ne fait qu'ouvrir le statut de réfugié aux victimes de traitements inhumains survenus avant le 1er janvier 1957, date d'entrée en vigueur de la convention de Genève. Il est, en revanche, sans incidence sur l'étendue de l'effet recognitif du statut, une fois celui-ci obtenu.

7. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Il suit de là que les conclusions de sa requête tendant aux mêmes fins doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :


Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 23 juin 2022 à laquelle siégeaient :
M. Arbaretaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juillet 2022.
La rapporteure,
C. Djebiri
Le président
Ph. Arbaretaz
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre des armées, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,
La greffière,
N° 21LY03885 2
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